Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 8055
Mon cher et véritable philosophe, il y a d’étranges rencontres. Le réquisitorien [1] arrive à Ferney le même jour que vous, et Palissot arrive à Genève la veille de votre départ. Il y est encore ; on dit qu’il y fait imprimer un bel ouvrage contre la philosophie[2]. Je n’ai eu l’honneur de voir ni l’ouvrage ni l’auteur.
On prétend qu’un jeune philosophe[3], avocat général de Bordeaux, amoureux de la tolérance, de la liberté, et d’Henri IV, a été enlevé par lettre de cachet, et conduit à Pierre-Encise. C’est apparemment pour ces trois délits ; mais Palissot aura probablement une place considérable à son retour à Paris, et Fréron sera fait maître des requêtes.
Si vous pouvez vous arracher de Montpellier, où il y a tant d’esprit et de connaissances ; si vous allez à Aix, comme c’était votre intention, on vous recommandera une affaire auprès de M. Castilhon[4], qui pense comme M. Dupaty, et qui cependant n’habitera point, à ce que j’espère, le château de Pierre-Encise ; il vaudrait pourtant mieux y être que d’avoir fait certain réquisitoire.
J’ai peur que vous ne trouviez le requérant à Montpellier ; vous venez toujours après lui partout où il va.
Persequitur pede Pœna claudo[5].
Bien des respects et des regrets à votre très-aimable compagnon de voyage, autant à M. Duché, à M. Venel, et à quiconque pense. Mme Denis vous fait les plus tendres compliments. Mon cœur est à vous jusqu’au moment où j’irai trouver Damilaville.
- ↑ L’avocat général Seguier ; voyez lettres 8031, 8035, 8037.
- ↑ Il était question d’y imprimer une édition de ses Œuvres ; voyez lettre 8072.
- ↑ M. Dupaty. (K.) — Voyez lettre 7514.
- ↑ Voyez tome XLIV, page 104.
- ↑
Raro antecedentem scelestum
Deseruit pede Pœna claudo.
(Hor., lib. III, od. ii.)