Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 5965

Correspondance : année 1765GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 507-508).

5965. — À M. DAMILAVILLE.
27 mars.

Mon cher frère, vous aurez dans quelque temps la Philosophie de l’Histoire, et vous y verrez des choses qui sont aussi vraies que peu connues. Cet ouvrage est d’un abbé Bazin, qui respecte la religion comme il le doit, mais qui ne respecte point du tout l’erreur, l’ignorance, et le fanatisme.

Quand vous lirez cet ouvrage, vous serez étonné de l’excès de bêtise de nos histoires anciennes, à commencer par celle de Rollin. On dit que le livre est dédié à l’impératrice de Russie par le neveu de l’auteur. J’aurais bien voulu connaître l’oncle : il me paraît qu’il enfonce le poignard avec le plus profond respect. On peut le brûler pour tout ce qu’il laisse entendre ; mais, à mon avis, on ne peut le condamner pour ce qu’il dit.

Le Mémoire de Sirven[1] que vous devez avoir reçu, n’est point à la vérité signé de lui, mais il est écrit de sa main. Il n’y a qu’à envoyer la dernière page, qui est numérotée ; je la lui ferai signer à Gex par-devant notaire. Nous verrons s’il y a lieu de demander l’attribution d’un nouveau tribunal. La sentence par contumace qui condamne toute la famille a été confirmée par le parlement de Toulouse. Il est à présumer que si cette pauvre famille va purger la contumace à Toulouse, elle sera rouée, ou brûlée, ou pendue par provision, sauf à tâcher de les faire réhabiliter au bout de trois années.

Je crois qu’il serait bon que vous eussiez la bonté de faire parvenir ma Lettre[2] sur les Calas et les Sirven, à M. Rousseau, directeur du Journal encyclopédique, à Bouillon. Ce Rousseau-là n’est pas comme celui de la montagne. Faites-m’en parvenir aussi, je vous supplie, quelques exemplaires.

Hélas ! mon cher frère, ces petites grenades qu’on jette à la tête du monstre le font reculer pour un moment ; mais sa rage en augmente, et il revient sur nous avec plus de furie. Les honnêtes gens nous plaignent quand l’hydre nous attaque, mais ils ne nous défendent pas comme Hercule. Ils disent : Pourquoi osent-ils attaquer l’hydre ?

Je viens de lire le Siège de Calais[3]. L’auteur est mon ami. Je suis bien aise du succès inouï de son ouvrage ; c’est au temps à le confirmer.

Voici encore une petite lettre pour {{Mme}= Calas[4].

Est-ce que je n’aurai pas le plaisir de la féliciter de la pension du roi ? Est-ce que la lettre des maîtres des requêtes aurait été inutile ? La reine a bu, dit-on, à sa santé, mais ne lui a point donné de quoi boire.

Gémissons, mon cher ami ; et, en gémissant, écr. l’inf…

  1. Voyez la note 4, page 489.
  2. Celle du 1er mars à Damilaville, n° 5929.
  3. Voyez la lettre du 6 mars, n° 5935.
  4. Elle est perdue.