Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 5966
Vous en avez usé avec moi, monsieur, comme une jeune coquette qui se pare de tous ses charmes pour séduire un pauvre vieillard à qui elle donne des désirs inutiles. Vous m’avez cajolé, vous m’avez envoyé de jolis vers ; mais je répondrai à votre muse agaçante :
Ne me rendront pas mon printemps.
Quand on a parcouru dix-huit olympiades,
L’esprit et son étui sont minés par les ans ;
On ne fait plus de vers galants,
Ou, si l’on en veut faire, ils sont ou durs ou fades.
Des neuf savantes sœurs j’ai force rebuffades ;
Du cheval ailé, des ruades ;
Et des sourires méprisants
Des belles dames à passades.
Condé même, Condé, qui, par tant d’estocades.
Égala, jeune encor, les héros du vieux temps,
Et qui dans l’art de vaincre a peu de camarades,
Exciterait en vain mes efforts languissants.
Irai-je répéter, dans de froides tirades,
Ce qu’on a dit cent fois des illustres parents
Dont la gloire avec lui faisait des accolades
Aux campagnes des Allemands ?
Qu’il soit chanté par vous, par tous vos jeunes gens,
Et non pas par de vieux malades.