Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 5943
Frère Gabriel, mon cher destructeur, obéit ponctuellement à vos ordres ; la Destruction sera magnifiquement reliée, et envoyée à sa destination. Mme Denis a dévoré ce petit livre, qui contient deux cent trente-cind pages, le seul de tous les livres qui restera sur ce procès, qui a produit tant de volumes. Je vous réponds que, quand il sera arrivé à Paris, il sera enlevé en quatre jours. Je suis fâché que vous ayez oublié que notre ami Fréron a été jésuite, et que même il a eu l’honneur d’être chassé de la Société ; cela aurait pu vous fournir quelque douce et honnête plaisanterie.
Je voudrais bien savoir qu’est devenu le petit jésuite derrière lequel marchait Lefranc de Pompignan à la procession de son village. Est-il vrai que le jésuite qui avait enfondré le cul[1] du prince de Guémenée est mort ? Ne s’appelait-il pas Marsy ? On dit que d’ailleurs c’était un garçon de mérite[2].
Dieu vous maintienne, mon cher destructeur, dans la noble résolution où vous êtes de faire main basse sur les fanatiques, en faisant patte de velours ! Vous serez cher à tous les gens de bien. Écr. l’inf…
- ↑ Les choses n’allèrent pas tout à fait si loin. « Mon ami, dit la princesse à son fils, quelles étrennes faut-il donner à votre préfet ? — Maman, il faut lui donner un pot-de-chambre. — Que voulez-vous dire ? — Maman, c’est, qu’il me pisse sur le dos, et je n’aime point ça. »
Marsy fut chassé des jésuites, et Fréron, son ami intime, sortit avec lui, (Note posthume de Condorcet.)
- ↑ Voyez le Dictionnaire philosophique, au mot Jésuite, tome XIX, page 500 ; et XXVI, 377. Fr.-M. de Marsy, né en 1714, était mort en décembre 1763.