Correspondance de Voltaire/1761/Lettre 4454

Correspondance : année 1761
Garnier (Œuvres complètes de Voltaire, tome 41p. 197-198).

4454. — À M. DAMILAVILLE.
6 Février.

J’abuse un peu, monsieur, des bontés de l’aimable correspondant que Dieu m’a donné : voici encore un exemplaire de la lettre al signor Albergati[1], avec la jolie estampe de Gravelot,

Voici à présent tous mes besoins, que j’expose à votre charité.

Je voudrais que M. de Saint-Foix pût voir la lettre à M. Albergati ; c’est une petite amende honorable qu’on lui doit. Je voudrais que la petite vengeance honnête que j’ai prise de l’outrecuidant auteur de l’Excellence italienne[2] fût publique, et que copie collationnée fût envoyée aux intéressés dudit mémoire. Je voudrais que M. Thieriot n’atténuât point les témoignages d’estime que je dois à M. Le Brun[3] ; et que M. Le Brun fît punir Martin Fréron, non pas d’avoir trouvé son ode mauvaise, mais d’avoir outragé personnellement M. Corneille, sa fille, et Mme Denis, qui daigne lui donner l’éducation la plus respectable.

Il me semble que tous les honnêtes gens devraient se liguer pour obtenir le châtiment de Martin : car enfin, monsieur, quelle famille sera en sûreté s’il est permis à un folliculaire d’entrer dans le secret des familles, de dire qu’une fille de condition sort du couvent pour être élevée par un bateleur, d’insulter au malheur de son père, de dire qu’il vit d’un emploi de cinquante francs par mois[4] ? Si l’on abandonne ainsi l’honneur des familles à l’insolence d’un gazetier, il faudra se faire justice soi-même.

Je prie M. Thieriot de vouloir bien m’envoyer les recueils I, L[5] : je sais bien que ces petits recueils ne sont qu’un artifice d’éditeur pour attraper de l’argent, et qu’il est même fort impertinent de vendre en détail, en des in-12, ce qui se trouve dans des in-folio, mais puisque j’ai H, il faut bien avoir I.

J’ai lu le roman de Rousseau, mais j’attends avec une impatience extrême celui de La Popelinière[6].

Mille tendres amitiés à tous les frères ; je les prie de s’unir toujours à moi dans l’amour de Dieu et du roi, et dans la haine des hypocrites et des fanatiques.

  1. Celle du 23 décembre 1760. n° 4387.
  2. Deodati de Tovazzi. Voyez la lettre 4432.
  3. Voyez le troisième alinéa de la lettre 4449.
  4. Voyez une note de la lettre n° 4320.
  5. La suite du Recueil A, B, C, D, etc. ; voyez la lettre 4420.
  6. Voyez lettre 4462.