Correspondance de Voltaire/1761/Lettre 4453

Correspondance : année 1761
Garnier (Œuvres complètes de Voltaire, tome 41p. 196-197).

4453. — À M. LE BRUN.
À Ferney, 6 février.

Mon cher correspondant saura que le lieutenant de police envoya ordre à ce nommé Fréron, il y a un mois, de venir chez lui, et qu’il lui lava sa tête d’âne, au sujet de Mlle Corneille. C’est à Mme Sauvigny[1] que nous en avons l’obligation ; je croyais que M. Le Brun en était instruit.

J’attends l’Ane littéraire[2] avec bien de l’impatience.

Les Anecdotes[3] sur Fréron sont du sieur La Harpe, jadis son associé, et friponné par lui. Thieriot m’a envoyé ces Anecdotes écrites de la main de La Harpe.

Voici quelques exemplaires qui me restent. On m’assure que tous les faits sont vrais.

Le d’Arnaud[4] dont vous me parlez, monsieur, a été nourri et pensionné par moi, à Paris, pendant trois ans. C’était l’abbé Moussinot, chanoine de Saint-Merry, qui payait la rente-pension que je lui faisais. Je le fis aller à la cour du roi de Prusse ; dès lors il devint ingrat : cela est dans la règle.

Je suis fâché que l’avocat[5] de Mlle Clairon ait fait un plat livre, plus fâché qu’on l’ait brûlé, et plus fâché encore que notre siècle soit si ridicule.

Mille tendres amitiés.


Voltaire.

  1. Mme Berthier de Sauvigny, femme de l’intendant de Paris, sœur de Durey de Morsan. Voltaire fut en correspondance avec elle.
  2. L’Ane littéraire, ou les Aneries de Me Aliboron, dit Fr. (Fréron), devait se publier tous les quinze jours par cahier de 72 pages in-12. Je crois que la collection se compose d’un seul volume in-12 de iv et 129 pages, que j’ai sous les yeux. Le Brun en était l’auteur. (B.)
  3. Voyez tome XXIV, paye 181.
  4. Baculard d’Arnaud.
  5. Huerne de La Mothe. Voyez la note, tome XXIV, page 239.