Contes et légendes annamites/Légendes/051 La patte de derrière du chien


LI

LA PATTE DE DERRIÈRE DU CHIEN.


Il y avait une femme nommée Thanh dé, très dévote au Bouddha. Chaque année elle semait du riz glutineux dans une noix de coco, et quand elle avait récolté le riz, le décortiquait elle-même avec un couteau pour que son offrande soit plus convenable.

À une fête où elle voulait aller offrir cette écuellée de riz, le supérieur de la pagode ordonna à ses disciples d’aller recevoir les bienfaiteurs qui apportaient des dons. Les bonzes allèrent recevoir ceux qui apportaient de riches présents, mais ils négligèrent la pauvre femme qui n’avait que sa poignée de riz glutineux. La femme en fut irritée, elle jeta son riz par terre et s’en retourna chez elle.

Voulant se venger des bonzes elle les invita à une cérémonie, et tua un chien dont elle mit la chair dans les gâteaux qu’elle comptait leur offrir. Elle voulait ainsi les souiller. Le supérieur fut instruit de son dessein et ordonna aux bonzes de porter secrètement avec eux des gâteaux, et quand on leur servirait leur repas de manger leurs gâteaux et de rapporter ceux qu’on leur offrirait. Les bonzes obéirent ; un seul oublia l’ordre et mangea un gâteau dans lequel il trouva une cuisse de chien. Les autres bonzes au retour jetèrent les leurs au pied du figuier sacré, et ils furent transformés en rau om, oignons et citronnelle[1].

Depuis ce temps le chien n’eut que trois pattes parce que le bonze lui en avait mangé une, et c’est pour cela qu’il lève la cuisse, le membre de derrière étant un don (céleste).

Par la suite, quand cette femme mourut, elle fut sévèrement punie de ce crime et jetée dans le dixième enfer. Son fils nommé Muc lièn descendit aux enfers pour la sauver, mais il ne put y réussir[2].



  1. Ces plantes servent d’assaisonnement aux viandes.
  2. Muc lièn est Mahàmaugdalyàyana, l’un des plus grand disciples du Bouddha, renommé pour ses pouvoirs magiques. Il descendit aux enfers et délivra sa mère. (Eitel, Handbook, p. 67.)