Contes et légendes annamites/Légendes/050 Le chien, le canard et les oiseaux


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LE CHIEN, LE CANARD
ET LES OISEAUX.



À l’origine des choses, quand le ciel et la terre venaient d’engendrer les êtres animés, ceux-ci étaient encore incomplets : à l’un il manquait les pieds à l’autre les ailes. Trois génies, nommés Ly bach, Hon chung ly et Lu dông tàn[1], descendirent dans les forêts des montagnes et firent connaître à tous les animaux qu’ils eussent à se préseinter devant eux, dans le délai de trois jours, et qu’ils recevraient ce qui leur manquait.

Ce terme était passé et la distribution était faite, quand le canard, qui n’avait qu’une patte, et le chien qui n’en avait que trois apprirent la nouvelle. Ils se rendirent aussitôt au lieu fixé pour demander chacun une patte de plus, mais les génies avaient déjà distribué toute leur provision. Cependant, émus par les plaintes du canard et du chien, ils cassèrent deux pieds de table et, après une opération magique, en donnèrent un au canard et l’autre au chien. Ils dirent au canard : « Quand tu dormiras, ne laisse pas reposer sur la terre cette patte que nous te donnons de peur qu’elle ne touche quelque chose de sale ; elle disparaîtrait et tu en subirais les conséquences. » Ils firent une recommandation analogue au chien, et c’est pourquoi le canard dort sur une patte et le chien lève la cuisse.

Le chien et le canard partirent. En route, ils rencontrèrent divers oiseaux[2] qui n’avaient pas encore de pattes. Ils les invitèrent à se hâter d’aller en demander aux génies. Les génies refusèrent d’abord mais ils finirent, pour les satisfaire, par leur faire des pattes avec des restes de bâtonnets odoriférants. Les oiseaux disaient qu’ils étaient trop grêles et qu’ils casseraient. « N’ayez aucune crainte, leur dirent les génies ; en vous posant fléchissez trois fois sur vos pattes pour essayer si elles sont solides, si elles cassent nous vous les changerons. » C’est pourquoi, aujourd’hui encore, les oiseaux de ces espèces se balancent trois fois sur leurs pattes en se posant.



  1. Hon chung ly est Chung ly quyén, le premier et le plus grand des huit génies des Taosse. (Mayers, 90.) Lie dong tàn est le troisième. (Mayers, 467.) Ly bach (Li tai pe) est le poète contemporain de Huyen tong des Duroeng (699-762 de notre ère). Il fut enlevé au Ciel et devint le génie d’une étoile.
  2. Chim chién chièn, chim oc cau, chim dô nâch.
    Le premier de ces noms désigne diverses espèces : anthus cervinus (212), corydalla Richardi (213), corydalla rufula (214) ; le second diverses espèces de pluviers : œgialitis mongolus (274), œgilialitis dubins (275) ; le troisième, la glareola orientalis (278). (Voir Tirant, Les Oiseaux de la Basse-Cochinchine.Bulletin du Comité agricole, 1878.) Les chiffres entre parenthèses sont ceux des numéros de ce travail.