Comment j’ai retrouvé Livingstone (Stanley, 1884)/18


CHAPITRE XVIII

Finalement.


Le 7 mai, à cinq Heures du soir, la daou qui nous ramenait à Zanzibar entra dans le port de cette ville. Mes hommes, ravis de se retrouver si près de chez eux, tirent de nombreuses décharges. La bannière américaine fut hissée ; nous vîmes bientôt les quais et les toits des maisons couverts de spectateurs ; et dans le nombre, tous les Européens, armés de longues-vues braquées sur nous.

La marche de la daou était lente ; mais un bateau se détacha du rivage et vint à notre rencontre ; nous y descendîmes. Peu d’instants après je serrais la main du capitaine Webb et je recevais de celui-ci un chaleureux accueil.

M. Charles New, qui, la surveille encore, était l’un des membres importants de l’expédition anglaise, se trouvait là ; je lui fus présenté. C’était un homme petit et mince, qui, malgré son air frêle, avait un fonds d’énergie presque trop grand pour son physique. Lui aussi me félicita chaudement.

Après un copieux diner, auquel je fis honneur de manière à surprendre mes nouveaux amis, j’eus la visite du lieutenant Dawson ; un beau jeune homme, d’une taille splendide, souple et vigoureux, la tournure élégante, la figure vive, l’air intelligent.

« Monsieur Stanley, dit-il, permettez que je vous félicite. »

Puis il m’exprima combien il m’enviait le résultat de mon voyage. J’avais « dégonflé ses voiles » (phrase nautique dont s’était également servi le lieutenant Henn). Dès qu’il avait su, poursuivit-il, que j’avais retrouvé Livingstone, il avait franchi le canal, était ailé chez le consul et avait résigné son commandement.

« Ne pensez-vous pas avoir agi avec un peu trop de précipitation ? lui demandai-je.

— C’est possible ; mais j’avais entendu dire que M. Webb avait eu de vos nouvelles ; que vous aviez découvert, avec Livingstone, l’embouchure du Roussizi, et que vous rapportiez les dépêches du docteur.

— Fort bien ; mais tous ces renseignements vous les teniez de mes hommes ; aucune pièce ne vous avait été mise sous les yeux ; vous avez donc agi sans avoir la preuve du fait.

— Enfin, il est retrouvé, il est secouru ; du moins à ce que m’a dit le lieutenant Henn. Est-ce vrai ?

— Assurément. Livingstone n’a plus besoin que d’un petit nombre d’articles que je vais lui expédier. Un supplément d’étoffe et de perles lui serait un embarras ; et je rapporte de lui tout ce qu’il a pu écrire.

— Ne trouvez-vous pas alors que j’ai eu raison ?

— Pas tout à fait. Je sais bien que cela revient au même, car il est probable qu’on vous eût rappelé. Mais vous avez des instructions, je ne les connais pas et ne saurais juger de ce que vous deviez faire. Dans tous les cas, je pense qu’il fallait m’attendre ; après cela vous auriez eu une excuse légitime. Pour moi, je ne me serais pas démis de mon commandement avant d’en avoir référé à ceux qui me l’avaient confié.

— Mais dans l’état des choses, ne trouvez-vous pas que j’ai bien fait ?

— À l’égard de Livingstone, je le répète, l’expédition devenait inutile ; mais peut-être aviez-vous d’autres ordres ?

— Très-accessoires ; si j’entrais en Afrique, je devais relever ma route et observer les lieux. L’Amirauté n’en a même rien dit : elle m’a donné un congé d’un an pour la recherche du grand explorateur, et n’a pas parlé d’autre chose. Je n’avais donc plus qu’à revenir.

— Vos instructions ne disent-elles rien à mon sujet, dans le cas où vous me rencontreriez ?

— Pas un mot ; on savait pourtant que vous étiez dans ces parages ; car l’un des membres de la Société géographique m’a soufflé, en particulier, que je pourrais bien avoir à vous secourir. J’ai connu votre expédition par la lettre de l’Herald ; mais en même temps on nous a annoncé que vous aviez la fièvre et que probablement vous étiez mort. Ici on m’a beaucoup parlé de vous ; le jour même de mon arrivée, j’ai entendu dire que vous aviez retrouvé Livingstone ; mais je n’y ai pas fait attention ; il n’y a qu’après avoir parlé à vos hommes que j’ai compris qu’il n’y avait plus rien à faire.

— Ainsi mon nom ne vous a pas même été mentionné ! On savait pourtant que j’étais sur votre ligne, vous le dites vous-même. Je pouvais être en détresse ; cela ne faisait donc rien ?

— À vous dire vrai, ils ne souhaitaient pas que Livingstone fût retrouvé par vous. Impossible de vous figurer à quel point ils sont là-bas jaloux de votre expédition.

— Ils ne désiraient pas que Livingstone fût retrouvé, fût secouru ! Pourvu que la chose s’accomplît, qu’importait qui l’eût faite ? »

À partir de ce moment je me sentis condamné. Qu’un être quelconque fût assez inhumain pour désirer l’insuccès de mon entreprise, parce qu’elle était américaine, était la dernière idée qui me serait venue. J’avais été trop absorbé par mon œuvre pour imaginer cette chose improbable, insensée, qu’il y avait des gens qui aimaient mieux que Livingstone fût à jamais perdu, que de le voir retrouver par un Américain.

Je ne fus pas longtemps à Zanzibar sans être complètement édifié sur l’esprit de l’Angleterre à mon sujet. On me montra des fragments de journaux, dans lesquels plusieurs membres de la Société de géographie avaient tourné en ridicule l’expédition Bennett. L’un d’eux était allé jusqu’à dire que pour pénétrer en Afrique, il ne fallait rien moins que la trempe d’un Anglais. Le docteur Kirk avait cependant écrit à mon égard des paroles bienveillantes, disant « qu’il ne comptait que sur moi. » Je lui en suis reconnaissant, et je regrette d’avoir eu à lui porter une plainte officielle de la part de Livingstone.

Le soir j’envoyai cette lettre au consulat, avec celle qui était adressée à M. Oswald.

Les résidents américains et allemands saluèrent mon retour et m’acclamèrent avec autant de cordialité et de chaleur que si Livingstone avait été membre de leur propre famille. Le capitaine Fraser et le docteur James Christie me prodiguèrent également leurs éloges. Il parait que ces deux gentlemen avaient essayé de monter une expédition dans le but de secourir leur illustre compatriote. Une somme de cinq cents dollars, entre autres, avait été souscrite par eux dans ce but honorable. Telle ou telle chose avait fait manquer l’entreprise ; ainsi l’individu qu’ils avaient mis à la tête de la caravane, avait rompu son engagement pour se charger d’une mission qui devait lui rapporter davantage. Mais au lieu de ressentir la moindre contrariété de ce que j’avais accompli ce qu’ils auraient voulu faire, ces messieurs étaient au nombre de mes admirateurs les plus enthousiastes.

Le lendemain je reçus la visite du docteur Kirk ; il me félicita vivement, et ne fit aucune allusion à la lettre que je lui avais envoyée la veille. L’évêque Tozer vint aussi me remercier du service que j’avais rendu à Livingstone.

Ce jour-là je libérai mes hommes, dont vingt se rengagèrent immédiatement au service du Grand-Maître, ainsi qu’ils appelaient le docteur.

Outre leur solde, mes gens reçurent chacun une gratification de vingt à cinquante dollars, suivant leurs mérites respectifs. Personne ne fut excepté, pas même Bombay, qui, en dépit de ce qu’il m’avait fait souffrir, eut ses deux cent cinquante francs. C’était l’heure du pardon, le moment d’oublier toute offense, toute rancune. Pauvres gens ! ils avaient agi suivant leur nature ; et depuis notre départ du lac, ils s’étaient tous admirablement conduits.

Lorsque je fus devant une glace, où je me vis des pieds à la tête, je me trouvai terriblement changé. J’étais d’une maigreur excessive ; mes cheveux grisonnaient ; et tout le monde me confirma que j’avais beaucoup vieilli. En me revoyant, le capitaine Fraser pensa que j’étais son aîné ; ce ne fut que quand je lui eus dit mon nom qu’il put me reconnaître ; et il ajouta, en plaisantant, qu’il croyait à une nouvelle affaire Tichborne. Le changement que ces treize mois avaient apporté dans mon extérieur était si grand, que j’en avais presque perdu mon identité.

J’eus également la visite du lieutenant Henn, qui me pria de lui montrer l’ordre que j’avais reçu de Livingstone, relativement aux hommes qui pouvaient lui être expédiés. Voici la copie de cet ordre :

« Ounyanyembé, 14 mars 1872.

« L’emploi d’esclaves dans les caravanes qui m’ont été envoyées par le consul de Sa Majesté, m’a fait subir de telles pertes, que si M. Stanley rencontre à mon adresse une nouvelle bande composée de la même manière, je le prie de la faire retourner sur ses pas ; lui laissant, pour cet objet, toute liberté d’action.

« David Livingstone. »

« Ceci ne nous regarde pas du tout, dit le lieutenant Henn, après avoir lu ce billet.

— Naturellement, répondis-je ; il ne s’agit que des caravanes d’esclaves. Quant à la vôtre, je n’ai pas à m’en occuper. Vous m’avez redemandé hier si Livingstone n’avait réellement besoin de rien ; je vous ai répété qu’il était suffisamment pourvu, à l’exception de quelques objets dont voici la liste. Si vous pensez devoir le rejoindre, allez-y. Dans tous les cas, je vous conseille de ne pas disposer de votre matériel, ainsi qu’on vous en prête l’intention, avant d’y être autorise parla Société de géographie. Elle peut avoir d’autres vues sur vous, et vouloir appliquer à un nouveau but l’expédition que vous avez préparée à si grands frais.

— Oh ! je résigne mon commandement, et le laisse au jeune Livingstone, avec tous les bagages.

— Vous savez mieux que moi ce que vous avez à faire.

— Et je sais très-bien ce que je ferai. Mon intention est d’aller avec le capitaine Fraser au Kilima-Njaro, où nous aurons de belles parties de chasse. D’après New, le gibier foisonne dans ce pays-là. »

En me quittant, le lieutenant Henn alla remettre son commandement à M. Kirk. À partir de ce jour, l’entreprise fut aux mains de M. Oswald Livingstone. Celui-ci, après en avoir retiré les objets qui pouvaient être utiles à son père, résolut de vendre ce qu’il y avait en magasin. J’étais toujours d’avis qu’il valait mieux conserver ce matériel, la Société de géographie pouvant avoir le désir de l’utiliser pour un voyage d’exploration ; je le dis au docteur Kirk.

« Non, répondit le consul ; tout cela appartient au docteur Livingstone ; et comme cette cargaison ne lui est pas nécessaire, mieux vaut la lui convertir en argent, ce qui peut se faire sans beaucoup de perte. »

M. Charles New, missionnaire fixé à quelques milles au couchant de Mombas, m’a donné de grands détails sur la dissolution de cette entreprise. Il me les a d’abord communiqués verbalement ; puis me les a répétés dans une lettre, d’où j’extrais les lignes suivantes :

« Après un long séjour sur la côte orientale d’Afrique, je revenais en Angleterre, lorsqu’à Zanzibar, je rencontrai l’expédition anglaise qu’on envoyait à la recherche de Livingstone. Sur les instances du Conseil de la Société géographique, et d’une manière tout imprévue pour moi, il me fut demandé de me joindre à l’entreprise. J’hésitai d’abord ; puis j’acceptai la position d’interprète et celle de troisième commandant. Voici les termes de l’engagement auquel j’apposai ma signature :

« Je consens à faire partie de l’expédition envoyée à la recherche et au secours de Livingstone. Je m’engage à donner gratuitement mes services à cette expédition, telle qu’elle a été organisée en Angleterre ; et je souscris aux conditions ci-jointes :

« 1° Si par accident le lieutenant Dawson est mis dans l’impossibilité de conduire l’entreprise, je reconnaîtrai le lieutenant William Henn pour chef de l’expédition et je me conformerai à ses ordres.

« 2° Si le lieutenant Henn, à son tour, est dans la même impossibilité, je prendrai le commandement, et je ferai tous mes efforts pour atteindre le but que l’expédition se propose, conformément aux instructions qu’elle a reçues de la Société royale de géographie. »

« Ayant rejoint mes collègues, je m’efforçai d’activer nos préparatifs et de hâter l’heure du départ. Quand tout fut prêt, le lieutenant Dawson, le lieutenant Henn et moi, nous nous rendîmes à Bagamoyo, suivis de l’escorte et des bagages, avec l’intention de louer des pagazis et de partir immédiatement.

« En mettant le pied sur la côte, nous apprîmes que trois hommes étaient arrivés de l’intérieur depuis quelques jours, et qu’ils vous avaient quitté peu de temps avant.

« Interrogés par nous, ces hommes nous dirent que vous aviez rencontré le docteur Livingstone à Oujiji ; que vous et le docteur, vous étiez allés jusqu’à l’extrémité nord du Tanganika, où vous aviez vu le Roussizi entrer dans le lac ; que vous étiez revenus à Oujiji, puis dans l’Ounyanyembé ; que Livingstone était resté à Kouihara, avec l’intention de continuer ses recherches ; mais que vous arriviez en toute hâte, et que vous seriez à Bagamoyo dans quelques jours.

« Dawson et Henn pensèrent alors que l’entreprise n’ayant plus d’objet, puisque vous aviez fait ce qu’il y avait à faire, ils pouvaient revenir en Europe. Toutefois, dans la soirée, le lieutenant Dawson me demanda, si dans le cas où il faudrait envoyer des secours à Livingstone, je consentirais à les lui porter. Je répondis que je prenais la demande en considération, et que j’allais réfléchir. Le lendemain le lieutenant Dawson alla à Zanzibar pour s’entendre avec le consul. Deux jours après je reçus une lettre de lui, et une autre de M. Kirk. Tous les deux m’offraient le commandement de l’expédition.

« M. Oswald Livingstone, désirant toujours aller rejoindre son père, consentait à m’avoir pour chef. J’acceptai l’offre qui m’était faite et l’écrivis au consul ; mais pendant ces deux jours M. Henn avait changé d’avis, et insistait pour avoir le commandement. Je fus obligé de me retirer en sa faveur. On espérait néanmoins que je resterais le second du lieutenant Henn, et que je consentirais à agir sous ses ordres. Je l’aurais certainement fait, si la chose eut été nécessaire, ou même possible.

« Mais l’expédition n’était plus ce qu’elle avait été dans le principe. Il ne s’agissait maintenant que de se rendre à Kouihara ; une course relativement insignifiante que pouvaient faire deux hommes quelconques, pourvu que le succès les intéressât et qu’ils eussent du courage et de la persévérance. C’est ainsi du moins que j’envisageai la chose. Dès lors je me retirai, en donnant pour raison que mes services n’étaient plus nécessaires, et que ma présence ne ferait que compliquer une tâche facile en elle-même.

« On croit généralement que je m’étais engagé à servir sous les ordres du lieutenant Henn, quelles que fussent les circonstances. C’est une erreur. Je ne m’étais lié qu’avec l’expédition telle qu’elle avait été organisée en Angleterre, et je ne devais servir sous le lieutenant Henn que dans le cas où le lieutenant Dawson, par suite d’un accident, se trouverait dans l’impossibilité de conduire l’entreprise. Or ce n’était pas par impossibilité que le lieutenant Dawson n’était plus à notre tête. Il avait résigné ses fonctions et détruit par cela même tous les arrangements antérieurs, ainsi que le consul me l’a écrit dans sa lettre, en se basant là-dessus pour m’offrir la place vacante. Après la démission du lieutenant, de nouveaux engagements ont été pris ; et, en face de cette organisation nouvelle, chacun était libre de se retirer si bon lui semblait.

« Mais j’avais d’autres motifs pour ne pas accepter la place qui m’était offerte, sous les ordres du lieutenant Henn, qui selon moi était incapable de conduire l’entreprise. En quittant Zanzibar, il avait déclaré que son objet principal était le sport, et qu’il partait avec l’intention de chasser l’éléphant et le buffle. Un pareil homme n’était pas celui qui, dans mon opinion, devait être envoyé à la recherche de Livingstone ; et l’on n’aurait pas dû me proposer de servir sous un tel commandant, bien que j’eusse d’abord consenti à le faire, en cas de force majeure.

« Autre chose : le lieutenant Henn avait déjà parlé de se retirer avant de rien savoir à votre égard, faisant ainsi preuve d’une mobilité du plus fâcheux augure, et qui pouvait amener la perte de l’expédition dont il deviendrait le chef.

« En apprenant cette menace de retraite, je me rendis chez le docteur Kirk ; et après avoir montré à celui-ci combien la chose était grave, au point de vue du succès de l’entreprise, je demandai au consul de nous réunir, afin d’amener le lieutenant Dawson et le lieutenant Henn à une meilleure entente. « Non, me répondit le consul ; ne faisons rien de tout cela ; Henn partira avec vous ; et après deux ou trois jours de marche, il se retirera de lui-même, et reviendra tranquillement. »

Ici je m’arrête. J’ai la plus haute idée du mérite de M. New, la plus grande estime pour sa noble vocation ; je lui ai prouvé que j’étais son ami, et je suis sûr qu’il me pardonnera de lui désigner, d’une manière toute bienveillante, la faute qu’il a commise.

D’après ce qu’on vient de lire, il est facile de comprendre que ces messieurs ne vivaient pas en bons termes. Je dirai plus : à écouter les bruits qui circulaient à Zanzibar, on aurait pu croire qu’ils étaient à couteaux tirés. Mais il n’y avait là rien que de superficiel ; des hostilités sans profondeur, et trop récentes pour que la querelle pût devenir sérieuse.

Tant qu’il y eut un chef reconnu, un leader ferme et incontesté, les germes de discorde sommeillèrent. La retraite du lieutenant Dawson provoqua leur réveil ; et l’offre du commandement, faite à mister New, les développa aussitôt. M. New demanda à réfléchir ; M. Henn, ne regardant pas comme définitif son désistement, qui n’était que verbal, réfléchit de son côté. Au bout de deux jours, le révérend déclara qu’il acceptait la direction, et le lieutenant qu’il la conservait. Or, celui-ci étant, dès l’origine, le supérieur de l’autre, c’était à lui qu’il appartenait de choisir, et sa demande lui fut accordée, ainsi qu’elle devait l’être.

Sur ce, retraite de M. New, qui donne pour excuse que « l’expédition n’est plus ce qu’elle a été dans le principe. » C’est ici qu’est l’erreur. D’après les termes de l’engagement qu’il avait signé, M. Charles New devait être sous les ordres de Henn, dans le cas où, par accident, le lieutenant Dawson ne continuerait pas à diriger l’entreprise. L’accident se produit, — rien moins que mon arrivée. Par suite de cet événement imprévu, le lieutenant Dawson renonce au commandement, qui, dès lors, revient à M. Henn auquel, en pareil cas, M. New s’est engagé à obéir : «… Je reconnaîtrai le lieutenant Henn pour chef de l’expédition et me conformerai à ses ordres. » L’organisation primitive n’est pas même en cause.

M. New dit ensuite « qu’il ne s’agissait plus que d’une course relativement insignifiante, que pouvaient faire deux hommes quelconques, pourvu que le succès les intéressât, et qu’ils eussent du courage et de la persévérance. »

J’accorde le dernier point ; un seul individu même aurait suffi, et beaucoup mieux que deux hommes d’humeur antipathique. Quant à l’insignifiance relative de la course, je ne suis pas de cet avis. Il est infiniment plus difficile, pour un novice, de conduire une caravane dans l’Ounyanyembé, que de la mener ensuite beaucoup plus loin. Arrivé là, il sait par expérience ce qu’il doit faire ; et la seconde partie du voyage est peu de chose, comparativement aux difficultés des premiers pas. C’est là du moins ce que j’ai éprouvé. J’ai eu bien autrement de peine à gagner Kouihara, qu’à me rendre au lac et à en revenir. Si la connaissance que M. Charles New a du pays était précieuse pour une bande inexpérimentée, c’était surtout dans le trajet de la côte à l’Ounyanyembé et non pas au delà. Une fois dans l’Ounyamouézi, le lieutenant Henn et le jeune Livingstone auraient été compétents pour mener la caravane n’importe où, sans aucune aide.

Enfin, si M. New avait consenti à faire partie de l’expédition, alors que M. Dawson en était le chef, et cela pour donner à celui-ci le bénéfice de son expérience, c’était lorsque l’entreprise tombait, suivant lui, aux mains d’un homme incapable, qu’il était surtout lié par son engagement à lui prêter son concours, au moins jusqu’au moment où le nouveau chef aurait pu s’en passer. Pour quiconque a le sens droit, cela ne fait pas le moindre doute.

Que M. Henn eût pour objet principal de chasser le buffle ou l’éléphant, cela ne dispensait pas M. New de l’accompagner, de lui donner ses conseils, de le soutenir, de l’entraîner vers le but que, tous les deux, ils s’étaient chargés d’atteindre.

Le devoir de M. New était de partir : il s’y était engagé. Si plus tard M. Henn avait déserté son poste, réalisant ainsi la prédiction du consul, M. New aurait pris le commandement que, de son propre aveu, il souhaitait si fort, et il l’aurait fait en toute loyauté, en tout honneur.

Disons maintenant que si, dans le second acte de cette petite comédie, qui pourrait avoir pour titre : « Comment éviterons-nous de faire cela ? » M. New ne parait pas sous un jour favorable, au premier acte il s’est montré en quelque sorte héroïque ; j’ai pour l’abnégation, pour le courage, pour le zèle dont il a fait preuve alors, une sincère admiration.

Après neuf ans de résidence en Afrique, et à la veille de son départ pour l’Europe, où il va rétablir sa santé affaiblie, il est prié de se joindre, en qualité d’interprète, à l’expédition anglaise. Un instant de réflexion, et il s’engage à seconder de tous ses efforts l’entreprise charitable qui se prépare. À dater de ce jour, il s’occupe de sa tâche avec toute l’énergie qui est dans sa nature, il s’y adonne tout entier, va de Zanzibar à Mombas, d’où il ramène vingt hommes d’escorte, et gagne tous les cœurs par le dévouement qu’il apporte à son œuvre.

M. New a laissé à Zanzibar la meilleure impression ; tous les Européens, qui l’y ont vu, sont intimement persuadés que si je n’étais pas arrivé aussi tôt, il aurait parfaitement conduit l’entreprise. Je n’hésite pas à reconnaître que son énergie et sa longue expérience en faisaient un chef des plus capables.

La grande faute avait été de vouloir fondre en un seul groupe des hommes qui n’avaient entre eux aucune affinité. L’un était ambitieux, positif, emporté, enclin à l’agression ; l’autre, primesautier, actif, d’humeur changeante ; le troisième était énergique, impressionnable, religieux et candide ; le quatrième, à la fois déterminé, ardent et plein de réserve.

New et Livingstone auraient fait merveille ensemble ; le lieutenant Dawson, livré à lui-même, eût réussi, et beaucoup mieux qu’avec n’importe qui ; William Henn, chargé seul du commandement, n’aurait pas failli à son devoir, car le courage et l’honneur étaient ses qualités dominantes ; mais il n’y avait pas de lien, pas d’harmonie possible entre ces hommes de nature opposée, et dont le plus jeune serait resté neutre au milieu de trois factions. S’ils étaient partis, les querelles n’auraient pas tardé à se produire, et le voyage aurait avorté à peu de distance de la côte, ce qui aurait été moins honorable que de ne pas l’entreprendre. Mon arrivée, en lui épargnant cet échec, a rendu service à l’expédition anglaise.

Il est assez difficile de quitter Zanzibar, et cela faute d’occasions. Le lendemain matin de mon arrivée, le Magpie, vaisseau de la marine britannique, sortit du port pour faire une croisière, et avec l’intention de remettre au Wolvérine, qu’il savait devoir rencontrer, des lettres et des dépêches pour les Seychelles et pour l’Angleterre. J’ai appris plus tard que la rencontre avait eu lieu, et que les dépêches avaient été remises.

Il m’a été dit que, même pour emmener Livingstone, un vaisseau de Sa Majesté n’eut pas retardé son départ d’une heure. Si le fait est réel, je ne saurais me formaliser de ce que l’on n’a pas attendu ma lettre. Mais ayant vu le capitaine d’un vaisseau de guerre, de la marine anglaise, chauffer pour se rendre à Bagamoyo, dans le seul but d’y faire une partie de chasse, je trouve singulier qu’un autre capitaine de la même marine n’ait pas pu attendre quelques minutes la dépêche qui annonçait à l’Europe le salut de Livingstone ; et j’ai peine à croire que, s’il se fût agi de rapatrier le grand voyageur, la discipline n’eût pas fléchi un instant.

Après avoir licencié ma bande, je m’occupai d’en constituer une pour le docteur. Les objets que celui-ci m’avait demandés, et que ne possédait pas l’expédition anglaise, furent achetés avec l’argent que me donna le jeune Livingstone. Cinquante fusils, dont la nouvelle caravane avait besoin, ainsi que l’étoffe qui lui était nécessaire pour la route, furent pris également dans les magasins de l’expédition.

M. Oswald Livingstone déploya beaucoup de zèle dans tous ces préparatifs, et me seconda de tout son pouvoir. Il m’envoya l’Almanach nautique pour 1872, 1873, 1874 ; plus un chronomètre qui appartenait à son père, et qui était resté entre les mains du consul. Ces derniers objets, ainsi que le papier, les carnets, le journal, le thé, le vin, les médicaments, les conserves, le biscuit, la farine, la coutellerie, la vaisselle, furent emballés dans des caisses de fer-blanc, où ils se trouvèrent à l’abri de l’humidité et du contact de l’air.

Jusqu’au 18 mai, il fut bien entendu que M. Oswald Livingstone se chargeait de conduire à son père la cargaison dont il s’occupait avec moi. Mais à cette époque, il changea d’avis, et il m’écrivit le 19 que, par des motifs qui lui semblaient justes et suffisants, il ne se rendrait pas dans l’Ounyanyembé. Je fus très-surpris, et me hasardai à lui faire entendre que, puisqu’il était venu jusqu’à Zanzibar, il était de son devoir d’accompagner la caravane. Mais il est évident qu’il croyait bien faire ; et le docteur Kirk lui donnant le conseil de ne compromettre ni sa santé, ni ses études, par un voyage dont la nécessité n’avait rien d’absolu, je pense qu’il a eu raison de ne pas partir. Il avait en M. Kirk une entière confiance ; il croyait plus au jugement de cet homme expérimenté qu’en lui-même ; et il est naturel qu’il ait suivi le conseil de l’ancien ami, de l’ancien compagnon de son père.

Je n’avais plus dès lors qu’à chercher un Arabe qui pût diriger la petite expédition, et la conduire à bon port. J’écrivis au docteur Kirk, en le priant d’user à cet égard de l’influence qu’il avait auprès de Sa Hautesse. Il me répondit aussitôt :

« Agence britannique, Zanzibar, 20 mai 1872.
« Mon cher Monsieur,

« La lettre du docteur Livingstone a été remise et traduite à Saîd Burghash, il y a déjà longtemps ; mais à cette époque j’avais dit au sultan que vous ne pensiez pas lui donner la peine de vous procurer le chef dont il était question. Mister W. O. Livingstone ayant renoncé au projet d’aller trouver son père, les circonstances ne sont plus les mêmes ; et je serai heureux de vous aider auprès de Sa Hautesse. Je la prierai donc aujourd’hui, si vous le désirez, de vous choisir un homme convenable, qui, dans tous les cas, devra obtenir votre approbation.

« Tout à vous. « John Kirk. »

La demande du consul ne fut pas agréée par le sultan. Dès que j’en fus averti, je cherchai d’un autre côté ; et quelques heures après, j’avais loué, pour cent dollars, un homme qui m’était hautement recommandé par le cheik Haschid. C’était un jeune Arabe, dont les dehors n’avaient rien de très-brillant, mais qui paraissait honnête et capable. Je ne l’engageais d’ailleurs que pour conduire la bande jusque dans l’Ounyanyembé ; après cela, ce serait à Livingstone à juger du degré de confiance qu’il méritait.

Le 25, le lieutenant Dawson monta à bord de la Mary A. Way, barque américaine, commandée par le capitaine Russell, et fit voile pour New-York. Je lui avais donné précédemment une lettre de recommandation pour un de mes amis qui habite cette ville ; et nous nous quittâmes dans les meilleurs termes, avec la plus grande cordialité, la plus entière bienveillance ; car je le regardais comme l’un des hommes les plus chevaleresques.

Le jour suivant, mister Kirk vint dans la matinée faire une visite au capitaine Webb. Je profitai de l’occasion pour lui dire que je craignais de ne pas pouvoir expédier à Livingstone la caravane que je lui avais organisée, et que j’aurais voulu faire partir plus tôt. « Si le steamer qui doit m’emmener est contraint d’appareiller avant l’embarquement de l’expédition, ajoutai-je, je vous prierai, docteur, de vouloir bien surveiller le départ.

— N’en faites rien, répondit mister Kirk, ou j’aurais à vous refuser. Je n’entends pas m’exposer de nouveau à d’inutiles insultes. Officiellement, j’agirai pour le docteur Livingstone, de la même manière que pour tout autre sujet britannique ; mais comme homme privé je ne ferai jamais rien pour lui.

— Vous parlez d’insultes, docteur ?

— Oui.

— Puis-je vous demander en quoi elles consistent ?

— Il me reproche de lui avoir envoyé des esclaves, qui ne sont pas arrivés jusqu’à lui ; si ses caravanes n’ont pas su le rejoindre, est-ce ma faute ?

— Excusez-moi, docteur ; mais à la place de Livingstone, vous auriez fait de même ; votre meilleur ami aurait été soupçonné par vous d’indifférence, pour ne rien dire de plus, si tous les chefs des caravanes qu’il vous avait envoyés, vous avaient dit avoir reçu l’ordre formel de ne vous suivre nulle part, et de vous ramener à la côte.

— Il a pu voir les contrats par lesquels ces gens étaient tenus de l’accompagner n’importe où. S’il aime mieux ajouter foi à ce que lui disent des nègres, des métis, qu’à mes paroles, à mes écrits officiels, c’est un insensé ; je n’ai pas autre chose à répondre.

— Comment Livingstone, mon cher monsieur, n’aurait-il pas douté des contrats, lorsque tous ses hommes lui ont juré que vous leur aviez donné mission de le ramener ; lorsque toutes ses prières n’ont servi de rien, et que finalement il a été arraché à ses découvertes par ceux qui disaient en avoir reçu l’ordre. Pouvait-il ne pas penser qu’il y avait là quelque chose d’inexplicable ? On lui a dit partout que vous lui aviez écrit pour le faire revenir ; que votre lettre lui commandait le retour ; on le lui a répété mainte et mainte fois.

— Ma lettre valait la sienne. Je n’ai pas pu m’en empêcher[1].

— Fort bien, dis-je ; je ne laisserai pas la caravane à Zanzibar ; je l’expédierai moi-même. »

Le lendemain, je réunis tous ceux de la bande que je pus trouver ; et comme il aurait été dangereux de les laisser vaguer par la ville, je les enfermai dans une cour où ils restèrent jusqu’au moment où les cinquante-sept répondirent à l’appel.

Pendant ce temps-là, assisté de M. Webb, j’obtins de Johari, premier interprète du consulat américain, qu’il se chargeât de conduire la caravane jusqu’à la plaine du Kingani, toujours couverte par l’inondation ; il s’engagea en outre à ne pas revenir avant que la bande fût en marche de l’autre côté de la rivière ; Mister Oswald Livingstone reconnut cette promesse par une forte gratification.

La daou était devant le consulat ; mes anciens compagnons allaient partir ; je leur adressai les paroles suivantes : « Vous retournez dans l’Ounyanyembé pour rejoindre le Grand-Maitre. Vous le connaissez ; vous savez qu’il est bon, son cœur est affectueux. Il ne vous battra pas, comme je l’ai fait. J’étais vif ; mais je vous ai récompensés tous ; je vous ai donné de l’étoffe et de l’argent, jusqu’à vous enrichir. Toutes les fois que vous vous êtes bien comportés, j’ai été votre ami. Vous avez eu une nourriture abondante ; je vous ai soignés quand vous étiez malades. Si j’ai été bon pour vous, le Grand-Maitre le sera bien davantage. Il a la voix agréable et la parole douce. L’avez-vous jamais vu lever la main contre un offenseur ? Quand vous étiez méchants, c’était avec tristesse qu’il vous parlait, non pas avec colère. Promettez-moi donc de le suivre, de faire ce qu’il vous dira, de lui obéir en toutes choses, et de ne pas le déserter.

— Nous le promettons, maître, nous le promettons ! s’écrièrent-ils avec ferveur.

— Quelque chose encore : avant de nous séparer, de nous quitter pour toujours, je voudrais vous serrer la main. »

Tous se précipitèrent, et une poignée de main vigoureuse fut échangée avec chacun d’eux.

« Maintenant prenez vos fardeaux. »

Je les conduisis dans la rue, puis au rivage. Je les vis monter à bord ; je vis hisser les voiles, et vis la daou filer au couchant, vers Bagamoyo.

Je me trouvai alors comme isolé. Ces compagnons de route, ces noirs amis qui avaient partagé mes périls, s’éloignaient, me laissant derrière eux. De leurs figures affectueuses, en reverrais-je jamais aucune ?

Le 29, MM. Henn, Charles New, Morgan, Oswald Livingstone et moi, nous montions à bord de l’Africa, où nous accompagnaient les vœux de presque toute la colonie blanche de l’île.

Nous nous dirigions vers les Seychelles ; en route nous aperçûmes la Mary A. Way, sur laquelle le pauvre Dawson avait pris passage. C’était pour nous un sujet d’étonnement que de voir Dawson aller à New-York pour se rendre en Angleterre. Arrivé à Londres, j’eus le mot de l’énigme par une lettre qu’il avait écrite à la Société de géographie, et dans laquelle il disait :

« J’aurais pu revenir par la même route ; mais sans en vouloir à M. Stanley du succès qu’il a si bien gagné, il aurait été pénible pour moi, sinon pour tous les deux, de voyager ensemble ; et il y a peu d’occasions pour aller de Zanzibar en Europe. »

Il m’est impossible d’imaginer dans quel esprit cette lettre a été écrite ; elle est tellement en désaccord avec la nature franche et généreuse de son auteur ! On conçoit la gêne que ma présence aurait pu causer au lieutenant, si quelqu’un en eût pris texte pour faire des comparaisons désobligeantes ; mais pourquoi m’aurait-il été pénible de me trouver avec lui ? je ne le comprends pas[2].

Le 9 juin nous arrivâmes aux Seychelles ; il y avait douze heures que la malle française en était partie. Comme il n’y a de communication que tous les mois entre les Seychelles et Aden, nous louâmes une jolie maisonnette qui fut nommée Livingstone Cottage, et où MM. Charles New, Morgan, Oswald et moi, nous nous établîmes ; M. Henn resta à l’hôtel.

Le souvenir des instants que j’ai passés dans ce cottage est l’un des plus agréables que m’ait laissés mon retour d’Afrique. J’avais là pour compagnons d’honorables gentlemen, de véritables chrétiens. M. Livingstone nous donna maintes preuves d’un aimable caractère, et montra qu’il était un homme sérieux, réfléchi, plein d’ardeur pour l’étude. Quand, au bout d’un mois, le steamer apparut, venant de Maurice, il n’était pas un de nous qui ne regrettât de quitter cette île charmante, et les Anglais de la station, dont l’accueil avait été des plus hospitaliers. M. Hales Franklyn, commissaire civil, et le docteur Brookes, entre autres, nous avaient comblés de politesses ; je saisis cette occasion pour leur en exprimer toute ma reconnaissance.

Arrivés à Aden, les passagers du Sud furent transbordés sur le Mékong, vapeur français, qui venait de Chine et se rendait à Marseille. Dans cette dernière ville, le docteur Hosmer et le représentant du Daily Tekgraph me reçurent avec effusion. J’appris alors comment on qualifiait le résultat de mon voyage ; mais ce ne fut qu’en arrivant à Londres que je pus m’en faire une juste idée.

J’avais promis à Livingstone que vingt-quatre heures après avoir vu ses lettres au gérant de l’Herald reproduites par les journaux anglais, je mettrais à la poste celles qui étaient destinées à sa famille et à ses amis. Pour me dégager plus vite de ma promesse, M. Bennett, qui seul avait défrayé l’entreprise, mit le comble à sa générosité en donnant l’ordre de télégraphier les deux lettres par le câble, ce qui fut une dépense de près de cinquante mille francs.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Quelques mots encore et j’aurai terminé. Peut-être serait-il plus digne de moi de ne rien ajouter à cette relation de mes aventures, et d’écrire ici le mot fin. Mais il est des choses sur lesquelles je ne saurais garder le silence ; et parmi elles figure le traitement que j’ai reçu en Angleterre.

Avant mon arrivée, la presse anglaise avait fait ses articles d’après les données les moins exactes. À peine s’il y avait un nom qui fut correct ; les dates étaient fausses, les faits dénaturés d’une manière incompréhensible. Ce tissu d’erreurs parait avoir fait naître le doute, éveillé les soupçons.

Excepté une lettre datée de l’Ounyanyembé, les dépêches envoyées de Zanzibar à l’époque de mon retour, et mes lettres de Marseille, je désavoue tout ce qu’on a fait paraître ; je ne reconnais que ce qui est écrit de ma main. Tout ce que l’Herald a publié comme venant de moi est exact, je l’affirme. Je n’en répudie que les fautes d’impression, qui s’expliquent d’ailleurs par l’étrangeté des noms africains, et sans doute par mon griffonnage : l’écriture d’un homme qui a la fièvre ne doit pas être bien lisible.

Je ne suis donc pas étonné des erreurs de la presse, ni des contestations qu’elles ont provoquées ; ce qui me surprend, c’est de voir les journalistes anglais jaloux de ce qu’il a été donné à un reporter américain de retrouver Livingstone. Presque tous ont exprimé leur opinion à cet égard en termes non équivoques ; bien qu’en même temps les principaux et les plus honorables d’entre eux ne m’aient pas épargné les éloges : qu’on voie le Times, le Daily News, le Daily Telegraph, le Morning Post.

Je vous remercie, gentlemen, de ces compliments que vous avez adressés à un jeune homme qui, selon moi, n’a rien de remarquable. Mais franchement, permettez-moi de vous le dire, voire jalousie n’est pas fondée. Je ne suis qu’un special correspondent, à la disposition du journal que j’ai l’honneur de servir, contraint par mon engagement à partir pour n’importe quel point du globe où il m’est enjoint de me rendre. Je n’ai pas sollicité l’honneur de chercher Livingstone, j’en ai reçu l’ordre. Il me fallait obéir ou résilier mon engagement ; j’ai préféré l’obéissance. Si vous avez lu ce volume, vous savez comment cette mission m’a été donnée, et ce qu’il en est advenu ; vous en connaissez le commencement et la fin.

Pas plus que de moi, gentlemen, vous n’avez le droit d’être jaloux de celui qui m’a employé ; l’Afrique vous était ouverte comme à lui. Nous nous intéressons à Livingstone autant que vous-mêmes ; ses livres n’ont pas moins de lecteurs aux États-Unis qu’en Angleterre. Les Américains formaient des vœux ardents pour le salut du grand explorateur ; ils avaient hâte de connaître son sort. Poussé par le désir de satisfaire ces vœux et ce besoin légitimes, M. Bennett eut l’idée d’envoyer à la recherche de cet homme, précieux pour tous. Il en avait le moyen, il en eut la volonté. Si le special qu’il a appelé avait refusé le mandat, un autre l’aurait pris ; il avait assez d’agents prêts à exécuter ses ordres ; et si aucun d’eux n’eût accepté, il aurait facilement trouvé dans la masse intelligente un volontaire, qui, avec l’aide de Dieu, aurait obtenu le même résultat. Que l’un des vôtres ait eu le même désir, la même résolution, et mille Anglais se seraient présentés, qui auraient accompli la tâche avec autant de succès, — peut-être mieux. Vous avez tous fait vos preuves : le Times en Crimée et dans l’Inde ; son titre est connu du monde entier ; le Daily Telegraph s’est distingué en maintes occasions, ainsi que le Daily News. Si le New York Herald a voulu pousser les entreprises du journalisme jusqu’au centre de l’Afrique, dans cette région du mystère et de la fable, qui pourrait y contredire ? S’il a pu en faire les frais, pourquoi s’en plaindrait-on ? Ce n’est là qu’une question d’argent, nerf de toute entreprise. Avec une somme suffisante, l’Afrique serait facilement explorée ; non-seulement explorée, mais conquise, mais civilisée, couverte de chemins de fer dans tous les sens. Pourquoi dès lors être jaloux ? Le monde entier ne vous est-il pas ouvert, comme au New York Herald ?

Quant à moi, qu’ai-je fait d’extraordinaire ? L’homme que je cherchais n’était pas mort. S’il eût cessé de vivre, si ses papiers avaient été dispersés parmi les tribus, et que j’en eusse retrouvé les moindres fragments, rapportant le fruit de ses découvertes, en même temps que sa dépouille, cela aurait été glorieux. Mais dans ce que j’ai eu la chance d’accomplir, il y a eu plus de bonheur que de mérite. J’ai trouvé Livingstone malade et sans ressources ; ma présence l’a rétabli, mon avoir l’a secouru.

Est-ce là ce qui vous fâche, gentlemen ? Mais chacun de vous lui eût rendu le même service et l’eût fait de la même manière. À un homme qui se noierait vous tendriez la main ; à une misère honorable vous donneriez ce qui lui manque ; à un être faible vous prêteriez assistance ; si vous voyiez souffrir, vous chercheriez à soulager, y faisant tous vos efforts.

Cependant, comment m’avez-vous traité pour avoir fait ce qu’à ma place vous auriez fait vous-mêmes ? Mon voyage a été mis en doute, mon récit contesté ; les lettres que j’apportais à l’appui furent taxées de faux ; mes publications raillées. Bafoué par les uns, malmené par les autres, je me suis vu assailli de grondements, comme si j’avais fait un crime.

Ah ! que Livingstone se doutait peu que son humble ami recevrait un pareil accueil ! Qu’il était loin de se dire que mes efforts, tentés et soutenus de bonne foi, sans conscience de la malice ou de l’envie qu’ils pouvaient susciter, me vaudraient de pareilles attaques ! Dans mon innocence, je croyais n’avoir qu’à raconter le fait, à dire la vérité pure et simple. Dans ce récit littéral, vous n’avez vu que faiblesse et puérilité ! Mais, tel qu’il est, et que vous y croyiez ou non, journalistes et critiques, ce que renferme ce livre transpirera et se fera connaître.

Et vous, gentlemen géographes, pensez-vous me tuer par vos dénégations, comme vous avez tué Bruce, Caillé et du Chaillu ? Croyez-vous me blesser, par votre malveillance, comme vous avez blessé le brave Petherick et le célèbre Burton ?

Vous avez dit au monde entier que votre inquiétude était grande au sujet de votre illustre collègue. Vous avez fait croire, dans le silence qui l’enveloppait, que vous souhaitiez ardemment de savoir ce qu’était devenu le grand explorateur. Sans votre aide, sans votre conseil, on est allé à sa recherche, on l’a retrouvé, et on vous a dit : « Livingstone est vivant, rien ne lui manque, et il se dispose à poursuivre ses découvertes avec plus de vigueur que jamais. »

Quelle a été votre réponse ? « Il est un point sur lequel un peu d’éclaircissement serait nécessaire. On paraît croire en général que M. Stanley a trouvé et secouru Livingstone, tandis que, sans vouloir méconnaître l’énergie et la loyauté de M. Stanley, s’il y a eu découverte et assistance, c’est Livingstone qui a trouvé et secouru M. Stanley, car celui-ci était à peu près dans la misère, et le docteur abondamment pourvu. Il convient de rétablir la position respective des deux parties. Nous avons le ferme espoir que l’expédition envoyée par la Société au secours de Livingstone et de M. Stanley, permettra à ces deux voyageurs de continuer leurs recherches. »

Puis-je vous demander, gentlemen, pourquoi, si Livingstone était dans l’abondance, vous lui avez envoyé des secours. Lorsque j’arrivai à Londres, vous aviez depuis huit jours les lettres du docteur. Qu’avez-vous fait alors ? L’ami Punch va nous le dire : « Le président de la Société royale de géographie, qui a découvert que Livingstone avait découvert Stanley, a fini par découvrir que Stanley était en Angleterre. Cette heureuse découverte parait avoir exigé de longs efforts, car il y avait une semaine que M. Stanley était arrivé, lorsqu’il apprit l’importante découverte dont il était l’objet. »

Le Daily Telegraph dit à son tour : « Une sérieuse amende honorable est due par les représentants de la Société royale de géographie à M. Stanley, qui a sauvé la vie du grand voyageur, et qui nous en a rapporté de si précieux documents. »

Vous m’avez alors remercié froidement par une lettre. Mais ce ne fut pas la seule expression des sentiments que vous inspirait la bonne nouvelle du salut de votre ami. Le vice-président de votre société, après délibération du Conseil, m’invita à une séance de la section de géographie de l’Association Britannique. Je ne manquai pas de m’y rendre, et fis une lecture dans laquelle j’annonçais la découverte de l’embouchure du Roussizi ; je combattis en outre certaines critiques adressées à Livingstone. Quand j’eus terminé, votre vice-président se leva, et, d’une voix douce et mielleuse : « Nous n’avons pas besoin, dit-il, d’histoires à sensation, ce qu’il nous faut, ce sont des faits. »

Quelles étaient donc ces histoires dont on n’avait pas besoin ? M. C. R. Markham lut ensuite un écrit du colonel Grant (l’ancien compagnon de Speke) afin de démontrer que c’était une extravagance de la part de Livingstone de croire que les sources du Nil se trouvaient par 11 degrés de latitude méridionale. Le papier ajoutait que le colonel Grant n’ayant pas rencontré, dans son voyage, traces de gorilles, ni de cannibales, ni d’indigènes mangeant du porc, ledit colonel pensait que Livingstone, qui en avait découvert, était allé beaucoup plus à l’ouest qu’il ne le supposait.

Le docteur Beke, à son tour, affirma que Livingstone était dans l’erreur, que le Loualaba n’avait rien de commun avec le fleuve d’Égypte ; et à la théorie qui en faisait le cours supérieur du Nil, M. Beke opposait les explorations de Schweinfurth. Cet éminent botaniste avait trouvé par de latitude nord une grande rivière, nommée l’Ouellé, qui paraissait venir des Montagnes Bleues situées au couchant de l’Albert N’Yanza ; et cette rivière, se dirigeant de l’est à l’ouest, séparait complètement les deux bassins.

Après quelques paroles flatteuses à mon égard, sir Henry Rawlison douta fortement que Livingstone fût sur la voie du Haut-Nil. D’après lui, le Loualaba devait se terminer dans quelque lac central, dont la découverte, il le désirait sincèrement, couronnerait les travaux du grand explorateur.

Analysons, je vous prie, les motifs secrets de ces opinions adverses. Le colonel Grant est persuadé que Speke a trouvé la source du Nil dans la rivière qui s’échappe du Victoria N’Yanza, et il lui déplait d’entendre dire qu’un autre voyageur a la prétention de donner au fleuve mystérieux une origine différente. Pur désintéressement, car il n’a pas vu sortir du Victoria la branche qu’il tient pour la seule et véritable source du vieux Nil. Lors de la découverte des chutes Ripon, il était chez Kamrasi, à quelque soixante milles de là, et s’y était rendu par la voie de terre. La défense de Speke est donc toute chevaleresque ; mais ce n’est pas de la géographie.

Quant à l’objection, tirée de ce que Livingstone a vu, à l’ouest du 26e degré de longitude, et au midi de l’équateur, ce que le colonel Grant n’a pas rencontré au nord de la ligne, entre les 29e et 30e méridiens, elle tombe d’elle-même et n’a pas besoin d’être réfutée.

Sir Henry Rawlison est un partisan convaincu de cette théorie, que tous les lacs d’eau douce ont une issue ; il la défend avec ardeur ; et cependant, il oppose à Livingstone que le Loualaba doit se terminer dans une nappe d’eau douce, qui alors n’aurait pas d’affluent. Dans ce cas-là, sir Henry ne manque-t-il pas de logique ? C’est en lui faisant remarquer cette inconséquence que je me suis attiré de M. Galton le reproche de viser à l’effet par mes histoires à sensation.

Pourquoi ce reproche ? Parce que Livingstone, dont je prenais la défense, a découvert le lac Ngami, que cherchait M. Galton, et que celui-ci n’a pas trouvé. M. Galton a écrit, il est vrai, qu’il n’avait jamais eu grand désir d’atteindre ce lac ; mais on peut voir le contraire dans le livre de son compagnon de voyage. « Nous avions peu d’espoir d’y arriver, dit Andersson ; toutefois le Ngami était notre but ; et j’ai éprouvé quelque surprise en voyant cette plaisante assertion de mon ami, qu’il ne s’était jamais soucié de découvrir ce lac. Le fait est que Galton paraissait enchanté de revenir ; et bien qu’il se fût montré capable de supporter les fatigues et les privations de la route aussi bien que pas un de nous, il était évident qu’il en avait assez. Pour moi, notre échec a été une mortification profonde[3]. »

Je ne peux pas terminer sans dire encore un mot de l’expédition que nous avons rencontrée à Zanzibar, et qu’on envoyait à la recherche de Livingstone. Le retour de ses membres a été blâmé par le Conseil de la Société royale de géographie ; j’avoue que ce blâme ne me paraît pas juste. L’argent nécessaire à l’entreprise avait été fourni par le public, à une époque où le bruit s’était répandu que j’avais échoué. Un article, publié dans les journaux par le Conseil, fit alors appel au bon vouloir de ceux qui pouvaient se charger de l’expédition. MM. Dawson, William Henn et Oscar Livingstone se présentèrent et ne reçurent pas d’autre ordre que de chercher le voyageur et de lui porter secours.

Partis avec la ferme intention de remplir leur mandat, ils arrivèrent à Bagamoyo, où ils apprirent que le voyageur était retrouvé et n’avait plus besoin d’eux. Leur chef se hâta de revenir à Zanzibar pour en référer au consul britannique, ainsi qu’il en avait le devoir. Le consul fut d’avis que la mission n’avait plus d’objet, et fit entendre que Livingstone était l’ennemi des géographes de la métropole ; ce que confirmait, du reste, le post-scriptum d’un certain livre bleu. Sur quoi le lieutenant Dawson abandonna l’entreprise, persuadé qu’il était que sa présence déplairait au grand voyageur. Le lieutenant Henn, à son tour, ne résigna le commandement qu’après en avoir référé au consul. Le jeune Livingstone devint alors chef de la bande ; mais il commençait à souffrir d’une maladie grave, qui, toujours d’après mister Kirk, le rendait incapable de faire un pareil voyage. L’expédition fut dissoute, et ces messieurs repartirent pour l’Angleterre.

Voyons maintenant qui est responsable du fait. Quand le lieutenant Dawson me demanda ce que j’en pensais, je lui répondis : Cela dépend des ordres que vous avez reçus, et de l’engagement que vous avez contracté. On sait quel était son mandat ; quant à l’exécution, il devait s’en rapporter à ce que déciderait le consul. Donc, si mister Kirk a été d’avis que le voyage ne devait pas avoir lieu, parce que, n’étant plus nécessaire, il déplairait à Livingstone, ces messieurs étaient parfaitement fondés à revenir.

Tout le monde était dans son droit : ceux qui partaient, puisqu’ils en avaient l’autorisation, et celui qui conseillait le départ, puisqu’il était choisi pour arbitre et qu’il pensait que l’arrivée des gentlemen déplairait à Livingstone.

Seulement, je ne suis pas de l’avis de mister Kirk sur le dernier point. Je connais Livingstone ; il aurait accueilli à merveille ces jeunes gens qui venaient pour lui rendre service, et les aurait mis à même de saisir le fil de ses découvertes ; ce qu’il a fait pour moi en est la preuve.

Je ne proteste pas moins contre les sentiments que l’on attribue au docteur pour les géographes et pour leur Société ; il n’a jamais eu de querelle avec cette dernière ; et en quatre mois, je ne lui ai pas entendu dire un seul mot désobligeant ni pour la Société géographique, ni pour ses membres, dont ses amis personnels font partie, au moins pour la plupart.

La cause réelle de tous les ennuis qui ont accompagné la dissolution de l’entreprise, faite pour la recherche de Livingstone, a été dans cet oubli du Conseil de ne pas instruire le lieutenant Dawson de ce qu’il devait faire dans le cas où il me rencontrerait, et où il acquerrait l’assurance que le grand voyageur n’avait plus besoin de secours. S’il avait admis officiellement qu’il était possible que l’expédition américaine eût réussi dans cette mission de charité, et qu’il eût donné au lieutenant Dawson des instructions pour ce cas prévu, le Conseil n’aurait pas eu de reproches à faire au lieutenant et à ses compagnons, et n’aurait pas fait éprouver à ceux-ci le regret d’avoir mis leurs fortunes et leurs vies au service de la Société.

Maintenant, lecteur, je vous quitte. J’ai dit adieu aux Vouagogo et à leur effronterie, à Mionvou et à ses pareils, aux Vouavinza et à leurs clameurs, aux Vouaroundi et à leur inhospitalité ; aux marchands d’esclaves, Arabes et métis ; à la fièvre, aux marais et aux crocodiles ; à la plaine brûlante, à l’eau amère, aux grands bois, à mes fidèles compagnons, mes noirs amis ; à Livingstone, l’héroïque voyageur ; et à vous critiques, à vous tous, amis et ennemis, je dis adieu.

POST-SCRIPTUM

J’ai, dans le cours de ce volume, écrit des choses assez dures à l’égard de certains individus, géographes et autres ; je le reconnais. Si mes paroles ont blessé quelqu’un, je le regrette ; mon excuse est qu’elles sont irréfléchies. Je les ai écrites sous l’impulsion des sentiments que j’avais alors. Je suis journaliste et voyageur, plus habitué à écrire au courant de la plume, qu’à polir mes phrases ; et j’ai mieux aimé laisser telle quelle l’expression de ce que j’ai ressenti ou pensé, que de la remettre en un style infiniment meilleur au point de vue littéraire, mais qui ne serait pas du tout le mien.

Au dernier moment, comme ces feuilles étaient presque toutes imprimées, je n’ai pas été, je l’avoue, moins satisfait que surpris de recevoir une invitation à dîner de la part des membres de la Société géographique

Depuis mon arrivée en Angleterre, et même avant, j’étais persuadé que le service qui m’avait été permis de rendre à la science, en assistant Livingstone, et en rapportant le résultat de ses travaux, j’étais convaincu, dis-je, que cette action n’était pas agréable à la Société géographique de Londres. Cette idée, qui chez moi était fixe, a pu rendre amer le ton de certaines remarques écrites dans ce volume ; je suis disposé à reconnaître en toute franchise que mon impression n’était pas fondée. Les grands corps se meuvent avec lenteur ; moi, j’étais impatient, ne doutant de rien ; je croyais, à tort, que le récit que j’avais à faire serait accueilli sans hésitation, admis sans réserve. Je pensais qu’en faveur de ce que j’avais à dire, la Société de géographie s’empresserait de me recevoir ; je ne songeais pas aux difficultés que rencontrent les mouvements d’un corps scientifique aussi auguste. Mais on dit que, si les moulins des dieux broient lentement, c’est avec sûreté ; de même la Société géographique de Londres a découvert avec lenteur et certitude que je n’étais pas un charlatan, et que j’avais réellement fait ce que j’avais dit. Elle m’a donné sa médaille, et tendu la main avec une chaleur, une générosité que je n’oublierai jamais. Je prie ses membres de croire que la reconnaissance qu’ils ont faite de mes humbles services, pour avoir été un peu tardive, ne m’en est pas moins précieuse. Je remercie particulièrement sir Henry Rawlison des paroles bienveillantes qu’il a dites à mon égard, et de la noble manière dont il a rétracté l’observation un peu vive qu’il avait émise avant de me connaître, et dans l’ignorance où il était, à cette époque, de certains faits qui lui ont été soumis depuis lors.

Enfin je garderai précieusement la médaille que m’a offerte la Société royale de géographie, ainsi que la riche tabatière dont Sa Majesté la reine Victoria m’a honoré.

  1. Voir, page 10, la réponse du docteur Kirk au sujet de Livingstone. « Il devait bien revenir…, » et, pages 513 et suîv., la correspondance à laquelle il est fait allusion. (Note du traducteur.)
  2. M. Dawson s’est pendu aux États-Unis. (Note du traducteur.)
  3. Andersson’s, Lake Ngami, pages 228, 240, 251, 252.