N. S. Hardy, Libraire-éditeurs (p. 257-260).


LES PÊCHERIES AU SAUMON DE LA BAIE DES CHALEURS




Nous extrayons les intéressants détails qui suivent, d’un écrit de M. Mowatt, garde-pêche à Campbelton, N. B., publié dans Forest & Stream, à New-York.

« La Baie des Chaleurs est bornée au nord, par les comtés de Gaspé et de Bonaventure, c’est-à-dire, du côté de la province de Québec ; au sud, par le comté de Gloucester ; par le comté de Ristigouche, du côté du Nouveau-Brunswick. À deux cent milles de son embouchure, en remontant, la baie, reçoit les eaux de la rivière Ristigouche. Le comté de Gaspé possède trois rivières à saumon, d’une bonne étendue, et deux, de moindres dimensions. Le comté de Bonaventure s’énorgueillit de la Grande Cascapedia, si avantageusement connue, et de deux autres rivières à saumon, moins considérables ; le comté de Gloucester, au Nouveau-Brunswick, compte la rivière Bathurst, et le Nipisiguit, tandis que le comté de Ristigouche est arrosé par la rivière de ce nom, laquelle se divise en deux branches, et aussi, le petit cours d’eau — la Jaquet — ; tel est le berceau de la grande famille salmonidée, de la Baie des Chaleurs : l’Élysée des pêcheurs (à la mouche).

Il y a cinquante ans, le saumon pris dans ces rivières, ou à leur estuaire, était salé, encaqué, vendu aux commerçants, ou expédié à Halifax ; les Indiens y étaient pour une moitié, dans ce poisson, pris au nigogue. Pas de lois de pêche en ces temps là, pour restreindre le barrage des rivières au moyen de rets. On tendait pour le saumon dans l’estuaire de la Ristigouche, plus haut que Dalhousie ; on ne comptait pas au delà de trente cinq stations de pêche au rets dans les comtés de Ristigouche et de Bonaventure. Le prix du saumon par quart : $6 à $8, offrait un trop faible encouragement ; les pêcheurs établis sûr les rives, se bornaient à capturer ce qui suffisait pour leur provision d’hiver seulement.

Jeune garçon, en 1837, je me rappelle l’état des choses d’alors ; les anciens se plaisaient à contraster la capture actuelle, avec les pêches merveilleuses de leur jeunesse.

De 1837, à 1857, la pêche au saumon fut incertaine, précaire même ; les meilleures années ont donné un rendement de cinquante quarts… Vers 1864, le département des Pêcheries, mit en force la législation obtenue pour protéger cette industrie ; quelques amateurs de pêche à la ligne accoururent, principalement les officiers du 78e régiment (Fraser’s Highlanders, en garnison à Québec). On proscrivit le nigogue ; on limita l’aborigène à certaines réserves de pêche, d’abord ; puis, on le mit sur le même pied que les blancs ; le saumon revint. En 1871, on adopta le mode de louer à bail, les rivières à saumon. Les nouveaux détenteurs se firent fort de protéger leur propriété ; on restreignit le temps et les lieux pour tendre les rets ; le poisson pût remonter les cours d’eau ; les stations de pêches devinrent de valeur, se multiplièrent rapidement. Comme surintendant, je fus appelé à faire rapport sur quarante nouvelles demandes de permis, en une seule saison.

En 1873, on y inaugura, la pisciculture, mais ce ne fut qu’en 1875, qu’on y introduisit une quantité de frai, valant la peine. En 1877, l’ouverture de la voie ferrée de l’Intercolonial stimula le commerce du saumon dans la baie ; une maison de commerce, en six jours, expédia par cette voie 80,000 livres de saumon, à New-York : bientôt, le nombre d’appareils pour congeler le poisson frais, atteignit le chiffre de treize, au lieu de deux, qui existait préalablement : ces appareils peuvent contenir 750,000 livres. De 1876 à 1882, le rendement a fort varié : les hautes eaux en juin, qui à la suite d’une nuit d’orage, enlevaient les rets y ont contribué leur part. Règle générale, la passée du gros poisson, ne dure pas au delà de trois semaines ; j’ai été témoins d’une passée entière qui ne dura que dix jours. Depuis 1883, la quantité prise dans les rets et dans la rivière, a augmenté considérablement : et continuera de ce faire, j’ose croire. Voici comment j’explique ce changement.

Il est admis que les hautes eaux du printemps et le déplacement tumultueux des banquises détruit une grande partie du frai que le saumon dépose en automne, dans le lit des fleuves, cela, justement à l’époque la plus critique de son existence ; je crois que la propagation artificielle, qui a été tentée, supplée à cette destruction, malgré ce qu’on a prétendu, au contraire. En 1885 et 1886, on a pris à la mouche au moins 2,000 saumons ; les dames ayant capturé en moyenne entre 30 à 50, chacune ; les messieurs, de 50 à 120 saumons, chacun ; poids moyen du saumon pour 1886 ; 23 livres…

Depuis 1869, les rets, ont augmenté, dans les comtés de Gloucester et de Bonaventure, de 35-40, à 150 ; il doit y avoir en ce moment 250 pêcheurs au rets, dans l’étendue entière de la Baie des Chaleurs, et ces privilèges des pêcheurs au rets, d’après les chiffres officiels, sont censés représenter un montant de $130,000.

En 1871, le droit de pêcher dans la grande rivière Ristigouche, fut affermé pour $40 par année, pendant neuf ans, à MM. Fleming et Brydges. À partir du 30 mars 1887, le gouvernement du Nouveau-Brunswick, offre aux amateurs cette rivière sur bail de deux ans, pour la somme annuelle de $3,900.[1]

Des particuliers, possédant des terrains de pêche, qu’ils évaluaient dans le passé à $400 ou $500, les ont vendus $5,000 et $8,000.

Il y a maintenant trois clubs de pêche sur la Ristigouche, composés de 60 membres, lesquels dépensent à ces endroits annuellement $27,000 ; ils ont au moins 20 gardes-pêche, rétribués sur le pied de $40 par mois ; jamais la rivière n’a été aussi poissonneuse.

(Signé)wwww John Mowatt.


Campbelton, N. B., 10 Février 1887.

  1. D’après un état publié dans le Morning Chronicle, de Québec, en juillet 1886, la Ristigouche abonde en saumons ; le Dr F. W. Campbell, MM. H. R. Ives, I. H. Stearns, de Montréal et M. W. M. McPherson, de Québec, membres du Club de Pêche Upsalquitch, de retour de cette station, mentionnent que la pêche à la mouche a été fort prospère. Le Dr Campbell et M. Stearns ont pêché pendant neuf jours ; M. McPherson, huit jours ; M. Ives, trois jours.

    Le Dr Campbell, a pris 19 saumons, du poids suivant : 22 livres, 18 lbs., 25 lbs., 21 lbs., 20 lbs., 24 lbs., 20 lbs., 22 lbs., 21 lbs., 22 lbs., 12 lbs., 27 lbs., 12 lbs., 22 lbs., 26 lbs., 28 lbs., 24 lbs., 26 lbs., 12 lbs.

    M. Stearns a pris 14 saumons du poids suivant : 23 lbs. 24 lbs., 20 lbs, 22 lbs., 25 lbs., 23 lbs., 27 lbs., 28 lbs., 19 lbs., 26 lbs., 20 lbs. ; 25 lbs., 20 lbs, 18 lbs.

    M. McPherson a pris 11 saumons, du poids suivant : 22 lbs., 24 lbs., 25 lbs., 12 lbs., 11 lbs., 24 lbs., 26 lbs., 22 lbs., 28 lbs, 12 lbs., 26 lbs.

    M. Ives dans ses trois jours de pêche, a pris quatre saumons pesant : 21 lbs., 24 lbs., 24 lbs., 25 lbs.

    (Morning Chronicle, 20 juillet 1886)