N. S. Hardy, Libraire-éditeurs (p. 261-300).


CHRONIQUE DE PÊCHE


« La pêche à la ligne retrace à l’enfance, ses jeux ; à l’âge mur, ses loisirs ; à la vieillesse, ses distractions ; au cœur sensible, le ruisseau voisin du toit paternel ; au voyageur, le repos occupé des peuplades dont il a envié la douce quiétude ; au philosophe, l’origine de l’art. »
(Lacépède).



revue de ce qui a été écrit au canada sur cette matière


Que de livres instructifs et amusants, sur nos lacs à truite et nos estuaires à saumon, sur la pisciculture etc., depuis l’ère où un savant médecin en garnison à Québec et à Montréal, en 1828, le Dr Wm. Henry, surintendant des Hôpitaux militaires, en cette province, décrivait en 1839, avec entrain, ses fructueuses pêches de truites et de saumons sur la rivière Jacques Cartier et sur la rivière Murray, Comté de Charlevoix.

WILLIAM HENRY M. D.

William Henry semble être le premier de ces écrivains.

Son travail en deux tomes, Trifles from my Port Folio, aux yeux des fidèles disciples d’Ausone et de Columelle, est prisé, comme un incunable. Les Esquisses entassées au portefeuille du savant docteur, dénotent non seulement le pêcheur émérite, mais encore l’aimable causeur, l’écrivain élégant, classique même, le judicieux observateur de la nature, le grand voyageur, l’homme des salons, aussi bien que le praticien habile de son art, puisque l’une des esquisses nous le fait voir, comme l’un des anatomistes désignés par le Gouvernement anglais, pour prendre part à l’autopsie officielle du corps de Napoléon I, à l’île Sainte Hélène.

Les esquisses du Dr Henry, rarissimes volumes que maintenant se disputent les amateurs, ont porté dans tous les coins du monde, le renom du Jacques Cartier, comme station de pêche ; nous ne serions pas étonnés d’apprendre que la renommée de ces chutes sonores, de ses rapides écumeux, la réputation des « Remous St-Jean » des « Grands Rets » ne fut grâce à lui, connue des sauvages tribus de l’Afrique Centrale. Les noms de Henry et de son regretté successeur au Jacques Cartier, feu Charles Langevin, sont associés depuis plus d’un demi siècle, à ce cours d’eau et aux environs du pont de Louis Déry, sur cette rivière. M. R. Nettle, s’est même donné la peine, de nous fournir un tableau comparatif des pêches à saumon, de notre excellent concitoyen, de 1850 à 1856. M. Langevin a légué son nom à une mouche artificielle d’une efficacité merveilleuse pour faire sauter le saumon « the Langevin Salmon Fly » ; le nom de Henry est encore porté, par un des descendants de l’ancien propriétaire du pont Déry, fixé au lac St-Jean. Je vais dire comment je fis cette découverte.

En août 1884, je descendais en canot d’écorce avec un jeune ami, M. Augustus Maxham, un des traîtres rapides de la Grande Décharge du lac St-Jean. Wm. Griffith, le propriétaire de la célèbre station de pêche, sur ce rapide avait obligeamment octroyé un permis de pêche, à mon compagnon de voyage, lequel, dans moins d’une heure, eut rempli le canot de superbes ouinaniches, pesant, en moyenne, 5 livres, chaque : le ouinaniche que les anglais nomment Land-locked salmon, à cette saison est d’une voracité extrême et prend, n’importe quelle mouche. J’eus la curiosité de m’enquérir du vieux canotier, qui nous conduisait son nom et le lieu de sa naissance. Je me nomme Henry Dery et je suis né au pont de Dery, à la rivière Jacques Cartier « me dit-il, en retroussant son bonnet rouge et retournant sa chique. »

Honoré ou Henri, lequel est votre nom, lui répliquai-je ?

« Ni l’un, ni l’autre, Monsieur, ajouta-t-il, mais Henry Dery. Je porte le nom d’un bienfaiteur de ma famille, le Dr Henry, que vous avez pu connaître à Québec, il y a de cela une soixantaine d’années. Il venait chaque été, pêcher le saumon, à la rivière Jacques Cartier. »

— Pas précisément, lui dis-je : mais je sais de qui vous parlez ! »

Que d’autres choses intéressantes j’aurais à dire sur le compte de l’habile écrivain, qui, je crois, a été le premier à signaler nos estuaires à saumon ? je me bornerai à noter en passant, le récit que renferme son livre, d’une excursion de pèche qu’il fit de Montréal à la Malbaie, en juin 1830, avec un ami, le major Wingfield du 66 Regt. Ils paraissent avoir tous deux fort goûté, l’hospitalité que leur offrit le toit de M. Chaperon, dont la demeure, si mes souvenirs ne me font pas défaut, gisait, un peu à l’est du Manoir Nairne. Leur guide se nommait Jean Gros : or Jean Gros, ayant perdu son aviron dans un rapide, au haut de la chute dans la rivière de la Malbaie, faillit leur procurer un bain froid dans l’onde ; — quelques jurons énergiques du Dr Henry, attirèrent les gens du voisinage, qui jetèrent des planches et des perches aux nautoniers en détresse ; le canot put atterrir avant de prendre les rapides. L’odyssée, des souffrances que les mouches noires, les brûlots, les moustiques leur infligèrent, est fort amusante ; un rayon bienfaisant vint bientôt illuminer leur adversité : la capture de cinq saumons, pesant 105 livres et de quarante-huit truites, pesant en moyenne 3 livres, chaque. Puis, le Dr Henry et son compagnon, firent route pour la rivière aux Canards et la rivière Noire, vingt milles plus bas, prenant affectueusement congé de l’hôtesse, madame Chaperon, sans oublier de la remercier du joli rosier en fleurs, qu’elle avait eu la délicate attention, de faire placer en regard de leur fenêtre.

À part quelques écrits dans les journaux et les revues, l’on ne rencontre aucun travail de longue haleine sur nos rivières à saumons, entre 1839 et 1858, si l’on excepte l’utile traité sur la pisciculture et la protection de nos rivières « salmon fisheries of the st-lawrence, » par un instituteur respecté, de cette ville, M. Nettle, maintenant employé au département du Revenu de l’Intérieur, à Ottawa.

RICHARD NETTLE

Ce monsieur crut devoir utiliser ses goûts et ses connaissances spéciales au profit de sa patrie adoptive et lança un volume qui contribua tellement à appeler l’attention publique à une source de recette, alors non exploitée, que le gouvernement du jour, à la sollicitation spéciale, nous a-t-on dit, de Son Excellence, Sir Edmund Walker Head, Gouverneur-Général, créa la place de Surintendant des Pêcheries, dont M. Nettle devint le premier titulaire et où son travail, son amour pour la pêche, ses aptitudes littéraires ont rendus des services réels, dans l’organisation que le parlement adopta plus tard. M. Nettle signala, un des premiers parmi nous, les succès dans la pisciculture, obtenus en France par ces deux pauvres pêcheurs des Vosges, les pionniers de cette découverte, Géhin et Rémy que M. Coste a plus tard développée d’une manière si lumineuse. M. Nettle passa en revue nos estuaires à saumon, insista sur l’urgence qu’il y avait de protéger le poisson et le gibier au temps du frai et de la ponte, donna le plan des glissoires à être érigées dans les écluses de moulins, fournit des tableaux comparatifs du rendement des rivières les plus poissonneuses du vieux monde, protégées et non protégées, s’étendit au long sur la pisciculture, que M. Seth Green a si bien conduite à son établissement, à Mumford, état de New-York. Bref, les écrits de M. Nettle furent bien vus de tous les amis du progrès. Quelques obstructionnistes, il est vrai, les trappeurs du saumon, au nigogue, au flambeau, etc., en un mot les partisans de la destruction du poisson en toutes saisons, y incluse celle du frai et de la reproduction, tentèrent, mais en vain, de lui jeter des bâtons dans les jambes. Nettle devait triompher.

Plus tard, l’on enregistrera son nom, à côté de celui de Fortin, Cauchon, Sicotte, Mitchell, les patrons et les promoteurs de notre organisation actuelle.

À part les excellents rapports annuels soumis à la Législature, par l’hon. P. Fortin, pendant dix-sept ans, préposé dans la Canadienne, au service côtier ; à part le joli opuscule « En Canot » ; à part quelques pages bien touchées où se révèle la plume élégante de notre ami A. N. Montpetit, les lettres canadiennes ne comptent aucun travail en langue française, de longue haleine sur nos pêcheries ; c’est aux écrivains anglais du Canada et des États-Unis, que l’on doit la série de livres instructifs et amusants, les publications soignées, sur nos rivières à saumon, que nous nous proposons de passer rapidement en revue.

LE REVD W. A. ADAMSON

En 1860, la célébré maison anglaise, Longman, Green, Longman & Roberts, imprimait à Londres, édition de luxe, le volume « salmon fishing in canada, by a resident with illustrations, » pour Sir James Edward Alexander, Col. du 14 Régt. Ce militaire, connu du monde littéraire, par ses explorations en Amérique, en Afrique etc., grand amateur de pêche, avait pendant son séjour en Canada, fait connaissance du Revd. Dr William Agar Adamson, D. C. L. Aumônier ou Chapelain de l’Assemblée Législative. Sir Alexander se chargea de la publication du journal M S de pêche que le spirituel Dr Adamson avait préparé ; c’est un travail de près de 400 pages, illustré de nombreux dessins, enjolivé de vignettes, représentant des aventures de Sport, quelquefois burlesques, comprenant vingt quatre chapitres, descriptifs de joviales excursions de pêche à saumon, de truite saumonée, aux remous, dans les rapides du Saguenay et de ses tributaires, aux Escoumains, dans la Petite Romaine, au Sault au Mouton, à Poitneuf et à Bersimis, aux rivières Sheldrake, Godbout, Matane, Métis, Trinité, Pentecoste, Marguerite et Moisie, sans omettre, un voyage au Labrador avec des baleiniers de Gaspé, en quête de baleines ; le tout assaisonné de bribes de poésies, de petit poèmes, improvisés pour l’occasion, d’anecdotes grivoises, de fines reparties, de sel attique. On trouve un peu de tout, dans ce salmigondis, même de la musique : deux chansons canadiennes annotées, précédent l’appendice : Moore’s Boat Song, de 1804, traduite en français et mise en musique et la touchante complainte du regretté Gérin Lajoie.

« Un canadien errant
Banni de ses foyers. »

L’appendice comprend les documents, rapports et pièces suivantes, plusieurs, d’une importance majeure.

I « Le mémoire lu par le Dr Adamson, devant le Canadian Institute, de Toronto, en 1858, et sur lequel, plus tard fut calquée, en grande partie, notre législation pour la protection et la propagation artificielle du saumon : "On the Decrease, Restoration and Preservation of Salmon in Canada". »

II « Observations on the Habits of the Salmon : by William Henry, Esqr. M.D. Inspector General of Hospitals. »

III « Fishing in New-Brunswick and Canada by Colonel Sir A. E. Alexandre, F. R. G. S. and R. A. S. 14 Regiment. »

IV Extract of the « Report of Commissionner of Crown Lands, Canada, » 1860.

V « Salmon and Sea-Trout Fisheries of Lower Canada. »

VI « Report of Crown Land Deparment, Fisheries, 1858, Honb. P. M. Vankoughnet. »

Le coquet volume du Docteur Adamson, après un quart de siècle, continue de faire les délices des amateurs ; chaque saison, nous fournit son contingent de touristes.

J. M. LeMOINE

Au printemps de 1863, je livrai à la publicité, sous le titre « les pêcheries du canada, » le sommaire de quelques études, fruit de mes loisirs, pendant de longues soirées d’hiver. Le traité se divisait en deux parties. À la Ier partie, je décrivis les résultats obtenus au vieux monde, par la méthode de pisciculture, déjà connue au comte de Goldstein, dès 1758, mais dont les pêcheurs des Vosges, Géhin et Rémy, devinrent en France, sans le savoir, les illustres apôtres, et qu’un savant membre de l’Institut et en même temps, professeur au collège de France, M. Coste, faisait accepter du gouvernement français et de plusieurs autres gouvernements, dès 1855, dans un traité[1] traduit dans presque toutes les langues. Cette nouvelle méthode de propager, restaurer, protéger le poisson dans les étangs et les rivières, était suivie de quelques esquisses de nos lacs à la truite, de nos estuaires au saumon que je signalai en détail, aux amateurs de pêche du Canada et des États-Unis, invitant ces derniers à prendre part à nos richesses.

La IIe partie, présentait un historique de nos pêcheries d’eau profonde et suggérait une foule d’amendement et de changements dans l’organisation de notre service côtier et dans la législation affectant les pêcheries du Canada : Primes, glissoires pour le saumon, inspection compulsoire du hareng et des huiles de poissons, équipement de croisières armées (gun-boats) pour protéger notre littoral contre les envahissements de nos voisins, dès que l’abrogation du traité de réciprocité nous ramènerait aux dispositions du traité de 1818, etc.

Je suis heureux de voir plusieurs de mes suggestions incorporées dans notre législation et les croisières armées, au moment où j’écris, sont à l’ordre du jour. Mon modeste travail me valut les encouragements du Premier-ministre d’alors, l’hon. M. Sicotte, plus tard, connu, par la législation qu’il fit adopter, sous le titre de Père des Pêcheries. L’honorable J. Cauchor, alors dans la plénitude de son talent, me consacra un article fort élogieux, dans le Journal de Québec. Mais passons.

ROBERT B. ROOSEVELT

En 1862, un membre du Barreau de New-York, Robert B. Roosevelt, fils du Juge Roosevelt et auteur entre autres écrits de « Game Birds of the North », publiait à New-York, sous le pseudonyme de Barnwell, un traité de 324 pages, intitulé« Game Fish of the North. »

M. Roosevelt, tout en décrivant avec charme son amusement favori, a fait de sérieuses recherches sur les diverses espèces de poissons de mer et de rivière, qu’il considère comme Game Fish, sur leurs caractères spécifiques, leurs habitudes, leur classification, le temps du frai et le mode de les capturer, les matériaux pour, et la manière de préparer les mouches artificielles ; le tout accompagné d’agréables réminiscences de ses pêches, dans les États de la Nouvelle-Angleterre, dans le New-Brunswick et dans la province de Québec. Son livre est un utile Vade Mecum, pour le pêcheur de truites et de saumons. M. Roosevelt, c’est l’homme civilisé en vacance, soupirant pour les solitudes bocagères de nos lacs et de nos bassins à saumons.

À part quelques excentricités, le livre de M. Roosevelt possède, pour l’amant de la vie des bois un charme ineffable. Comme je l’ai dit ailleurs. « Qui en peindra la fraîcheur du coloris, l’entrainement des descriptions, l’amour passionné de la nature ? » Tantôt l’auteur vous sert de la prose poétique à pleines mains ; tantôt, c’est de la haute science telle qu’Audubon, Storer, DeKay, Agassiz, Mitchell, Baird, l’ont comprise. Aujourd’hui, c’est Isaac Walton, le prince, le type des amateurs de pêche à la ligne, qui nous dévoile les secrets intimes de son art ; demain, le chantre des saisons, Thomson, nous entraînera près des torrents, aux pieds des cascades, pour nous mettre face à face avec le sombre et grandiose spectacle des montagnes, des fleuves du Canada et vous faire savourer l’amoureuse solitude des bois.

Rien n’échappe à l’enthousiasme du jeune voyageur, pas même les usages variés auxquelles l’écorce de bouleau peut servir : « On pourrait, dit-il, écrire un traité entier sur les merveilleuses qualités de l’écorce de bouleau, trésor sans prix du forestier. Pour l’habitant des bois, c’est une nacelle, une tente, une table, une assiette, un pot pour chauffer l’eau, une corbeille, une coupe, un panier, une casserole pour frire, une feuille de parchemin pour écrire, l’aliment pour son feu et mille autres objets essentiels à la vie. »

Écoutez-le décrire le sapin et dites-moi après cela, s’il n’y a pas chez lui quelques étincelles du feu sacré : « Arbre parfumé ! que n’ai-je le pinceau de Jules César, d’Homère, de Shakespeare ou même de Byron pour retracer dignement ta gloire ! Ô sapin, arbre chéri du pauvre bûcheron, affaissé sous le poids du jour, aussi bien que du langoureux chasseur qui échange pour la forêt, l’oisiveté des villes ! arbre, dont le parfum embaume la couche de tous ceux à qui Morphée verse ses pavots dans la solitude de la forêt ! un lit de tes flexibles rameaux est plus doux que l’édredon ; le monarque qui s’y reposerait y rêverait au paradis. Tu sais nous protéger contre la toux, le rhumatisme et les miasmes malfaisants que la terre laisse exhaler de son sein glacé. Avec ta verte feuillée, je puis me construire un douillet grabat où seront confondues la fermeté du matelas, la molasse du lit de plume et cet élasticité qui t’est propre. Accepte mes hommages, pour toi, pour ton associé, la pruche et ton camarade, le bouleau ; reçois, en souvenir d’un ami absent, ce nuage d’encens qui en ce moment s’exhale de mon calumet ! Puisse ton ombrage s’accroître ! puisse tu grandir et devenir un arbre majestueux dont le feuillage me prêtera en tout temps un lit, sous la voûte étuvée et dont le tronc me fournira, un véhicule, une nacelle pour franchir le liquide élément. »

Tout est ici reproduit, hors le feu de l’original.

L’art de grouper avec agrément les incidents de voyage qui distingue le brillant écrivain, se manifeste, surtout, dans le récit de son expédition à la rivière Laval, un peu plus bas que le Saguenay. Peut être le traduirons nous plus tard pour nos lecteurs.

N’oublions pas en terminant de féliciter cet habile défenseur du système de protection que la législature a inauguré pour les pêcheries du Canada, de l’éloquent plaidoyer que son livre fournit. Il est à regretter que l’infatigable pêcheur n’ait pu jeter sa tente sur les rives des lacs Philippe, St-Simon, des Neiges et des mille autres lacs poisonneux qui se rencontrent dans la chaîne des Laurentides. Quels tableaux animés, quelles scènes ravissantes ne nous aurait pas valu son séjour dans ces féeriques endroits !

Puisque nous ne pouvons favoriser nos lecteurs à une description de ces lieux, essayons au moins de reproduire en français, les adieux que M. Roosevelt adresse, dans la langue de Milton et de Byron, à l’estuaire le plus poissonneux du Nouveau-Brunswick, la rivière Nipisiguit.

« Adieu, beau Nipisiguit, fleuve aux limpides bassins, élysée du pêcheur ! Pourrai-je jamais oublier ton doux murmure, tes rapides sonores, tes rives tantôt escarpés, tantôt ensevelies sous l’ombre des géants des forêts ? Puisse la Naïade qui te verse l’onde limpide à ta source continuer à assurer au touriste, des rêves de bonheur ! Puissent tes fosses profondes longtemps offrir au noble saumon, des asiles de sûreté, inaccessibles à la seine et au nigogue meurtrier ? Fasse le ciel que tes points de vue pittoresques continuent de charmer l’œil de l’artiste, et tes ondes, d’attirer le pêcheur ! Et moi même, puisse-je être assez fortuné pour te revoir, beau fleuve, aimable Nipisiquit !

CHARLES LANMAN.

Voilà un nom également cher à la littérature et au sport, que les échos de nos forêts se plaisent à répéter comme aux beaux jours de sa jeunesse, en 1846.

M. Lanman est non seulement un bon écrivain, c’est de plus, un Nemrod renommé, un habile pêcheur.

Les pages qu’il consacre à décrire ses exploits de pêche aux remous poissonneux de la Rivière Ristigouche, aux limpides bassins du Jacques Cartier, de Terreneuve etc.,[2] ne sont point, à coup sur, les moins séduisantes dans cette vaste et brillante mosaïque littéraire, l’œuvre de sa plume versatile.

Évidemment les hôtes argentins du Jacques Cartier sont des saumons privilégiés, des princes du liquide élément, puisqu’ils ont eu pour biographe et chroniqueur, un artiste et un auteur dont les magnifiques volumes, illustrés de sa main, ont pénétré dans les coins les plus reculés de l’Amérique et de l’Angleterre.

M. Lanman est beaucoup plus qu’un pêcheur de saumons et de truites ; c’est un admirateur passionné de cette grande nature forestière, un artiste, un peintre ému des paysages canadiens. Tout vif appréciateur qu’il soit des merveilleuses toiles des grands maîtres, il a trouvé moyen de grouper à côté de ces chef d’œuvre de l’art, des dessins, mille croquis de chasse et de pêche en Amérique, dans l’intérieur de sa jolie villa, à Georgetown, près Washington ; sa ligne, ses mouches, son pinceau ont fait connaissance avec les estuaires, les rivières, les lacs les plus renommés du continent entier.

Parmi les postes enviés, que M. Lanman a occupés dans sa patrie, l’on cite celui de secrétaire privé de l’Hon. Daniel Webster, dont il devint plus tard le sympathique biographe. Ceci lui fournit l’occasion d’accompagner l’éminent homme d’État et son camarade de pêche, Sir John Crampton, alors ambassadeur anglais à Washington, dans maintes expéditions de pêche, à Little Rock, sur le Potomac, sous la conduite d’un guide fameux, Joe Payne, célébrité locale pour les pêcheurs du Potomac, aussi en renom que Siouï et Gros Louis l’étaient, jadis, pour les pêcheurs de truite du Lac St-Charles. Il se plaît à retracer ses frétillantes pêches, sur le Jacques Cartier, au temps ou Déry et Trépanier en accaparaient le poisson pour le marché de Québec.

« Voyez, dit-il, à un demi-mille du pont de Déry, en remontant la rivière, à travers d’affreux rapides, le paisible bassin ou réservoir, dénommé l’Hôpital, parce que le saumon, chaque été y séjourne quelques jours, comme pour se remettre de sa fatigue, à franchir les neuf milles d’ondes tumultueuses entre cet endroit et le fleuve St-Laurent ; puis, voilà la Chute — le roc Everett — la noire et tranquille nappe d’eau, avoisinante, encadrée de crans — le Black Rock » — sites pittoresques où sa ligne de pêcheur, sa plume de littérateur et son crayon d’artiste se sont tour-à-tour exercés.

Il clôt son récit par une agréable réminiscence où un exploit de natation, dans les rapides écumeux du Jacques Cartier, nous décèle sans qu’il le nomme, un intrépide nageur — notre ami, M. Archibald Campbell, protonotaire-adjoint de la Cour Supérieure de Québec ; — lequel se faisait un jeu, il y a de cela quarante ans, de traverser à la nage, le St-Laurent, devant Québec ; digne fils d’un intrépide père, le colonel Charles Campbell, du 99e régiment, qui, pendant sa longue existence, s’enorgueillissait d’avoir sauvé à la nage, la vie de pas moins de douze personnes en danger de se noyer.

Charles Lanman, naquit à Munroe, État du Michigan, le 14 juin, 1819 ; son père, Charles James Lanman, longtemps maire de Norwich, dans le Connecticut, se distingua comme jurisconsulte et fut un des premiers hommes de loi qui se fixa dans l’état de Michigan. (Sa mère, Marie Jeanne Guie (Guy ?) était d’extraction française ; son père à elle, né au Canada, était un des pionniers dans l’établissement du Michigan.

L’écrivain avait pour aïeul, le juge James Lanman, sénateur influent, élu par l’état du Connecticut, de 1817 à 1825.

Par les femmes, M. Lanman remontait au « Pilgrim Fathers » de 1620 ; et par des alliances subséquentes, à l’historien Motley.

Après un séjour de dix années, à New-York, dans les comptoirs de Suydam, Johnson & Cie, M. Lanman, revint à Munroe, lieu de sa naissance, et y rédigea pendant quelque temps la Munroe Gazette ; en 1846, il prenait part à la rédaction du Cincinnati Chronicle ; puis, on le retrouve à New-York, collaborant au Daily Express. Enfin, il fut employé comme correspondant à l’étranger, du National Intelligencer.

En 1849, M. Lanman épousa à Georgetown, mademoiselle Dodge. La même année, il fut nommé bibliothécaire du département militaire, à Washington ; comme tel chargé de l’organisation de cette bibliothèque. Plus tard, il devint bibliothécaire du bureau des Droits d’auteur, bibliothécaire du département de l’Intérieur, et enfin, bibliothécaire de la chambre des Représentants.

Écrivain sérieux, d’une rare industrie, M. Lanman lègue à la postérité une série d’œuvres marquées au coin du mérite — préconisées comme telles par les hommes de lettres et des critiques les plus autorisés du vieux et du nouveau monde. Le romancier Charles Dickens, Washington Irving, Edward Evorett, ont fait chaudement son éloge ; l’Atheneum, de Londres et le London Literary Gazette, ont consacré des notices spéciales à ses écrits.

Une Revue contemporaine fournit la liste suivante de ses travaux :

1 Adventures in the Wilds of America, 1834.

2 Essays for Summer Hours, 1842.

3 Letters from a Landscape Painter, 1845.

4 A Summer in the Wilderness, 1847.

5 A Tour to the River Saguenay, 1848.

6 Letters from the Alleghany Mountains, 1849.

7 Haw-ho-noo, or Records of a Tourist, 1851.

8 Private Life of Daniel Webster, 1852.

9 Dictionary of Congress. Published by the Government, 1859.

10 Prison Life of Alfred Ely, 1862.

11 The Japanese in America, 1872.

12 Biographical Annals of the Civil Government of the United States, 1876.

13 Curious Characters and Pleasant Places. Published in Scotland.

14 Red Book of Michigan, 1871.

15 Resources of America. Republished in Japan.

16 Noted men in Japan.

17 Octavius Perinchief. His Life of Trial and Supreme Faith, 1879.

18 Life of William Woodbridge, 1867.

19 Farthest Forth ; or the Life and Explorations of J. B. Lockwood. 20 Haphazard Personalities, 1886.

Le vieux sportman nous reviendra-t-il à la saison des feuilles ? Nous l’espérons.

HENRY WILLIAM HERBERT

Sur la berge de la rivière Passaic, à mi-distance entre Newark et Belle ville, état de New Jersey, il y avait en 1852, un pittoresque cottage, style Tudor, tapi sous la feuillée, entouré de cèdres majestueux. Un beau jardin aux allées sinueuses l’avoisinait, pour ainsi dire, l’encadrait.

Cette riante demeure, aux allures gothiques avait un toit mansard — d’amples piazzes, des balustrades, où s’enlaçaient avec profusion les rameaux odorants du cèdre, mêlés aux ceps flexibles des vignes sauvages : le coup-d’œil était tout-à-fait séduisant.

La porte d’entrée était couronnée d’une ramure de cerf énorme. De la fenêtre en ogive, l’œil embrassait le Passaic, vers lequel le gazon descendait en talus.

Le joli petit domaine était borné sur deux faces par la nécropole Mount-Pleasant ; ce qui joint aux sauvages aspects d’alentour dénotait de l’excentricité chez le propriétaire, dans le choix d’un site.

L’intérieur du chalet était comme l’extérieur, fort romanesque. Chaque pièce accusait le bon goût : ici, une bibliothèque ample et bien choisie dénotait chez le seigneur de céans, des velléités littéraires ; là, donnant vue sur une rangée de chenils à l’extérieur, était un appartement dont les murs étaient garnis de fusils, de gibecières, de sabres, de trophées de chasse, etc.

De loin, le riant cottage gothique vous faisait l’effet d’une corbeille de fleurs, ceinte d’un cordon de verdure parfumée.

Telle était la demeure d’un écrivain, d’un érudit, d’un sportsman dont les écrits faisaient l’admiration de toutes les régions, où se parlait la langue anglaise, où la vie aventureuse du chasseur avait des adeptes : Henry William Herbert, mieux connu sous le pseudonyme de Frank Forester.

M. Herbert naquit à Londres, le 7 avril 1807 ; il était de descendance aristocratique, fils du Révd William Herbert, chanoine de Manchester, petit fils du comte Carnarvon.

Il fit ses cours, à Eton et à l’Université de Cambridge, entouré d’une société d’élite, toujours prête à encenser ses succès. Tous ces avantages sociaux, il les mit de côté, de bonne heure, pour accourir se créer une réputation au Nouveau Monde.

À son arrivée à New-York, après s’être rendu compte des merveilles de cette métropole, il partit pour le Canada, pour y faire la chasse et la pêche ; il s’y lia d’amitié avec nos nemrods, tels que le capt. Peel, d’Amherstburg, chasseur et auteur bien connu, ainsi que M. Alexander Davidson Bell, fils de l’honorable Mathew Bell, négociant distingué de Québec, propriétaire des Forges St-Maurice. Il fit maintes excursions de chasse, à la Jeune Lorette et au Château Richer, avec M. Bell.

De retour à New-York, M. Herbert accepta la chaire de professeur de Grec et de Latin, au lycée classique de T. R. Huddart.

Ses occupations lui laissaient d’amples loisirs ; il fonda et rédigea, conjointement avec M. D. A. Paterson, l’american monthly magazine.

Plus tard, il trouva moyen de faire des courses avec ses chiens en quête de cailles et de bécassines, aux environs de Newark. Dans ses expéditions de pêche, aux lacs des Adirondacks, ou aux belles rivières du Canada, il eut plusieurs fois pour compagnon M. William T. Porter, l’habile rédacteur du spirit of the times. La chasse et la pêche ne suffisaient pas à son activité dévorante : il se jeta dans la littérature et composa toute une série de romans : en 1834, the Brothers ; en 1837, cromwell ; en 1843, marmaduke wyvil ; ce superbe roman eut à Londres, les honneurs de quatorze éditions en dix ans. En 1844, sa plume féconde traçait les pages émues de ringwood the rover-guarica ; the carib bride ; en 1845, pierre, the partisan. Le chef d’œuvre de ses romans, the roman traitor, fondé sur la conspiration de Catilina, vit le jour, en 1846. Vers 1845, parut son premier volume sur le sport, the warwick woodlands, sous le nom de plume de Frank Forester ; en 1845, un autre volume, my shooting box ; en 1847, the miller of martaigne. En 1848, son grand ouvrage field sports of the united states and british provinces of north america, fut édité à New-York. Il a depuis subi plus de vingt éditions. En 1849, parut fish and fishing of the united states and british provinces. Il y ajouta un supplément, en 1850. Puis, il revint à ses anciennes amours, les romans. En 1849, parut dermot o’brien ; or, the taking of tredah, et, en 1851, the captains of the world. Ce dernier roman ainsi que celui intitulé : captains of the great roman republic, livré à la publicité, en 1854, sont des travaux historiques remarquables.

En 1852, il avait recueilli une série de romans historiques, qu’il édita, sous le titre de Cavaliers of England ; en 1852, avait aussi paru, The Knights of England : et en 1853, Chevaliers of France, volume illustré par lui-même et American Game and its Seasons. Cette année, 1853, paraît avoir été féconde, puisqu’il ajouta à ses œuvres : The Puritans of New England et The Quorndon Hounds etc.

M. Herbert, composa en 1854, le livre intitulé Persons and Pictures from French and English History : en 1855, Memoirs of Henry VIII, and his six Wives ; The Fall of Wyaluseny et Sherwood Forest. Il prépara en 1856 Forester’s Complete manual for the young sportsman, et en 1857, son utile traité Horse and Horsemanship of North America ; Hints to Horse keepers and Tricks and Traps of Horse dealers, en 1858. Il laissa en M S un écrit intitulé : The Fair puritan et aussi Royal maries of medieval History ; il avait composé une foule d’articles pour les Revues etc., des traductions du grec d’Eschyle, ainsi que des romans d’Alexandre Dumas, d’Eugène Sue. L’on porte à deux cents volumes, le nombre de ses écrits.

En 1839, M. Herbert épousa à Bangor, une charmante jeune femme, fille du maire de cette ville, Mlle Barker. Elle mourut quelques années plus tard. En 1858, il convolait en secondes noces. La jeune épouse qu’il s’était choisie, devint la victime de personnes intrigantes qui lui peignirent sous les couleurs les plus sombres le genre de vie solitaire, les absences, les courses de chasse etc., de son époux. Elle se sépara de lui ; M. Herbert après de vains efforts pour effectuer un rapprochement, pris de désespoir, trois semaines après son mariage, se flamba la cervelle le 17 mai, 1858, au Stevens House, à New-York.

Charles Hallock

En 1873, Harper Brothers, de New-York, imprimaient, en un volume in octavo, les nombreux écrits sur les lacs à truite et les rivières à saumon, que l’auteur, Charles Hallock, avait semés, dans les Revues, etc., aux États-Unis. Cet ardent sportsman, pendant nombre d’années rédacteur-en-chef du journal hebdomadaire « Forest & Stream, » publication fort répandue aux États-Unis et au Canada, avait laissé flotter sa mouche, sur la plupart des rivières du nord du continent : nul plus que lui, donc, ne semblait autorisé à traiter de pêche ex cathedra.

M. Hallock, par la publication du Fishing Tourist, a rendu un service inappréciable aux disciples d’Isaac Walton. Son Guide Book embrasse :

1 Long Island. 11 The Saguenay.
2 The Adirondacks. 12 Labrador and New-Foundland.
3 The Alleghanies. 13 Anticosti
4 New-England. 14 The Ottawa District.
5 The Schoodics. 15 The Superior Region.
6 Nova Scotia. 16 The Michigan-Peninsula.
7 Cape Breton. 17 The « Big » Woods.
8 New-Brunswick. 18 The Pacific Slope.
9 Baie des Chaleurs. 19 Blooming Grove Park.
10 The Lower St-Lawrence. 20 Natural and Artificial Propagation.


sans compter une étude assez étendue sur la propagation artificielle et naturelle du poisson aux États-Unis et en Canada.

Le programme est vaste, n’est-ce pas ! et le Canada y a sa large part. Tant mieux !

Saumons francs, truites rouges, blanches, grises ; brochets, bars, dorés, poissons blancs, achigans, maskinongés : bref, tout ce qui respire, se meut, frétille dans la plaine liquide trouve place dans son admirable répertoire.

Charles Hallock, l’infatigable secrétaire du club de pêche, Blooming Park Association, vous dira dans quel mois, à quelle date, à quelle heure du jour ? si c’est pendant un temps clair ou sombre ? que le poisson devra mordre ; quel appât, quelle mouche le tentera ? fixant d’avance et avec précision la mouche à être employée, l’espèce de pirogue, le guide forestier que vous devez choisir ? sans omettre les provisions du voyage ; l’utilité des aliments conservés en canistres : homards, sardines à l’huile, jambon, poulets ? les spécifiques contre la morsure des moustiques ? jusqu’aux stimulants de rigueur : thé, café. Prohibant strictement l’usage des spiritueux, au camp, et préconisant comme breuvage, l’onde fraîche de la source voisine, à qui tient à conserver bon bras, bonne jambe, esprit dispos pour lutter avec succès contre salmo salar, le vaillant roi des fleuves, relancé, tout frais, des profondeurs de l’océan.

Charles Hallock, à l’en croire, avait en partage la vocation du pêcheur, peu de temps après être sorti des bras de sa nourrice. Voici comment il nous peint les jours sans nuages de sa jeunesse, l’heureux temps où tout chante en dedans de nous. « Il y a maintenant vingt-six ans que je laissai flotter ma première mouche, dans les remous et les rapides, frangés d’arbres, du New-Hampshire. De forte taille, très alerte, j’étais alors un fier jouvenceau dont le sang bouillonnait dans les veines.

J’escomptais d’avance la vigueur de mon âge mûr. En été, ma suprême félicité, c’était de coucher en plein air dans une hutte de branches, construite par moi au haut d’un tertre, au pied duquel serpentait un limpide ruisseau à truite, près de la métairie de mon père : c’est là, où s’éveillèrent mes instincts de pêches, ou se firent les rudiments de mon éducation forestière. Avec le temps, j’en vins à connaître au parfait, la tanière de chaque blaireau du canton. Je pouvais identifier à première vue, chaque écureuil, tous les suisses du voisinage ; le tronc d’arbre renversé où le Tetras venait à l’aube, faire l’appel à ses sultanes, le nid de corneille en mai, l’arbre creux en octobre, où une marmotte avait établi sa demeure. En juin, j’écoutais les cailles et les perdrix appelant amoureusement leurs compagnes et je savais où trouver les jeunes après l’éclosion. J’avais toutes espèces de favoris : des écureuils apprivoisés, des corneilles, des éperviers, des hiboux, dociles à ma voix ; des blaireaux, pour familiers. La basse-cour comptait pour moi bien des groupes amis. Je faisais le trajet des pâturages aux étables, perché sur le dos des bêtes de ferme. Je m’étais un jour hasardé à conduire à la fois en laisse quatre poulains indomptés. J’avais fait sauter du pont, dans la rivière, ma monture, — un ânon que nous avions, — au grand risque de me rompre l’épine dorsale. J’avais dressé une génisse, à me permettre d’appuyer sur les rudiments de ses jeunes cornes, mon fusil, pour viser plus sûrement. Quant à la pêche, j’en raffolais.

Il y avait au fond des solitudes forestières, de grands lacs, ayant à leur décharge des moulins et des écluses où fourmillait le brochet. Il y avait aussi, ô bonheur suprême ! de limpides cours d’eau, s’élançant allègrement de la cime des monts ; leur fracas, leurs ondes écumeuses semblaient me redonner une existence nouvelle, une exubérance de vie. »

Ne soyons pas surpris si pour cet enfant terrible, il fallait un champ convenable à son activité dévorante ; et qu’il l’ait trouvé, dans les scènes émouvantes de la pêche.

Frederick Tolfrey

The Sportsman in Canada by Frederick Tolfrey, author of The Sportsman in France, 2 Volumes, London — 1845.

Je dois à l’obligeance de M. Fairchild la connaissance de ces rarissimes volumes, sur le sport en Canada.

La garnison de notre bonne ville, il y a de cela soixante-onze ans, comptait parmi son personnel, un jovial et fringant jeune officier : le jouvenceau se nommait Frederick Tolfrey ; il n’avait que vingt et un ans. Né, en Angleterre, en 1795, d’une famille bien posée dans la société, on l’avait expédié au Canada avec une commission d’officier en poche, pour l’arracher à une hymenée qui n’était pas du goût de ses bons parents. Un vaisseau de guerre, un transport, nommé la Lune, devait faire route pour Québec, pendant l’automne de 1815. Tolfrey y fut embarqué ; un contre-ordre de son père lui fit quitter ce vaisseau, au moment du départ. Il fut envoyé à Caën, en France, pour y étudier la langue française. La providence veillait sur lui. La Lune, en remontant le fleuve St-Laurent, obstrué de glaces en décembre, fit côte sur une île à dix lieues d’Anticosti, et de tous les passagers et de l’équipage, il ne se sauva qu’un seul individu, qui faillit mourir de la misère qu’il endura.

Débarqué à Québec, pendant l’été de 1816, M. Tolfrey se rendit fort populaire par ses manières franches et enjouées ; sa naissance, son éducation, son amour des réunions sociales, lui eurent bientôt assuré une entrée dans les meilleurs cercles.

Il combinait avec sa passion pour la chasse, la pêche, l’équitation, un goût prononcé pour le théâtre. Comme les acteurs de profession étaient rares à Québec, en 1816 M. Tolfrey, secondé par les officiers supérieurs de la garnison, tel que le colonel (plus tard le général) Cockburn, le colonel Durnford, du Génie ; plus tard, les lords William et Frederick Lennox, fils du duc de Richmond, gouverneur de la colonie, le capitaine Fitzroy, le docteur Lloyd, de l’artillerie, l’aïeul de M. Jas. Lloyd, avocat de Québec et plusieurs autres, se mit à l’œuvre pour improviser des acteurs. Deux bonnes actrices de New-York furent mandées ; avec ce corps dramatique, on joua plusieurs des drames anglais les plus en vogue. La tragédie de Douglas, High Life below stairs ; She stoops to conquer ; The Honey Moon ; Raising the Wind, etc, et attiraient chaque soir dans notre théâtre tout le monde fashionable de la vieille capitale. La recette nette atteignit le chiffre de $240 par soirée ; on la déposait entre les mains de l’aumonier du régiment, comme fonds, pour aider les émigrés indigents qui venaient du vieux pays.

En septembre, les courses de chevaux attiraient la gente fashionable aux plaines d’Abraham.

À la saison des frimas, le militaire se réunissait à la bourgeoisie, aux hommes de professions, aux riches négociants de la rue St-Pierre. On organisait le Tandem et le Driving Club. Puis, venaient la grande chasse au Caribou, avec Gros Louis, le Huron ; la pêche à la petite morue dans les cabanes sur la glace, à l’embouchure du Saint-Charles ; le pique-nique obligé au cône de Montmorency ; la course en cariole, en mars, avec des Dames à la Jeune Lorette, pour y déguster le sucre d’érable ; les bals annuels de souscription — Assembly Balls — à l’Union Hotel, en face de la Place d’armes ; les banquets et les soirées vice-royales, chez Sir John Cope Sherbrooke, plus tard chez le duc de Richmond, au Château St-Louis : les soirées musicales des Perceval, à Spencer-Wood.

Au 24 avril, on attendait avec impatience, la débâcle du pont de glace. Quelques jours plus tard, on notait l’arrivée des bécassines au Bas-Bijou, sur les grèves à la Canardière, les volées d’outardes, à destination de St-Joachim, des Battures Plates, de l’Île-aux-Oies, de la Batture aux loups-marins, de Kamouraska, de l’Île Verte, de Rimouski, etc.

En juin, préparez-vous à suivre M. Tolfrey, en quête de belles truites aux lacs Beauport et St-Charles, au Montmorency. M. Tolfrey, entre autres expéditions de chasse, décrit avec bonheur, celle qu’il fit avec un Québecquois distingué, M. Grant, négociant fort important : comme quoi cet habile Nemrod par erreur, coucha en joue, les plans ou canards apprivoisés d’un chasseur de l’Île Verte, et comme quoi il les immola impitoyablement, au milieu des huées de son compagnon.

Évidemment, la vie de garnison à Québec, en 1816, était plus gaie, mieux remplie qu’à présent. Deux régiments de troupes réglées, une ou deux compagnies d’Artillerie Royale, une compagnie du Génie, une escouade de Sapers and Miners, les officiers de l’ordonnance, et du commissariat ; voilà la garnison de la vieille ville telle qu’elle l’était encore, en 1871, au départ des habits rouges. La citadelle actuelle n’existait pas alors : elle fut construite de 1823, à 1830. Les casernes principales, étaient, le corps du collège des Jésuites ; les casernes, près de la porte du Palais, hébergeaient l’Artillerie et le Génie ; le gouvernement Impérial avait loué des résidences privées dans la rue Saint-Louis ; les officiers occupaient la grande bâtisse, rue Saint-Louis, faisant face à l’Hôpital militaire (le palais de Justice actuel,) où avait résidé le juge en chef Elmsley vers 1816, et où réside maintenant le Col Forrest.

Les deux superbes volumes enjolivés de nombreuses lithographies, de M. Tolfrey et qu’il semble avoir tenus en portefeuille de 1816 à 1845, ne sont pas seulement d’aimables chroniques pour le sport : ce sont d’intéressantes peintures des hommes et des événement pendant les cinq années que ce sportsman passa au Canada.

George Dawson

The Pleasures of Angling : by George Dawson, Sheldon & Co., New-York, 1876.

Voilà un charmant volume artistement illustré, que l’historiographe d’une fameuse partie de pêche, sur la rivière Cascapédia, M. George Dawson, d’Albany, livrait à la publicité, il y a maintenant onze ans. M. Dawson décrit d’abord les rudiments de l’art, la pêche au ver, etc., selon lui, la partie prosaïque de son sujet ; puis, il nous sert un plat à sa façon : de l’ambroisie, — le côté poétique de cet amusement incomparable.

La pêche a plus d’un aspect riant, ne l’oublions pas.

Voici, un de ses délicieux chromos de la pêche, comme il l’entend : « Ce serait errer du tout au tout, dit-il, que de croire que la pêche ne consiste qu’à prendre des poissons. Capturer les habitants des fleuves et des rivières, c’est bien là le fonds de l’art ; mais l’âme, le sens intime de cette récréation gît ailleurs.

La voix retentissante des ruisseaux, la mélodie printanière des oiseaux, les corolles épanouies des fleurs des bois qui tapissent la vallée en tous sens ou qui festonnent les flancs ensoleillés des côteaux, le rocher couvert de mousse et de lichens, les rayons et les ombres du jour se fondant, se jouant en contrastes sur la cime des monts, l’atmosphère fortifiante qui obsède le pêcheur, l’odeur suave des massifs de pins, de pruche, d’épinette, de cèdres, plus doux à ses sens que le parfum artificiel des boudoirs fashionables, le nimbe humide qui plane au dessus de la cascade, la gracieuse courbe du ruisseau qui serpente en murmurant, le rapide aux blanches écumes, les profondeurs diaphanes du remous ombragé, à la mi-été recherché par le saumon argentin et la truite diaprée, l’appétit restauré, la douce quiétude partagée par le pêcheur sur son séant de sapin au parfum pénétrant, illuminé à travers les soudures de sa tente ou l’écorce de sa hutte, des rayons du soleil ou de la douce clarté de l’astre des nuits, l’hymne matinal du merle, la vigueur, l’élasticité que le grand air des montagnes infiltre aux poumons, le pétillement du feu improvisé au camp dès l’aurore ; bref, la santé, la vie nouvelle, dont jouit le pêcheur, assailli des agréables souvenirs et des scènes récréatives de ses pêches d’autrefois sur les lacs et les rivières ; voilà selon moi l’âme et l’esprit de ce noble amusement. »

Pour un amant de la nature, pour un pêcheur émérite comme M. Dawson, l’existence devait être bien douce, bien remplie, aux bassins de la grande Cascapédia, entouré qu’il était pendant cette première et mémorable excursion, d’esprits d’élite et de sympathiques compagnons de voyage. L’appel du matin réunissait au même camp, l’éminent président de notre Cour Suprême, le juge-en-chef Ritchie, le savant juge-en-chef de la Cour Supérieure du Massachusett, le juge Gray, l’ami de Parkman, profond jurisconsulte, homme d’un physique imposant, doué de qualités sociales qui l’ont rendu l’idole d’un nombreux cercle d’amis, comme M. Dawson, se plaît à le répéter, du colonel P. Archie Pell, de Staten Island, le barde de l’expédition, de M. R. Dunn, banquier de New-York, et enfin, du général Arthur, appelé plus tard, à remplir les fonctions de président des États-Unis.

Ces hommes de science, d’étude ou d’affaires s’étaient tous donné rendez-vous sur les rives « doux fleurantes » de la Cascapédia, dont ils avaient loué cette année là les privilèges de pêche. Ce n’est là qu’une faible partie des hommes distingués, des fonctionnaires d’état qui sont allés passer leurs vacances à cet élysée des pêcheurs : nos vice-rois, Sir Edmund Walker Head, les lords Dufferin, Lorne, Lansdowne n’ont pas tardé à en découvrir le charme.

En août dernier, Son Excellence, le marquis de Lansdowne, expédiait en présent à Son Éminence, le Cardinal, Taschereau un superbe saumon capturé par lui dans l’anse de la Cascapedia.

Le trajet de Québec aux estuaires à saumon, se fait de la Baie des Chaleurs, avec une célérité et une somme de confort qui ne laisse rien à désirer : d’abord, de Lévi à Dalhousie par les chars Pullman, de l’Intercolonial ; de Dalhousie, à Paspebiac, New Richmond, Gaspé, etc., dans le beau grand vapeur L’Amiral.

Si la pêche au saumon et à la truite au Canada est la source pour les amateurs, d’inénarrables jouissances pour l’économiste, elle a son côté utilitaire : nos estuaires à saumons dépassent le chiffre, de 60, et nos lacs et rivières à truites surtout depuis l’ouverture de la nouvelle voie ferrée qui mène au lac Saint-Jean, se comptent par centaines. Rien de tel chez nos opulents voisins, aux États-Unis ; une bienfaisante Providence semble nous avoir presque assuré ce monopole : à nous de le faire fructifier. Protégeons et faisons connaître au loin, nos rivières au saumon : sources si précieuse de revenu pour le domaine public.

En 1863, nous indiquions aux amateurs de pêche, dans le petit traité Pêcheries du Canada, nos estuaires à saumon comme suit :

L’Esquimau. — Rivière qui anciennement fournissait par saison 52,000 saumons.

Corkewetpeche : — Voisine de la précédente, — Bonne provision de saumons.

Ste-Augustine : — Également poissonneuse.

La Baie au Mouton : — Bonne station pour le saumon.

La Petite Meccatina : — Bel estuaire à saumon.

Netagami : — Cours d’eau profond et cascades : truites en abondance. Le saumon remonte jusqu’aux chutes.

Napetiteepe : — Se décharge dans une baie spacieuse. Le saumon y abonde.

Etamami : — Célèbre pour ses saumons.

Coacoacho : — Débouche dans un beau bassin. Bonne pour le saumon.

La Romaine : — Rivière large, mais peu profonde. Remplie de truites argentées d’une saveur exquise.

Musquarro : — Rivière rapide, escarpée. Bonne pour la mouche ou le rets.

Kegashka : — Le saumon abonde dans la baie : les rapides lui barrent le passage.

Grand Natashquan : — Rivière en renom, remplie de saumons de la plus belle espèce.

Agwanish : — Borne nord-est de la seigneurie de Mingan. Rivière grande et poissonneuse.

Pashashieboo : — De grandeur moyenne : assez poissonneuse.

Mingan : — Bonne pour le rets et la mouche : les bassins contiennent toujours de gros saumons.

Le Manitou : — Affluent de la rivière Mingan, aussi connu et aussi poissonneux.

Le Saint-Jean : — Grand cours d’eau, excellent pour le saumon.

Le Ruisseau à la Pie : — Petite rivière rapide, assez bien fournie de saumons.

Le Saw Bill : — Assez étendu : on y tend des rets !

Le Manitou : — Une chute perpendiculaire en obstrue l’entrée : la truite et le saumon se rendent à son embouchure.

La rivière Moisie. — En renom, à cause de ses gros saumons : bonne pour la pêche à la mouche et au rets.

La sainte Marguerite (en bas). — Fourmille de saumons et de truites.

La Pentecoste. — Ruisseau rapide et profond : son embouchure est garnie de rets stationnaires.

La Baie de la Trinité. — Station favorable pour ceux qui pèchent à la mouche ou au rets.

Le Godbout. — Rivière dont la renommée est étendue au loin. La pêche au rets dans cette rivière est très rémunérative.

La rivière Anglaise. — Se décharge dans une baie profonde : le saumon et la truite y abondent.

La Bersimis. — Vaste rivière, avec de nombreux affluents. Le paysage est charmant. Remplie de grosses truites. Elles ne sautent à la mouche que sur les affluents.

Le Nisimewecawnan. — Tributaire de la Bersimis : ruisseau féérique avec des cascades. Paradis terrestre pour ceux qui pèchent à la mouche.

La Jérémie. — On y prend de petites truites : poste pour les pelleteries.

Les rivières Colombier, aux Pluviers, Blanche — sont bonnes pour le saumon.

La rivière Laval : — Cours d’eau pittoresque, entrecoupé de petits rapides et de bassins étroits et profonds.

Le Portneuf : — On y pêche, avec agrément, la truite à la mouche jusqu’à la première chute. Le saumon remonte plus haut ; on tend aussi des rets où la marée se fait sentir.

Le Sault au Cochon : — Des chutes trop élevés empêchent le saumon de remonter : rempli de truites.

Le Grand Escoumain : — Célèbre par le passé pour son saumon. L’écluse du moulin contient une passe artificielle. La Baie est remplie de saumons que l’on prend dans les rets.

Les Grandes Bergeronnes : — assez bonnes pour le saumon et la truite. Ces deux rivières ne sont qu’à quelques milles du Saguenay et de Tadoussac.


Rivières qui débouchent dans le Saguenay.

Ste-Marguerite (en haut). — Principal affluent du Saguenay. Truites et saumons en abondance. On y emploi la mouche et le rets.

Petit Saguenay : — Rivière assez considérable : on y pêche à la ligne ou avec le rets.

St-Jean (en haut) : — de même.


Rivières qui se déchargent dans le Saint-Laurent

La R. noire ou aux saumons : — anciennement, poissonneuse.

La R. Murray : — arrose une magnifique vallée. On y prend du saumon.

La R. du Gouffre : — fort détériorée.

La R. Sainte-Anne : — Jolie rivière : depuis quelque temps on pêche du saumon plus bas que la chute.

Le Montmorenci : — Elle a une cataracte à son embouchure ; elle fournit, en remontant, vers sa source, beaucoup de truites.

Le Jacques Cartier : — Station célèbre pour la pêche au saumon.


Côte du sud

La rivière-Ouelle : — Bien fournie de saumons : l’écluse est en décadence (1863).

La R. Grand Métis : — Grande rivière avec écluse.

La R. Matane : — Belle rivière au saumon.

La R. Ste-Anne : — Anciennement fort poissonneuse :

La R. Mont Louis : — Cours d’eau important : mieux apprécié récemment pour sa truite de mer que pour son saumon.

La Magdeleine : — Limpide — bonne pour le saumon.

La R. Dartmouth : — Grande rivière qui débouche dans le bassin de Gaspé ; le saumon y fourmille.

La R. York : — de même.

La R. St-Jean (du sud) : — de même.

La Grande Rivière : — Remplie de saumons : elle fait tourner un moulin.

La R. Grand Pabos : — Station pour le saumon.


Rivières débouchant dans la Baie des Chaleurs

La R. Grande Bonaventure : — rivière vaste et précieuse ; plusieurs tributaires : le saumon y abonde.

La Cascapedia : — Le grand et le petit Cascapedia fournissent une quantité de saumons,

La R. Nouvelle : — La baie est bonne pour la pêche au saumon.

La Ristigouche : — Noble cours d’eau avec de magnifiques tributaires, situé au haut de la Baie des Chaleurs, le saumon le fréquente par milliers.

La Matapedia : — Branche de la Ristigoucbe : le saumon la remonte près de quatre milles.


La Mistouche : alimente le Ristigouche, rivière au saumon.

La marée remonte dans presque toutes ces rivières…

Celles sur la rive nord du fleuve coulent à travers de sublimes et pittoresques rochers ; presque toutes sont alimentées par des lacs. »


Nous empruntons au Morning Chronicle, du 22 juin 1836, la liste de ceux qui sont allés pêcher le saumon, cette saison : elle excède en étendue celle des années précédentes :

Dudley Olcott et J. M. Lansing, Albany, au Camp Albany, sur la Ristigouche.

J. H. de Mott, Alfred de Cordova, James Welch, Williams Robbins, M. Stard, tous de New-York, au Camp Reckless, sur la Ristigouche : banquiers et courtiers bien connus dans Wall Street ; pour la cuisine, ils se sont assurés les services du célèbre Thos. Keane, chef de cuisine du yatch Reckless, de Maryland, Virginie.

J. C. McAndrews, directeur-président de la banque de Montréal, à New-York. Le refoulis de la glace au printemps dernier, saccagea son cottage ; le cottage a été depuis restauré. M. McAndrews pêche dans la Ristigouche.

Dean Sage, et C. F. Lawrence, d’Albany, W. P. Clyde et J. Bryan, de New-York sont au Camp Harmony, sur la Ristigouche.

David Law, de Montréal et Allan Gilmour, d’Ottawa, pêchent sur la Godbout : leur place de pêche favorite depuis plus d’un quart de siècle.

Le Capitaine Sweeney, d’Albany et le célèbre comédien, W. J. Florence, de New-York, pêchent sur la Ristigouche.

D. T. Worden et son épouse, J. G. Heckscher ; M. H. Hollister et autres de New-York, passent leurs vacances, à Matapedia ; ajoutons-y le général Sir Donald Stewart V. C. et le général Sir John McNeill, A. D. C. de la Reine ; H. Hogan et M. Cuvillier, de Montréal, ainsi que le Colonel Egerton, de New-York, sont campés sur les rives de la rivière Moisie.

R. G. Dunn, de New-York, est à New Richmond, Baie des Chaleurs.

L’année dernière l’ex-président Arthur accompagna M. Dunn ; l’ex-président est trop gravement indisposé, cette année, pour tenter cette excursion.

T. Thorold, M. Bonner et le Capitaine Haines, d’Angleterre, pêchent sur la Moisie.

L’hon. J. J. C. Abbott et quelques amis de Montréal, sont partis pour pêcher à la Pointe-aux-Esquimaux.

S. Waddell et ses amis, de Montréal, pèchent à la rivière Moisie.

James Grant, de Ravenswood ; A. L. Barney, C. T. Barney, M. C. Barney, W. B. Williams, de New-York ; G. T. Lyon, d’Oswego, et le Dr J. A. Ashtod, de Dobbs, Ferry, N. Y., membres du club Ste-Marguerite, sont campés à la rivière Ste-Marguerite, C. B.

Ajoutons les membres suivants du Club St-Bernard, descendus à Louiseville, P. Q., pour faire la pêche à la truite dans leurs lacs : Brent Good, de New-York ; le général Henry, de Burlington ; J. F. Henry, de New-York ; Ring Boynton, Morristown ; F. B. Stearnes, G. M. Hard, J. W. Hale, W. Lock, A. W. Allan et C. M. Simpson, tous de New-York ; J. W. Brock et C. Reid, de Montpelier, Vt. et A. W. Higgins, G. R. Boyce, D. M. Baxter et S. E. Burnham, de Rutland, Vt.

Un nombre de visiteurs sont allés cette saison aux lacs du Laurentian Club, mais l’on n’a pu encore se procurer tous leurs noms. Parmi ces derniers on compte le général Sickles, de Burlington, Vt. ; H. Rentoul, L. A. Boyer, de Montréal et autres ; on y trouve en ce moment, une douzaine de Sportsmen. »

Québec, juillet 1886.

ALFRED M. MAYER

Sport with Gun and Rod, in American Woods and Waters. Edited by Alfred M. Mayer, Professor in the Stevens Institute of Technology, — 888 pages, — New-York, The Century Co, 1883.

Voilà, à coup sûr, comme œuvre typographique illustrée et aussi sous le rapport du mérite intrinsèque, la plus complète collection d’écrits sur le sport, qui ait encore vu le jour, en Amérique.

Le professeur Mayer, aurait bien mérité des Sportsmen, même s’il se fut borné à collectionner, sous ce format de luxe, les pièces fécondes qui composent les quarante deux chapitres de son superbe recueil.

D’après la préface, ce serait lui qui, le premier aurait suggéré au rédacteur du Century Magazine, le projet que cette Revue lui a plus tard permis de réaliser : réunir ensemble, classifier et ré-éditer en un magnifique volume, orné des dessins, des vignettes, « des paysages qui ont ajouté à cette Revue, tant de relief, les écrits remarquables sur la chasse et la pêche, disséminés dans le Century Magazine, depuis sa fondation.

M. Mayer a fait plus que cela ; il y a consacré comme complément, des travaux de mérite de son crû, sur la chasse, la pêche, l’armement du chasseur etc. Son mémoire sur le Chasseur Préhistorique, que nous avons analysé, est l’œuvre d’un savant : ses aventures dans la forêt avec les perdrix et les cailles sont fort bien narrées.

Sport with rod and gun, présente plus que la fine fleur de la littérature du sport, ressassée des colonnes du Century Magazine. L’auteur à su mettre à contribution des esquisses de chasse et de pêche, etc., publiées à l’étranger, etc. Le comte de Dunraven, que nous nous rappelons avoir rencontré à Benmore, chez le col. Rhodes, a aussi fourni son contingent : un agréable récit d’une chasse à l’orignal au Canada. Charles Dudley Warner figure, au volume, comme l’auteur de deux écrits humoristiques, intitulé, le premier « Ma première rencontre avec un ours ; » le second, relate la lutte à outrance que le joviale pêcheur engagea avec une truite, dans un des lacs des monts Adirondacks. John Burroughs, le spirituel auteur de Wake-Robin, Birds and Poets, Winter Sunshine, Locusts and Wild Honey, etc., donne un extrait du journal qu’il tint ; dans une expédition de chasse et de pêche, de Québec au lac St-Jean, etc., à travers la forêt, sous le titre de The Halcyon in Canada ; puis, l’on trouve comme accompagnement, une étude curieuse, sur le tir à l’arc, par Maurice Thompson, etc.

La première partie du volume est consacré à reproduire des récits de chasses aux États-Unis et au Canada ; l’ours, le renard, le bison, l’orignal, le bouquetin, l’antilope, le caribou, le chevreuil, le bœuf musqué en font la mise en scène.

Puis, vient la pêche à la truite de lacs, de la truite saumonée ; la pêche au saumon, à l’achigan, aux marsouins, etc., suivie d’une étude sur les chiens de chasse, des chasses à la perdrix, à la caille, à la bécasse, aux canards, aux râles ; le tout se termine par des recherches sur l’origine des armes à feu, du moulinet, de la canne de pêche et autres attirails du sport.

HENRY P. WELLS.

Un joli volume de 166 pages, avec vignette, carte de nos estuaires à saumons et intitulé « the american salmon fisherman » nous arrive tout pimpant des presses de Harper Bros, de New-York : résumé clair et concis des recherches récentes d’un amateur, M. Henry P. Wells, avocat de cette ville.

C’est un petit manuel, un guide destiné à la direction et à l’instruction de jeunes pêcheurs. L’équipement complet pour la partie de pêche : le matériel indispensable : la gaffe, la canne de pêche, la ligne, les hameçons, les mouches, le mode le plus sûr pour prendre le poisson, les habits en caoutchouc pour le canot ou la tente, les aliments les mieux adaptés à la vie forestière, les préservatifs contre la morsure des moustiques, des « brûlots » etc., voilà autant de matières, auxquelles M. Wells consacre quatre chapitres, sans oublier d’encourager notre Gouvernement à persévérer dans ses louables efforts pour repeupler de saumons nos rivières et nos fleuves et sans manquer de condamner dans les termes les plus énergiques, le seinage excessif qui se tait en tout temps à leur embouchure, et détruit le poisson.

La manuel contient, ce qui nous semble utile, un tableau complet de nos rivières à saumon : pour la préparation duquel, M. Wells remercie cordialement un pêcheur émérite de Montréal M. J. W. Skelton, aidé de la coopération de cette branche des pêcheries, attachée au département des terres de la Couronne, dirigé par M. E. E. Taché.

M. Wells est aussi l’auteur d’un écrit intitulé : Fly Rods and Fly Tackle.


Ancien Manoir du Juge-en-chef, Sir James Stuart, à Deschambault
Résidence d’été de M. Fairchild


George M. Fairchild, Jr.

Le sport, aux États-Unis, a évidemment, comme on a pu le voir, jeté des regards bienveillants sur nos nombreux estuaires à saumon et sur nos lacs à truite, grâce aux brillants tableaux et aux peintures séduisantes qui en ont été faites.

Nous avons à ajouter à la liste de nos bienfaiteurs, un écrivain qui, jeune encore, promet une longue et utile carrière, comme agréable chroniqueur de parties de pêche au Canada, surtout aux environs de Québec, comme littérateur, collectionneur de livres sur les premiers temps de la colonie et comme Canadien aux idées de progrès.

En attendant une édition complète de ses œuvres, nous signalerons ici quelques-uns de ses écrits : « Winter Sports in Canada, 1873 » et « Summer Sports in Canada : 1874, » tous deux insérés dans la publication hebdomadaire, de New-York « forest & stream » ; ce sont d’intéressants comptes-rendus d’expéditions de pêche, dans la Province de Québec. Puis, de palpitants récits : « Québec to Lake St-John. « A Snow Shoe Tramp to the Saguenay River » en 1874 et en 1875.

« Winter Life in the Far North, » et « Winter Camp Fires in the Far North, » insérés au New-York mail, en 1876, forment un salmigondis instructif où les annales canadiennes se mêlent au sport, sans lui nuire le moins du monde. L’auteur révèle un pinceau délicat ; — de plus, un rare talent pour la description, dans ses écrits si pleins de l’arôme des bois « On the Jacques Cartier » et » Half Hours with Christopher North in his Shooting Jacket » qui virent le jour, en 1878.

Le Times de New-York contenait en 1880, de belles pages, intitulées « Caribou Hunting in Canada » ; forest & stream, reproduisait, en 1881, en série : « Notes of an angler in the North : » probablement le meilleur écrit de M. Fairchild, sur la vie forestière au Canada, ou l’histoire, la légende, les aventures personnelles de l’auteur se coudoient — se groupent, se suivent : un riche écrin.

Les chasseurs et les pêcheurs attendent avec impatience le gros volume « Trout Tails and Snow Shoe Trails » où seront reproduits un choix de ses écrits et qui doit, sous peu, être livré à la publicité.

M. Fairchild, né à Québec, en 1854, accompagna ses père et mère à New-York, où il reçut les rudiments d’une éducation qu’il vint, plus tard, compléter, à Québec, à l’académie commerciale de M. W. Thom. À l’âge de 15 ans, il faisait ses premières armes dans le commerce ; à 18 ans, son intelligence des affaires, lui avait valu la direction d’un département important de négoce ; mais, il avait trop présumé de ses forces. Il dut demander une année de congé pour se refaire. Cette année, il la passa au Canada ; c’est de ce temps que date chez lui, ce goût marqué pour la littérature canadienne, qui lui a fait consacrer plus tard une partie de sa fortune à collectionner sur les rayons de sa riche bibliothèque, à sa somptueuse demeure à Hackensack, — nos auteurs canadiens. Sous son toit hospitalier se réunissent chaque semaine, des hommes de lettres et des Sportsmen. Là, se rencontrent également les Canadiens distingués qui visitent New-York, et qui ont leurs entrées, au florissant Club Canadien de New-York, dont M. Fairchild est l’un des Vice-Présidents. Avec M. Erastus Wiman, W. B. Ellison et autres, M. Fairchild a pris une part active à la fondation du célèbre Club. Il aime tant son Canada, qu’il a constamment refusé de se faire naturaliser comme citoyen américain, se proposant de venir finir ses jours chez nous.

M. Fairchild a épousé une charmante Québecquoise, petite fille du grand patriote John Neilson, le Nestor de la presse Canadienne, comme on l’appelait. Amateur de chasse, de pêche et de tous les délassements qui tendent à développer les forces physiques, M. Fairchild, passe chaque été, pendant la saison de la pêche, quelques jours dorés, à son manoir seigneurial de Deschambault, — en pleine villégiature, où il a une ferme modèle de 600 arpents, pour l’élévation d’animaux de race et pour améliorer l’agriculture en général.

« M. Fairchild, dit M. Faucher, aime le Canada et ne vit que pour son pays. Sa bibliothèque d’ouvrages canadiens est certainement belle et curieuse. Il est aussi un des fondateurs du Canadian Club, de New-York. Il en est vice-président. Hospitalier, généreux, artiste, travailleur, érudit, homme de chiffres, esprit très observateur, M. Fairchild est un de ceux qui font honneur à notre pays. »

  1. Instructions Pratiques sur la pisciculture2e  édition, Paris : Librairie de Victor Masson, 1856.
  2. Salmon Fishing on the Jacques Cartier — The Boy Hunter of Chicoutimi. — The Wizard of Anticosti ; — NewFoundland. — Fishing in the Ristigouche.