N. S. Hardy, Libraire-éditeurs (p. 22-24).


LA GRANDE CHASSE



Les fusils ont reçu des balles de calibre,
Les couteaux aiguisée pendent au ceinturon,
Fiers chasseurs, allez-donc ; courez, ô troupe alerte !
Tandis que des halliers vous battrez l’épaisseur,
Poète oisif, du seuil de la maison déserte,
J’adresserai pour vous des vœux au dieu chasseur.

— (La Vis RuraleAutran.)


Michel-Ange Blondus nous enseigne que la chasse est l’apanage des rois et des grands seigneurs. En Canada, nous n’avons pas de rois ; et les seigneurs, par le fait de l’honorable M. Drummond et du Parlement, ne sont pas des grands seigneurs. Ce sont tout au plus de modestes seigneurs, n’ayant ni droit de vie ou de mort sur leurs serfs, ni droit de corvée, ni droit de battre monnaie, pas même le droit pittoresque nommé spécialement Le Droit du Seigneur, ne leur reste (s’ils l’ont jamais eu), avant ou après le mariage des vils roturiers, que nous sommes convenus maintenant de nommer Le Peuple.

Le plus huppé parmi eux est encore loin des privilèges da baron de Bradwardine, dont la charte, d’après Sir Walter Scott, portait « Cum liberali potestate hâbendi curias et justicias, cum fossâ et furcâ et sakâ et sokâ, et thol et theam, et infang-thief et out fang-thief, sive hand-habend, sive bak-barand. »

Excepté pendant la période close, il est permis à chacun chez nous d’aller faire la chasse, sans crainte d’être battu de verges comme au temps d’Henri IV. On a droit de chasse, sans être noble, sans même posséder de fief. Voilà un progrès, n’est-ce pas ?

La chasse nous est permise par la loi civile, et l’on sait qu’elle n’a été défendue, en aucuns temps par le droit-canon ; à preuve, la présence parmi les bienheureux de tous ces maître-chasseurs : saint Hubert, saint Eustache, saint Martin, saint Germain l’Auxerrois, et une infinité d’autres saints en crédit. Mais, de même que pour faire un civet, il faut d’abord avoir un lièvre, de même, pour faire la chasse, il faut qu’il y ait du gibier ; si parfois le gibier nous manque en Canada, ce n’est pas faute de forêts, de rivières, de grèves. À quoi donc attribuer l’absence du gibier ? Il faut l’attribuer à l’imprévoyance, à l’ignorance du chasseur, qui persisterait encore à l’heure qu’il est, si la Législature n’y avait mis ordre, à tuer à l’instar de l’aborigène dégradé, le gibier en tout temps, sans respect pour l’époque de la reproduction, pour les instincts sacrés de la maternité ; sans égard pour le sort de la jeune couvée que le trépas de la mère voue à une mort certaine et prématurée, sans égard pour le faon, qui survit à sa mère, sa tendre mère, victime d’une embuscade perfide à l’angle d’un bois.

Au nombre des bêtes fauves, à la conservation desquelles la loi est venue en aide, bien que tard, pour l’avantage du chasseur canadien, nommons l’Orignal, le Chevreuil et le Caribou. Pour être compris de tous, laissons aux espèces leurs noms vulgaires.

Les naturalistes reconnaissent à la famille Cervidæ quarante-deux espèces, dont sept seulement au rapport du savant Juge Caton, d’Ottawa, Illinois, habitent l’Amérique Septentrionale. Les Cervidæ sont indigènes à toutes les parties du monde, excepté à l’Australie et aux régions centrales de l’Afrique. Des sept espèces[1], appartenant à trois genres, natifs de l’Amérique du Nord, six fréquentent les forêts de l’Amérique Britannique. Nous ne ferons qu’esquisser les plus connues : l’Orignal, le Wapite, race éteinte dans la province de Québec, — le Caribou et le Chevreuil.



  1. 1o  Le Caribou des Champs — Barren Ground CaribooTarandus Arcticus.
    2o  Le Caribou des bois — Woodland CaribooTarandus Hastilis.
    3o  L’Orignal — Moose DeerAlces Americana.
    4o  Le Wapite ou Cerf Canadien — Elaphus Canadensis.
    5o  Le Cert Mulet — Mule DeerCervus Macrotis.
    6o  Le Chevreuil — Common Red DeerCervus Virginianus.
    7o  Le Cerf de Richardson — Richardson’s DeerCravus Richardson.