Chants populaires de la Basse-Bretagne/Les trois Marie

Édouard Corfmat (1p. 155-159).

LES TROIS MARIE.
________


I

  Pendant que les trois Marie étaient à coudre
Dans le grand jardin de Pradennec,

  Monsieur saint Jean vint les trouver,
Pour leur annoncer une nouvelle.

  — Bonjour à tous, ma tante,
N’avez-vous pas vu le Sauveur du monde ! —

  — Monsieur saint Jean, tous étiez avec lui,
Et tous devez savoir où il est. —

  — Depuis jeudi, à midi,
Je n’ai pas eu de ses nouvelles. —

  Quand la Sainte-Vierge entendit cela,
Elle tomba trois fois à terre :

  — Consolez-vous, ma tante, ne pleurez pas,
J’irai le chercher, s’il le faut ;

  Je marcherai, nuit et jour,
Jusqu’à ce que j’aie retrouvé mon Dieu. —

II

  Comme les trois Marie étaient en route,
Elles rencontrèrent un jeune homme :

  — Bonjour à vous, dit le jeune homme,
Le salut est toujours une bonne chose ;

  Le salut est toujours une bonne chose.
Pour les vieux comme pour les jeunes.

  Où allez-vous, ou avez-vous été,
Où comptez-vous aller ?

  Moi, je reviens de la montagne,
Où j’ai été voir dresser un nouveau calvaire ;

  J’ai été voir dresser un calvaire nouveau,
Pour crucifier Dieu le fils. —

  La Sainte-Vierge, en entendant cela,
Est tombée trois fois à terre ;

  Elle est tombée trois fois à terre,
Et le jeune homme l’a relevée.

  — Voulez-vous plaisanter, ou vous moquer,
Ou navrer le cœur de Marie ! —


  — Je ne plaisante, ni me moque.
Ni ne veux navrer le cœur de Marie. —

III

  — Dites-moi, vous Pilate,
Lequel de ces trois est mon fils ? —

  — Celui qui est devant, avec la plus grande croix,
Et qui montera le premier sur la montagne ;

  Il a été arrêté la nuit dernière,
Avec de la lumière dans des lanternes closes. —

................

  — Eloignez de là cette femme.
Car elle augmente mes peines. —

  — Pourquoi appelles-tu ta mère femme ?
Fort est mon cœur, puisqu’il ne se brise !

  Fort est mon cœur, puisqu’il ne se brise.
En entendant mon fils appeler sa mère femme !

  Descendez mon fils de la croix,
Pour que je l’emmaillotte une fois encore. —

  — Donnez-moi un mouchoir.
Pour essuyer mon sang qui ruisselle.

  Tenez, ma mère, prenez ce mouchoir,
Qui contient le sang du Sauveur ;

  Et n’allez pas le laver à l’étang.
Car il contient le sang du Sauveur ;

  Il contient le baptême,
Et le sacrement de l’extrême-onction ;

  Il contient le sacrement de l’extrême-onction,
Tout prêt pour qui le demandera ! —

IV

  Quand les trois Marie étaient en chemin,
Elles rencontrèrent une jeune fille.

  — Tenez, jeune fille, prenez ce mouchoir,
Qui contient le sang de notre Sauveur ;

  Qui contient le baptême
Et le sacrement de l’extrême-onction ;

  Il contient le sacrement de l’extrême-onction,
Tout prêt pour qui le demandera.

  Mais n’allez pas avec lui à l’étang.
Car il contient le sang de notre Sauveur !


  La jeune fille n’a pas obéi
(Beaucoup d’autres ne le font pas),

  Elle est allée à l’étang avec le mouchoir,
Et l’étang s’est desséché !

  L’étang s’est desséché.
Et notre Sauveur lui est apparu ;

  Notre Sauveur lui est apparu
Et lui a repris le mouchoir :

  — Donnez, jeune fille, ce mouchoir
Qui contient le sang de votre Sauveur.

  Quand ce mouchoir vous fut donné,
Vous aviez fermé la porte de l’enfer sous vous ;

  Vous aviez fermé la porte de l’enfer sous vous,
Et ouvert la porte du paradis sur votre tête :

  Maintenant que le mouchoir vous est enlevé,
La porte de l’enfer s’ouvre sous vos pieds ;

La porte de l’enfer s’ouvre sous vos pieds,
Et celle du paradis se referme sur votre tête !

  Adieu, jeune fille, au revoir.
Dans la joie du paradis, ou aux environs ! —


Chanté par Marie Audern, du bourg de Pluzunet. — 1867