Chants populaires de la Basse-Bretagne/Le Clerc Le Glaouiar



LE CLERC LE GLAOUIAR
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I

Le clerc Le Glaouiar pensait
Que jamais en prison il n’irait ;
Et pourtant il s’est trompé,
Il est dans la prison de Vannes.

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La fille du Sénéchal de cette ville
A failli cette année-ci,
Et elle en a rejeté la faute sur moi,
Mais son père ne veut pas me la donner.[1]

II

Le clerc Le Glaouiar disait.
Un jour, dans sa prison :
— Ne trouverais-je pas un messager
Qui portât une lettre pour moi ?

Qui portât une lettre pour moi,
Pour dire à mon père de venir en ville ;
Pour dire à mon père de venir ici,
Et d’apporter avec lui un peu d’argent,

Afin de payer la rançon de son jeune clerc,
Qui est nuit et jour dans l’inquiétude ?
— Écrivez votre lettre quand vous voudrez
Vous ne manquerez pas de messagers.


Le vieux Le Glaouiar disait,
Quand il lisait la lettre de son fils ;
— Sellez-moi ma haquenée royale,
Afin que j’aille à Vannes sur le champ ;

Chargez la d’argent,
Pour payer la rançon de mon jeune clerc ;
Pour payer la rançon de mon jeune clerc,
Qui est, nuit et jour, dans l’inquiétude !

III

Le vieux Le Glaouiar disait,
En arrivant dans la ville de Vannes :
— Bonjour et joie à tous dans cette ville,
Ou est la prison de la ville ?

………………………………………………………

Le vieux Le Glaouiar disait
Au Sénéchal, ce jour-là :
— Mettez mon fils dans la balance,
Je vous donnerai son poids de chevance ;

Si ce n’est pas assez de cela,
J’y ajouterai le poids de mon cheval ;
J’y ajouterai le poids de mon cheval,
Avec sa selle et moi dessus !

Le Sénéchal disait
Au vieux Le Glaouiar, en l’entendant
— J’apprendrai aux clercs des paysans
À débaucher les demoiselles !

Le clerc Le Glaouiar répondit
À son père, aussitôt qu’il l’eût entendu :
— Mon pauvre père, allez à la maison,
Et laissez la justice faire son devoir

IV

Quand le clerc Le Glaouiar marchait à la mort,
Il y allait avec de beaux vêtements
Il portait une veste blanche
Et un chapeau de castor sur la tête ;

Et un chapeau de castor sur la tête,
Avec trois fleurs dessus.
Le clerc Le Glaouiar disait,
En passant devant la cour du Sénéchal :


  — Où est Marguerite, (la fille) du Sénéchal,
Puisqu’elle n’est à s’ébattre sur la rue ?
Puisqu’elle n’est à s’ébattre sur la rue,
Avec sa robe d’écarlate ?

  — Elle est dans une chambre bien fermée à clef,
Et la clef est dans la poche de son père.
Le clerc Le Glaouiar disait,
En arrivant au pied de l’échafaud :

  — Donnez-moi mon violon,
Pour que j’en joue encore pour les jeunes gens,
Afin que les gens d’alentour m’entendent.
Surtout ceux qui sont dans des chambres !

  Quand Marguerite (la fille) du Sénéchal l’entendit.
Elle déchira ses draps de lit ;
Elle déchira ses draps de lit,
Pour en faire des cordes pour descendre.

  Marguerite (la fille) du Sénéchal disait,
En arrivant au pied de l’échafaud :
— Vous, mon père, vous êtes là sur votre siège,
Et je voudrais vous voir la corde au cou !

  Si je suis la fille du Sénéchal,
On fera un peu comme je dirai :
Faites descendre le clerc,
Et je l’épouserai sur-le-champ !

  Descends de là, clerc bon gars,
Pour faire baptiser fille ou fils.
Puis je vendrai mes (beaux) habits,
Et j’irai travailler au champ.

  Le vieux Le Glaouiar répondit
À Marguerite (la fille) du Sénéchal, quand il l’entendit :
— Dusses-tu avoir dix-huit enfants.
Je les habillerai tous de satin blanc ;

  Je les habillerai tous de satin blanc.
Et les enverrai à l’école en une bande.
Il y a dans ma maison sept charrettes ferrées,
Avec un attelage de chevaux pour chacune ;


  J’ai dans mon écurie deux haquenées,
L’une sera pour vous, l’autre pour moi ;
L’une sera pour vous, l’autre pour moi,
Dans la maison du Sénéchal il n’y en a aucune.[2]


Chanté par Pierre Le Guillerm,
surnommé Jolori, valet de ferme.
Plouguernevel. — 1854.







  1. Variante :

    Il est en prison à Vannes,
    Où personne ne vient le voir ;
    Où personne ne vient le voir,
    À l’exception des souris et des rats.

    Les souris et les rats noirs
    Font son deuil des deux côtés.
    Mais depuis qu’il est allé à Rennes,
    Il y est reçu comme un baron,

    Par les messieurs, les demoiselles
    Et les gentilshommes de dessus leurs chevaux :
    — Clerc Le Glaouiar, qu’avez-vous fait
    Pour être mis en prison ?

    — La fille du Sénéchal de cette ville
    A été fragile cette année ;
    Elle veut me rendre responsable,
    Et moi je suis content de l’épouser.

  2. Voir la note de la page 359.