Cécilia, ou Mémoires d’une héritière
Devaux et Patris (5p. 18-37).



CHAPITRE VII.

Rétrogradation.


Abandonnée à elle-même, Cécile éprouva un trouble qui lui avait été inconnu jusqu’alors. Tout ce qui lui était arrivé depuis peu lui paraissait un songe ; elle n’avait qu’un souvenir imparfait de ce qui venait de se passer dans l’instant, et de la promesse qu’elle s’était engagée d’accomplir. Tout chez elle était doute, inquiétude et agitation. Mais lorsqu’enfin l’usage de sa raison lui revint, et qu’elle vit sa situation telle qu’elle était réellement, dégagée de fausses terreurs ou d’espérances trompeuses, elle s’apperçut que la tranquillité d’esprit était plus éloignée d’elle que jamais.

Quoique jusqu’alors les chagrins ne lui eussent point été étrangers, que la maladie et la perte prématurée de ses parents les lui eussent fait connaître de bonne heure, que les peines d’esprit qu’elle avait éprouvées ensuite lui eussent appris à les supporter ; elle avait toujours été soutenue et consolée dans ses afflictions par la persuasion de n’avoir aucun reproche à se faire : mais la démarche qu’elle allait risquer, était contraire à ses principes ; elle lui paraissait condamnable. À peine eut-elle perdu Delvile de vue, qu’elle se repentit d’y avoir consenti ; et regardant cette faiblesse de sa part comme déshonorante, elle se persuada que si les parents de Delvile se réconciliaient jamais avec lui, le souvenir d’une faute volontaire continuerait à la tourmenter, ternirait sa réputation. Elle avait trop d’équité pour chercher à excuser le consentement qu’elle avait imprudemment donné, en rejetant la faute sur l’importunité des sollicitations de Delvile ; elle ne pouvait se dissimuler que, sans son amour pour lui, ses prières auraient été infructueuses, et que de toute autre part que de la sienne, elles n’auraient produit aucun effet. Le souvenir de madame Delvile augmentait encore sa douleur et ses remords ; elle se reprochait les chagrins qu’elle allait causer à cette dame pour qui elle était pénétrée de respect et d’attachement. Elle redoutait leur première entrevue, à laquelle elle pensait continuellement ; elle frémissait en songeant aux reproches et au mépris dont elle l’accablerait. Mais il était trop tard pour manquer à une promesse solemnelle et pour se rétracter au moment où Delvile se croyait certain… L’honneur, la justice et les convenances s’accordaient à lui faire sentir qu’il n’en était plus temps. Et cependant, s’écria-t-elle, n’est-ce pas s’attacher aux apparences aux dépens de la réalité ? Si l’on est criminel en consentant à ce qui est mal, ne l’est-on pas davantage en le faisant soi-même ? Cette idée l’affecta si vivement, qu’étouffant ses regrets, elle prit le parti d’écrire sur-le-champ à Delvile, qu’elle avait changé de sentiment.

Après les engagements qu’elle avait pris avec lui, il était assez difficile de lui faire approuver un pareil changement. Elle commença plusieurs lettres, et n’en fit aucune ; elle fut obligée de renoncer à ce moyen, d’autant plus qu’elle ne savait point son adresse. La promptitude avec laquelle leur projet avait été conçu et arrangé, les avait empêchés d’imaginer qu’ils pussent être dans le cas de s’écrire. Delvile savait bien que l’adresse de Cécile serait toujours la même, et qu’elle ne changerait pas de demeure dans cet intervalle ; et quant à lui, comme son voyage de Londres devait être secret, il se proposait de n’avoir aucune habitation fixe. Ils étaient convenus de se rencontrer le jour même du mariage, chez madame Roberts, d’où ils se rendraient directement à l’église. Il lui était cependant aisé de lui écrire sous le couvert de madame Hill, en la chargeant de lui remettre sa lettre lorsqu’il viendrait chercher Cécile le jour convenu ; mais attendre jusqu’au dernier moment, après que M. Belfield aurait dressé l’engagement, que les dispenses ecclésiastiques auraient été obtenues, que le ministre serait prêt à leur donner la bénédiction nuptiale, dans l’instant où Delvile serait persuadé qu’ils allaient être unis pour toujours, lui manquer serait trahison et tyrannie ; Delvile n’avait rien fait qui méritât un pareil traitement ; il n’était coupable d’aucune perfidie. Il lui avait ouvert son cœur, et après s’être montré tel qu’il était, il n’avait tenu qu’à elle de l’accepter, ou de le refuser.

Un rayon d’espérance commença à percer au travers de ses craintes. Il ne m’est donc plus possible, s’écria-t-elle, de reculer ! Manquer sans raison à ma promesse, au moment de la réaliser, serait changer seulement la manière de mal faire, sans que ma conduite en fût pour cela plus recommandable. Cette idée la calma : il lui paraissait qu’elle ne pouvait plus éviter de devenir l’épouse de Delvile ; et elle s’en consolait, en pensant qu’il n’était plus en son pouvoir de se soustraire à sa destinée.

Le lendemain M. Monckton arriva. Delvile n’avait pas eu plus d’empressement à lui communiquer son projet, que celui-ci inspiré par le désespoir, n’en eut à faire auprès de Cécile tous ses efforts pour le renverser. Ni sa philosophie, ni l’empire qu’il avait sur ses passions, ni le soin qu’il avait toujours eu de subordonner son amour à ses intérêts, ne furent capables de le contenir. Les raffinements de l’hypocrisie ne lui présentaient plus que des ressources trop éloignées, et exigeaient des ménagements trop délicats pour une conjoncture aussi alarmante. Depuis plusieurs années il s’était conduit avec beaucoup d’adresse et l’attention la mieux soutenue ; le succès dans ces derniers temps avait paru couronner ses efforts : les infirmités de sa femme, qui augmentaient chaque jour, la retraite de Cécile, tout le flattait qu’il touchait au moment attendu si impatiemment. La surprise et la fureur que lui inspirait une pareille situation, lui ayant fait oublier sa circonspection ordinaire, il entra dans l’appartement d’un air si agité, si ému, que madame Charlton et ses petites-filles ne purent s’empêcher de lui demander ce qu’il avait. Je suis venu, répondit-il brusquement, en tâchant cependant de se remettre, pour parler à miss Beverley d’affaires importantes. Ma chère, dit madame Charlton, vous feriez bien en ce cas de passer avec monsieur dans votre cabinet de toilette. Cécile, rougissant, se leva, et lui montra le chemin assez froidement ; elle redoutait une conférence dans laquelle elle prévoyait que tout se passerait de sa part en exhortations et en reproches, auxquels elle ne répondrait que par un silence qui exprimerait sa confusion et sa timidité.

Grand dieu, s’écria-t-il, que venez-vous de faire ? Vous vous êtes engagée à épouser un homme qui vous méprise, qui vous avilit, qui refuse de vous connaître pour sa femme ! Choquée de ce préambule, elle frémit, et n’eut pas la force de répondre. Ne vous appercevez-vous pas, continua-t-il, de l’indignité avec laquelle on vous traite ! Le voile dont cette insulte est couverte peut-il vous la dérober ? Est-il possible qu’elle ait échappé à votre délicatesse et à votre discernement ? — Je ne croyais pas… je ne pensais pas, dit-elle avec confusion, m’exposer à aucune indignité, en faisant céder mon amour-propre aux convenances, dans une circonstance aussi extraordinaire et pour un temps. Aux convenances ? répéta-t-il, dites au mépris, à la dérision, à l’insolence ! Ah, M. Monckton ! interrompit Cécile, n’employez pas ces expressions ; elles sont trop dures pour que je puisse les entendre.

Vous vous trompez, vous vous abusez grossièrement, répliqua-t-il, si vous doutez un seul instant de leur justesse ; on ne s’est pas seulement donné la peine de vous cacher la trame ourdie contre vous ; et il n’y a qu’un aveuglement volontaire qui puisse vous empêcher de l’appercevoir. Je suis fâchée, monsieur, dit Cécile, dont la confusion commençait à faire place au ressentiment, que vous en pensiez ainsi ; je le suis aussi de la liberté que j’ai prise de vous importuner dans cette occasion.

Cette manière de s’excuser, qui ne lui prouvait que du mécontentement, fit bientôt sentir à M. Monckton qu’il avait mis trop de chaleur dans ses reproches ; il tâcha de prendre un ton plus modéré et lui dit : Ne soyez point offensée, ma chère Beverley, d’une liberté qui ne vient que du desir que j’aurais de vous être utile. Je croyais, je l’avoue, que notre intimité, notre ancienne liaison l’autorisait. Il m’est impossible, vous voyant sur le bord du précipice, de ne pas vous dire ce que je pense. Cependant, si ma sincérité vous offense, je me tairai. Non, non, vous ne vous tairez point, s’écria Cécile, votre sincérité ne saurait que me plaire, puisque jusqu’à présent elle m’a été utile. Peut-être ai-je mérité la censure la plus sévère de votre part ; j’avoue qu’avant votre arrivée je la redoutais ; j’aurais dû par conséquent y être mieux préparée. Vous devez, reprit-il, connaître mon zèle et le désintéressement avec lequel je vous suis dévoué ; je ne veux que prévoir et vous indiquer les périls auxquels pourraient vous exposer la mauvaise foi et la duplicité de ceux qui ont des vues opposées à votre repos et à votre félicité. La mauvaise foi et la duplicité, s’écria Cécile, voulant défendre l’honneur de Delvile, n’ont point été employées contre moi. Les bonnes raisons, et non la séduction, m’ont décidée, et si j’ai mal fait, ceux qui m’y ont engagée ont erré aussi involontairement que moi. Si ma franchise, reprit M. Monckton, ne vous offense pas, j’entreprendrai, avant qu’il soit trop tard, de vous faire appercevoir des malheurs qui vous menacent. Cécile, effrayée restait indécise. Je vois, lui dit-il après une assez longue pause, que votre résolution est immuable. Il est certain que vous en porterez seule toute la peine ; je suis fâché que vous sentiez si peu le danger que vous courez. Peut-être vous repentirez-vous un jour d’avoir refusé les conseils d’un ami qui l’a été depuis votre enfance ; à présent il ne vous paraît qu’officieux et trop hardi ; tout ce qu’il peut faire de plus prudent, est de vous quitter. Quoi, M. Monckton, vous m’abandonneriez ? Ce ne sera qu’autant que vous le desirerez. — Hélas ! je ne sais ce que je dois desirer, excepté le rétablissement de cette sécurité intérieure, qui même, au milieu des chagrins les plus amers, me soutenait et me consolait, et qui ne s’est éloignée de moi que depuis vingt-quatre heures.

Si l’on vous persuadait que vous avez eu tort, seriez-vous encore déterminée à persister dans votre résolution ? — Si je savais, si je voyais, s’écria-t-elle vivement, le vrai chemin que je dois suivre, je n’hésiterais pas un moment à le prendre ; mon cœur ne serait point consulté… Rien ne me coûtera pour regagner ma propre estime. Quels peuvent donc être vos doutes ? Pour vous retrouver dans le même état où vous étiez hier, il ne faut que le vouloir. Hélas ! tout s’y oppose, la justice, l’honneur ; tout ce qui lie les honnêtes gens, et tout ce que ceux qui ont quelque délicatesse regardent comme sacré. — Ces scrupules sont romanesques. Si votre bon sens n’était ni gêné, ni offusqué, il les condamnerait sans hésiter : actuellement il est livré aux préjugés et aux passions.

Non, s’écria-t-elle, rougissant d’une pareille prévention. J’ai peut-être contracté avec trop de précipitation un engagement sur lequel j’aurais dû réfléchir davantage ; c’est une faiblesse du jugement, et non du cœur, qui m’empêche de réparer mon erreur.

Vous ne voulez cependant pas que je vous dise les suites qu’elle aura, et comment vous pourriez vous y soustraire ? Pourquoi non, monsieur, s’écria-t-elle en tremblant ; parlez en toute assurance, je suis prête à vous entendre.

Je vous dirai donc en peu de mots, que vous entrer dans une famille dont chaque individu vous méprisera ; ils vous regarderont tous comme fort au-dessous d’eux ; on trouvera mauvais que vous vous y soyiez introduite, pour ainsi dire furtivement ; votre naissance sera le sujet de leurs plaisanteries ; on ne parlera de vos ancêtres que par dérision ; et tandis que les orgueilleux propriétaires du vieux château vous témoigneront ouvertement leur dédain, l’homme pour lequel vous souffrirez toutes ces mortifications n’osera pas vous en faire sentir tout le ridicule. Cela est impossible de toute impossibilité, s’écria Cécile avec beaucoup d’émotion ; ce tableau est exagéré, et le dernier trait n’a pas la moindre vraisemblance. — Il est le moins douteux, repartit M. Monckton ; l’homme qui n’ose pas actuellement vous avouer, sera bien moins capable alors de vous défendre : au contraire, pour mieux faire sa paix, il sera le premier à vous négliger. Les terres de ses ancêtres, qui tombent en ruine, seront réparées aux dépens de votre fortune, tandis que le nom que vous apporterez dans la famille sera toujours considéré comme une tache : on profitera de vos dépouilles en vous méprisant. Les maux qu’une pareille alliance ne saurait manquer d’attirer sur vous ne se borneront pas encore là… Vos enfants mêmes, supposé que vous en ayiez, seront élevés dans leurs principes ; on leur apprendra, dès le berceau, à faire peu de cas de leur mère.

Ce que vous dites est horrible ! s’écria Cécile… Je ne saurais en entendre davantage. Quelle perspective vous venez de m’offrir ! — Il faut donc vous y dérober, tandis que vous le pouvez encore… Deux routes se présentent devant vous : ne choisissez pas celle qui vous perd ; faites sur le champ courir après Delvile ; dites-lui que vous avez recouvré votre raison. — Il y a long-temps que je l’aurais fait… Je n’avais pas besoin pour cela de représentations telles que les vôtres… Mais je ne sais où adresser ma lettre, ni le chemin qu’il a pris. — Vil artifice de sa part, pour empêcher que vous ne retiriez votre parole. — Non, monsieur, non, s’écria-t-elle vivement ; quelque vraie que puisse être votre peinture en général, tout ce qui concerne… Honteuse de la justification qu’elle était prête d’entreprendre, quoique persuadée intérieurement de son innocence, elle s’arrêta, et n’acheva point.

N’étiez-vous pas convenus du lieu où vous vous rencontreriez ? dit monsieur Monckton ; vous pourriez y envoyer votre lettre. — Nous ne devions nous y rencontrer, répondit-elle très-confuse, qu’au dernier moment… et il serait trop tard… il serait trop… Je ne saurais, sans l’en prévenir, manquer à une promesse faite sans restriction et sans condition. — Est-ce là votre seule objection ? Oui ; mais c’est une objection que rien ne saurait réfuter. — C’est-à-dire, que vous renonceriez à ce mariage mal assorti, si vous n’étiez retenue par vos scrupules relativement au peu de temps que vous aurez pour le lui annoncer ? — C’était mon intention avant votre arrivée. — Eh bien, je me charge de faire disparaître cette objection : chargez-moi seulement de cette commission, soit verbalement ou par écrit ; j’entreprends de le trouver, et de m’en acquitter avant qu’il soit nuit.

Cécile qui ne s’attendait guères à cette offre, devint tout-à-coup extrêmement pâle, et après une pause de quelques moments, elle lui dit d’une voix tremblante : Quel est donc votre avis, monsieur ? de quelle manière… Je lui dirai ce qu’il faut ; vous pouvez vous en fier à moi. — Non… il mérite du moins des excuses de ma part… Mais comment… Elle s’arrêta, hésita, sortit de la chambre pour aller chercher des plumes et de l’encre, et rentra sans en apporter ; son agitation augmentant à chaque instant, elle le pria d’une voix faible, de l’excuser, et de lui permettre d’aller consulter madame Charlton ; et promettant de ne pas tarder à revenir, elle se hâta de la joindre.

Monsieur Monckton en la voyant si émue, crut qu’il y aurait trop de risque à la perdre de vue ; il lui dit donc qu’elle ne ferait qu’augmenter son embarras sans retirer le moindre avantage des avis de madame Charlton, et que si elle desirait sincèrement de se rétracter, il ne lui restait pas un seul moment à perdre, et qu’il fallait qu’il suivît immédiatement Delvile. Cécile convaincue qu’il lui disait vrai, et se souvenant qu’une heure ou deux auparavant elle avait elle-même désiré ardemment de renoncer à cet engagement ; rappelant alors toutes ses forces, après un court, mais pénible combat, elle résolut d’agir conformément à sa déclaration et à son caractère, et par un grand et dernier effort, de mettre fin à son incertitude, en faisant triompher sa raison de son inclination. Elle ordonna qu’on lui apportât de l’encre, des plumes et du papier ; car il lui semblait que tout lui manquait, quoiqu’elle en eût sous les yeux ; et elle écrivit la lettre suivante :


À Mortimer-Delvile, Écuyer.

« Ne m’accusez pas de caprice, et pardonnez mon irrésolution, si je frémis de la promesse que je vous ai faite, et si je n’ai plus la force ou la volonté de l’accomplir. J’aurais peine à soutenir les reproches de votre famille ; mais ceux que je me ferais à moi-même d’une action que je ne saurais ni approuver, ni justifier, seraient encore plus accablants. Chargée d’un poids aussi pesant, la vie me deviendrait insupportable ; l’idée que je serais coupable en abrégeant des jours qu’elle empoisonnerait, rendrait ma mort affreuse ! Telle étant ma façon de penser relativement à l’engagement que nous avons contracté, vous ne sauriez blâmer les craintes qui m’agitent au moment de le remplir. Hélas ! comment pourriez-vous vous flatter d’être heureux avec une femme qui, en vous donnant la main, perdrait à jamais tout espoir de bonheur !

» Je rougis d’une rétractation si tardive, et je m’afflige d’avance du chagrin qu’elle vous causera : mais je n’ai pu résister aux reproches de ma conscience, qu’on ne dédaigne jamais impunément. Consultez la vôtre, et je n’aurai pas besoin d’autre défenseur.

» Adieu. Puisse la félicité la plus constante être votre partage ! Si l’assurance de la perte de ma tranquillité était capable de diminuer le ressentiment que vous causera la lecture de cette lettre, je puis vous la donner sans hésiter. Je ne consentirai cependant jamais à un mariage clandestin : et en convenant que je ne suis point heureuse, je vous déclare solemnellement que ma résolution est inaltérable. Un peu de réflexion, vous convaincra que j’ai raison ; mais il vous faudra beaucoup de modération pour me pardonner de l’avoir eue si tard.

Cécile Beverley.


Cette lettre qu’elle plia et cacheta à la hâte, crainte que son courage ne vînt à se démentir, fut remise à monsieur Monckton, qui, agité de la même crainte qu’elle, se donna à peine le temps de lui dire adieu, et prit le chemin de Londres.

Cécile fut rejoindre madame Charlton pour lui rendre compte de ce qui venait de se passer ; et malgré le chagrin qu’elle ressentait de faire de la peine à l’homme du monde qu’elle aurait le plus desiré d’obliger, elle trouvait cependant une secrette satisfaction dans le sacrifice auquel elle s’était décidée, qui la récompensait d’une partie de ses souffrances, et lui procurait une espèce de tranquillité : elle n’avait point encore éprouvé tout le pouvoir de la vertu, elle y trouvait alors une ressource contre les plus vives afflictions, et un soutien dans l’adversité.