Astronomie populaire (Arago)/XXIII/03

GIDE et J. BAUDRY (Tome 4p. 14-16).

CHAPITRE III

détermination de la masse du soleil


Avec les notions préalables exposées dans le chapitre précédent, nous pouvons maintenant aborder la question de la détermination de la masse du Soleil comparée à la masse de la Terre. Un astre qui, à la même distance, produirait vers son propre centre, dans la première seconde, une chute double, triple…, centuple, aurait évidemment une masse double, triple…, centuple, de celle de la Terre. La question se trouve donc ramenée à celle-ci : De combien le Soleil, dans l’intervalle d’une seconde, fait-il tomber vers son centre un corps qui en est éloigné autant que notre globe ? Or, cette dernière question qui, au premier aspect, doit sembler inabordable, puisque nous ne pouvons pas nous transporter à la surface du Soleil pour y faire l’expérience de la chute des graves, trouve sa solution directe, immédiate, dans les circonstances du mouvement annuel de la Terre. En vertu de ce mouvement, notre globe décrit autour du Soleil, en 365 jours 1/4, une courbe presque circulaire dont le rayon est supérieur à 38 millions de lieues (liv. xx, chap. xxx). Divisons les 360 degrés que cette circonférence de cercle renferme, par le nombre de secondes de temps contenues dans 365 jours 1/4. Le quotient sera la très-petite fraction de degré que la Terre parcourt sur son orbite en une seconde de temps. Reportons-nous maintenant à la figure 305. Supposons le Soleil en C, la Terre en A ; faisons l’angle ACM égal au déplacement angulaire qu’éprouve la Terre en une seconde, le rayon de l’orbite CA de 38 millions, et nous pourrons aisément calculer, en fractions de lieues ou en mètres, la quantité TM, dont le Soleil, par sa force attractive, fait tomber la Terre en une seconde. Tout à l’heure nous avons donné cette quantité pour notre globe. Nous savons qu’il fait tomber un corps de 4m,9 en une seconde, lorsque ce corps est distant de son centre de 1 600 lieues en nombre rond ; nous calculerons facilement, d’après la loi des carrés des distances, de combien il ferait tomber, dans le même intervalle de temps, un corps qui serait à 38 millions de lieues de distance. Les distances étant égales dans les deux cas, les chutes doivent être proportionnelles aux masses. En cherchant par une simple division combien de fois la chute vers la Terre est contenue dans la chute vers le Soleil, on saura donc combien il faudrait de globes terrestres pour faire une masse égale à celle de l’astre qui nous éclaire. C’est ainsi, du moins quant au fond si ce n’est dans la forme, qu’on a trouvé le nombre 354 936.

Quels éléments avons-nous employés pour arriver à ce résultat ? la quantité de mouvement angulaire de notre globe autour du Soleil, dans une seconde de temps, et la valeur en lieues du rayon de l’orbite terrestre ; pas davantage. Mais nous connaissions les lois de la pesanteur universelle qui s’exerce proportionnellement aux masses qui s’attirent et en raison inverse du carré des distances. Sans la grande découverte de Newton, de pareils problèmes ne pouvaient pas même être posés. J’ai déjà fait voir (liv. x, chap. xiv et xv) que l’observation des mouvements des étoiles doubles prouve l’universalité de l’attraction newtonienne, et que l’on pourra calculer comme nous venons de le faire pour le Soleil, la masse des étoiles dont les mouvements relatifs seront connus.