Astronomie populaire (Arago)/X/14

GIDE et J. BAUDRY (Tome 1p. 473-475).

CHAPITRE XIV

quand on aura déterminé les distances des étoiles doubles à la terre, les masses de celles de ces étoiles dont les mouvements relatifs seront connus pourront être facilement comparées à la masse de la terre ou à celle du soleil


L’observation directe des étoiles doubles donne la vitesse angulaire de la petite étoile autour de la grande ; si nous avions en lieues le rayon de l’orbite que cette petite étoile parcourt, nous trouverions aisément quelle est, en fraction de lieue ou en mètres, la quantité dont elle tombe, en une seconde, vers l’étoile centrale. Cette quantité, comparée à la chute d’un corps, d’un boulet, par exemple, vers la Terre, ou à la chute d’un corps vers le Soleil, lorsque préalablement les trois nombres auraient été réduits à une distance commune par la proportion inverse des carrés, donnerait le rapport de la masse de la grande étoile à la masse de la terre ou à celle du soleil. Jusqu’ici, malheureusement, on ne connaît, relativement aux rayons des orbites des satellites stellaires, que les angles qu’ils sous-tendent vus de la terre. Pour transformer ces angles en mesures de longueur, en lieues ou en mètres, il faudrait avoir la valeur des distances qui nous séparent des étoiles. Lorsque ces distances auront été déterminées, les rayons des orbites en lieues s’en déduiront, et le reste du calcul s’achèvera sans difficulté. Nous avons vu (liv. ix, chap. xxxii) que les distances à la Terre ne sont encore connues approximativement que pour un petit nombre d’étoiles.

La science, en s’enrichissant de la connaissance des mouvements des étoiles doubles, a fait un pas immense vers la solution d’un problème qui semblait au-dessus de l’intelligence humaine. Le jour où la distance d’une étoile double à la Terre est déterminée avec exactitude, on la pèse, on sait combien de milliers de fois elle renferme plus de matière que notre globe ; on pénètre ainsi dans sa constitution intime, quoiqu’elle soit placée à plus de 120 millions de millions de lieues de nous ; quoique, dans les plus puissants télescopes, elle se présente seulement comme un point radieux sans dimensions appréciables.

Mathématiquement parlant, la vitesse avec laquelle un boulet tombe vers la Terre, dépend de la somme des masses de la Terre et du boulet. La chute de la Terre vers le Soleil est déterminée aussi par la somme des masses de la Terre et du Soleil ; c’est donc le rapport de ces sommes de masses, et non pas seulement le rapport des masses isolées que le calcul fournit ; mais il est évident, vu l’excessive petitesse du boulet comparé à la Terre, et de la Terre comparée au Soleil, qu’on peut, sans erreur appréciable, adopter l’hypothèse qu’on calcule directement la masse de la Terre ou celle du Soleil. Il n’en serait pas de même des étoiles doubles. L’étoile satellite diffère quelquefois assez peu de l’étoile centrale, du moins si l’on en juge par l’intensité, pour qu’on doive regarder le résultat du calcul que je viens d’indiquer, comme donnant la somme des masses des deux étoiles.

Si l’on considère la soixante et unième du Cygne comme une étoile double, ce qui du reste a été récemment révoqué en doute par Struve ; si l’on admet de plus que le temps de la révolution de ces deux étoiles autour de leur centre commun de gravité, ce qui semblera résulter de la comparaison des observations de 1781 avec celles de 1851, est de 500 ans, on trouve que la somme des masses des deux étoiles composant le groupe est 0,353, la masse du Soleil étant 1.

α du Centaure étant une étoile double, et sa distance à la Terre pouvant être déduite des calculs de M. Maclear, il devrait être possible de calculer aussi, dans ce cas, la somme des masses des deux étoiles dont α du Centaure se compose. Mais les dimensions de l’orbite suivant laquelle la petite étoile se meut autour de la grande ne sont pas assez exactement connues pour qu’on doive accorder une grande confiance au résultat ; c’est par cette raison que nous ne l’insérerons pas ici.