Astronomie populaire (Arago)/XVIII/01

GIDE et J. BAUDRY (Tome 2p. 485-491).

CHAPITRE PREMIER

aspect de mercure — son mouvement autour du soleil


Les anciens auteurs désignent Mercure par le signe dans lequel on a cru voir un caducée, attribut du dieu Mercure.

Sa lumière est vive et scintillante.

Lorsque Mercure se dégage le soir des rayons du Soleil, lorsqu’il se couche peu de temps après cet astre radieux, son mouvement est dirigé de l’occident à l’orient, par rapport aux étoiles. Lorsque sa distance apparente au Soleil a atteint une valeur qui, au maximum, peut s’élever jusqu’à environ 29° ; qui, au minimum, s’abaisse à peu près à 16°, et qui d’ordinaire n’est guère que de 23°, la planète paraît se rapprocher du Soleil ; on dit alors que la planète est située dans sa plus grande élongation. Quand généralement Mercure n’est éloigné du Soleil que de 16° à 20°, en moyenne de 18°, il semble stationnaire, son mouvement devient ensuite rétrograde ou dirigé de l’orient à l’occident, par rapport aux étoiles.

Ce mouvement se continue, et Mercure se replonge dans la lumière crépusculaire où il disparaît, du moins pour un observateur dépourvu de lunette.

Si quelques jours après on porte ses regards vers le point de l’horizon où le Soleil doit se lever, on aperçoit un astre ayant un mouvement rétrograde ou dirigé de l’orient à l’occident, qui de jour en jour s’éloigne davantage du Soleil jusqu’au moment où il en est distant de 23° ; alors le mouvement, relativement aux étoiles, s’arrête ; après une courte station, l’astre reprend une marche dirigée de l’occident à l’orient et disparaît quelque temps après dans la clarté qui constitue l’aurore.

La durée d’une oscillation apparente complète de Mercure par rapport au Soleil, c’est-à-dire le temps qu’il emploie pour aller de sa plus grande digression orientale à sa plus grande digression occidentale et revenir ensuite à sa première position, varie de 106 à 130 jours.

Mercure parcourt successivement les diverses constellations zodiacales à peu près en une année, comme le montrent les figures 166 et 167. On voit aussi dans ces figures et dans la figure 174 que les vitesses par rapport aux étoiles sont très-inégales, que plus souvent directes, elles sont parfois rétrogrades, et que la durée des rétrogradations est d’environ 23 jours.

Supposons que l’observateur se serve d’une lunette armée d’un fort grossissement et qu’il regarde la planète lorsque le soir elle commence à se dégager des rayons du Soleil, sa forme lui semblera alors être un cercle à peu près parfait (A, fig. 218). À mesure qu’elle s’écarte du Soleil, la partie occidentale conserve sa forme circulaire, tandis que la région orientale devient elliptique (B). Il arrive un moment, peu éloigné de celui où la planète est parvenue à sa plus grande élongation, pendant lequel sa forme est à peu près celle de la Lune à son premier quartier. Alors, sa région occidentale est circulaire, la partie opposée paraît une ligne perpendiculaire à celle qui joint le centre du Soleil au centre de la planète (G). Ensuite, cette région rectiligne se creuse ; elle prend, à son tour, la forme d’une ellipse dont la convexité est tournée vers l’occident (D). On dirait la Lune avant son premier quartier. Enfin, lorsque la planète se plonge, le soir, dans les rayons du Soleil, elle est un croissant extrêmement délié, terminé à l’occident par un demi-cercle, et à l’orient par une courbe elliptique très-peu différente d’un demi-cercle dont la concavité est tournée à l’orient et qui s’emboîte, pour ainsi dire, dans la portion parfaitement circulaire (E).

Fig. 218.— Principales phases de Mercure.

Si on examine Mercure le jour où il se dégage le matin des rayons de l’aurore, et les jours suivants, on apercevra, mais en sens contraire, la même série de phénomènes. Il sera toujours formé du côté de l’orient par un arc de cercle et du côté de l’occident par un arc d’ellipse dont la convexité sera tantôt tournée vers l’occident (F), tantôt tournée vers l’orient (H et K) ; et, à une époque intermédiaire, la partie occidentale de la planète paraîtra une ligne droite (G). La planète prendra successivement les formes et les dimensions relatives K, H, G, F, A, B, etc., et toujours dans le même ordre.

Ces faits, que nous avons vus précédemment être la conséquence d’un mouvement de circulation de la planète autour du Soleil (liv. xvi, chap. iv), ne peuvent s’expliquer qu’en admettant que Mercure nous réfléchit la lumière solaire.

Nous pouvons donc affirmer que cette planète emprunte la totalité ou la plus grande partie de sa lumière au Soleil, et qu’elle circule autour de cet astre suivant une courbe dans l’intérieur de laquelle il est situé.

Lorsque Mercure est au delà du Soleil, relativement à la Terre, et que de plus il passe au méridien à peu près à la même époque que lui, on dit qu’il est en conjonction supérieure. Il se trouve en conjonction inférieure quand il est situé entre le Soleil et la Terre, ces trois corps étant contenus dans un même plan perpendiculaire au plan de l’écliptique ; il est évident que pendant la conjonction inférieure Mercure passe aussi au méridien en même temps que le Soleil.

En observant Mercure lorsqu’il est dans ses conjonctions, on pourra, ainsi que nous l’avons expliqué dans le livre consacré à l’étude de l’ensemble des mouvements des planètes (liv. xvi, chap. v), déterminer la durée de sa révolution autour du Soleil. En combinant les observations des conjonctions avec celles des quadratures, en comparant les observations faites en différents points et notamment celles des nœuds ascendant et descendant (liv. xvi, chap. xi), on trouvera aussi les rapports des distances de la planète à la Terre et au Soleil, et la nature de l’orbite qu’elle décrit.

Une fois qu’il est démontré que l’orbite de Mercure est une ellipse et que cet astre obéit aux lois de Kepler, toutes les observations qu’on en fait aux grands instruments des Observatoires, c’est-à-dire à la lunette méridienne et à la pendule sidérale, concourent à établir avec une grande certitude toutes les inégalités du mouvement réel et du mouvement théorique, et conduisent à calculer les influences perturbatrices des autres planètes. On arrive ainsi à obtenir des tables exactes du mouvement de l’astre dans l’avenir.

Le plan de l’orbite de Mercure forme avec le plan de l’écliptique un angle de 7° 0′ 5″. Cette orbite est une ellipse dont le Soleil occupe un des foyers. Le temps que la planète emploie à la parcourir tout entière, le temps de sa révolution dite sidérale, est de 87j,97 ou 2 mois 27 jours 23 heures 15 minutes et 46 secondes.

La distance moyenne de la planète au Soleil est de 0,387, la distance moyenne du Soleil à la Terre étant 1.

L’excentricité est égale à 0,206 ; la longitude du périhélie est de 74° 20′ 42″, et la longitude du nœud ascendant de 45° 57′ 38″.

Ces éléments de l’orbite de Mercure ont été tirés d’un bon Mémoire de M. Le Verrier, publié en 1845 et intitulé Théorie du mouvement de Mercure. Le mérite d’un tel travail était assez généralement reconnu pour que l’auteur eût pu se dispenser de lui attribuer des difficultés imaginaires. Lorsque les perturbations ont été complétement développées, et qu’on peut disposer d’un nombre suffisant d’observations, il n’est guère plus malaisé de faire des tables de Mercure que de toute autre planète.

Les équations de condition introduites par Mayer dans ce genre de recherches, ne pourraient manquer de conduire à peu près au même résultat, quel que fût le calculateur. Si Lalande était toujours obligé de revenir à la charge pour rectifier ses tables, c’est qu’il corrigeait un à un et arbitrairement les éléments d’où pouvait dépendre la différence entre l’observation et la théorie.

Ce n’était donc pas le cas de rappeler, sans lui assigner très-explicitement son véritable sens, l’opinion de Moestlin qui, « s’il eût connu, disait-il, quelqu’un s’occupant de Mercure, se serait cru obligé de lui conseiller charitablement de mieux employer son temps. »

Ce découragement du maître de Kepler était très-fondé à une époque où la planète n’avait été observée et ne pouvait l’être que dans un petit nombre de positions particulières, peu propres à faire connaître toutes les circonstances de sa marche.

Au reste, je ne dois pas priver mes collaborateurs des éloges justement mérités que M. Le Verrier leur adressait à l’époque de la publication de son intéressant Mémoire :

« Grâce au zèle et à l’habileté persévérante de ses astronomes, dit M. Le Verrier, l’Observatoire de Paris possède un plus grand nombre d’observations de Mercure qu’aucun autre de l’Europe. Dans ces dernières années, depuis 1836 jusqu’en 1842, deux cents observations complètes de Mercure ont été faites : nombre prodigieux, si l’on considère la difficulté qu’on a à voir cette planète dans nos climats, et qui a exigé qu’on en saisît attentivement toutes les occasions…

« J’ai fait tous mes efforts pour que l’exactitude de ma théorie ne restât pas au-dessous de la précision des observations qui m’étaient confiées. »