Astronomie populaire (Arago)/XVI/11

GIDE et J. BAUDRY (Tome 2p. 252-260).

CHAPITRE XI

orbites des planètes


Nous avons supposé que les planètes se mouvaient dans le plan de l’écliptique, tandis qu’en réalité les orbites forment avec ce plan un angle sensible ; il est facile, par des observations faites sur la Terre, de déterminer le moment où chaque planète a réellement une latitude nulle, le moment où elle est dans l’écliptique ou dans son nœud. Lorsqu’elle passe du midi au nord, la planète est dans son nœud ascendant ; lorsqu’elle passe du nord au midi, elle se trouve dans son nœud descendant. La comparaison de ces deux instants fournit des déterminations des deux demi-durées de la révolution de la planète, ce qui n’est pas indifférent quand il s’agit d’interpoler entre les résultats des observations pour en déduire les positions héliocentriques de l’astre pour un instant donné.

En effectuant les calculs des triangles STM (fig. 171, chap. vi), pour les moments où la planète s’est trouvée dans ses deux nœuds, on obtient les longitudes héliocentriques de ces deux points remarquables de l’orbite. Eh bien, on trouve que ces longitudes diffèrent de 180°, en sorte que les deux nœuds sont diamétralement opposés ou contenus l’un et l’autre dans une ligne droite passant par le Soleil. De là on tire la conséquence que les plans des orbites (car les orbites de toutes les planètes sont à peu près planes), coupent l’écliptique suivant des lignes droites passant par le Soleil. Des observations faites quand la Terre est située dans la ligne des nœuds, servent à trouver les valeurs exactes des inclinaisons des orbites au plan, de l’écliptique, mais je dois passer rapidement sur tous ces détails, n’ayant pour but dans ce chapitre que d’indiquer l’esprit de la méthode que les astronomes ont suivie pour arriver au résultat qu’ils avaient en vue.

Dès qu’il est démontré que les planètes se meuvent dans des ellipses, il y a lieu à distinguer les deux extrémités des grands axes dans lesquels ces astres sont à la moindre et à la plus grande distance du Soleil. Le sommet du grand axe le plus voisin du Soleil, s’appelle le périhélie, l’extrémité opposée porte le nom d’aphélie ; c’est, d’après la seconde loi de Kepler, au périhélie, que le mouvement angulaire, vu du Soleil, est à son maximum ; c’est à l’aphélie que le mouvement est le plus petit de tous.

Par la comparaison des mouvements héliocentriques, on peut donc parvenir à déterminer la position des extrémités des grands axes de toutes les orbites planétaires. On trouve ainsi que ces extrémités ne sont pas fixes dans le Ciel, mais qu’elles se déplacent sensiblement d’année on année. Il en est de même des positions des lignes des nœuds.

Par la comparaison des vitesses au périhélie et à l’aphélie, on est arrivé à découvrir que l’excentricité des ellipses planétaires est également variable. Les tableaux que je donnerai tout à l’heure font connaître les éléments des orbites de toutes les planètes, tels qu’on les a déduits des meilleures observations et les variations des éléments des orbites des anciennes planètes.

Les deux intersections du grand axe de l’ellipse avec la courbe s’appellent apsides, du mot grec αψἰς qui signifie courbure, voûte, circonférence d’une roue. L’apside supérieur d’une planète, dont le Soleil occupe un des foyers, est l’aphélie, du grec ἀπο ἡλἰου, loin du Soleil ; l’apside inférieur est le périhélie, du grec περἰ ἡλἰου, près du Soleil.

Les éléments de l’orbite d’une planète sont au nombre de sept, savoir :

1° L’inclinaison du plan de l’orbite sur l’écliptique ;

2° Le demi-grand axe de l’ellipse, ou la distance moyenne de la planète au Soleil, celle de la Terre au Soleil étant prise pour unité. En exposant la découverte des lois de Kepler, nous avons donné cet élément pour toutes les planètes (chap. vi) ;

3° L’excentricité de l’ellipse, ou le rapport entre la distance qui sépare le foyer du centre et le demi grand axe pris pour unité ;

4° La longitude du périhélie ;

5° La longitude du nœud ascendant ;

6° La longitude de la position de la planète à une époque donnée ;

7° La durée de la révolution sidérale de la planète.

Ce septième élément se déduit de la connaissance du deuxième ou de la distance moyenne de la planète, en vertu de la troisième loi de Kepler sur l’égalité des rapports des carrés des temps des révolutions de deux planètes et des cubes de leurs distances moyennes.

Il ne reste donc que six éléments à l’aide desquels on peut toujours, par le calcul, assigner la position qu’une planète doit occuper à un instant donné, et par suite la direction suivant laquelle elle sera vue de la Terre.

La mécanique céleste prouve qu’il existe entre ces six éléments deux équations, de telle sorte que si l’on a fait trois observations d’une planète nouvelle en latitude et en longitude, ou, ce qui revient au même, puisque nous avons vu qu’il est facile de passer d’un système de coordonnes à l’autre, en déclinaison et ascension droite, on obtient par l’introduction dans ces deux équations des valeurs observées, six équations qui permettent, selon les règles de l’algèbre, d’obtenir les six éléments de la planète nouvelle et de la déterminer complétement.

Dans les tableaux suivants, qui fournissent les éléments des orbites de toutes les planètes tels que M. Laugier les a donnés dans l’Annuaire du Bureau des Longitudes, les longitudes sont rapportées pour chaque planète à l’équinoxe moyen de l’époque, cet équinoxe étant le zéro à partir duquel elles sont comptées.

PLANÈTES PRINCIPALES
Noms des
Planètes.
Excentricités. Inclinaison. Longitude du
périhélie.
° °
Mercure 
0,2056063 7 0 5 74 20 42
Vénus 
0,0068618 3 23 29 428 43 6
La Terre 
0,01679226 0 0 0 99 30 29
Mars 
0,0932168 1 51 6 333 22 51
Jupiter 
0,0481621 1 18 52 11 7 38
Saturne 
0,0561505 2 29 36 89 8 20
Uranus 
0,0466794 0 46 28 467 30 24
Neptune 
0,0087195 1 46 59 47 14 37


Noms des
Planètes.
Longitude du
noeud ascendant.
Longitude moyenne
de l’époque.
Époques.
° °
Mercure 
45 57 38 112 16 4 1er janvier 1800.
Vénus 
74 51 41 146 44 56 Id.
La Terre 
0 0 0 100 53 30 Id.
Mars 
47 59 38 233 5 34 Id.
Jupiter 
98 25 45 81 54 49 Id.
Saturne 
111 56 7 123 6 29 Id.
Uranus 
72 59 21 173 30 37 Id.
Neptune 
130 6 52 335 8 58 Id.


PETITES PLANÈTES
Noms des
Planètes.
Excentricités. Inclinaison. Longitude du
périhélie.
° °
Flore 
0,1567974 5 53 3 32 49 45
Melpomène 
0,2171874 10 9 2 15 13 59
Victoria 
0,2181980 8 23 7 301 55 18
Euterpe 
0,174555 1 35 30 88 2 13
Uranie 
0,1548980 1 56 42 26 43 27
Vesta 
0,0888410 7 8 25 250 344 3
Polymnie 
0,2243889 1 22 21 22 25 50

Noms des
Planètes.
Longitude du
noeud ascendant.
Longitude moyenne
de l’époque.
Époques
en temps moyen
de Paris.
Flore 
110° 20′ 53″ 174° 46′ 5″ 24,0 mars 1852
Melpomène 
150 0 56 351 42 22 0,0 janvier 1853
Victoria 
235 29 31 7 42 5 0,0 janvier 1851
Euterpe 
93 42 4 74 53 3 0,0 janvier 1854
Uranie 
307 58 19 324 56 38 22,0 juillet 1854
Vesta 
105 23 14 35 59 53 3,0 novembre 1852
Polymnie 
1 12 21 32 52 28 0,0 novembre 1854
Iris 
259 44 5 85 45 6 8,0 juin 1852
Métis 
68 28 58 255 13 26 4,0 juin 1852
Phocéa 
214 6 7 259 43 25 12,0 juin 1853
Massalia 
206 53 29 44 54 6 1,0 janvier 1853
Hébé 
138 31 55 47 26 23 13,0 juillet 1852
Fortuna 
211 0 9 355 4 21 23,5 septembre 1852
Parthénope 
124 59 54 86 3 24 13,0 juillet 1852
Thétis 
125 13 31 9 58 31 0,0 janvier 1853
Amphitrite 
356 23 55 180 43 32 0,0 mars 1854
Astrée 
141 27 48 197 37 33 29,5 avril 1851
Irène 
86 51 33 323 47 51 13,0 juillet 1852
Égérie 
43 17 40 162 29 20 15,0 mars 1852
Pomone 
220 44 12 42 22 41 0,0 novembre 1854
Lutetia 
80 21 36 49 22 56 1,0 janvier 1853
Thalie 
67 55 4 89 5 29 0,0 janvier 1853
Eunomia 
293 53 19 47 43 44 13,0 octobre 1852
Proserpine 
45 55 39 224 41 33 0,0 juin 1853
Junon 
170 56 28 22 25 8 24,0 septembre 1852
Cérès 
80 49 50 145 10 55 2,0 juillet 1852
Pallas 
172 45 14 123 49 27 2,0 juillet 1852
Bellone 
144 51 18 157 52 18 0,0 mars 1854

nœuds, c’est-à-dire les traces des orbites planétaires sur le plan de l’orbite terrestre sont chaque année dirigées vers des étoiles différentes. Mais, au milieu de ce chaos apparent, il est une chose qui reste constante ou qui n’est sujette qu’à de petits changements périodiques : c’est la longueur du grand axe de chaque orbite, et conséquemment la durée de la révolution de chaque planète. La pesanteur universelle suffit à la conservation du système solaire ; elle maintient les formes et les inclinaisons des orbites planétaires dans un état moyen autour duquel les variations sont légères ; la variété n’entraîne pas le désordre.