Astronomie populaire (Arago)/XVI/05

GIDE et J. BAUDRY (Tome 2p. 215-219).

CHAPITRE V

mouvements réels des planètes


Les mouvements apparents des planètes vus de la Terre étant, comme nous l’avons dit, très-irréguliers, particulièrement vers les stations et les rétrogradations, il est nécessaire de rechercher si, examinés de quelque autre point, en se plaçant dans le Soleil, par exemple, l’ordre ne succéderait pas au désordre et à toutes les bizarreries dont nous avons dû tenir note. Essayons donc de transformer les observations faites sur la Terre en observations qui seraient faites si l’observateur était au centre du Soleil, c’est-à-dire, pour me servir des expressions usuelles, transformons les positions géocentriques en positions héliocentriques.

Admettons d’abord que les planètes se meuvent dans le plan de l’écliptique, ce qui pour les principales n’est pas très-loin de la vérité. Il y a deux cas à distinguer, le cas des planètes supérieures et celui des planètes inférieures. Occupons-nous d’abord des premières.

Lorsqu’une planète est en opposition, la ligne droite menée du Soleil à la Terre projette la planète sur l’étoile à laquelle aboutit la ligne menée du Soleil à la même planète ; le jour de l’opposition on obtient donc, par une observation terrestre, la place de la planète sur le ciel étoilé, tout comme si on l’avait observée du Soleil : c’est ce qu’on appelle une position héliocentrique.

Quelques mois après, le Soleil, la Terre et la planète se trouveront de nouveau en ligne droite, la planète correspondra à une seconde étoile, ce qui procurera une seconde position héliocentrique.

Une troisième opposition nous donnera la position de la planète pour un observateur qui serait situé dans le Soleil, et ainsi de suite.

Si l’on a réuni un très-grand nombre d’observations de cette nature, on pourra par interpolation déterminer le temps que la planète, vue du Soleil, emploie à revenir à la même étoile, c’est-à-dire le temps de sa révolution complète.

En observant les mêmes planètes lorsqu’elles parviennent à leurs conjonctions, on trouve de même le moment où vues du Soleil elles correspondent à d’autres étoiles du firmament, ce qui fournit de nouvelles déterminations des temps qu’elles emploient à faire leurs révolutions complètes.

Admettons maintenant, ce qui est complétement justifié par les faibles valeurs que nous avons trouvées pour les parallaxes des étoiles (liv. ix, chap. xxxii), que les constellations aient la même grandeur pour un observateur situé sur la Terre et pour celui qui occuperait le centre du Soleil ; en d’autres termes, supposons que la distance angulaire de deux étoiles quelconques soit à peu près la même pour les deux observateurs. Les oppositions et les conjonctions nous ont montré à quelles étoiles, soit pour un observateur situé sur la Terre, soit pour un observateur situé sur le Soleil, correspondaient les planètes à des époques déterminées. Les angles sous-tendus par ces étoiles ayant la même valeur dans les deux positions des observateurs, nous pourrons, en discutant toutes les positions héliocentriques données par les oppositions et les conjonctions, arriver à déterminer comment s’opère le mouvement angulaire de la planète vu du Soleil. On déduira déjà de cette discussion que, pour un observateur situé dans le Soleil, les stations et les rétrogradations des planètes supérieures n’existent pas ; que toutes ces planètes se meuvent perpétuellement dans le même sens, que seulement le mouvement angulaire n’est pas uniforme.

On arrivera à des résultats analogues en discutant les observations de Mercure et de Vénus, prises dans leurs conjonctions supérieures et inférieures.

Fig. 170. — Détermination des rapports des distances des planètes
à la Terre et au Soleil.

Soient maintenant (fig. 170) S le Soleil, T la Terre et M la planète, prise vers les quadratures, c’est-à-dire lorsque l’angle MST n’est pas éloigné d’être droit ; la ligne ST aboutit à une certaine étoile E, la ligne SM aboutit à une autre étoile E′. L’angle en S (E′SE) compris entre ces deux étoiles est le même que s’il était mesuré en T (E′TE), par conséquent il est connu. L’angle MTS, dont le sommet est situé sur la Terre, peut toujours être déterminé directement ou déduit d’un catalogue d’étoiles formé antérieurement ; donc, le troisième angle MST du triangle, formé par les droites ST, TM et SM, sera connu, puisqu’il sera le complément à 180° degrés de la somme des deux précédents.

On pourra construire graphiquement un triangle ayant les mêmes angles que celui qui est formé par les lignes joignant la Terre, le Soleil et la planète, les côtés de ce triangle seront proportionnels aux côtés du triangle STM. On obtiendra ainsi le rapport de TS à SM, c’est-à-dire des distances de la Terre au Soleil et du Soleil à la planète[1].

L’opération dont nous venons de parler peut être répétée pour une position quelconque T de la Terre par l’apport au Soleil ; il faudra seulement remarquer que le côté TS n’a pas toujours la même longueur ; mais cette circonstance ne saurait être une difficulté, puisque des calculs antérieurs, fondés sur des mesures micrométriques, nous ont fait connaître les variations des distances du Soleil à la Terre, c’est-à-dire les variations de TS pour tous les jours d’une année quelconque (liv. vii, chap. viii).

Rien ne sera donc plus facile que de déterminer les orbites et toutes les circonstances des mouvements des diverses planètes.

  1. L’opération graphique décrite dans le texte peut être remplacée par un calcul très-simple. On démontre, en effet, en géométrie, que dans un triangle rectiligne les sinus des angles sont proportionnels aux côtés opposés. Ainsi, à l’aide de la table des sinus on obtiendra le rapport de TS à SM.