Astronomie populaire (Arago)/VIII/08

GIDE et J. BAUDRY (Tome 1p. 331-335).

CHAPITRE VIII

nombre d’étoiles contenues dans les constellations anciennes
et leur partage en diverses grandeurs


Les constellations qui nous ont été conservées par Ptolémée contiennent dans leur ensemble 1 026 étoiles dont les positions relatives avaient été déterminées par Hipparque ; c’est à l’occasion de ce travail que Pline s’écriait : « Hipparque osa, et c’eût été le comble de l’audace même chez un dieu, transmettre le dénombrement des étoiles à la postérité. »

Le catalogue de Ptolémée contient :

Pour les 21 constellations boréales 
361 étoiles.
Pour les 12 constellations du zodiaque 
350
Pour les 15 constellations australes 
318
Ou pour les 48 constellations 
1 029 étoiles.

Mais, en défalquant trois doubles emplois, on trouve 1 026 étoiles. Communément on dit qu’il n’en contient que 1 022.

Les cartes célestes dont se compose l’atlas publié en 1801 par Bode, astronome de Berlin, ne renferme plus seulement 1 026 étoiles ; on y compte 14 891 étoiles et 2 014 nébuleuses. Mais il faut remarquer que ce catalogue a été formé à l’aide de lunettes qui permettent d’apercevoir des étoiles invisibles à l’œil nu.

On sera peut-être bien aise de trouver ici le nombre des étoiles contenues dans certaines constellations, d’après les observations faites à l’œil nu par Hipparque, avec ce même nombre tel qu’il fut déterminé à l’aide d’observations faites également à l’œil nu par Tycho-Brahé et par Hévélius :

Noms
des constellations.
Hipparque
ou Ptolémée.
Tycho. Hévélius.
Petite Ourse 
8 7 12
Grande Ourse 
35 29 73
Bouvier 
23 18 52
Couronne boréale 
8 8 8
Hercule 
29 28 45
Lyre 
10 11 17
Bélier 
18 21 27
Taureau 
44 43 51

Nous n’étendons pas nos citations jusqu’aux étoiles situées dans l’hémisphère austral, car alors il y aurait des raisons pour expliquer comment dans les stations boréales d’Uranibourg et de Dantzig on en apercevait sensiblement moins qu’à Alexandrie ou à Rhodes, où observait Hipparque, à ce que prétendent les historiens.

On aurait tort, au reste, d’attribuer exclusivement les différences qu’on remarque dans le tableau comparatif des étoiles comptées par les trois astronomes à l’inégalité de leurs vues, quoique l’inégalité de vue d’homme à homme soit très-réelle. Nous avons précédemment (liv. v, chap. iii) cité quelques faits qui établissent l’existence de cette inégalité. On évalue que le nombre des étoiles que l’on peut voir à l’œil nu dans un hémisphère ne surpasse pas un mille.

Les 1 026 étoiles dont se composaient les constellations connues chez les anciens astronomes grecs, avaient été partagées en divers ordres de grandeur. Les plus brillantes s’appelaient les étoiles de première grandeur ; venaient ensuite celles de seconde, de troisième, de quatrième, de cinquième grandeur ; la sixième grandeur était formée des dernières étoiles visibles à l’œil nu. Mais dans cette série générale où les intensités diminuent par degré, du premier au dernier ordre, les points où doivent se faire les coupures qui séparent les étoiles de première grandeur des étoiles de seconde, les étoiles de seconde des étoiles de troisième, etc., sont arbitraires, et il n’est pas étonnant que les astronomes ne se soient pas accordés à cet égard.

Dans les catalogues anciens les astronomes comptaient,

15 étoiles de la première grandeur.
45 de la seconde.
208 de la troisième.
474 de la quatrième.
217 de la cinquième.
49 de la sixième.

Plus 9 étoiles qu’on appelait obscures, on ne sait pourquoi, et 5 nébuleuses, sans compter la chevelure de Bérénice.

Dans les mêmes 1 026 étoiles d’Hipparque, Kepler en classait 58 dans la seconde grandeur, 218 dans la troisième et 499 dans la quatrième.

Je ferai connaître dans un article ultérieur, spécialement consacré à l’astronomie stellaire, le rapport qu’il y a, en moyenne, entre l’intensité des étoiles de première et celle des étoiles de seconde, de troisième grandeur, etc., comme aussi les intensités comparatives des principales étoiles de chacune de ces classes.

Les planisphères que je joins ici (fig. 102 et fig. 103) donnent une représentation du ciel. Les diverses constellations y sont sans doute déformées, parce qu’aucune partie de la sphère n’est susceptible de se développer sur une surface plane, c’est-à-dire sans qu’il y ait raccourcissement de certaines directions et allongement des autres. Mais de telles cartes célestes sont commodes pour l’observation. Les étoiles y sont figurées, ainsi que dans les autres dessins que nous aurons à donner, par ordre de grandeur jusqu’à la sixième grandeur, suivant les signes arbitraires que représente la figure 104.

Fig. 104. — Signes conventionnels pour représenter la grandeur des étoiles.

Ces cartes célestes sont dessinées d’après celles de Bayer, Bode, Dien, etc. ; les positions des étoiles sont rapportées à l’année 1850. Les cartes 100 et 101 en diffèrent seulement en ce que les dessins d’hommes, d’animaux et d’instruments s’y trouvent ajoutés, ce qui jette quelque confusion dans l’étude, malgré l’utilité de connaître ces dessins.

Dans les cartes 102 et 103 on a aussi relié les principales étoiles de chaque constellation les unes aux autres par des lignes droites, ce qui donne des alignements utiles ; le partage du ciel entre les différentes constellations est marqué par des lignes ponctuées.

Le cercle terminateur de ces cartes représente l’équateur partagé d’un côté en degrés, et de l’autre ou extérieurement en heures pour marquer les ascensions droites ; le centre de chaque carte est supposé le pôle boréal ou le pôle austral du monde ; quinze degrés ou représentant une heure.

Un rayon horizontal aboutissant au zéro de l’équateur est divisé en 90 parties égales pour figurer les degrés et fractions de degré représentant les déclinaisons.

Pour placer une étoile, on mène un rayon du centre vers la division de l’équateur qui marque l’extrémité de l’arc mesurant l’ascension droite de cette étoile, et à partir de l’équateur on porte sur le rayon qu’on a tracé une longueur égale à la déclinaison.

Un petit cercle dans chaque planisphère indique, le lieu des déplacements successifs des pôles du monde en 25 870 ans suivant la flèche qui se trouve dessinée, de telle sorte que le zéro correspond à la position du pôle lors de la naissance de Jésus-Christ entre β de la Petite ourse et ϰ du Dragon. L’étoile Wega de la Lyre, qui aujourd’hui à Paris nous paraît être au zénith, semblera dans 13 000 ans environ être immobile près du pôle.

On a marqué dans chaque planisphère la trace de l’écliptique ou le chemin que parcourt le soleil dans l’année à travers les constellations zodiacales.