Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 04/Philosophie mathématique, article 5

PHILOSOPHIE MATHÉMATIQUE.

Extraits de deux lettres, l’une de M. J. F. Français, professeur
à l’école impériale de l’artillerie et du génie, et l’autre
de M. Servois, professeur aux écoles d’artillerie,
Au Rédacteur des Annales ;
Sur la théorie des quantités imaginaires.
Lettre de M. Français.

En attendant que le mémoire de M. Argand, que vous me faites l’honneur de m’annoncer me soit parvenu, je prends, Monsieur, la liberté de vous indiquer brièvement les résultats auxquels j’ai été conduit par mes réflexions sur la manière d’étendre la nouvelle théorie des imaginaires à la géométrie à trois dimensions.

D’après ma définition 4.e (Page 64), les angles, tant positifs que négatifs, sont censés situés dans un même plan que, pour abréger, j’appellerai plan des Il serait donc naturel de supposer que les angles imaginaires sont situés dans des plans perpendiculaires à celui des et l’analogie seule justifierait cette supposition ; mais on peut en démontrer la légitimité comme il suit : l’angle est moyen proportionnel de grandeur et de position entre et  ; donc il est situé par rapport à l’angle comme l’angle est situé par rapport à lui ; ce qui ne peut avoir lieu qu’autant que le plan qui contient l’angle partage en deux parties égales l’angle formé par les plans des angles et or, ces deux plans se confondent en un seul ; donc le plan qui contient l’angle est perpendiculaire au plan des Réciproquement, tout plan perpendiculaire à celui des partageant en deux parties égales l’angle formé par les plans des angles positifs et des angles négatifs ; tout angle situé dans un plan perpendiculaire à celui des peut être considéré comme moyen proportionnel de grandeur et de position entre les deux angles et  ; donc sa valeur de grandeur et de position est

Il suit de là, et de mes théorèmes 2.e et 3.e (pag. 66 et 68) qu’on a

Voilà donc aussi les sinus et cosinus hyperboliques de Lambert rattachés à la même théorie que les arcs de cercles, les logarithmes naturels et les racines de l’unité.

Il suit encore de là qu’on a

Donc

Les projections de sur les trois axes des coordonnées, ou plutôt ses trois composantes seront donc

Voilà, Monsieur, le résultat auquel je suis parvenu ; mais je vous avoue que je n’en suis pas encore satisfait. Je voudrais élaguer entièrement la notation imaginaire, comme je l’ai fait pour la géométrie à deux dimensions. Je m’explique : pour la géométrie à deux dimensions, j’ai réduit les droites obliques de la forme à celle représente la grandeur absolue de la droite, et l’angle qu’elle fait avec l’axe des abscisses. Dans la géométrie à trois dimensions, je voudrais exprimer la position d’une droite quelconque par exprimerait la grandeur absolue de la droite, l’angle qu’elle fait avec l’axe des abscisses, et celui que le plan de l’angle fait avec le plan des mais toutes mes tentatives à cet égard ont été jusqu’ici infructueuses. Je désire que quelqu’un plus habile que moi vienne à bout de completter cette lacune. Quoi qu’il en soit, je suis persuadé que le vrai moyen d’étendre notre théorie des imaginaires à la géométrie à trois dimensions réside dans la considération des angles imaginaires.

Metz, le 8 de novembre 1813.