Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 04/Géométrie transcendante, article 3

Texte établi par Joseph Diez Gergonne (4p. 338-343).

GÉOMÉTRIE.

Recherche de la surface plane de moindre contour,
entre toutes celles de même étendue, et du corps
de moindre surface, entre tous ceux de même volume ;
Par un Abonné.
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Dans ce qui va suivre, j’admettrai, comme propositions faciles à établir, les deux lemmes suivans :

LEMME 1. Entre tous les trapèzes qui ont les deux mêmes côtés parallèles et la même section perpendiculaire à ces côtés, celui dans lequel la somme des côtés non parallèles est un minimum, est le trapèze dans lequel la droite qui joint les milieux des côtés parallèles est perpendiculaire à la direction commune de ces côtés.

LEMME II. Entre tous les troncs de parallélipipèdes qui ont les quatre mêmes arêtes latérales et la même section perpendiculaire à ces arêtes, celui dans lequel la somme des aires des faces non parallèles est un minimum, est le tronc de parallélipipède dans lequel les milieux des arêtes latérales se trouvent situés dans un même plan perpendiculaire à la direction commune de ces arêtes.[1]

PROBLÈME I. Entre toutes les surfaces planes d’une même étendue donnée, quelle est celle qui a le moindre périmètre ?

Solution. Le caractère de la surface cherchée est qu’en conservant la même étendue, elle ne puisse changer de figure ; sans augmenter de contour.

Concevons qu’on nous donne une surface plane comme étant celle de moindre contour, parmi toutes celles d’une étendue égale à la sienne.

Menons, dans cette surface, une corde quelconque et une perpendiculaire sur le milieu de cette corde. Concevons ensuite une infinité d’autres cordes infiniment voisines les unes des autres, et toutes parallèles à elles diviseront la surface donnée en élémens que l’on pourra considérer comme des trapèzes, dont les côtés non parallèles formeront, par leur réunion ; le périmètre de la surface dont il s’agit.

Supposons que quelques-uns de ces trapèzes n’aient pas les milieux de leurs côtés parallèles sur la droite nous pourrons, dans l’un quelconque de ceux-ci, faire glisser les côtés parallèles perpendiculairement à jusqu’à ce qu’ils soient parvenus à cette situation ; nous pourrons en faire ensuite de même pour les deux trapèzes élémentaires entre lesquels celui-là se trouve situé, et continuer ainsi, de proche en proche, jusqu’à ce que nous ayons amené toutes les cordes parallèles à à avoir leur milieu sur

Par cette transformation, nous n’aurons rien changé à l’étendue de la surface proposée, et nous aurons (Lemme I) diminué son contour ; d’où nous devrons conclure que ce contour n’était pas d’abord un minimum.

Le caractère de la surface de moindre contour est donc que toutes les cordes perpendiculaires à aient leur milieu sur cette droite ou, en d’autres termes, que en soit un diamètre principal ; et, puisque la direction de est arbitraire, il en faut conclure que tous les diamètres de la surface de moindre contour doivent être des diamètres principaux : propriété qui appartient exclusivement au cercle.

Corollaire I. Il résulte de là que, de toutes les surfaces planes de même contour, le cercle est celle qui a le plus d’étendue.

Soient en effet un cercle et une autre surface plane quelconque de même périmètre Concevons un cercle équivalent à et soit son périmètre. D’après ce qui précède, on aura d’où on devra conclure  ; puis donc qu’on a on aura aussi

Corollaire II. De toutes les surfaces planes de même étendue, terminées par une droite donnée et par une ligne se terminant aux extrémités de cette droite, celle de moindre contour est le segment de cercle dont est la corde.

Soient en effet le segment et une autre surface équivalente construite aussi sur et soient respectivement et les longueurs des deux lignes qui, avec terminent ces surfaces. Soit achevée la circonférence dont fait partie ; soient l’arc et le segment supplémentaires ; on aura, par l’hypothèse  ; si donc on pouvait avoic on aurait aussi d’où il résulterait cette conséquence absurde que le cercle n’est point la surface du moindre contour, parmi toutes celles de même étendue.

Corollaire III De toutes les surfaces planes de même contour, terminées par une droite donnée et par une ligne se terminant aux deux extrémités de cette droite, celle de plus grande étendue est le segment de cercle dont est la corde.

Soient en effet ce segment et une autre surface construite également sur et ayant même périmètre que Soit construit sur un segment équivalent à et dont le périmètre soit  ; nous aurons (Coroll. II) d’où nous conclurons  ; puis donc que nous avons nous aurons aussi

PROBLÈME II. Entre tous les corps d’un même volume donné, quel est celui qui est terminé par la moindre surface ?

Solution. Le caractère du corps cherché est qu’en conservant le même volume, il ne puisse changer de figure sans augmenter de surface.

Concevons qu’on nous donne un corps comme étant celui de moindre surface, entre tous ceux d’un volume égal au sien.

Menons, dans l’intérieur de ce corps, une corde quelconque et, par le milieu de cette corde, conduisons un plan qui lui soit perpendiculaire. Par l’intersection de et faisons passer arbitrairement, dans le plan deux droites perpendiculaires entre elles. Menons, dans le même plan, une infinité de parallèles à et une infinité de parallèles à et enfin par les unes et les autres conduisons des plans perpendiculaires à Ces plans diviseront le corps proposé en une infinité d’élémens, lesquels pourront être considérés comme des troncs de parallélipipèdes dont les faces non parallèles formeront, par leur réunion, la surface du corps dont il s’agit.

Supposons que quelques-uns de ces troncs de parallélipipèdes n’aient pas les milieux de leurs arêtes latérales sur le plan  ; nous pourrons, dans l’un quelconque de ceux-ci, faire glisser les arêtes latérales, perpendiculairement au plan jusqu’à ce qu’elles soient parvenues à cette situation ; nous pourrons ensuite en faire de même pour les huit troncs de parallélipipèdes élémentaires entre lesquels celui-là se trouve situé, et continuer ainsi, de proche en proche, jusqu’à ce que nous ayons amené toutes les cordes parallèles à à avoir leur milieu sur le plan

Par cette transformation, nous n’aurons rien changé au volume du corps proposé, et nous aurons (Lemme II) diminué sa surface ; d’où nous devrons conclure que cette surface n’était pas d’abord un minimum.

Le caractère du corps de moindre surface est donc que toutes les cordes perpendiculaires au plan aient leur milieu sur ce plan ou, en d’autres termes, que le plan soit un plan-diamètre principal ; et, puisque la direction de est arbitraire, il en faut conclure que tous les plans-diamètres du corps de moindre surface doivent être des plans principaux : propriété qui appartient exclusivement à la sphère.

Par un raisonnement tout à fait semblable à celui qui a été employé ci-dessus, on conclura facilement de ce résultat les trois corollaires suivans :

Corollaire I. Entre tous les corps de même surface, la sphère est celui qui a le plus grand volume.

Corollaire II. De tous les corps de même volume, terminés d’une part par un cercle donné et de l’autre par une surface se terminant à la circonférence de ce cercle, celui de moindre surface est le segment sphérique dont ce cercle est la base.

Corollaire III. De tous les corps de même surface, terminés d’une part par un cercle donné et de l’autre par une surface se terminant à la circonférence de ce cercle, celui du plus grand volume est le segment sphérique qui a ce même cercle pour base.

Remarque. J’ai cru d’autant plus utile de ramener la démonstration des propriétés de minimum dont jouissent le cercle et la sphère à des notions élémentaires que ces propriétés ne sont pas moins remarquables qu’elles sont importantes, et que les démonstrations qu’on en a données par la méthode des variations, outre qu’elles reposent sur des considérations trop élevées pour être à la portée du vulgaire des géomètres, ne me paraissent point assez développées pour ne laisser aucun nuage dans l’esprit.

Par exemple, Bossut, à la page 474 du second volume de son Calcul intégral, ramène le problème à l’intégration des équations

dans lesquelles on a

mais, au lieu d’intégrer ces équations, il se contente de faire voir qu’elles sont satisfaites par l’équation de la sphère, ce qui paraît prouver seulement que la sphère est un cas particulier de la surface plus générale qui résout le problème, et n’exclut pas conséquemment toute autre surface qui pourrait également, comme cas particulier, être déduite de celle-là.

L’élimination de et donne l’équation du second ordre

et c’est sous cette forme que la présente M. Lacroix à la page (717) de la première édition de son Traité de calcul intégral ; mais M. Lacroix observe lui-même que cette équation n’est pas seulement satisfaite par l’équation d’une sphère, mais encore par celle d’un cylindre. Voilà donc une difficulté qui me paraîtrait digne d’occuper les analistes, et dont l’éclaircissement semblerait propre à jeter quelque lumière sur les applications de la méthode des variations ; applications communément trop peu développées dans les traités relatifs à cette branche d’analise.

  1. Voyez, pour la démonstration de ces propositions, l’article des Questions résolues, qui suit immédiatement celui-ci.
    J. D. G.