Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 04/Géométrie analytique, article 4

Démonstration de la propriété des hexagones inscrits
et circonscrits à une section conique ;
Par M. Gergonne.

THÉORÈME I. Dans tout hexagone inscrit à une section conique, les points de concours des directions des côtés opposés sont tous trois sur une même ligne droite.

Démonstration. Soient les sommets consécutifs de l’hexagone dont il s’agit, le point de concours de et et les points de concours de et respectivement, avec une droite menée arbitrairement par  ; soit enfin le point de concours de et Supposons que l’arbitraire tourne autour du point et cherchons quelle est la courbe que décrira le point variable  ?[1]

Soient l’origine, l’axe des , l’axe des  ; et soient les équations des points donnés ainsi qu’il suit

Les équations de et seront respectivement

d’après quoi, et en posant pour abréger

on trouvera, pour les équations du point

l’équation de l’arbitraire sera donc de la forme

d’après quoi on trouvera

les équations de et seront donc respectivement

éliminant donc entre elles l’arbitraire , réduisant et divisant par on trouvera, pour la courbe décrite par le point l’équation du second degré

laquelle montre déjà évidemment que la courbe passe par les trois points En la développant, remettant pour leurs valeurs et réduisant, on parvient très-aisément à lui donner cette nouvelle forme

et l’on voit alors que la courbe passe, en outre, par les points  ; puis donc que deux sections coniques distinctes ne sauraient passer par les cinq mêmes points, il en faut conclure que la courbe décrite par le point variable est la section conique donnée elle-même ; il y aura donc une situation de l’arbitraire qui fera coïncider le point avec le sixième sommet  ; et, comme les trois points ne cessent jamais d’être en ligne droite, la proposition se trouve ainsi établie.

THÉORÈME II. Dans tout hexagone circonscrit à une section conique, les diagonales qui joignent les sommets opposés se coupent toutes trois au même point.

Démonstration. Concevons que l’on ait joint les points de contact consécutifs par des cordes ; ces cordes formeront un hexagone inscrit dont les côtés auront respectivement pour pôles les sommets du premier.

Par le précèdent théorème, les points de concours des directions des côtés opposés de l’hexagone inscrit seront tous trois situés sur une même ligne droite.

Donc, en vertu du théorème démontré par M. B.***, les diagonales joignant les sommets opposés de l’hexagone circonscrit se coupent toutes trois au même point.

Remarque. À la page 78 de ce volume, j’ai démontré ces deux théorèmes indépendamment l’un de l’autre, par des considérations géométriques et sans aucune sorte de calcul.

Les démonstrations de ce genre ne laissent sans doute rien à désirer du côté de l’élégance et de la brièveté ; mais malheureusement il est rare qu’elles ne soient pas sujettes à quelques exceptions ou limitations.

On connaît, par exemple, la manière dont M. Monge démontre le concours en un même point des cordes communes à trois cercles pris deux à deux ; mais on a pu remarquer que sa démonstration est en défaut, lorsque les trois cercles, laissant un vide entre eux, n’ont point une portion qui leur soit commune à tous. La démonstration que ce géomètre a donnée de la propriété des pôles, se trouve pareillement en défaut, lorsque le pôle d’une section conique est extérieur à la courbe. On en peut encore dire autant de sa démonstration de la propriété des tangentes extérieures à trois cercles pris deux à deux, lorsque l’un de ces cercles se trouve compris entre les tangentes communes aux deux autres.

Par ces motifs, j’inclinerais à préférer à la démonstration de la page 78 la démonstration précédente qui n’est d’ailleurs ni longue ni compliquée.

  1. C’est à dessein que je sous-entends la figure. Un des principaux titres de supériorité de l’analise sur la géométrie est que, cette dernière raisonnant sur des figures construites d’une manière déterminée, on est souvent en droit de craindre que les résultats auxquels elle conduit ne dépendent de la nature individuelle de ces figures. Les solutions purement analitiques ne présentent point un pareil inconvénient.