Agrippa d'Aubigné - Œuvres complètes tome troisième, 1874/Stances/XX
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XX.
Vous qui pillez l’email de ces couleurs,
Friandes mains qui amassés les fraizes,
Que de tormans se quachent soubz vos aizes,
Que de serpans se coullent sur les fleurs !
J’estois plongee en l’ocean d’aimer,
Je me neiois au fleuve Acherontide,
J’espans aux bors ma robe toutte umide
Et sacrifie au grand Dieu de la mer.
Fermés l’oreille aux mortelles douceurs,
Amans, nochers, n’escoutés les Serenes ;
Ma paine fut d’avoir ouy leur paines
Et ma doulleur d’entandre leurs doulleurs.
C’est se hayr, leur porter amitié,
C’est s’obeir que leur estre rebelles,
C’est la douceur que leur estre cruelles
Et cruaulté que d’en avoir pitié.
Comme l’euil prent, trahi par son object,
L’impression de l’euil où il se mire,
Ainsi le mien fut trahi par un pire,
Un mal trompeur d’un vray fut le subget.
Leur faux soupirs meurent à soupirer
Pressans de veus ma poitrine entamee,
Leur feint ardeur qui n’étoit que fumee,
Mieux un feu clair, m’aprindront à pleurer.