Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des oiseaux/Oiseaux étrangers qui ont rapport au milan, aux buses et soubuses

Texte établi par J.-L. de LanessanA. Le Vasseur (Tome V, Histoire naturelle des oiseauxp. 119-121).

OISEAUX ÉTRANGERS
QUI ONT RAPPORT AUX MILAN, AUX BUSES ET SOUBUSES

I. — L’oiseau appelé par Castesby[1] l’épervier à queue d’hirondelle[NdÉ 1], et par M. Brisson le milan de la Caroline. « Cet oiseau, dit Castesby, pèse quatorze onces ; il a le bec noir et crochu ; mais il n’a point de crochets aux côtés de la mandibule supérieure comme les autres éperviers. Il a les yeux fort grands et noirs et l’iris rouge ; la tête, le cou, la poitrine et le ventre sont blancs, le haut de l’aile et le dos d’un pourpre foncé, mais plus brunâtre vers le bas, avec une teinture de vert ; les ailes sont longues à proportion du corps et ont quatre pieds, lorsqu’elles sont déployées. La queue est d’un pourpre foncé, mêlé de vert et très fourchue ; la plus longue plume des côtés ayant huit pouces de long de plus que la plus courte du milieu. Ces oiseaux volent longtemps, comme les hirondelles, et prennent en volant les escarbots, les mouches et autres insectes sur les arbres et sur les buissons. On dit qu’ils font leur proie de lézards et de serpents, ce qui fait que quelques-uns les ont appelés éperviers à serpents. Je crois, ajoute M. Catesby, que ce sont des oiseaux de passage (en Caroline), n’en ayant jamais vu aucun pendant l’hiver. »

Nous remarquerons, au sujet de ce que dit ici cet auteur, que l’oiseau dont il est question n’est point un épervier, n’en ayant ni la forme ni les mœurs ; il approche beaucoup plus, par ces deux caractères, de l’espèce du milan ; et si on ne veut pas le regarder comme une variété de l’espèce du milan d’Europe, on peut au moins assurer que c’est le genre dont il approche le plus, et que son espèce est infiniment plus voisine de celle du milan que de celle de l’épervier.

II. — L’oiseau appelé caracara par les Indiens du Brésil, et dont Marcgrave a donné la figure et une assez courte indication[2], puisqu’il se contente de dire que le caracara du Brésil, nommé gavion par les Portugais, est une espèce d’épervier[NdÉ 2] ou de petit aigle (nisus) de la grandeur d’un milan ; qu’il a la queue longue de neuf pouces, les ailes de quatorze, qui ne s’étendent pas lorsqu’elles sont pliées jusqu’à l’extrémité de la queue ; le plumage roux et taché de points blancs et jaunes ; la queue variée de blanc et de brun ; la tête comme celle d’un épervier ; le bec noir, crochu et médiocrement grand ; les pieds jaunes, les serres semblables à celles des éperviers, avec des ongles semi-lunaires, longs, noirs et très aigus, et les yeux d’un beau jaune ; il ajoute que cet oiseau est le grand ennemi des poules et qu’il varie dans son espèce, en ayant vu d’autres dont la poitrine et le ventre étaient blancs.

III. — L’oiseau des terres de la baie d’Hudson, auquel M. Edwards a donné le nom de buse cendrée[3][NdÉ 3], et qu’il a décrit à peu près dans les termes suivants. Cet oiseau est de la grandeur d’un coq ou d’une poule de moyenne grosseur : il ressemble par la figure, et en partie par les couleurs, à la buse commune ; le bec et la peau qui en couvre la base sont d’une couleur plombée bleuâtre ; la tête et la partie supérieure du cou sont couvertes de plumes blanches, tachées de brun foncé dans leur milieu. La poitrine est blanche comme la tête, mais marquée de taches brunes plus grandes. Le ventre et les côtés sont couverts de plumes brunes, marquées de taches blanches, rondes ou ovales ; les jambes sont couvertes de plumes douces et blanches, irrégulièrement tachées de brun ; les couvertures du dessous de la queue sont rayées transversalement de blanc et de noir ; toutes les parties supérieures du cou, du dos, des ailes et de la queue, sont couvertes de plumes d’un brun cendré, plus foncé dans leur milieu et plus clair sur les bords ; les couvertures du dessous des ailes sont d’un brun sombre avec des taches blanches ; les plumes de la queue sont croisées par-dessus de lignes étroites et de couleur obscure, et par-dessous croisées de lignes blanches ; les jambes et les pieds sont d’une couleur cendrée bleuâtre ; les ongles sont noirs et les jambes sont couvertes, jusqu’à la moitié de leur longueur, de plumes d’une couleur obscure. Cet oiseau, ajoute M. Edwards, qui se trouve dans les terres de la baie d’Hudson, fait principalement sa proie des gelinottes blanches. Après avoir comparé cet oiseau, décrit par M. Edwards, avec les buses, soubuses, harpayes et busards, il nous a paru différer de tous par la forme de son corps et par ses jambes courtes. Il a le port de l’aigle et les jambes courtes comme le faucon, et bleues comme le lanier. Il semble donc qu’il vaudrait mieux le rapporter au genre du faucon ou à celui du lanier, qu’au genre de la buse. Mais comme M. Edwards est un des hommes du monde qui connaissent le mieux les oiseaux, et qu’il a rapporté celui-ci aux buses, nous avons cru devoir ne pas tenir à notre opinion et suivre la sienne : c’est par cette raison que nous plaçons ici cet oiseau à la suite des buses.


Notes de Buffon
  1. Hist. nat. de la Caroline, t. Ier, p. 4, pl. iv, avec une bonne figure coloriée.
  2. Marcgrave, Hist. nat. Brasil., p. 211.
  3. « The ash coloured Buzzard. » Edwards, Hist. of Birds, t. II, p. 53, pl. liii, avec une figure bien coloriée.
Notes de l’éditeur
  1. C’est le Nauclerus furcatus Vig. [Note de Wikisource : actuellement Elanoides forficatus Linnæus, vulgairement naucler (ou milan) à queue fourchue], de la famille des Accipitridés et de la sous-famille des Milviens. Le milan de la Caroline, ou Naucler Martinet, est répandu dans toute l’Amérique méridionale ; on le trouve aussi dans le sud de l’Amérique du Nord. Les Nauclers sont remarquables parce qu’ils vivent toujours en troupes très considérables. Ils se nourrissent surtout d’insectes. Ils chassent les insectes à la manière des hirondelles, mais ils les saisissent avec les pattes et non avec le bec, comme font les hirondelles. Audubon raconte que, quand on tue un Naucler, toute la bande se précipite autour du cadavre comme pour l’emporter. On peut ainsi en tuer plusieurs consécutivement.
  2. C’est le Polyborus brasiliensis des ornithologistes modernes [Note de Wikisource : actuellement Caracara plancus Miller, vulgairement caracara huppé], de la famille des Falconiens. Il est répandu dans toute l’Amérique du Sud, où il vit dans les forêts clairsemées, les steppes et surtout les marais. Il se nourrit de toutes sortes d’animaux et même de cadavres putréfiés. « Que le berger attentif, dit A. d’Orbigny, ne perde pas un instant de vue sa brebis prête à mettre bas ; car le caracara la guette, et la moindre négligence peut coûter la vie au jeune agneau bientôt déchiré par le cordon ombilical ; aussi avons-nous vu le chien de berger de la province de Corrientes, actif autant que judicieux, s’empressant autour du troupeau que seul il conduit, surveille et ramène, n’en laisser jamais impunément approcher un caracara. »
  3. D’après Cuvier, l’oiseau décrit ici par Buffon représenterait le jeune âge du gerfaut cendré (Falco atricapillus) [Note de Wikisource : il s’agirait alors d’une sous-espèce de l’autour des palombes, l’Accipiter gentilis atricapillus Wilson ; cf. l’article de l’Autour].