Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des oiseaux/Le busard

Texte établi par J.-L. de LanessanA. Le Vasseur (Tome V, Histoire naturelle des oiseauxp. 118-119).

LE BUSARD

On appelle communément cet oiseau le busard de marais[NdÉ 1] ; mais, comme il n’existe réellement dans notre climat que cette seule espèce de busard, nous lui avons conservé ce nom simple : on l’appelait autrefois fau-perdrieux, et quelques fauconniers le nomment aussi harpaye à tête blanche ; cet oiseau est plus vorace et moins paresseux que la buse, et c’est peut-être par cette seule raison qu’il paraît moins stupide et plus méchant : il fait une cruelle guerre aux lapins, et il est aussi avide de poisson que de gibier ; au lieu d’habiter, comme la buse, les forêts en montagne, il ne se tient que dans les buissons, les haies, les joncs, et à portée des étangs, des marais et des rivières poissonneuses : il niche dans les terres basses, et fait son nid à peu de hauteur de terre, dans des buissons, ou même sur des mottes couvertes d’herbes épaisses : il pond trois œufs, quelquefois quatre, et, quoiqu’il paraisse produire en plus grand nombre que la buse, qu’il soit, comme elle, oiseau sédentaire et naturel en France, et qu’il y demeure toute l’année, il est néanmoins bien plus rare ou bien plus difficile à trouver.

On ne confondra pas le busard avec le milan noir, quoiqu’il lui ressemble à plusieurs égards, parce que le busard a, comme la buse, la bondrée, etc., le cou gros et court, au lieu que les milans l’ont beaucoup plus long ; et on distingue aisément le busard de la buse : 1o par les lieux qu’il habite ; 2o par le vol qu’il a plus rapide et plus ferme ; 3o parce qu’il ne se perche pas sur de grands arbres, et que communément il se tient à terre ou dans des buissons ; 4o on le reconnaît à la longueur de ses jambes, qui, comme celles de l’oiseau saint-martin et de la soubuse, sont à proportion plus hautes et plus menues que celles des autres oiseaux de rapine.

Le busard chasse de préférence les poules d’eau, les plongeons, les canards et les autres oiseaux d’eau ; il prend les poissons vivants et les enlève dans ses serres : au défaut de gibier ou de poisson, il se nourrit de reptiles, de crapauds, de grenouilles et d’insectes aquatiques[NdÉ 2] : quoiqu’il soit plus petit que la buse, il lui faut une plus ample pâture, et c’est vraisemblablement parce qu’il est plus vif et qu’il se donne plus de mouvement qu’il a plus d’appétit ; il est aussi bien plus vaillant. Belon assure en avoir vu qu’on avait élevés à chasser et prendre des lapins, des perdrix et des cailles ; il vole plus pesamment que le milan, et, lorsqu’on veut le faire chasser par des faucons, il ne s’élève pas comme celui-ci, mais fuit horizontalement : un seul faucon ne suffit pas pour le prendre, il saurait s’en débarrasser et même l’abattre ; il descend au duc comme le milan, mais il se défend mieux, et il a plus de force et de courage ; en sorte qu’au lieu d’un seul faucon, il en faut lâcher deux ou trois pour en venir à bout. Les hobereaux et les cresserelles le redoutent, évitent sa rencontre, et même fuient lorsqu’il les approche.


Notes de l’éditeur
  1. C’est le Circus rufus [Note de Wikisource : actuellement Circus aeruginosus Linnæus, vulgairement busard harpaye ou busard des roseaux].
  2. D’après Brehm, il détruit une grande quantité d’oiseaux de marais. « Il chasse les petits oiseaux de dessus leurs nids pour s’emparer de leurs œufs. C’est à cause de lui, sans doute, que tous les oiseaux aquatiques cachent soigneusement leurs œufs dans les matériaux du nid. »