Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des oiseaux/Oiseaux étrangers qui ont rapport à la pie-grièche grise et à l’écorcheur

OISEAUX ÉTRANGERS
QUI ONT RAPPORT À LA PIE-GRIÈCHE GRISE ET À L’ÉCORCHEUR

I.LE FINGAH.

L’oiseau des Indes orientales appelé au Bengale fingah[NdÉ 1], dont M. Edwards a donné la description sous le nom de pie-grièche des Indes, à queue fourchue, qui est certainement une espèce différente de toutes les autres pies-grièches. Voici la traduction de ce que dit M. Edwards à ce sujet : la forme du bec, les moustaches ou poils qui en surmontent la base, la force des jambes, m’ont déterminé à donner à cet oiseau le nom de pie-grièche, quoique sa queue soit faite tout autrement que celle des pies-grièches, dont les plumes du milieu sont les plus longues ; au lieu que dans celle-ci elles sont beaucoup plus courtes que les plumes extérieures ; en sorte que la queue paraît fourchue, c’est-à-dire vide au milieu vers son extrémité : il a le bec épais et fort, voûté en arc à peu près comme celui de l’épervier, plus long à proportion de sa grosseur, et moins crochu, avec des narines assez grandes ; la base de la mandibule supérieure est environnée de poils raides… La tête entière, le cou, le dos et les couvertures des ailes sont d’un noir brillant, avec un reflet de bleu, de pourpre et de vert, et qui se décide ou varie suivant l’incidence de la lumière… La poitrine est d’une couleur cendrée, sombre et noirâtre : tout le ventre et les couvertures du dessous de la queue sont blanches ; les jambes, les pieds et les ongles sont d’un brun noirâtre : je doutais, ajoute M. Edwards, si je devais ranger cet oiseau avec les pies-grièches ou avec les pies, car il me paraissait également voisin de chacun de ces deux genres, et je pense que tous deux pourraient n’en faire qu’un, les pies convenant en beaucoup de choses avec les pies-grièches ; quoique personne en Angleterre ne l’ait remarqué, il paraît qu’en France on y a fait attention, et qu’on a observé cette conformité de nature dans ces deux oiseaux, puisqu’on les a tous deux appelés pies[1].

II.ROUGE-QUEUE.

L’oiseau des Indes orientales, indiqué et décrit par Albin sous le nom de rouge-queue du Bengale[NdÉ 2] ; il est de la même grandeur que la pie-grièche grise d’Europe : le bec est d’un cendré brun ; l’iris des yeux est blanchâtre, le dessus et le derrière de la tête noirs ; il y a au-dessous des yeux une tache d’un rouge vif terminée de blanc, et sur le cou quatre taches noires en portion de cercle ; le dessous du cou, le dos, le croupion, les couvertures du dessus de la queue, celles du dessous des ailes et les plumes scapulaires, sont brunes ; la gorge, le dessous du cou, la poitrine, le haut du ventre, les côtés et les jambes, sont blancs ; le bas du ventre et les couvertures du dessous de la queue sont rouges ; la queue est d’un brun clair ; les pieds et les ongles sont noirs[2].

III.LANGRAIEN ET TCHA-CHERT.

Les oiseaux envoyés de Manille et de Madagascar, le premier sous le nom de langraien[NdÉ 3], et le second sous le nom de tcha-chert[NdÉ 4], que l’on a rapportés peut-être mal à propos au genre des pies-grièches[3], parce qu’ils en diffèrent par un caractère essentiel, ayant les ailes, lorsqu’elles sont pliées, aussi longues que la queue, tandis que toutes les autres pies-grièches, ainsi que les oiseaux étrangers, que nous y rapporterons, ont les ailes beaucoup plus courtes à proportion, ce qui pourrait faire croire que ce sont des oiseaux d’un autre genre : néanmoins, comme celui de Madagascar approche assez de l’espèce de notre pie-grièche grise, à cette différence près de la longueur des ailes, on pourrait le regarder comme faisant la nuance entre notre pie-grièche et cet oiseau de Manille auquel il ressemble encore plus qu’à notre pie-grièche ; et comme nous ne connaissons aucun genre d’oiseaux auquel on puisse rapporter directement cet oiseau de Manille, nous avons suivi le sentiment des autres naturalistes, en lui donnant le nom de pie-grièche, aussi bien qu’à celui de Madagascar ; mais nous avons cru devoir ici marquer nos doutes sur la justesse de cette dénomination.

IV.BÉCARDES.

Les oiseaux envoyés de Cayenne, le premier, sous le nom de pie-grièche grise[NdÉ 5] ; et le second sous celui de pie-grièche tachetée[NdÉ 6], qui sont d’une espèce différente de nos pies-grièches d’Europe, et que nous avons cru devoir appeler bécardes, à cause de la grosseur et de la longueur de leur bec, qu’ils ont aussi de couleur rouge ; ces bécardes diffèrent encore de nos pies-grièches en ce qu’elles ont la tête toute noire, et l’habitude du corps plus épaisse et plus longue ; mais d’ailleurs elles leur ressemblent plus qu’à tout autre oiseau. Au reste, l’une nous paraît être le mâle, et l’autre la femelle de la même espèce, sur laquelle nous observerons qu’il se trouve encore d’autres espèces semblables par la grosseur du bec dans ce même climat de Cayenne, et dans d’autres climats très éloignés, comme on le va voir dans les articles suivants.

V.BÉCARDE À VENTRE JAUNE.

L’oiseau envoyé de Cayenne sous le nom de pie-grièche jaune[NdÉ 7], qui par son long bec nous paraît être d’une espèce assez voisine de la précédente, et que, par cette raison, nous avons appelé la bécarde à ventre jaune, car elles ne diffèrent guère que par les couleurs.

VI.LE VANGA OU BÉCARDE À VENTRE BLANC.

L’oiseau envoyé de Madagascar par M. Poivre, sous le nom de vanga[NdÉ 8], et qui quoique différent par l’espèce de nos pies-grièches et de nos écorcheurs, peut-être même étant d’un autre genre, a néanmoins plus de rapport avec ces oiseaux qu’avec aucun autre ; c’est pour cette raison que nous l’avons nommé pie-grièche ou écorcheur de Madagascar. Mais on pourrait, à plus juste titre, le rapporter au genre des bécardes dont nous venons de parler, et l’appeler bécarde à ventre blanc.

VII.LE SCHET-BÉ.

L’oiseau envoyé de Madagascar par M. Poivre, sous le non de schet-bé[NdÉ 9], et dont l’espèce nous paraît si voisine de la précédente qu’on pourrait les regarder toutes deux comme n’en faisant qu’une si le climat de Cayenne n’était pas aussi éloigné qu’il est de celui de Madagascar. Nous avons appelé cet oiseau pie-grièche rousse de Madagascar, par la même raison que nous avons appelé le précédent pie-grièche jaune de Cayenne ; et il faut avouer que cette pie-grièche rousse de Madagascar approche un peu plus que celle de Cayenne de nos pies-grièches d’Europe, parce qu’elle a le bec plus court, et par conséquent différent de celui de nos pies-grièches d’Europe ; au reste, ces deux espèces étrangères sont plus voisines l’une de l’autre que de nos pies-grièches d’Europe.

VIII.LE TCHA-CHERT-BÉ.

L’oiseau envoyé de Madagascar par M. Poivre, sous le nom de tcha-chert-bé[NdÉ 10], et que nous avons nommé grande pie-grièche verdâtre, et qui ne nous paraît être qu’une espèce très voisine ou même une variété d’âge ou de sexe dans l’espèce précédente, dont elle ne diffère guère que parce qu’elle a le bec un peu plus court et moins crochu, et les couleurs un peu différemment distribuées. Au reste, ces cinq oiseaux étrangers et à gros bec, savoir, la pie-grièche grise et la pie-grièche jaune de Cayenne, la pie-grièche rousse, l’écorcheur et la pie-grièche verdâtre de Madagascar, pourraient bien faire un petit genre à part auquel nous avons donné le nom de bécardes, à cause de la grandeur et de la grosseur de leur bec, parce que dans le réel tous ces oiseaux diffèrent assez des pies-grièches pour devoir en être séparés.

IX.LE GONOLEK.

L’oiseau qui nous a été envoyé du Sénégal par M. Adanson, sous le nom de pie-grièche rouge du Sénégal, et que les nègres, dit-il, appellent gonolek[NdÉ 11], c’est-à-dire mangeur d’insectes. C’est un oiseau remarquable par les couleurs vives dont il est peint ; il est à très peu près de la même grandeur que la pie-grièche d’Europe, et n’en diffère, pour ainsi dire, que par les couleurs, qui néanmoins suivent dans leur distribution à peu près le même ordre que sur la pie-grièche grise d’Europe ; mais comme les couleurs en elles-mêmes sont très différentes, nous avons cru devoir regarder cet oiseau comme étant d’une espèce différente.

X.LE CALI-CALIC ET LE BRUIA.

L’oiseau envoyé de Madagascar par M. Poivre, tant le mâle que la femelle, le premier sous le nom de cali-calic, et le second sous celui de bruia, que l’on peut rapporter au genre de notre écorcheur d’Europe à cause de sa petitesse ; mais qui du reste en diffère assez pour être regardé comme un oiseau d’espèce différente[NdÉ 12].

XI.PIE-GRIÈCHE HUPPÉE.

L’oiseau envoyé du Canada sous le nom de pie-grièche huppée[NdÉ 13], et qui porte en effet sur le sommet de la tête une huppe molle et de plumes longuettes qui retombent en arrière, mais qui du reste est une vraie pie-grièche, et assez semblable à notre pie-grièche rousse par la disposition des couleurs pour qu’on puisse la regarder comme une espèce voisine, qui n’en diffère guère que par les caractères de cette huppe et du bec qui est un peu plus gros.


Notes de Buffon
  1. Edwards, Nat. Hist. of birds, t. II, p. 56, pl. lvi, avec une figure bien coloriée.
  2. Rouge-queue de Bengale. Albin, t. III, p. 24, pl. lvi, avec une figure coloriée. — La pie-grièche de Bengale. Brisson, t. II, p. 175.
  3. Brisson, t. II, p. 180 et 195.
Notes de l’éditeur
  1. Lanius cærulescens Gmel. [Note de Wikisource : actuellement Dicrurus caerulescens Linnæus, vulgairement drongo à ventre blanc].
  2. Lanius Emeria L. [Note de Wikisource : actuellement Pycnonotus jocosus Linnaeus, vulgairement bulbul orphée, ou merle maurice à la Réunion ; il est aussi décrit plus bas sous le nom de merle huppé de la Chine].
  3. Lanius leucorhynchos Gmel. [Note de Wikisource : actuellement Artamus leucorhynchus Linnaeus, vulgairement langrayen à ventre blanc].
  4. Lanius viridis L. [Note de Wikisource : actuellement Artamella viridis Statius Müller, vulgairement artamelle à tête blanche].
  5. Lanius cayanus Gmel. [Note de Wikisource : actuellement Tityra cayana Linnaeus, vulgairement tityre gris].
  6. C’est le jeune du Lanius cayanus. Gmelin en a fait une espèce distincte sous le nom de Lanius nævius.
  7. Lanius sulfuratus Gmel. [Note de Wikisource : actuellement Pitangus sulphuratus Linnaeus, vulgairement tyran quiquivi].
  8. Lanius curvirostris Gmel. [Note de Wikisource : actuellement Vanga curvirostris Linnaeus, vulgairement vanga écorcheur].
  9. Lanius rufus Gmel. [Note de Wikisource : actuellement Schetba rufa Linnaeus, vulgairement schetbé roux].
  10. Lanius leucocephalus Gmel. [Note de Wikisource : il s’agit de la même espèce que le tcha-chert décrit précédemment].
  11. Lanius barbarus Gmel. [Note de Wikisource : actuellement Laniarius barbarus Linnaeus, vulgairement gonolek de Barbarie].
  12. Lanius madagascariensis Gmel. [Note de Wikisource : actuellement Calicalicus madagascariensis Linnaeus, vulgairement calicalic malgache].
  13. Lanius canadensis Gmel. [Note de Wikisource : actuellement Sakesphorus canadensis Linnaeus, vulgairement batara huppé].