Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des oiseaux/Le serin des Canaries

Texte établi par J.-L. de LanessanA. Le Vasseur (Tome VI, Histoire naturelle des oiseauxp. 123-147).

LE SERIN DES CANARIES[1]


Si le rossignol est le chantre des bois, le serin[NdÉ 1] est le musicien de la chambre ; le premier tient tout de la nature, le second participe à nos arts ; avec moins de force d’organe, moins d’étendue dans la voix, moins de variété dans les sons, le serin a plus d’oreille, plus de facilité d’imitation[2], plus de mémoire ; et comme la différence du caractère (surtout dans les animaux) tient de très près à celle qui se trouve entre leur sens, le serin, dont l’ouïe est plus attentive, plus susceptible de recevoir et de conserver les impressions étrangères, devient aussi plus social, plus doux, plus familier ; il est capable de connaissance et même d’attachement[3] ; ses caresses sont aimables, ses petits dépits innocents, et sa colère ne blesse ni n’offense : ses habitudes naturelles le rapprochent encore de nous, il se nourrit de graines comme nos autres oiseaux domestiques ; on l’élève plus aisément que le rossignol, qui ne vit que de chair ou d’insectes, et qu’on ne peut nourrir que de mets préparés. Son éducation, plus facile, est aussi plus heureuse : on l’élève avec plaisir, parce qu’on l’instruit avec succès ; il quitte la mélodie de son chant naturel pour se prêter à l’harmonie de nos voix et de nos instruments ; il applaudit, il accompagne, et nous rend au delà de ce qu’on peut lui donner. Le rossignol, plus fier de son talent, semble vouloir le conserver dans toute sa pureté : au moins paraît-il faire assez peu de cas des nôtres ; ce n’est qu’avec peine qu’on lui apprend à répéter quelques-unes de nos chansons. Le serin peut parler et siffler, le rossignol méprise la parole autant que le sifflet, et revient sans cesse à son brillant ramage. Son gosier, toujours nouveau, est un chef-d’œuvre de la nature, auquel l’art humain ne peut rien changer, rien ajouter ; celui du serin est un modèle de grâces d’une trempe moins ferme que nous pouvons modifier. L’un a donc bien plus de part que l’autre aux agréments de la société ; le serin chante en tout temps, il nous récrée dans les jours les plus sombres, il contribue même à notre bonheur, car il fait l’amusement de toutes les jeunes personnes, les délices des recluses ; il charme au moins les ennuis du cloître, porte de la gaieté dans les âmes innocentes et captives ; et ses petites amours, qu’on peut considérer de près en le faisant nicher, ont rappelé mille et mille fois à la tendresse des cœurs sacrifiés ; c’est faire autant de bien que nos vautours savent faire de mal.

C’est dans le climat heureux des Hespérides que cet oiseau charmant semble avoir pris naissance ou du moins avoir acquis toutes ses perfections ; car nous connaissons en Italie[4] une espèce de serin plus petite que celle des Canaries, et en Provence une autre espèce presque aussi grande[5], toutes deux plus agrestes, et qu’on peut regarder comme les tiges sauvages d’une race civilisée : ces trois oiseaux peuvent se mêler ensemble dans l’état de captivité, mais dans l’état de nature ils paraissent se propager sans mélange chacun dans leur climat ; ils forment donc trois variétés constantes qu’il serait bon de désigner chacune par un nom différent afin de ne les pas confondre. Le plus grand s’appelait cinit ou cini dès le temps de Belon (il y a plus de deux cents ans) ; en Provence on le nomme encore aujourd’hui cini ou cigni, et l’on appelle venturon celui d’Italie. Le canari, le venturon et le cini sont les noms propres que nous adopterons pour désigner ces trois variétés, et le serin sera le nom de l’espèce générique.

Le venturon ou serin d’Italie[NdÉ 2] se trouve non seulement dans toute l’Italie, mais en Grèce[6], en Turquie, en Autriche, en Provence, en Languedoc, en Catalogne, et probablement dans tous les climats de cette température. Néanmoins il y a des années où il est fort rare dans nos provinces méridionales, et particulièrement à Marseille. Son chant est agréable et varié ; la femelle est inférieure au mâle et par le chant et par le plumage[7]. La forme, la couleur, la voix, et la nourriture du venturon et du canari sont à peu près les mêmes, à la différence seulement que le venturon a le corps sensiblement plus petit, et que son chant n’est ni si beau ni si clair[8].

Le cini ou serin vert de Provence[NdÉ 3], plus grand que le venturon, a aussi la voix bien plus grande ; il est remarquable par ses belles couleurs, par la force de son chant et par la variété des sons qu’il fait entendre. La femelle, un peu plus grosse que le mâle et moins chargée de plumes jaunes, ne chante pas comme lui et ne répond, pour ainsi dire, que par monosyllabes ; il se nourrit des plus petites graines qu’il trouve à la campagne ; il vit longtemps en cage, et semble se plaire à côté du chardonneret ; il paraît l’écouter et en emprunter des accents qu’il emploie agréablement pour varier son ramage[9]. Il se trouve non seulement en Provence, mais encore en Dauphiné, dans le Lyonnais[10], en Bugey, à Genève, en Suisse, en Allemagne, en Italie, en Espagne. C’est le même oiseau qu’on connaît en Bourgogne sous le nom de serin ; il fait son nid sur les osiers plantés le long des rivières, et ce nid est composé de crin et de poil à l’intérieur, et de mousse au dehors. Cet oiseau, qui est assez commun aux environs de Marseille et dans nos provinces méridionales jusqu’en Bourgogne, est rare dans nos provinces septentrionales. M. Lottinger dit qu’il n’est que de passage en Lorraine.

La couleur dominante du venturon, comme du cini, est d’un vert jaune sur le dessus du corps et d’un jaune vert sur le ventre : mais le cini, plus grand que le venturon, en diffère encore par une couleur brune qui se trouve par taches longitudinales sur les côtés du corps, et par ondes au-dessus[11] ; au lieu que dans notre climat la couleur ordinaire du canari est uniforme, d’un jaune citron sur tout le corps et même sur le ventre. Ce n’est cependant qu’à leur extrémité que les plumes sont teintes de cette belle couleur, elles sont blanches dans tout le reste de leur étendue. La femelle est d’un jaune plus pâle que le mâle ; mais cette couleur citron tirant plus ou moins sur le blanc, que le canari prend dans notre climat, n’est pas la couleur qu’il porte dans son pays natal, et elle varie suivant les différentes températures. « J’ai remarqué, dit un de nos plus habiles naturalistes[12], que le serin des Canaries, qui devient tout blanc en France, est à Ténériffe d’un gris presque aussi foncé que la linotte ; ce changement de couleur provient vraisemblablement de la froideur de notre climat » : la couleur peut varier aussi par la diversité des aliments, par la captivité, et surtout par les assortiments des différentes races ; dès le commencement de ce siècle les oiseleurs comptaient déjà, dans la seule espèce des canaris, vingt-neuf variétés toutes assez reconnaissables pour être bien indiquées[13]. La tige primitive de ces vingt-neuf variétés, c’est-à-dire celle du pays natal ou du climat des Canaries, est le serin gris commun. Tous ceux qui sont d’autres couleurs uniformes les tiennent de la différence des climats ; ceux qui ont les yeux rouges tendent plus ou moins à la couleur absolument blanche, et les panachés sont des variétés plutôt factices que naturelles[14].

Indépendamment de ces différences qui paraissent être les premières variétés de l’espèce pure du serin des Canaries transporté dans différents climats, indépendamment de quelques races nouvelles qui ont paru depuis, il y a d’autres variétés, encore plus apparentes, qui proviennent du mélange du canari avec le venturon et avec le cini ; car non seulement ces trois oiseaux peuvent s’unir et produire ensemble, mais les petits qui en résultent et qu’on met au rang des mulets stériles sont des métis féconds dont les races se propagent. Il en est de même du mélange des canaris avec les tarins, les chardonnerets, les linottes, les bruants, les pinsons ; on prétend même qu’ils peuvent produire avec le moineau[15]. Ces espèces d’oiseaux, quoique très différentes, et en apparence assez éloignées de celle des canaris, ne laissent pas de s’unir et de produire ensemble lorsqu’on prend les précautions et les soins nécessaires pour les apparier. La première attention est de séparer les canaris de tous ceux de leur espèce ; et la seconde d’employer à ces essais la femelle plutôt que le mâle : on s’est assuré que la serine de Canarie produit avec tous les oiseaux que nous venons de nommer, mais il n’est pas également certain que le mâle canari puisse produire avec les femelles de tous ces mêmes oiseaux[16]. Le tarin et le chardonneret sont les seuls sur lesquels il me paraît que la production de la femelle avec le mâle canari soit bien constatée. Voici ce que m’a écrit à ce sujet un de mes amis, homme aussi expérimenté que véridique[17].

« Il y a trente ans que j’élève un grand nombre de ces petits oiseaux, et je me suis particulièrement attaché à leur éducation : ainsi c’est d’après plusieurs expériences et observations que je puis assurer les faits suivants. Lorsqu’on veut apparier des canaris avec des chardonnerets, il faut prendre dans le nid de jeunes chardonnerets de dix à douze jours, et les mettre dans des nids de canaris du même âge ; les nourrir ensemble et les laisser dans la même volière, en accoutumant le chardonneret à la même nourriture du canari. On met pour l’ordinaire des chardonnerets mâles avec des canaris femelles ; ils s’accouplent beaucoup plus facilement et réussissent aussi beaucoup mieux que quand on donne aux serins mâles des chardonnerets femelles. Il faut cependant remarquer que la première progéniture est plus tardive, parce que le chardonneret n’entre pas si tôt en pariage que le canari. Au contraire, lorsqu’on unit la femelle chardonneret avec le mâle canari, le pariage se fait plus tôt[18]. Pour qu’il réussisse il ne faut jamais lâcher le canari mâle dans des volières où il y a des canaris femelles, parce qu’il préférerait alors ces dernières à celles du chardonneret.

» À l’égard de l’union du canari mâle avec la femelle tarin, je puis assurer qu’elle réussit très bien : j’ai depuis neuf ans dans ma volière une femelle tarin qui n’a pas manqué de faire trois pontes tous les ans, qui ont assez bien réussi les cinq premières années ; mais elle n’a fait que deux pontes par an dans les quatre dernières. J’ai d’autres oiseaux de cette même espèce du tarin qui ont produit avec les canaris sans avoir été élevés ni placés séparément. On lâche pour cela simplement le tarin mâle ou femelle dans une chambre avec un bon nombre de canaris ; on les verra s’apparier dans cette chambre dans le même temps que les canaris entre eux, au lieu que les chardonnerets ne s’apparient qu’en cage avec le canari, et qu’il faut encore qu’il n’y ait aucun oiseau de leur espèce. Le tarin vit autant de temps que le canari : il s’accoutume et mange la même nourriture avec bien moins de répugnance que le chardonneret.

» J’ai encore mis ensemble des linottes avec des canaris, mais il faut que ce soit une linotte mâle avec un canari femelle, autrement il arrive très rarement qu’ils réussissent, la linotte même ne faisant pas son nid et pondant seulement quelques œufs dans le panier, lesquels, pour l’ordinaire, sont clairs. J’en ai vu l’expérience parce que j’ai fait couver ces œufs par des femelles canaris, et à plusieurs fois, sans aucun produit.

» Les pinsons et les bruants sont très difficiles à unir avec les canaris : j’ai laissé trois ans une femelle bruant avec un mâle canari, elle n’a pondu que des œufs clairs, il en est de même de la femelle pinson ; mais le pinson et le bruant mâles avec la femelle canari ont produit quelques œufs féconds. »

Il résulte de ces faits, et de quelques autres que j’ai recueillis, qu’il n’y a dans tous ces oiseaux que le tarin dont le mâle et la femelle produisent également avec le mâle ou la femelle du serin des Canaries ; cette femelle produit aussi assez facilement avec le chardonneret, un peu moins aisément avec le mâle linotte ; enfin elle peut produire, quoique plus difficilement, avec les mâles pinsons, bruants et moineaux, tandis que le serin mâle ne peut féconder aucune de ces dernières femelles. La nature est donc plus ambiguë et moins constante, et le type de l’espèce moins ferme dans la femelle que dans le mâle : celui-ci en est le vrai modèle, la trempe en est beaucoup plus forte que celle de la femelle qui se prête à des modifications diverses, et même subit des altérations par le mélange des espèces étrangères. Dans le petit nombre d’expériences que j’ai pu faire sur le mélange de quelques espèces voisines d’animaux quadrupèdes, j’ai vu que la brebis produit aisément avec le bouc, et que le bélier ne produit point avec la chèvre : on m’a assuré qu’il y avait exemple de la production du cerf avec la vache, tandis que le taureau ne s’est jamais joint à la biche ; la jument produit plus aisément avec l’âne que le cheval avec l’ânesse. Et, en général, les races tiennent toujours plus du mâle que de la femelle. Ces faits s’accordent avec ceux que nous venons de rapporter au sujet du mélange des oiseaux. On voit que la femelle canari peut produire avec le venturon, le cini, le tarin, le chardonneret, la linotte, le pinson, le bruant et le moineau ; tandis que le mâle canari ne produit aisément qu’avec la femelle du tarin, difficilement avec celle du chardonneret, et point avec les autres. On peut donc en conclure que la femelle appartient moins rigoureusement à son espèce que le mâle, et qu’en général c’est par les femelles que se tiennent de plus près les espèces voisines. Il est bien évident que la serine approche beaucoup plus que le serin de l’espèce du bruant, de la linotte, du pinson et du moineau, puisqu’elle s’unit et produit avec tous, tandis que son mâle ne veut s’unir ni produire avec aucune femelle de ces mêmes espèces. Je dis ne veut, car ici la volonté peut faire beaucoup plus qu’on ne pense, et peut-être n’est-ce que faute d’une volonté ferme que les femelles se laissent subjuguer et souffrent des recherches étrangères et des unions disparates. Quoi qu’il en soit, on peut, en examinant les résultats du mélange de ces différents oiseaux, tirer des inductions qui s’accordent avec tout ce que j’ai dit au sujet de la génération des animaux et de leur développement : comme cet objet est important, j’ai cru devoir donner ici les principaux résultats du mélange des canaris, soit entre eux, soit avec les espèces que nous venons de citer.

La première variété, qui paraît constituer deux races distinctes dans l’espèce du canari, est composée des canaris panachés et de ceux qui ne le sont pas. Les blancs ne sont jamais panachés non plus que les jaunes citron : seulement lorsque ces derniers ont quatre ou cinq ans, l’extrémité des ailes et la queue deviennent blanches. Les gris ne sont pas d’une seule couleur grise ; il y a sur le même oiseau des plumes plus ou moins grises, et dans un nombre de ces oiseaux gris il s’en trouve d’un gris plus clair, plus foncé, plus brun et plus noir. Les agates sont de couleur uniforme, seulement il y en a dont la couleur agate est plus claire ou plus foncée. Les isabelles sont plus semblables ; leur couleur ventre de biche est constante et toujours uniforme, soit sur le même oiseau, soit dans plusieurs individus. Dans les panachés, les jaunes jonquilles sont panachés de noirâtre : ils ont ordinairement du noir sur la tête. Il y a des canaris panachés dans toutes les couleurs simples que nous avons indiquées ; mais ce sont les jaunes jonquille qui sont le plus panachés de noir.

Lorsque l’on apparie des canaris de couleur uniforme, les petits qui en proviennent sont de la même couleur ; un mâle gris et une femelle grise ne produiront ordinairement que des oiseaux gris ; il en est de même des isabelles, des blonds, des blancs, des jaunes, des agates ; tous produisent leurs semblables en couleur ; mais si l’on mêle ces différentes couleurs, en donnant, par exemple, une femelle blonde à un mâle gris ou une femelle grise à un mâle blond, et ainsi dans toutes les autres combinaisons, on aura des oiseaux qui seront plus beaux que ceux des races de même couleur ; et comme ce nombre de combinaisons de races que l’on peut croiser est presque inépuisable, on peut encore tous les jours amener à la lumière des nuances et des variétés qui n’ont pas encore paru. Les mélanges qu’on peut faire des canaris panachés avec ceux de couleur uniforme augmentent encore de plusieurs milliers de combinaisons les résultats que l’on doit en attendre ; et les variétés de l’espèce peuvent être multipliées, pour ainsi dire, à l’infini. Il arrive même assez souvent que, sans employer des oiseaux panachés, on a de très beaux petits oiseaux bien panachés qui ne doivent leur beauté qu’au mélange des couleurs différentes de leurs pères et mères, ou à leurs ascendants, dont quelques-uns du côté paternel ou maternel étaient panachés[19].

À l’égard du mélange des autres espèces avec celle du canari, voici les observations que j’ai pu recueillir : de tous les serins, le cini ou serin vert est celui qui a la voix la plus forte et qui paraît être le plus vigoureux, le plus ardent pour la propagation ; il peut suffire à trois femelles canaris, il leur porte à manger sur leurs nids ainsi qu’à leurs petits. Le tarin et le chardonneret ne sont ni si vigoureux ni si vigilants, et une seule femelle canari suffit à leurs besoins.

Les oiseaux qui proviennent des mélanges du cini, du tarin, et du chardonneret avec une serine, sont ordinairement plus forts que les canaris ; ils chantent plus longtemps, et leur voix, très sonore, est plus forte, mais ils apprennent plus difficilement ; la plupart ne sifflent jamais qu’imparfaitement, et il est rare d’en trouver qui puissent répéter un seul air sans y manquer.

Lorsqu’on veut se procurer des oiseaux par le mélange du chardonneret avec la serine de Canaries, il faut que le chardonneret ait deux ans et la serine un an, parce qu’elle est plus précoce, et pour l’ordinaire ils réussissent mieux quand on a pris la précaution de les élever ensemble ; néanmoins cela n’est pas absolument nécessaire, et l’auteur du Traité des Serins[20] se trompe en assurant qu’il ne faut pas que la serine se soit auparavant accouplée avec un mâle de son espèce, que cela l’empêcherait de recevoir les mâles d’une autre espèce. Voici un fait tout opposé : « Il m’est arrivé (dit le P. Bougot) de mettre ensemble douze canaris, quatre mâles et huit femelles ; du mouron de mauvaise qualité fit mourir trois de ces mâles, et toutes les femelles perdirent leur première ponte. Je m’avisai de substituer aux trois mâles morts trois chardonnerets mâles pris dans un battant, je les lâchai dans la volière au commencement de mai. Sur la fin de juillet, j’eus deux nids de petits mulets qui réussirent on ne peut pas mieux, et l’année suivante j’ai eu trois pontes de chaque chardonneret mâle avec les femelles canaris. Les femelles canaris ne produisent ordinairement avec le chardonneret que depuis l’âge d’un an jusqu’à quatre, tandis qu’avec leurs mâles naturels elles produisent jusqu’à huit ou neuf ans d’âge : il n’y a que la femelle commune panachée qui produise au delà de l’âge de quatre ans avec le chardonneret. Au reste, il ne faut jamais lâcher le chardonneret dans une volière, parce qu’il détruit les nids et casse les œufs des autres oiseaux. » On voit que les serines, quoique accoutumées aux mâles de leur espèce, ne laissent pas de se prêter à la recherche des chardonnerets, et ne s’en unissent pas moins avec eux. Leur union est même aussi féconde qu’avec leurs mâles naturels, puisqu’elles font trois pontes dans un an avec le chardonneret ; il n’en est pas de même de l’union du mâle linotte avec la serine : il n’y a, pour l’ordinaire, qu’une seule ponte, et très rarement deux dans l’année.

Ces oiseaux bâtards, qui proviennent du mélange des canaris avec les tarins, les chardonnerets, etc., ne sont pas des mulets stériles, mais des métis féconds qui peuvent s’unir et produire non seulement avec leurs races maternelle ou paternelle, mais même reproduire entre eux des individus féconds dont les variétés peuvent aussi se mêler et se perpétuer[21]. Mais il faut convenir que le produit de la génération dans ces métis n’est pas aussi certain ni aussi nombreux, à beaucoup près, que dans les espèces pures ; ces métis ne font ordinairement qu’une ponte par an, et rarement deux ; souvent les œufs sont clairs, et la production réelle dépend de plusieurs petites circonstances qu’il n’est pas possible de reconnaître et moins encore d’indiquer précisément. On prétend que parmi ces métis il se trouve toujours beaucoup plus de mâles que de femelles. « Une femelle de canari et un chardonneret (dit le P. Bougot) m’ont, dans la même année, produit en trois pontes dix-neuf œufs qui tous ont réussi ; dans ces dix-neuf petits mulets il n’y avait que trois femelles sur seize mâles. » Il serait bon de constater ce fait par des observations réitérées. Dans les espèces pures de plusieurs oiseaux, comme dans celle de la perdrix, on a remarqué qu’il y a aussi plus de mâles que de femelles. La même observation a été faite sur l’espèce humaine : il naît environ dix-sept garçons sur seize filles dans nos climats ; on ignore quelle est la proportion du nombre des mâles et de celui des femelles dans l’espèce de la perdrix, on sait seulement que les mâles sont en plus grand nombre, parce qu’il y a toujours des bourdons vacants dans le temps du pariage : mais il n’est pas à présumer que dans aucune espèce pure le nombre des mâles excède celui des femelles autant que seize excède trois, c’est-à-dire autant que dans l’espèce mêlée de la serine et du chardonneret. J’ai ouï dire seulement qu’il se trouvait de même plus de femelles que de mâles dans le nombre des mulets qui proviennent de l’âne et de la jument ; mais je n’ai pu me procurer sur cela des informations assez exactes pour qu’on doive y compter. Il s’agirait donc (et cela serait assez facile) de déterminer par des observations combien il naît de mâles, et combien de femelles dans l’espèce pure du canari, et voir ensuite si le nombre des mâles est encore beaucoup plus grand dans les métis qui proviennent des espèces mêlées du chardonneret et de la serine. La raison qui me porte à le croire, c’est qu’en général le mâle influe plus que la femelle sur la force et la qualité des races. Au reste, ces oiseaux métis, qui sont plus forts et qui ont la voix plus perçante, l’haleine plus longue que les canaris de l’espèce pure, vivent aussi plus longtemps. Mais il y a une observation constante qui porte sur les uns et sur les autres, c’est que, plus ils travaillent à la propagation et plus ils abrègent leur vie. Un serin mâle, élevé seul et sans communication avec une femelle, vivra communément treize ou quatorze ans ; un métis provenant du chardonneret, traité de même, vit dix-huit et même dix-neuf ans. Un métis provenant du tarin, et également privé de femelles, vivra quinze ou seize ans, tandis que le serin mâle, auquel on donne une femelle ou plusieurs, ne vit guère que dix ou onze ans, le métis tarin onze ou douze ans, et le métis chardonneret quatorze ou quinze : encore faut-il avoir l’attention de les séparer tous de leurs femelles après les pontes, c’est-à-dire depuis le mois d’août jusqu’au mois de mars : sans cela, leur passion les use et leur vie se raccourcit encore de deux ou trois années.

À ces remarques particulières, qui toutes sont intéressantes, je dois ajouter une observation générale plus importante et qui peut encore donner quelques lumières sur la génération des animaux et sur le développement de leurs différentes parties. L’on a constamment observé en mêlant les canaris, soit entre eux, soit avec des oiseaux étrangers, que les métis provenus de ces mélanges ressemblent à leur père par la tête, la queue, les jambes, et à leur mère par le reste du corps ; on peut faire la même observation sur les mulets quadrupèdes : ceux qui viennent de l’âne et de la jument ont le corps aussi gros que leur mère, et tiennent du père les oreilles, la queue, la sécheresse des jambes ; il paraît donc que dans le mélange des deux liqueurs séminales, quelque intime qu’on doive le supposer pour l’accomplissement de la génération, les molécules organiques fournies par la femelle occupent le centre de cette sphère vivante qui s’accroît dans toutes les dimensions, et que les molécules données par le mâle environnent celles de la femelle, de manière que l’enveloppe et les extrémités du corps appartiennent plus au père qu’à la mère. La peau, le poil et les couleurs, qu’on doit aussi regarder comme faisant partie extérieure du corps, tiennent plus du côté paternel que du côté maternel. Plusieurs métis que j’ai obtenus, en donnant un bouc à des brebis, avaient tous, au lieu de laine, le poil rude de leur père. Dans l’espèce humaine on peut de même remarquer que communément le fils ressemble plus à son père qu’à sa mère par les jambes, les pieds, les mains, la quantité et la couleur des cheveux, la qualité de la peau, la grosseur de la tête ; et dans les mulâtres qui proviennent d’un blanc et d’une négresse, la teinte de noir est plus diminué que dans ceux qui viennent d’un nègre et d’une blanche : tout cela semble prouver que dans l’établissement local des molécules organiques fournies par les deux sexes, celles du mâle surmontent et enveloppent celles de la femelle, lesquelles forment le premier point d’appui et, pour ainsi dire, le noyau de l’être qui s’organise ; et que, malgré la pénétration et le mélange intime de ces molécules, il en reste plus de masculines à la surface et plus de féminines à l’intérieur, ce qui paraît naturel, puisque ce sont les premières qui vont chercher les secondes : d’où il résulte que, dans le développement du corps, les membres doivent tenir plus du père que de la mère, et le corps doit tenir plus de la mère que du père.

Et comme, en général, la beauté des espèces ne se perfectionne et ne peut même se maintenir qu’en croisant les races, et qu’en même temps la noblesse de la figure, la force et la vigueur du corps dépendent presque en entier de la bonne proportion des membres, ce n’est que par les mâles qu’on peut ennoblir ou relever les races dans l’homme et dans les animaux : de grandes et belles juments avec de vilains petits chevaux ne produiront jamais que des poulains mal faits ; tandis qu’un beau cheval avec une jument, quoique laide, produira de très beaux chevaux, et d’autant plus beaux, que les races du père et de la mère seront plus éloignées, plus étrangères l’une à l’autre. Il en est de même des moutons, ce n’est qu’avec des béliers étrangers qu’on peut en relever les races, et jamais une belle brebis avec un petit bélier commun ne produira que des agneaux tout aussi communs. Il me resterait plusieurs choses à dire sur cette matière importante, mais ici ce serait se trop écarter de notre sujet, dont néanmoins l’objet le plus intéressant, le plus utile pour l’histoire de la nature, serait l’exposition de toutes les observations qu’on a déjà faites et que l’on pourrait faire encore sur le mélange des animaux. Comme beaucoup de gens s’occupent ou s’amusent de la multiplication des serins, et qu’elle se fait en peu de temps, on peut aisément tenter un grand nombre d’expériences sur leurs mélanges avec des oiseaux différents, ainsi que sur les produits ultérieurs de ces mélanges : je suis persuadé que par la réunion de toutes ces observations et leur comparaison avec celles qui ont été faites sur les animaux et sur l’homme, on parviendrait à déterminer peut-être assez précisément l’influence, la puissance effective du mâle dans la génération, relativement à celle de la femelle, et par conséquent désigner les rapports généraux par lesquels on pourrait présumer que tel mâle convient ou disconvient à telle ou telle femelle, etc.

Néanmoins il est vrai que dans les animaux comme dans l’homme, et même dans nos petits oiseaux, la disconvenance du caractère, ou si l’on veut la différence des qualités morales, nuit souvent à la convenance des qualités physiques. Si quelque chose peut prouver que le caractère est une impression bonne ou mauvaise donnée par la nature, et dont l’éducation ne peut changer les traits, c’est l’exemple de nos serins : « Ils sont presque tous (dit M. Hervieux) différents les uns des autres par leurs inclinations ; il y a des mâles d’un tempérament toujours triste, rêveurs, pour ainsi dire, et presque toujours bouffis, chantant rarement, et ne chantant que d’un ton lugubre… ; qui sont des temps infinis à apprendre et ne savent jamais que très imparfaitement ce qu’on leur a montré, et le peu qu’ils savent ils l’oublient aisément… Ces mêmes serins sont souvent d’un naturel si malpropre qu’ils ont toujours les pattes et la queue sales ; ils ne peuvent plaire à leur femelle, qu’ils ne réjouissent jamais par leur chant, même dans le temps que ses petits viennent d’éclore, et d’ordinaire ces petits ne valent pas mieux que leur père… Il y a d’autres serins qui sont si mauvais qu’ils tuent la femelle qu’on leur donne, et qu’il n’y a d’autre moyen de les dompter qu’en leur en donnant deux ; elles se réuniront pour leur défense commune, et l’ayant d’abord vaincu par la force, elles le vaincront ensuite par l’amour[22]. Il y en a d’autres d’une inclination si barbare qu’ils cassent et mangent les œufs lorsque la femelle les a pondus, ou si ce père dénaturé les laisse couver, à peine les petits sont-ils éclos qu’il les saisit avec le bec, les traîne dans la cabane et les tue[23]. » D’autres, qui sont sauvages, farouches, indépendants, qui ne veulent être ni touchés ni caressés, qu’il faut laisser tranquilles, et qu’on ne peut gouverner ni traiter comme les autres : pour peu qu’on se mêle de leur ménage, ils refusent de produire ; il ne faut ni toucher à leur cabane, ni ôter les œufs, et ce n’est qu’en les laissant vivre à leur fantaisie qu’ils s’uniront et produiront. Il y en a d’autres enfin qui sont très paresseux : par exemple les gris ne font presque jamais de nid, il faut que celui qui les soigne fasse leur nid pour eux, etc. Tous ces caractères sont, comme l’on voit, très distincts entre eux et très différents de celui de nos serins favoris, toujours gais, toujours chantants, si familiers, si aimables, si bons maris, si bons pères, et en tout d’un caractère si doux, d’un naturel si heureux, qu’ils sont susceptibles de toutes les bonnes impressions et doués des meilleures inclinations ; ils récréent sans cesse leur femelle par leur chant ; ils la soulagent dans la pénible assiduité de couver ; ils l’invitent à changer de situation, à leur céder la place, et couvent eux-mêmes tous les jours pendant quelques heures ; ils nourrissent aussi leurs petits, et enfin ils apprennent tout ce qu’on peut leur montrer. C’est par ceux-ci seuls qu’on doit juger l’espèce, et je n’ai fait mention des autres que pour démontrer que le caractère, même dans les animaux, vient de la nature, et n’appartient pas à l’éducation.

Au reste, le mauvais naturel apparent qui leur fait casser les œufs et tuer leurs petits vient souvent de leur tempérament et de leur trop grande pétulance en amour ; c’est pour jouir de leur femelle plus pleinement et plus souvent qu’ils la chassent du nid et lui ravissent les plus chers objets de son affection : aussi, la meilleure manière de faire nicher ces oiseaux n’est pas de les séparer et de les mettre en cabane ; il vaut beaucoup mieux leur donner une chambre bien exposée au soleil, et au levant d’hiver ; ils s’y plaisent davantage et y multiplient mieux ; car s’ils sont en cage ou en cabane avec une seule femelle, ils lui casseront ses œufs pour en jouir de nouveau ; dans la chambre, au contraire, où il doit y avoir plus de femelles que de mâles, ils en chercheront une autre et laisseront la première couver tranquillement. D’ailleurs les mâles, par jalousie, ne laissent pas de se donner entre eux de fortes distractions, et lorsqu’ils en voient un trop ardent tourmenter sa femelle et vouloir casser les œufs, ils le battent assez pour amortir ses désirs.

On leur donnera, pour faire les nids, de la charpie de linge fin, de la bourre de vache ou de cerf qui n’ait pas été employée à d’autres usages, de la mousse et du petit foin sec et très menu. Les chardonnerets et les tarins qu’on met avec les serines, lorsqu’on veut se procurer des métis, emploient le petit foin et la mousse de préférence, mais les serins se servent plutôt de la bourre et de la charpie ; il faut qu’elle soit bien hachée, crainte qu’il n’enlève les œufs avec cette espèce de filasse qui s’embarrasserait dans leurs pieds.

Pour les nourrir, on établit dans la chambre une trémie percée tout à l’entour, de manière qu’ils puissent y passer la tête. On mettra dans cette trémie une portion du mélange suivant : trois pintes de navette, deux d’avoine, deux de millet, et enfin une pinte de chènevis, et tous les douze ou treize jours on regarnira la trémie, prenant garde que toutes ces graines soient bien nettes et bien vannées. Voilà leur nourriture tant qu’ils n’ont que des œufs, mais la veille que les petits doivent éclore on leur donnera un échaudé sec et pétri sans sel, qu’on leur laissera jusqu’à ce qu’il soit mangé, après quoi on leur donnera des œufs cuits durs ; un seul œuf dur, s’il n’y a que deux mâles et quatre femelles ; deux œufs, s’il y a quatre mâles et huit femelles, et ainsi à proportion du nombre : on ne leur donnera ni salade ni verdure pendant qu’ils nourrissent, cela affaiblirait beaucoup les petits ; mais pour varier un peu leurs aliments et les réjouir par un nouveau mets, vous leur donnerez tous les trois jours sur une assiette, au lieu de l’échaudé, un morceau de pain blanc trempé dans l’eau et pressé dans la main ; ce pain, qu’on ne leur donnera qu’un seul jour sur trois, étant pour ces oiseaux une nourriture moins substantielle que l’échaudé, les empêchera de devenir trop gras pendant leur ponte ; on fera bien aussi de leur fournir dans le même temps quelques graines d’alpiste, et seulement tous les deux jours, crainte de les trop échauffer ; le biscuit sucré produit ordinairement cet effet, qui est suivi d’un autre encore plus préjudiciable, c’est qu’étant nourris de biscuit ils font souvent des œufs clairs ou des petits faibles et trop délicats. Lorsqu’ils auront des petits on leur fera tous les jours bouillir de la navette afin d’en ôter l’âcreté. « Une longue expérience, dit le P. Bougot, m’a appris que cette nourriture est celle qui leur convient le mieux, quoi qu’en disent tous les auteurs qui ont écrit sur les canaris. »

Après leur ponte, il faut leur donner du plantain et de la graine de laitue pour les purger, mais il faut en même temps ôter tous les jeunes oiseaux, qui s’affaibliraient beaucoup par cette nourriture, qu’on ne doit fournir que pendant deux jours aux pères et mères. Quand vous voudrez élever des serins à la brochette, il ne faudra pas, comme le conseillent la plupart des oiseleurs, les laisser à leur mère jusqu’au onzième ou douzième jour, il vaut mieux lui ôter ses petits dès le huitième jour ; on les enlèvera avec le nid et on ne lui laissera que le panier. On préparera d’avance la nourriture de ces petits ; c’est une patée composée de navette bouillie, d’un jaune d’œuf et de mie d’échaudé, mêlée et pétrie avec un peu d’eau dont on leur donnera des becquées toutes les deux heures ; il ne faut pas que cette pâtée soit trop liquide, et l’on doit, crainte qu’elle ne s’aigrisse, la renouveler chaque jour jusqu’à ce que les petits mangent seuls.

Dans ces oiseaux captifs la production n’est pas aussi constante, mais paraît néanmoins plus nombreuse qu’elle ne le serait probablement dans leur état de liberté ; car il y a quelques femelles qui font quatre et même cinq pontes par an, chacune de quatre, cinq, six et quelquefois sept œufs : communément elles font trois pontes, et la mue les empêche d’en faire davantage[24]. Il y a néanmoins des femelles qui couvent pendant la mue, pourvu que leur ponte soit commencée avant ce temps. Les oiseaux de la même nichée ne muent pas tous en même temps. Les plus faibles sont les premiers qui subissent ce changement d’état ; les plus forts ne muent souvent que plus d’un mois après. La mue des serins jonquilles est plus longue et ordinairement plus funeste que celle des autres. Ces femelles jonquilles ne font que trois pontes de trois œufs chacune ; les blonds, mâles et femelles, sont trop délicats, et leur nichée réussit rarement ; les isabelles ont quelque répugnance à s’apparier ensemble, le mâle prend rarement, dans une grande volière, une femelle isabelle, et ce n’est qu’en les mettant tous deux en cage qu’ils se déterminent à s’unir. Les blancs, en général, sont bons à tout, ils couvent, nichent et produisent aussi bien et mieux qu’aucun des autres, et les blancs panachés sont aussi les plus forts de tous.

Malgré ces différences dans le naturel, le tempérament, et dans le nombre de la production de ces oiseaux, le temps de l’incubation est le même : tous couvent également treize jours, et lorsqu’il y a un jour de plus ou de moins, cela paraît venir de quelque circonstance particulière : le froid retarde l’éclosion des petits et le chaud l’accélère ; aussi arrive-t-il souvent que la première couvée, qui se trouve au mois d’avril, dure treize jours et demi ou quatorze jours au lieu de treize, si l’air est alors plus froid que tempéré ; et au contraire, dans la troisième couvée, qui se fait pendant les grandes chaleurs du mois de juillet ou d’août, il arrive quelquefois que les petits sortent de l’œuf au bout de douze jours et demi ou même douze jours. On fera bien de séparer les mauvais œufs des bons, mais pour les reconnaître d’une manière sûre, il faut attendre qu’ils aient été couvés pendant huit ou neuf jours ; on prend doucement chaque œuf par les deux bouts, crainte de les casser, on les mire au grand jour ou à la lumière d’une chandelle, et l’on rejette tous ceux qui sont clairs ; ils ne feraient que fatiguer la femelle si on les laissait ; en triant ainsi les œufs clairs, on peut assez souvent de trois couvées n’en faire que deux ; la troisième femelle se trouvera libre et travaillera bientôt à une seconde nichée[25]. Une pratique fort recommandée par les oiseleurs, c’est d’enlever les œufs à la femelle à mesure qu’elle les pond et de leur substituer des œufs d’ivoire, afin que tous les œufs puissent éclore en même temps ; on attend le dernier œuf avant de rendre les autres à la femelle et de lui ôter ceux d’ivoire. D’ordinaire le moment de la ponte est à six ou sept heures du matin ; on prétend que, quand elle retarde seulement d’une heure, c’est que la femelle est malade : la ponte se fait ainsi successivement[26] ; il est donc aisé de se saisir des œufs à mesure qu’ils sont produits. Néanmoins cette pratique, qui est plutôt relative à la commodité de l’homme qu’à celle de l’oiseau, est contraire au procédé de la nature ; elle fait subir à la mère une plus grande déperdition de chaleur et la surcharge tout à la fois de cinq ou six petits qui, venant tous ensemble, l’inquiètent plus qu’ils ne la réjouissent, tandis qu’en les voyant éclore successivement les uns après les autres, ses plaisirs se multiplient et soutiennent ses forces et son courage : aussi des oiseleurs très intelligents m’ont assuré qu’en n’ôtant pas les œufs à la femelle et les laissant éclore successivement, ils avaient toujours mieux réussi que par cette substitution des œufs d’ivoire.

Au reste, nous devons dire qu’en général les pratiques trop recherchées et les soins scrupuleux que nos écrivains conseillent de donner à l’éducation de ces oiseaux sont plus nuisibles qu’utiles ; il faut, autant qu’il est possible, se rapprocher en tout de la nature. Dans leur pays natal, les serins se tiennent sur les bords des petits ruisseaux ou des ravines humides[27] ; il ne faut donc jamais les laisser manquer d’eau tant pour boire que pour se baigner. Comme ils sont originaires d’un climat très doux, il faut les mettre à l’abri de la rigueur de l’hiver ; il paraît même qu’étant déjà assez anciennement naturalisés en France, ils se sont habitués au froid de notre pays, car on peut les conserver en les logeant dans une chambre sans feu, dont il n’est pas même nécessaire que la fenêtre soit vitrée : une grille maillée pour les empêcher de fuir suffira ; je connais plusieurs oiseleurs qui m’ont assuré qu’en les traitant ainsi on en perd moins que quand on les tient dans des chambres échauffées par le feu. Il en est de même de la nourriture, on pourrait la rendre plus simple, et peut-être ils ne s’en porteraient que mieux[28]. Une attention qui paraît plus nécessaire qu’aucune autre, c’est de ne jamais presser le temps de la première nichée ; on a coutume de permettre à ces oiseaux de s’unir vers le 20 ou le 25 de mars, et l’on ferait mieux d’attendre le 12 ou le 15 d’avril ; car lorsqu’on les met ensemble dans un temps encore froid, ils se dégoûtent souvent l’un de l’autre, et si par hasard les femelles font des œufs, elles les abandonnent, à moins que la saison ne devienne plus chaude ; on perd donc une nichée tout entière en voulant avancer le temps de la première.

Les jeunes serins sont différents des vieux, tant par les couleurs du plumage, que par quelques autres caractères. « Un jeune serin de l’année, observé le 13 septembre 1772[29], avait la tête, le cou, le dos et les pennes des ailes noirâtres, excepté les quatre premières pennes de l’aile gauche, et les six premières pennes de l’aile droite, qui étaient blanchâtres ; le croupion, les couvertures des ailes, la queue, qui n’était pas encore entièrement formée, et le dessous du corps, étaient aussi de couleur blanchâtre, et il n’y avait pas encore de plumes sur le ventre depuis le sternum jusqu’à l’anus. Ce jeune oiseau avait le bec inférieur rentrant dans le bec supérieur, qui était assez gros et un peu crochu. » À mesure que l’oiseau avance en âge, la disposition et les nuances de couleur changent : on distingue les vieux des jeunes par la force, la couleur et le chant ; les vieux ont constamment les couleurs plus foncées et plus vives que les jeunes ; leurs pattes sont plus rudes et tirant sur le noir s’ils sont de la race grise ; ils ont aussi les ongles plus gros et plus longs que les jeunes[30]. La femelle ressemble quelquefois si fort au mâle, qu’il n’est pas aisé de les distinguer au premier coup d’œil ; cependant le mâle a toujours les couleurs plus fortes que la femelle, la tête un peu plus grosse et plus longue, les tempes d’un jaune plus orangé, et sous le bec une espèce de flamme jaune qui descend plus bas que sous le bec de la femelle ; il a aussi les jambes plus longues ; enfin il commence à gazouiller presque aussitôt qu’il mange seul. Il est vrai qu’il y a des femelles qui, dans ce premier âge, gazouillent aussi fort que les mâles. Mais en rassemblant ces différents indices on pourra distinguer, même avant la première mue, les serins mâles et les femelles. Après ce temps il n’y a plus d’incertitude à cet égard, car les mâles commencent dès lors à déclarer leur sexe par le chant.

Toute expression subite de la voix est, dans les animaux, un indice vif de passion ; et comme l’amour est, de toutes les émotions intérieures, celle qui les remue le plus souvent et qui les transporte le plus puissamment, ils ne manquent guère de manifester leur ardeur. Les oiseaux par leur chant, le taureau par son mugissement, le cheval par le hennissement, l’ours par son gros murmure, etc., annoncent tous un seul et même désir. L’ardeur de ce désir n’est pas, à beaucoup près, aussi grande, aussi vive dans la femelle que dans le mâle, aussi ne l’exprime-t-elle que rarement par la voix ; celle de la serine n’est tout au plus qu’un petit ton de tendre satisfaction, un signe de consentement qui n’échappe qu’après avoir écouté longtemps, et après s’être laissé pénétrer de la prière ardente du mâle, qui s’efforce d’exciter ses désirs en lui transmettant les siens. Néanmoins cette femelle a, comme toutes les autres, grand besoin de l’usage de l’amour dès qu’elle est une fois excitée, car elle tombe malade et meurt, lorsque étant séparés, celui qui a fait naître sa passion ne peut la satisfaire.

Il est rare que les serins élevés en chambre tombent malades avant la ponte ; il y a seulement quelques mâles qui s’excèdent et meurent d’épuisement : si la femelle devient malade pendant la couvée, il faut lui ôter ses œufs et les donner à une autre, car quand même elle se rétablirait promptement elle ne les couverait plus. Le premier symptôme de la maladie surtout dans le mâle, est la tristesse ; dès qu’on ne lui voit pas sa gaieté ordinaire, il faut le mettre seul dans une cage et le placer au soleil dans la chambre où réside sa femelle. S’il devient bouffi, on regardera s’il n’a pas un bouton au-dessus de la queue ; lorsque ce bouton est mûr et blanc, l’oiseau le perce souvent lui-même avec le bec, mais si la suppuration tarde trop on pourra ouvrir le bouton avec une grosse aiguille, et ensuite étuver la plaie avec de la salive sans y mêler de sel, ce qui la rendrait trop cuisante sur la plaie. Le lendemain on lâchera l’oiseau malade, et l’on reconnaîtra par son maintien et son empressement auprès de sa femelle s’il est guéri ou non. Dans ce dernier cas, il faut le reprendre, lui souffler avec un petit tuyau de plume du vin blanc sous les ailes, le remettre au soleil, et reconnaître en le lâchant le lendemain l’état de sa santé : si la tristesse et le dégoût continuent après ces petits remèdes, on ne peut guère espérer de le sauver ; il faudra dès lors le remettre en cage séparée et donner à sa femelle un autre mâle ressemblant à celui qu’elle perd, ou, si cela ne se peut, on tâchera de lui donner un mâle de la même espèce qu’elle ; il y a ordinairement plus de sympathie entre ceux qui se ressemblent qu’avec les autres, à l’exception des serins isabelles, qui donnent la préférence à des femelles d’autre couleur. Mais il faut que ce nouveau mâle, qu’on veut substituer au premier, ne soit point un novice en amour, et que par conséquent il ait déjà niché. Si la femelle tombe malade, on lui fera le même traitement qu’au mâle.

La cause la plus ordinaire des maladies, est la trop abondante ou la trop bonne nourriture : lorsqu’on fait nicher ces oiseaux en cage ou en cabane, souvent ils mangent trop ou prennent de préférence les aliments succulents destinés aux petits ; et la plupart tombent malades de réplétion ou d’inflammation. En les tenant en chambre, on prévient en grande partie cet inconvénient, parce qu’étant en nombre ils s’empêchent réciproquement de s’excéder. Un mâle qui mange longtemps est sûr d’être battu par les autres mâles ; il en est de même des femelles ; ces débats leur donnent du mouvement, des distractions et de la tempérance par nécessité ; c’est principalement pour cette raison qu’ils ne sont presque jamais malades en chambre pendant le temps de la nichée ; ce n’est qu’après celui de la couvée que les infirmités et les maux se déclarent : la plupart ont d’abord le bouton dont nous venons de parler ; ensuite tous sont sujets à la mue ; les uns soutiennent assez bien ce changement d’état et ne laissent pas de chanter un peu chaque jour, mais la plupart perdent la voix, et quelques-uns dépérissent et meurent. Dès que les femelles ont atteint l’âge de six ou sept ans, il en périt beaucoup dans la mue ; les mâles supportent plus aisément cette espèce de maladie, et subsistent trois ou quatre années de plus. Cependant comme la mue est un effet dans l’ordre de la nature plutôt qu’une maladie accidentelle, ces oiseaux n’auraient pas besoin de remèdes, ou les trouveraient eux-mêmes s’ils étaient élevés par leurs pères et mères dans l’état de nature et de liberté ; mais étant contraints, nourris par nous, et devenus plus délicats, la mue, qui, pour les oiseaux libres, n’est qu’une indisposition, un état de santé moins parfaite, devient pour ces captifs une maladie grave et très souvent funeste, à laquelle même il y a peu de remèdes[31]. Au reste, la mue est d’autant moins dangereuse qu’elle arrive plus tôt, c’est-à-dire en meilleure saison. Les jeunes serins muent dès la première année, six semaines après qu’ils sont nés : ils deviennent tristes, paraissent bouffis et mettent la tête dans leurs plumes ; leur duvet tombe dans cette première mue ; et à la seconde, c’est-à-dire l’année suivante, les grosses plumes, même celles des ailes et de la queue, tombent aussi. Les jeunes oiseaux des dernières couvées, qui ne sont nés qu’en septembre ou plus tard, souffrent donc beaucoup plus de la mue que ceux qui sont nés au printemps : le froid est très contraire à cet état, et ils périraient tous si on n’avait soin de les tenir alors dans un lieu tempéré et même sensiblement chaud. Tant que dure la mue, c’est-à-dire pendant six semaines ou deux mois, la nature travaille à produire des plumes nouvelles, et les molécules organiques, qui étaient précédemment employées à faire le fond de la liqueur séminale, se trouvent absorbées par cette autre production : c’est par cette raison que, dans ce même temps de mue, les oiseaux ne se cherchent ni ne s’accouplent et qu’ils cessent de produire, car ils manquent alors de ce surplus de vie dont tout être a besoin pour pouvoir la communiquer à d’autres.

La maladie la plus funeste et la plus ordinaire, surtout aux jeunes serins, est celle que l’on appelle l’avalure : il semble en effet que leurs boyaux soient alors avalés et descendus jusqu’à l’extrémité de leur corps. On voit les intestins à travers la peau du ventre dans un état d’inflammation, de rougeur et de distension ; les plumes de cette partie cessent de croître et tombent, l’oiseau maigrit, ne mange plus, et cependant se tient toujours dans la mangeoire, enfin, il meurt en peu de jours ; la cause du mal est la trop grande quantité ou la qualité trop succulente de la nourriture qu’on leur a donnée. Tous les remèdes sont inutiles ; il n’y a que par la diète qu’on peut sauver quelques-uns de ces malades dans un très grand nombre. On met l’oiseau dans une cage séparée, on ne lui donne que de l’eau et de la graine de laitue ; ces aliments rafraîchissants et purgatifs tempèrent l’ardeur qui le consume, et opèrent quelquefois des évacuations qui lui sauvent la vie. Au reste, cette maladie ne vient pas de la nature, mais de l’art que nous mettons à élever ces oiseaux, car il est très rare que ceux qu’on laisse nourrir par leurs pères et leurs mères en soient atteints. On doit donc avoir la plus grande attention à ne leur donner que très peu de chose en les élevant à la brochette : de la navette bouillie, un peu de mouron et point du tout de sucre ni de biscuit, et en tout plutôt moins que trop de nourriture.

Lorsque le serin fait un petit cri fréquent, qui paraît sortir du fond de la poitrine, on dit qu’il est asthmatique : il est encore sujet à une certaine extinction de voix, surtout après la mue ; on guérit cette espèce d’asthme en lui donnant de la graine de plantain et du biscuit dur trempé dans du vin blanc, et on fait cesser l’extinction de voix en lui fournissant de bonnes nourritures, comme du jaune d’œufs haché avec de la mie de pain, et pour boisson de la tisane de réglisse, c’est-à-dire de l’eau où l’on fera tremper et bouillir de cette racine.

Les serins ont quelquefois une espèce de chancre qui leur vient dans le bec ; cette maladie provient des mêmes causes que celle de l’avalure ; les nourritures trop abondantes ou trop substantielles que nous leur fournissons produisent quelquefois une inflammation qui se porte à la gorge et au palais, au lieu de tomber sur les intestins ; aussi guérit-on cette espèce de chancre comme l’avalure par la diète et par des rafraîchissants. On leur donne de la graine de laitue, et on met dans leur eau quelques semences de melon concassées[32].

Les mites et la gale dont ces petits oiseaux sont souvent infectés, ne leur viennent ordinairement que de la malpropreté dans laquelle on les tient ; il faut avoir soin de bien les nettoyer, de leur donner de l’eau pour se baigner, de ne jamais les mettre dans des cages ou des cabanes de vieux ou de mauvais bois, de ne les couvrir qu’avec des étoffes neuves et propres où les teignes n’aient point travaillé ; il faut bien vanner, bien laver les graines et les herbes qu’on leur fournit. On leur doit ces petits soins, si l’on veut qu’ils soient propres et sains ; ils le seraient s’ils avaient leur liberté, mais, captifs et souvent mal soignés, ils sont comme tous les prisonniers sujets aux maux de la misère. De tous ceux que nous venons d’exposer, aucun ne paraît donc leur être naturel, à l’exception de la mue. Il y a même plusieurs de ces oiseaux qui, dans ce malheureux état de captivité, ne sont jamais malades, et dans lesquels l’habitude semble avoir formé une seconde nature. En général, leur tempérament ne pèche que par trop de chaleur ; ils ont toujours besoin d’eau : dans leur état de liberté, on les trouve près des ruisseaux ou dans des ravines humides ; le bain leur est très nécessaire, même en toute saison ; car si l’on met dans leur cabane ou dans leur volière un plat chargé de neige, ils se coucheront dedans et s’y tourneront plusieurs fois avec une expression de plaisir, et cela dans le temps même des plus grands froids ; ce fait prouve assez qu’il est plus nuisible qu’utile de les tenir dans des endroits bien chauds[33].

Mais il y a encore une maladie à laquelle les serins, comme plusieurs autres oiseaux[34], paraissent être sujets, surtout dans l’état de captivité : c’est l’épilepsie. Les serins jaunes, en particulier, tombent plus souvent que les autres de ce mal caduc, qui les saisit tout à coup et dans le temps même qu’ils chantent le plus fort : on prétend qu’il ne faut pas les toucher ni les prendre dans le moment qu’ils viennent de tomber, qu’on doit regarder seulement s’ils ont jeté une goutte de sang par le bec, que dans ce cas on peut les prendre, qu’ils reviennent d’eux-mêmes, et reprennent en peu de temps leurs sens et la vie ; qu’il faut donc attendre de la nature cet effort salutaire qui leur fait jeter une goutte de sang ; qu’enfin si on les prenait auparavant, le mouvement qu’on leur communiquerait leur ferait jeter trop tôt cette goutte de sang et leur causerait la mort[35] ; il serait bon de constater cette observation dont quelques faits me paraissent douteux ; ce qu’il y a de certain, c’est que quand ils ne périssent pas du premier accident, c’est-à-dire dans le premier accès de cette espèce d’épilepsie, ils ne laissent pas de vivre longtemps et quelquefois autant que ceux qui ne sont pas atteints de cette maladie ; je crois néanmoins qu’on pourrait les guérir tous en leur faisant une petite blessure aux pattes, car c’est ainsi que l’on guérit les perroquets de l’épilepsie.

Que de maux à la suite de l’esclavage ! Ces oiseaux en liberté seraient-ils asthmatiques, galeux, épileptiques, auraient-ils des inflammations, des abcès, des chancres ? et la plus triste des maladies, celle qui a pour cause l’amour non satisfait, n’est-elle pas commune à tous les êtres captifs ? les femelles surtout, plus profondément tendres, plus délicatement susceptibles, y sont plus sujettes que les mâles. On a remarqué[36] qu’assez souvent la serine tombe malade au commencement du printemps : avant qu’on l’ait appariée, elle se dessèche, languit et meurt en peu de jours. Les émotions vaines et les désirs vides sont la cause de la langueur qui la saisit subitement lorsqu’elle entend plusieurs mâles chanter à ses côtés, et qu’elle ne peut s’approcher d’aucun. Le mâle, quoique premier moteur du désir, quoique plus ardent en apparence, résiste mieux que la femelle au mal du célibat ; il meurt rarement de privation, mais fréquemment d’excès.

Au reste, le physique du tempérament dans la serine est le même que dans les femelles des autres oiseaux ; elle peut, comme les poules, produire des œufs sans communication avec le mâle. L’œuf en lui-même, comme nous l’avons dit, n’est qu’une matrice[37] que l’oiseau femelle jette au dehors ; cette matrice demeure inféconde si elle n’a pas auparavant été imprégnée de la semence du mâle, et la chaleur de l’incubation corrompt l’œuf au lieu de le vivifier. On a de plus observé, dans les femelles privées de mâles, qu’elles ne font que rarement des œufs, si elles sont absolument séquestrées, c’est-à-dire si elles ne peuvent les voir ni les entendre ; qu’elles en font plus souvent et en plus grand nombre lorsqu’elles sont à portée d’être excitées par l’oreille ou la vue, c’est-à-dire par la présence du mâle ou par son chant, tant les objets, même de loin, émeuvent les puissances dans tous les êtres sensibles ! tant le feu de l’amour a de routes pour se communiquer[38] !

Nous ne pouvons mieux terminer cette histoire des serins que par l’extrait d’une lettre de M. Daines Barrington, vice-président de la Société royale, sur le chant des oiseaux, à M. Maty.

« La plupart de ceux qui ont des serins des Canaries ne savent pas que ces oiseaux[39] chantent ou comme la farlouse, ou comme le rossignol ; cependant rien n’est plus marqué que ce trait du chant du rossignol que les Anglais appellent jug, et que la plupart des serins du Tyrol expriment dans leur chant, aussi bien que quelques autres phrases de la chanson du rossignol.

» Je fais mention de la supériorité des habitants de Londres dans ce genre de connaissances, parce que je suis convaincu que si l’on en consulte d’autres sur le chant des oiseaux, leur réponse ne pourra que jeter dans l’erreur. »


Notes de Buffon
  1. Le serin des îles Canaries, passer canarius. Aldrov., Avi., t. II, p. 814 ; la figure n’est pas bonne. — Passera di Canaria. Olina, p. 7 ; la figure est assez bonne. — Serin des Canaries. Albin, t. Ier, p. 57 ; la figure est mal coloriée. — Passer canariensis, canarie-vogel, Frisch, tab. xii ; les figures de cet oiseau et de quelques-unes de ses variétés sont exactes et assez bien coloriées. — « Passer in toto corpore citrinus, remigibus, rectricibusque lateralibus interiùs et subtus albis… », Serinus canariensis, le serin des Canaries. Brisson, Ornithol., t. III, p. 184. — Voyez nos planches enluminées, no 202, fig. 1.
  2. Le serin apprend à parler et il nomme plusieurs petites choses très distinctement Au moyen d’un flageolet il apprend deux ou trois airs qu’il chante dans leur ton naturel en gardant toujours la mesure, etc. Traité des serins des Canaries, par M. Hervieux, in-12. Paris, 1713, pages 3 et 4. — Un serin, placé encore jeune fort près de mon bureau, y avait pris un singulier ramage ; il contrefaisait le bruit que l’on fait en comptant des écus. Note communiquée par M. Hébert, receveur général à Dijon.
  3. Il devient si familier, si caressant qu’il vient baiser et becqueter mille et mille fois son maître, et qu’il ne manque pas de revenir à sa voix lorsqu’il l’appelle. Traité des serins, par M. Hervieux, p. 3.
  4. Citrinella. Gessner, Avium, p. 260 ; avec une assez bonne figure. — Vercellino. Olina, p. 15 ; avec une bonne figure. — « Passer supernè ex viridi-flavicante varius ; infernè luteovirescens ; remigibus rectricibusque nigricantibus, oris exterioribus viridescentibus… » Serinus Italicus, le serin d’Italie. Brisson, Ornithol., t. III, p. 182. — Voyez nos planches enluminées, no 658, fig. 2.
  5. Serinus. Gessner, Avium, p. 260 ; avec une mauvaise figure. — Serin, Belon, Hist. nat. des oiseaux, p. 354 ; avec une figure peu exacte. — Serin. Senicle, cerisin, cinit, cedrin. Belon, Portraits d’oiseaux, p. 90, recto ; avec la même figure peu exacte. — « Passer supernè ex fusco viridi-flavicante varius, inferne luteo virescens, lateribus maculis fuscis longitudinalibus variis, tæniâ in alis viridi-flavicante ; remigibus, rectricibusque supernè fuscis, oris exterioribus griseo-viridibus, apicis margine albicante… » Serinus, le serin. Brisson, Ornithol., t. III, p. 79. — Voyez nos planches enluminées, no 658, fig. 1.
  6. Les anciens Grecs appelaient cet oiseau Τραυπίς ; les Grecs modernes, Σπίνιδυα (suivant Belon). Les Turcs le nomment sare ; les Catalans gaffaru ; dans quelques endroits de l’Italie, luguarinera, beagana, raverin ; aux environs de Rome, verzellino ; dans le Boulonais, vidarinο ; à Naples, lequilla ; à Gênes, scarino ; dans le Trentin, citrinella ; en Allemagne, citrynle ou zytrinle ; à Vienne, citril.
  7. Extrait d’un mémoire qui accompagnait un envoi considérable d’oiseaux qui m’a été fait par M. Guys, de l’Académie de Marseille, homme de lettres, connu par plusieurs bons ouvrages et particulièrement par son Voyage en Grèce.
  8. Voyez les Amusements innocents ou le Parfait oiseleur, p. 42.
  9. Extrait du Mémoire précédent de M. Guys.
  10. J’ai vu dans la campagne, en Bugey et aux environs de Lyon, des oiseaux assez semblables à des serins de Canarie : on les y appelait signis ou cignis ; j’en ai vu aussi à Genève dans des cages, et leur ramage ne me parut pas fort agréable ; je crois qu’on les appelle, à Paris, serins de Suisse. Note donnée par M. Hébert, receveur général à Dijon.

    « L’on vante beaucoup (dit le Parfait oiseleur, p. 47) les serins d’Allemagne ; ils surpassent ceux de Canarie par leur beauté et leur chant. Ils ne sont jamais sujets à s’engraisser, la grande vigueur et la longueur de leur ramage étant, à ce qu’on prétend, un obstacle à ce qu’ils deviennent gras. On les élève dans des cages ou dans des chambres préparées et exposées au levant ; ils y couvent trois fois l’année, depuis le mois d’avril jusqu’au mois d’août. » Ceci n’est pas exact en tout, car le chant de ces serins d’Allemagne qui sont les mêmes que ceux de Suisse ou de Provence, quoique fort et perçant, n’approche pas pour la douceur et l’agrément de celui des serins de Canarie.

  11. Voici une bonne description du cini qui m’a été envoyée par M. Hébert. « Cet oiseau est un peu plus petit qu’un serin de Canarie, auquel il ressemble beaucoup. Il a précisément le même plumage qu’une sorte de serin, qu’on appelle serin gris, et qui est peut-être le serin naturel et sans altération ; les variétés sont dues à la domesticité.

    » Le devant de la tête, le tour des yeux, le dessous de la tête, une sorte de collier, la poitrine et le ventre, jusqu’aux pattes, sont de couleur jonquille avec une teinte de vert. Les côtés de la tête, le haut des ailes, sont mêlés de vert, de jonquille et de noir. Le dos et le reste des ailes ont du vert, du gris et du noir. Le croupion est jonquille. La poitrine, quoique d’une seule couleur (jonquille) est cependant ondée. Les taches dont le plumage du cini sont parsemées, ne sont point tranchées et distinctes, mais comme fondues les unes dans les autres par petites ondes. Celles de la tête sont beaucoup plus fines et comme pointillées. Il y a aux deux côtés de la poitrine et sous le ventre, le long des ailes, des taches ou des traits noirs.

    » La queue est fourchue composée de douze plumes, les ailes sont de même couleur que le dos, l’extrémité des plumes qui recouvre la naissance des grandes pennes est légèrement bordée d’une sorte de jaune peu apparent ; les grandes pennes et la queue sont pareilles et d’un brun tirant sur le noir avec un léger bordé de gris, la queue est plus courte que celle du serin de Canarie.

    » En général cet oiseau est par-dessous jonquille, sur le dos varié de différentes couleurs où le vert domine, sans qu’on puisse dire laquelle sert de fond aux autres. Il n’a pas sur le dos une seule plume qui ne soit variée de plusieurs couleurs.

    » Le bec est assez semblable à celui d’un canari, un peu plus court, un peu plus petit. La pièce supérieure est horizontale avec le sommet de la tête, fort peu concave, plus large à sa base, échancrée près de sa naissance. La pièce inférieure est plus concave, posée diagonalement sous la supérieure dans laquelle elle s’emboîte.

    » Ce cini n’avait que 2 pouces 7 lignes depuis le sommet de la tête jusqu’à la naissance de la queue, qui avait 1 pouce 10 lignes ; les ailes tombent au tiers de la queue, les pattes sont très menues, le tarse avait 6 lignes de long, et les doigts à peu près autant. Les ongles ne sont pas exactement crochus. »

  12. M. Adanson, Voyage du Sénégal, p. 13.
  13. Nous les allons tous désigner en commençant par les communes et finissant par les plus rares.

    01.Le serin gris commun.

    02.Le serin gris, aux duvets et aux pattes blanches, qu’on appelle race de panachés.

    03.Le serin gris à queue blanche, race de panachés.

    04.Le serin blond commun.

    05.Le serin blond aux yeux rouges.

    06.Le serin blond doré.

    07.Le serin blond aux duvets, race de panachés.

    08.Le serin blond à queue blanche, race de panachés.

    09.Le serin jaune commun.

    10.Le serin jaune aux duvets, race de panachés.

    11.Le serin jaune à queue blanche, race de panachés.

    12.Le serin agate commun.

    13.Le serin agate aux yeux rouges.

    14.Le serin agate à queue blanche, race de panachés.

    15.Le serin agate aux duvets, race de panachés.

    16.Le serin isabelle commun.

    17.Le serin isabelle aux yeux rouges.

    18.Le serin isabelle doré.

    19.Le serin isabelle aux duvets, race de panachés.

    20.Le serin blanc aux yeux rouges.

    21.Le serin panaché commun.

    22.Le serin panaché aux yeux rouges.

    23.Le serin panaché de blond.

    24.Le serin panaché de blond aux yeux rouges.

    25.Le serin panaché de noir.

    26.Le serin panaché de noir jonquille aux yeux rouges.

    27.Le serin panaché de noir jonquille et régulier.

    28.Le serin plein (c’est-à-dire, pleinement et entièrement jaune jonquille), qui est le plus rare.

    29.Le serin à huppe (ou plutôt à couronne) ; c’est un des plus beaux.

    Voyez le Traité des serins de Canarie, par M. Hervieux, seconde édition. Paris, 1713, p. 10 et suivantes.

  14. Les nuances et les dispositions des couleurs varient beaucoup dans les serins panachés : il y en a qui ont du noir sur la tête, d’autres qui n’en ont point, quelques-uns sont tachés irrégulièrement, et d’autres le sont très régulièrement. Les différences de couleur ne se marquent ordinairement que sur la partie supérieure de l’oiseau ; elles consistent en deux grandes plaques noires sur chaque aile, l’une en avant et l’autre en arrière, en un large croissant de même couleur posé sur le dos, tournant sa concavité vers la tête, et se joignant par ses deux cornes aux deux plaques noires antérieures des ailes. Enfin le cou est environné par derrière d’un demi-collier d’un gris qui paraît être une couleur composée, résultant du noir et du jaune fondus ensemble. La queue et ses couvertures sont presque blanches. Description des couleurs d’un canari panaché, observé avec M. de Montbeillard.
  15. M. d’Arnault a assuré à M. Salerne avoir vu à Orléans une serine grise, qui s’était échappée de la volière, s’accoupler avec un moineau et faire, dans un pot à passereau, sa couvée qu’elle amena à bien. Amusements innocents, ou le Parfait oiseleur ; in-12. Paris, 1774, p. 40 et 41.
  16. Gessner rapporte qu’un oiseleur suisse ayant voulu apparier un mâle canari avec une femelle scarzerine (cini), il vint bien des œufs, mais que ces œufs furent inféconds. Gessner, de Avibus, p. 260 et 261.
  17. Le R. P. Bougot, alors gardien des capucins de Châtillon-sur-Seine, et aujourd’hui gardien des capucins de Semur en Auxois.
  18. Ceci prouve (comme nous le dirons dans la suite) que la femelle est moins déterminée par la nature au sentiment d’amour que par les désirs et les émotions que lui communique le mâle.
  19. Pour avoir de très beaux oiseaux, il faut assortir un mâle panaché de blond avec une femelle jaune, queue blanche ; ou bien un mâle panaché avec une femelle blonde, queue blanche ou autre, excepté seulement la femelle grise, queue blanche. Et lorsqu’on veut se procurer un beau jonquille, il faut mettre un mâle panaché de noir avec une femelle jaune, queue blanche. Amusements innocents, p. 51.
  20. Traité des serins des Canaries, p. 263.
  21. M. Sprengel a fait plusieurs observations sur les canaris mulets, et a suivi à cet effet très exactement la multiplication des oiseaux qui provenaient de l’accouplement des serins avec les chardonnerets, et cet oiseleur assure que les mulets provenus de ces oiseaux ont multiplié entre eux et avec leurs races paternelle et maternelle ; les preuves qu’il en donne ne laissent même rien à désirer à ce sujet, quoiqu’on ait toujours regardé avant lui les serins mulets comme stériles. Amusements innocents, p. 45.
  22. Il arrive quelquefois que ces mauvais mâles ont d’ailleurs d’autres qualités qui réparent en quelque sorte ce défaut, comme par exemple d’avoir un chant fort mélodieux, un beau plumage et d’être fort familiers ; si vous voulez donc les garder pour les faire nicher, vous prendrez deux femelles bien fortes et d’un an plus vieilles que ce mauvais mâle que vous voulez leur donner ; vous mettrez ces deux femelles quelques mois ensemble dans la même cage, afin qu’elles se connaissent bien et n’étant pas jalouses l’une de l’autre, lorsqu’elles n’auront qu’un même mâle elles ne se battront pas. Un mois devant le temps qu’on les met couver vous les lâcherez toutes deux dans une même cabane, et quand le temps de les accoupler sera venu vous mettrez ce mâle avec les deux femelles ; il ne manquera pas de vouloir les battre, surtout les premiers jours qu’il sera avec elles ; mais les femelles se mettant toutes deux en défense contre lui, elles prendront certainement par la suite un empire absolu sur lui, en sorte que, ne pouvant rien gagner par la force, il s’apprivoisera si bien en peu de temps avec ces deux femelles qu’il les vaincra enfin par la douceur. Ces sortes de mariages forcés réussissent souvent mieux que d’autres dont on attendait beaucoup et qui souvent ne produisent rien. Pour conserver la couvée, il faut dans ce cas ôter le premier œuf que la femelle aura pondu et en mettre un d’ivoire à la place ; le lendemain vous ferez de même, ôtant toujours l’œuf dans le même instant que la femelle vient de le pondre pour que le mâle n’ait pas le temps de le casser ; lorsqu’elle aura pondu son dernier œuf, elle n’aura plus besoin de son mâle que vous enfermerez dans une cage séparée, laissant couver les œufs à la femelle. Le mâle restera dans sa cage au milieu de la cabane pendant tout le temps que la femelle couvera ses œufs et qu’elle nourrira ses petits, mais aussitôt qu’on aura ôté les petits pour les élever à la brochette, vous lâcherez le prisonnier et le rendrez à la femelle. Traité des serins des Canaries, p. 117 et suivantes.
  23. Il y a des mâles d’un tempérament faible, indifférents pour les femelles, toujours malades après la nichée ; il ne faut pas les apparier, car j’ai remarqué que les petits leur ressemblent. Il y en a d’autres si pétulants qu’ils battent leur femelle pour la faire sortir du nid, et l’empêchent de couver : ceux-ci sont les plus robustes, les meilleurs pour le chant, et souvent les plus beaux pour le plumage et les plus familiers ; d’autres cassent les œufs et tuent leurs petits pour jouir plus tôt de leur femelle, d’autres ont une sympathie singulière qui a l’air du choix et d’une préférence marquée. Un mâle, mis avec vingt femelles, en choisit une ou deux qu’il suit partout, qu’il embecque et auxquelles il demeure constamment attaché sans se soucier des autres. Ceux-ci sont de bon naturel et le communiquent à leur progéniture. D’autres ne sympathisent avec aucune femelle et demeurent inactifs et stériles. On trouve dans les femelles comme dans les mâles la même différence pour le caractère et pour le tempérament. Les femelles jonquilles sont les plus douces ; les agates sont remplies de fantaisies et souvent quittent leurs petits pour se donner au mâle ; les femelles panachées sont assidues sur leurs œufs et bonnes à leurs petits, mais les mâles panachés étant les plus ardents de tous les canaris, ont besoin de deux et même de trois femelles, si l’on veut les empêcher de les chasser du nid et de casser les œufs. Ceux qui sont entièrement jonquilles ont à peu près la même pétulance et il leur faut aussi deux ou trois femelles. Les mâles agate sont les plus faibles, et les femelles de cette race meurent assez souvent sur les œufs. (Note communiquée par le R. P. Bougot.)
  24. Il y a des femelles qui ne pondent point du tout et qu’on appelle bréhaignes, d’autres qui ne font qu’une ponte ou deux pendant toute l’année ; encore après avoir pondu leur premier œuf, elles sont souvent le lendemain à se reposer, ne faisant leur second œuf que deux ou trois jours après ; il y en a d’autres qui ne font que trois pontes, lesquelles sont pour ainsi dire réglées, ayant trois œufs à chacune de leur couvée tout de suite, c’est-à-dire, sans intervalle de jours. Il y en a d’une quatrième espèce, que l’on peut appeler commune, parce qu’elles sont en grand nombre ; elles font quatre pontes et à chacune des pontes elles font quatre à cinq œufs, leurs pontes ne sont pas toujours réglées. Il y en a enfin d’autres plus œuvées que toutes celles dont je viens de parler, elles font cinq pontes et en feraient davantage si ou les laissait faire ; chacune de leurs pontes est souvent de six à sept œufs. Lorsque cette espèce de serins nourrissent bien, ils sont parfaits, l’on ne les saurait trop ménager ; leur valeur doit surpasser le prix de six autres communs. Traité des serins des Canaries, p. 171 et suiv.
  25. Lorsqu’on distribue les œufs d’une femelle à d’autres, il faut qu’ils soient tous bons ; les femelles panachées auxquelles on donnerait des œufs clairs ou mauvais ne manqueraient pas de les jeter elles-mêmes hors du nid au lieu de les couver ; et lorsque le nid est trop profond pour qu’elles puissent les faire couler à terre, elles ne cessent de les becqueter jusqu’à ce qu’ils soient cassés, ce qui gâte les autres œufs et souvent infecte le nid et fait avorter la couvée entière ; les femelles d’autres couleurs couvent les œufs clairs qu’on leur donne. (Note du R. P. Bougot.)
  26. La ponte se fait toujours à la même heure, si la femelle est dans le même état de santé ; cependant il faut faire une exception pour le dernier œuf, qui est ordinairement retardé de quelques heures et quelquefois d’un jour. Ce dernier œuf est constamment plus petit que les autres, et l’on m’a assuré que le petit qui provient de ce dernier œuf est toujours un mâle : il serait bon de constater ce fait singulier.
  27. Les serins de Canarie qu’on apporte en Angleterre sont nés dans les barrancos ou les ravins que l’eau forme en descendant des montagnes. Histoire générale des voyages, t. II, page 241.
  28. J’ai souvent éprouvé par moi-même et par d’autres qui se piquaient de suivre à la lettre et dans toute leur étendue les pratiques prescrites par les auteurs, que souvent le trop de soins et d’attentions fait périr ces oiseaux : une nourriture réglée de navette et de millet ; de l’eau d’un jour à l’autre en hiver, et d’une ou deux fois par jour en été ; du seneçon, lorsqu’il en est, une fois le mois ; du mouron dans le temps de la mue ; au lieu de sucre, de l’avoine battue et du blé de Turquie, et surtout une grande propreté ; c’est à quoi je me réduis depuis la fatale expérience que j’ai faite des leçons des autres. Petit Traité de la nichée des canaris, communiqué par M. Batteau, avocat à Dijon. — Je crois qu’il pourrait y avoir ici une petite erreur : tous les oiseleurs que j’ai consultés m’ont dit qu’il fallait bien se garder de donner aux serins du mouron dans la mue, et que cette nourriture trop rafraîchissante prolongeait la durée de ce mauvais état de santé. Les autres conseils que donne ici M. Batteau me paraissent bien fondés.
  29. Note communiquée par M. Gueneau de Montbeillard.
  30. Amusements innocents, p. 61 et 62.
  31. Pour la mue il faut un morceau d’acier, et non de fer, dans leur eau, vous la changerez trois fois par semaine ; ne leur donnez point d’autres remèdes, quoique M. Hervieux nous en indique de plusieurs sortes ; il faut seulement mettre un peu plus de chènevis dans leur nourriture ordinaire pendant ce temps critique. (Note communiquée par le R. P. Bougot.) Observez que l’on ne recommande ici l’acier au lieu du fer, que pour être sûr qu’on ne mettra pas dans l’eau du fer rouillé qui ferait plus de mal que de bien.
  32. Traité des serins de Canarie, p. 245 et suivantes.
  33. Ces oiseaux n’ont pas besoin d’être dans un endroit chaud, comme plusieurs le prétendent : dans les grands et les plus grands froids, ils se baignent et se vautrent dans la neige lorsqu’on leur en donne dans un plat ; pour moi, je les laisse dans une chambre l’hiver avec un seul grillage de fer sans fermer les fenêtres, ils y chantent à merveille et il ne m’en périt point. (Note communiquée par le R. P. Bougot.)
  34. Les geais, les chardonnerets, tous les perroquets, même les plus gros aras, etc.
  35. Note communiquée par le R. P. Bougot.
  36. Traité des serins de Canarie, p. 231 et 232.
  37. Voyez, dans le premier volume de cette Histoire naturelle, le chapitre cinquième où il est traité de la formation et du développement des œufs.
  38. Nous ajouterons ici deux petits faits dont nous avons été témoins. Une femelle chantait si bien qu’on la prit pour un mâle, et on l’avait appariée avec une autre femelle : mieux reconnue on lui donna un mâle qui lui apprit les véritables fonctions de son sexe ; elle pondit et ne chanta plus. L’autre fait est celui d’une femelle actuellement vivante, qui chante ou plutôt qui siffle un air, quoiqu’elle ait pondu deux œufs dans sa cage, qui se sont trouvés clairs comme tous les œufs que les oiseaux femelles produisent sans la communication du mâle.
  39. J’ai vu deux de ces oiseaux des îles Canaries qui ne chantaient point du tout, et j’ai su que dernièrement un vaisseau apporta une grande quantité de ces oiseaux qui ne chantaient pas davantage ; la plupart de ceux qui viennent du Tyrol ont été instruits par leurs père et mère, et ainsi de suite jusqu’à celui qui est le tronc de cette race, et qui avait été instruit par un rossignol. Ceux d’Angleterre chantent pour l’ordinaire comme la farlouse.

    Le trafic de ces oiseaux fait un petit article de commerce ; le seul Tyrol nous en fournit 1 600 par an, et quoique les marchands qui nous les fournissent les apportent sur leur dos l’espace de plus de 330 lieues, ils ne les vendent que schellings la pièce. La principale ville où l’on élève des serins, est celle d’Inspruck, en y comprenant ses environs : c’est de là que le commerce les répand à Constantinople et dans toute l’Europe.

    Je tiens d’un négociant du Tyrol, que la ville de Constantinople était, de toutes les villes, celle qui tirait le plus de serins des Canaries. Trans. philos., vol. LXIII, part. II, 10 janvier 1773.

Notes de l’éditeur
  1. Serinus canarius (Fringilla canaria L.) [Note de Wikisource : actuellement Serinus canaria Linnæus, vulgairement serin des Canaries]. — Les Serins (Serinus) sont des Passereaux caractérisés par un bec court, gros, tronqué au sommet, des pattes courtes et faibles, des ailes grandes et pointues, une queue échancrée, un plumage dans lequel dominent le jaune et le vert. [Note de Wikisource : Les oiseaux appelés serins ne sont plus tous regroupés dans le genre Serinus des serins vrais. Les serins vrais sont un groupe frère de celui formé par les chardonnerets d’Amérique, les tarins et le serin du Tibet ; les autres oiseaux nommés serins sont soit plus proches des chardonnerets d’Europe (genre Chrysocorythrus) soit des linurges (genre Crithagra). Ces genres sont cependant étroitement apparentés, et appartiennent tous à la famille des Fringillidés.]
  2. Serinus citrinellus (Fringilla citrinella L.) [Note de Wikisource : actuellement Carduelis citrinella Pallas, vulgairement venturon montagnard].
  3. Fringilla Serinus L. [Note de Wikisource : actuellement Serinus serinus Linnæus, vulgairement serin cini].