Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des oiseaux/Le lagopède de la baie d’Hudson

Texte établi par J.-L. de LanessanA. Le Vasseur (Tome V, Histoire naturelle des oiseauxp. 394-395).

LE LAGOPÈDE DE LA BAIE D’HUDSON

Les auteurs de la Zoologie britannique[1] font à M. Brisson un juste reproche de ce qu’il joint, dans une même liste[2], le ptarmigan avec la perdrix blanche de M. Edwards, planche lxxii, comme ne faisant qu’un seul et même oiseau, tandis que ce sont en effet deux espèces différentes ; car la perdrix blanche de M. Edwards est plus de deux fois plus grosse que le ptarmigan, et les couleurs de leur plumage d’été sont aussi fort différentes, celle-là ayant de larges taches de blanc et d’orangé foncé, et le ptarmigan ayant des mouchetures d’un brun obscur sur un brun clair : du reste, ces mêmes auteurs avouent que la livrée d’hiver de ces oiseaux est la même, c’est-à-dire presque entièrement blanche. M. Edwards dit que les pennes latérales de la queue sont noires, même en hiver, avec du blanc au bout ; et cependant il ajoute plus bas qu’un de ces oiseaux qui avait été tué en hiver, et apporté de la baie d’Hudson par M. Light, était parfaitement blanc, ce qui prouve de plus en plus combien, dans cette espèce, les couleurs du plumage sont variables.

La perdrix blanche, dont il s’agit ici[NdÉ 1], est de grosseur moyenne entre la perdrix et le faisan, et elle aurait assez la forme de la perdrix si elle n’avait pas la queue un peu longue. Le sujet représenté dans la planche lxxii d’Edwards est un coq, tel qu’il est au printemps lorsqu’il commence à prendre sa livrée d’été, et lorsque, éprouvant les influences de cette saison d’amour, il a ses sourcils membraneux plus rouges et plus saillants, plus élevés, tels en un mot que ceux de l’attagas ; il a en outre de petites plumes blanches autour des yeux et d’autres à la base du bec, lesquelles recouvrent les orifices des narines ; les deux pennes du milieu sont variées comme celles du cou, les deux suivantes sont blanches, et toutes les autres noirâtres avec du blanc à la pointe en été comme en hiver.

La livrée d’été ne s’étend que sur la partie supérieure du corps ; le ventre reste toujours blanc ; les pieds et les doigts sont entièrement couverts de plumes, ou plutôt de poils blancs ; les ongles sont moins courbés qu’ils ne le sont ordinairement dans les oiseaux[3]. Cette perdrix blanche se tient toute l’année à la baie d’Hudson, elle y passe les nuits dans des trous qu’elle sait se creuser sous la neige, dont la consistance en ces contrées est comme celle d’un sable très fin : le matin elle prend son essor et s’élève droit en haut en secouant la neige de dessus ses ailes ; elle mange le matin et le soir, et ne paraît pas craindre le soleil comme notre lagopède des Alpes, puisqu’elle se lient tous les jours exposée à l’action de ses rayons dans le temps de la journée où ils ont le plus de force. M. Edwards a reçu ce même oiseau de Norvège, qui me paraît faire la nuance entre le lagopède, dont il a les pieds, et l’altagas, dont il a les grands sourcils rouges.


Notes de Buffon
  1. British Zoology, p. 86.
  2. Brisson, Ornithologie, t. Ier, p. 246 et 247.
  3. Nous avons vu deux oiseaux envoyés de Sibérie, sous le nom de lagopèdes, qui sont vraisemblablement de la même espèce que le lagopède de la baie d’Hudson, et qui ont en effet les ongles si plats, qu’ils ressemblaient plutôt à des ongles de singe qu’à des griffes d’oiseaux.
Notes de l’éditeur
  1. C’est le Tetrao saliceti Temm. [Note de Wikisource : actuellement Lagopus lagopus Linnæus, vulgairement lagopède des saules ; il s’agit d’une espèce légèrement plus grosse que le lagopède alpin (cf. l’article du lagopède), habitant au-dessous de la limite des arbres, dans les latitudes périarctiques descendant jusqu’en Écosse (cf. l’article de la gélinotte d’Écosse)].