Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des oiseaux/Le goulin

LE GOULIN[1]

Il y a au Cabinet du Roi deux individus de cette espèce : tous deux ont le dessus du corps d’un gris clair argenté, la queue et les ailes plus rembrunies, les yeux environnés d’une peau absolument nue, formant un ovale irrégulier couché sur son côté, et dont l’œil occupe le foyer intérieur ; enfin, sur le sommet de la tête, une ligne de plumes noirâtres qui court entre ces deux pièces de peau nue ; mais l’un de ces oiseaux est beaucoup plus grand que l’autre. Le plus grand est à peu près de la grosseur de notre merle ; il a le dessous du corps brun, varié de quelques taches blanches, la peau nue qui environne les yeux couleur de chair, le bec, les pieds et les ongles noirs. Le plus petit a le dessous du corps d’un brun jaunâtre, les parties chauves de la tête jaunes, ainsi que les pieds, les ongles et la moitié antérieure du bec. M. Poivre nous apprend que cette peau nue, tantôt jaune, tantôt couleur de chair, qui environne les yeux, se peint d’un rouge décidé lorsque l’oiseau est en colère, ce qui doit encore avoir lieu, selon toute apparence, lorsque au printemps il est animé d’un sentiment aussi vif et plus doux. Je conserve à cet oiseau le nom de goulin[NdÉ 1], sous lequel il est connu aux Philippines, parce qu’il s’éloigne beaucoup de l’espèce du merle non seulement par la nudité d’une partie de la tête, mais encore par la forme et la grosseur du bec.

M. Sonnerat a rapporté des Philippines un oiseau chauve qui a beaucoup de rapport avec celui représenté dans nos planches enluminées, no 200, mais qui en diffère par sa grandeur et par son plumage. Il a près d’un pied de longueur totale ; les deux pièces de peau nue qui environnent ses yeux sont couleur de chair, et séparées sur le sommet de la tête par une ligne de plumes noires qui court entre deux. Toutes les autres plumes qui entourent cette peau nue sont pareillement d’un beau noir, ainsi que le dessous du corps, les ailes et la queue : le dessus du corps est gris, mais cette couleur est plus claire sur le croupion et le cou, plus foncée sur le dos et les flancs. Le bec est noirâtre ; les ailes sont très courtes et excèdent à peine l’origine de la queue. Si les deux merles chauves qui sont au Cabinet du Roi appartiennent à la même espèce, il faut regarder le plus grand comme un jeune individu qui n’avait pas encore pris son entier accroissement ni ses véritables couleurs, et le plus petit comme un individu encore plus jeune.

Ces oiseaux nichent ordinairement dans des trous d’arbres, surtout de l’arbre qui porte des cocos ; ils vivent de fruits et sont très voraces, ce qui a donné lieu à l’opinion vulgaire qu’ils n’ont qu’un seul intestin, lequel s’étend en droite ligne de l’orifice de l’estomac jusqu’à l’anus, et par où la nourriture ne fait que passer.


Notes de Buffon
  1. C’est le merle chauve des Philippines de M. Brisson, t. II, p. 280, et sa trente-sixième grive. M. Brisson dit qu’il s’appelle coulin aux Philippines ; comme il ne cite point d’autorités, j’ai cru devoir déférer à celle de Joseph-George Camel, qui a donné ses observations sur les oiseaux des Philippines dans les Transactions philosophiques, no 285. Il dit que le goulin est connu dans ces îles sous les noms d’iting, ou d’illing et de tabaduru : il ajoute que c’est une espèce de palalaca, et son palalaca est un grand pic. Il peut se tromper dans cette dernière assertion, mais on ne peut guère douter que son gulin ou goulin ne soit le même oiseau dont il s’agit ici. Voici la description qu’il en donne : « il est de la grosseur de l’étourneau ; il a le bec, les ailes, la queue et les pieds noirs, le reste est comme argenté ; la tête est nue à l’exception d’une ligne de plumes noires qui court sur son sommet ; c’est un oiseau chanteur et qui babille beaucoup. » Il ne faut pas confondre avec ce merle chauve l’oiseau que quelques-uns ont nommé merle chauve de Cayenne, et qui est notre colnud. Voyez, p. 578 du Ve volume.
Notes de l’éditeur
  1. C’est le Gracula calva de Gmelin [Note de Wikisource : actuellement Sarcops calvus Linnæus, vulgairement goulin gris ; c’est un sturnidé].