Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des oiseaux/Oiseaux étrangers qui ont rapport aux choucas

Texte établi par J.-L. de LanessanA. Le Vasseur (Tome V, Histoire naturelle des oiseauxp. 576-579).

OISEAUX ÉTRANGERS
QUI ONT RAPPORT AUX CHOUCAS

I.LE CHOUCAS MOUSTACHE[1].

Cet oiseau[NdÉ 1], qui se trouve au cap de Bonne-Espérance, est à peu près de la grosseur du merle ; il a le plumage noir et changeant des choucas, et la queue plus longue à proportion qu’aucun d’entre eux ; toutes les pennes qui la composent sont égales, et les ailes étant pliées n’atteignent qu’à la moitié de sa longueur. Ce sont les quatrième et cinquième pennes de l’aile qui sont les plus longues de toutes ; elles ont deux pouces et demi de plus que la première.

Il y a deux choses à remarquer dans l’extérieur de cet oiseau : 1o ces poils noirs, longs et flexibles, qui naissent de la base du bec supérieur, et qui sont une fois plus longs que le bec, outre plusieurs autres poils plus courts, plus raides et dirigés en avant qui environnent cette même base jusqu’aux coins de la bouche ; 2o ces plumes longues et étroites de la partie supérieure du cou, lesquelles glissent et jouent sur le dos, suivant que le cou prend différentes situations, et qui forment à l’oiseau une espèce de crinière.

II.LE CHOUCAS CHAUVE.

Ce singulier choucas[NdÉ 2], qui se trouve dans l’île de Cayenne, est celui qui peut, comme je l’ai dit, faire pendant avec notre corneille chauve, qui est le freux : il a en effet la partie antérieure de la tête nue comme le freux, et la gorge peu garnie de plumes. Il se rapproche des choucas, en général, par ses longues ailes, par la forme des pieds, par son port, par sa grosseur, par ses larges narines à peu près rondes : mais il en diffère en ce que ses narines ne sont point recouvertes de plumes, et qu’elles se trouvent placées dans un enfoncement assez profond creusé de chaque côté du bec ; en ce que son bec est plus large à la base et qu’il est échancré sur les bords. À l’égard de ses mœurs, je n’en peux rien dire, cet oiseau étant du grand nombre de ceux qui attendent le coup d’œil de l’observateur. On ne le trouve pas même nommé dans aucune ornithologie.

III.LE CHOUCAS DE LA NOUVELLE-GUINÉE[NdÉ 3].

La place naturelle de cet oiseau est entre nos choucas de France et celui que j’ai nommé colnud. Il a le port de nos choucas, et le plumage gris de l’un d’eux (même un peu plus gris), au moins quant à la partie supérieure du corps ; mais il est moins gros et a le bec plus large à sa base, en quoi il se rapproche du colnud. Il s’en éloigne par la longueur de ses ailes qui atteignent presque l’extrémité de sa queue, et il s’éloigne du colnud et des choucas par les couleurs du dessous du corps, lesquelles consistent en une rayure noire et blanche qui s’étend jusque sous les ailés, et qui a quelque rapport avec celle des pics variés.

IV.LE CHOUCARI DE LA NOUVELLE-GUINÉE[2][NdÉ 4].

La couleur dominante de cet oiseau (car nous n’en connaissons que la superficie) est un gris cendré, plus foncé sur la partie supérieure, plus clair sur la partie inférieure, et se dégradant presque jusqu’au blanc sous le ventre et ses entours. Les deux seules exceptions qu’il y ait à faire à cette espèce d’uniformité de plumage, c’est : 1o une bande noire qui environne la base du bec et se prolonge jusqu’aux yeux ; 2o les grandes pennes des ailes qui sont d’un brun noirâtre.

Le choucari a les narines recouvertes en entier comme les choucas ; il a aussi le bec conformé à peu près de même, si ce n’est que l’arête de la pièce supérieure est, non pas arrondie comme dans les choucas, mais anguleuse comme dans le colnud. Il a encore d’autres rapports avec cette dernière espèce, et lui ressemble par les proportions relatives de ses ailes qui ne s’étendent pas au delà de la moitié de la queue, par ses petits pieds, par ses ongles courts ; en sorte qu’on ne peut se dispenser de le placer, ainsi que le précédent, entre le colnud et les choucas. Sa longueur, prise de la pointe du bec au bout de la queue, est d’environ onze pouces.

Nous sommes redevables de cette espèce nouvelle, ainsi que de là précédente, à M. Sonnerat.

V.LE COLNUD DE CAYENNE.

Je mets le colnud de Cayenne[NdÉ 5] à la suite des choucas, quoiqu’il en diffère à plusieurs égards ; mais, à tout prendre, il m’a paru en différer moins que de tout autre oiseau de notre continent.

Il a, comme le no II ci-dessus, le bec fort large à sa base, et il a encore avec lui un autre trait de conformité en ce qu’il est chauve ; mais il l’est d’une autre manière : c’est le cou qu’il a presque nu et sans plumes. La tête est couverte, depuis et compris les narines, d’une espèce de calotte de velours noir, composée de petites plumes droites, courtes, serrées et très douces au toucher : ces plumes deviennent plus rares sous le cou, et bien plus encore sur ses côtés et à sa partie supérieure.

Le colnud est à peu près de la grosseur de nos choucas, et on peut ajouter qu’il porte leur livrée, car tout son plumage est noir, à l’exception de quelques-unes des couvertures et des pennes de l’aile, qui sont d’un gris blanchâtre.

À voir les pieds de celui que j’ai observé, on jugerait que le doigt postérieur a été tourné par force en arrière ; mais que naturellement et de lui-même, il se tourne en avant, comme dans les martinets. J’ai même remarqué qu’il était lié par une membrane avec le doigt intérieur de chaque pied. C’est une espèce nouvelle.

VI.LE BALICASE DES PHILIPPINES.

Je répugne à donner à cet oiseau[NdÉ 6] étranger le nom de choucas, parce qu’il est aisé de voir, par la description même de M. Brisson, qu’il diffère des choucas à plusieurs égards.

Il n’a que quinze à seize pouces de vol, et n’est guère plus gros qu’un merle ; il a le bec plus gros et plus long à proportion que tous les choucas de notre Europe, les pieds plus grêles et la queue fourchue ; enfin, au lieu de cette voix aigre et sinistre des choucas, il a le chant doux et agréable. Ces différences sont telles qu’on doit s’attendre à en découvrir plusieurs autres, lorsque cet oiseau sera mieux connu.

Au reste, il a le bec et les pieds noirs, et le plumage de la même couleur, avec des reflets verts[3] ; en sorte que, du moins, il est choucas par la couleur.


Notes de Buffon
  1. C’est le choucas du cap de Bonne-Espérance de M. Brisson, t. II, p. 33.
  2. Ainsi nommé par M. Daubenton le jeune, à qui je dois aussi sa description et celle de l’espèce précédente, n’ayant pas été à portée de voir ces oiseaux arrivés tout récemment à Paris.
  3. C’est le choucas des Philippines de M. Brisson, t. II, p. 31. Cet auteur nous apprend que l’oiseau dont il s’agit dans cet article s’appelle aux Philippines bali-cassio, dont j’ai formé le nom de balicase.
Notes de l’éditeur
  1. Corvus hottentotus L. [Note de Wikisource : actuellement Dicrurus hottentotus Linnæus, vulgairement drongo à crinière ; les drongos ne sont pas des corvidés, mais y sont étroitement apparentés].
  2. Corvus calvus L. [Note de Wikisource : actuellement Perissocephalus tricolor Statius Müller, vulgairement coracine chauve ; cet oiseau n’est en rien apparenté aux corvidés].
  3. Corvus Novæ-Guineæ L. [Note de Wikisource : actuellement Coracina striata Boddaert, vulgairement échenilleur barré ; cet oiseau n’est pas un corvidé, mais y est apparenté].
  4. Corvus papuensis L. [Note de Wikisource : actuellement Coracina papuensis Gmelin, vulgairement échenilleur choucari ; voyez la note précédente].
  5. Corvus nudus et Gracula fetida Gmel. (Gracula nudicollis Sh.) [Note de Wikisource : actuellement Gymnoderus foetidus Linnæus, vulgairement cotinga à col nu ; il est de la même famille la coracine chauve, no II de cet article].
  6. Corvus balicassius L. [Note de Wikisource : actuellement Dicrurus balicassius Gmelin, vulgairement drongo balicassio ; voyez la note au no I].