Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des oiseaux/La pie

Texte établi par J.-L. de LanessanA. Le Vasseur (Tome V, Histoire naturelle des oiseauxp. 580-586).

LA PIE


La pie[NdÉ 1] a tant de ressemblance à l’extérieur avec la corneille, que M. Linnæus les a réunies toutes deux dans le même genre[1], et que, suivant Belon, pour faire une corneille d’une pie, il ne faut que raccourcir la queue à celle-ci, et faire disparaître le blanc de son plumage[2] ; en effet, la pie a le bec, les pieds, les yeux et la forme totale des corneilles et des choucas ; elle a encore avec eux beaucoup d’autres rapports plus intimes dans l’instinct, les mœurs et les habitudes naturelles, car elle est omnivore comme eux, vivant de toutes sortes de fruits, allant sur les charognes[3], faisant sa proie des œufs et des petits des oiseaux faibles, quelquefois même des père et mère, soit qu’elle les trouve engagés dans les pièges, soit qu’elle les attaque à force ouverte : on en a vu une se jeter sur un merle pour le dévorer, une autre enlever une écrevisse, qui la prévint en l’étranglant avec ses pinces, etc.[4].

On a tiré parti de son appétit pour la chair vivante en la dressant à la chasse comme on y dresse les corbeaux[5]. Elle passe ordinairement la belle saison appariée avec son mâle, et occupée de la ponte et de ses suites. L’hiver elle vole par troupes, et s’approche d’autant plus des lieux habités, qu’elle y trouve plus de ressources pour vivre, et que la rigueur de la saison lui rend ces ressources plus nécessaires. Elle s’accoutume aisément à la vue de l’homme ; elle devient bientôt familière dans la maison, et finit par se rendre la maîtresse : j’en connais une qui passe les jours et les nuits au milieu d’une troupe de chats, et qui sait leur en imposer.

Elle jase à peu près comme la corneille, et apprend aussi à contrefaire la voix des autres animaux et la parole de l’homme. On en cite une qui imitait parfaitement les cris du veau, du chevreau, de la brebis, et même le flageolet du berger ; une autre qui répétait en entier une fanfare de trompettes[6]. M. Willughby en a vu plusieurs qui prononçaient des phrases entières[7]. Margot est le nom qu’on a coutume de lui donner, parce que c’est celui qu’elle prononce le plus volontiers ou le plus facilement, et Pline assure que cet oiseau se plaît beaucoup à ce genre d’imitation, qu’il s’attache à bien articuler les mots qu’il a appris, qu’il cherche longtemps ceux qui lui ont échappé, qu’il fait éclater sa joie lorsqu’il les a retrouvés, et qu’il se laisse quelquefois mourir de dépit lorsque sa recherche est vaine, ou que sa langue se refuse à la prononciation de quelque mot nouveau[8].

La pie a le plus souvent la langue noire comme le corbeau ; elle monte sur le dos des cochons et des brebis, comme font les choucas, et court après la vermine de ces animaux, avec cette différence que le cochon reçoit ce service avec complaisance, au lieu que la brebis, sans doute plus sensible, paraît le redouter[9]. Elle happe aussi fort adroitement les mouches et autres insectes ailés qui volent à sa portée.

Enfin, on prend la pie dans les mêmes pièges et de la même manière que la corneille, et l’on a reconnu en elle les mêmes mauvaises habitudes, celles de voler et de faire des provisions[10], habitudes presque toujours insépables dans les différentes espèces d’animaux. On croit aussi qu’elle annonce la pluie lorsqu’elle jase plus qu’à l’ordinaire[11]. D’un autre côté, elle s’éloigne du genre des corbeaux et des corneilles par un assez grand nombre de différences.

Elle est beaucoup plus petite, et même plus que le choucas, et ne pèse que huit à neuf onces ; elle a les ailes plus courtes et la queue plus longue à proportion ; par conséquent, son vol est beaucoup moins élevé et moins soutenu : aussi n’entreprend-elle point de grands voyages, elle ne fait guère que voltiger d’arbre en arbre, ou de clocher en clocher, car, pour l’action de voler, il s’en faut bien que la longueur de la queue compense la brièveté des ailes. Lorsqu’elle est posée à terre, elle est toujours en action, et fait autant de sauts que de pas ; elle a aussi dans la queue un mouvement brusque et presque continuel comme la lavandière. En général, elle montre plus d’inquiétude et d’activité que les corneilles, plus de malice et de penchant à une sorte de moquerie[12]. Elle met aussi plus de combinaisons et plus d’art dans la construction de son nid, soit qu’étant très ardente pour son mâle[13], elle soit aussi très tendre pour ses petits, ce qui va ordinairement de pair dans les animaux, soit qu’elle sache que plusieurs oiseaux de rapine sont fort avides de ses œufs et de ses petits, et, de plus, que quelques-uns d’entre eux sont avec elle dans le cas de la représaille ; elle multiplie les précautions en raison de sa tendresse et des dangers de ce qu’elle aime ; elle place son nid au haut des plus grands arbres, ou du moins sur de hauts buissons[14], et n’oublie rien pour le rendre solide et sûr : aidée de son mâle, elle le fortifie extérieurement avec des bûchettes flexibles et du mortier de terre gâchée, et elle le recouvre en entier d’une enveloppe à claire-voie d’une espèce d’abatis de petites branches épineuses et bien entrelacées ; elle n’y laisse d’ouverture que dans le côté le mieux défendu, le moins accessible, et seulement ce qu’il en faut pour qu’elle puisse entrer et sortir : sa prévoyance industrieuse ne se borne pas à la sûreté, elle s’étend encore à la commodité, car elle garnit le fond d’une espèce de matelas orbiculaire[15], pour que ses petits soient plus mollement et plus chaudement ; et quoique ce matelas, qui est le nid véritable, n’ait qu’environ six pouces de diamètre, la masse entière, en y comprenant les ouvrages extérieurs et l’enveloppe épineuse, a au moins deux pieds en tous sens.

Tant de précautions ne suffisent point encore à sa tendresse, ou, si l’on veut, à sa défiance[NdÉ 2] ; elle a continuellement l’œil au guet sur ce qui se passe au dehors : voit-elle approcher une corneille, elle vole aussitôt à sa rencontre, la harcèle et la poursuit sans relâche, et avec de grands cris, jusqu’à ce qu’elle soit venue à bout de l’écarter[16]. Si c’est un ennemi plus respectable, un faucon, un aigle, la crainte ne la retient point, et elle ose encore l’attaquer avec une témérité qui n’est pas toujours heureuse ; cependant il faut avouer que sa conduite est quelquefois plus réfléchie, s’il est vrai ce qu’on dit, que lorsqu’elle a vu un homme observer trop curieusement son nid, elle transporte ses œufs ailleurs, soit entre ses doigts, soit d’une autre manière encore plus incroyable[17]. Ce que les chasseurs racontent à ce sujet de ses connaissances arithmétiques n’est guère moins étrange, quoique ces prétendues connaissances ne s’étendent pas au delà du nombre de cinq[18].

Elle pond sept ou huit œufs à chaque couvée, et ne fait qu’une seule couvée par an, à moins qu’on ne détruise ou qu’on ne dérange son nid, auquel cas elle en entreprend tout de suite un autre, et le couple y travaille avec tant d’ardeur, qu’il est achevé en moins d’un jour ; après quoi elle fait une seconde ponte de quatre ou cinq œufs ; et si elle est encore troublée, elle fera un troisième nid semblable aux deux premiers, et une troisième ponte, mais toujours moins abondante[19] ; ses œufs sont plus petits et d’une couleur moins foncée que ceux du corbeau : ce sont des taches brunes semées sur un fond vert bleu, et plus fréquentes vers le gros bout. Jean Liébault, cité par M. Salerne[20], est le seul qui dise que le mâle et la femelle couvent alternativement.

Les piats ou les petits de la pie sont aveugles et à peine ébauchés en naissant : ce n’est qu’avec le temps, et par degrés, que le développement s’achève et que leur forme se décide : la mère, non seulement les élève avec sollicitude, mais leur continue ses soins longtemps après qu’ils sont élevés. Leur chair est un manger médiocre, cependant on y a généralement moins de répugnance que pour celle des petits corneillons.

À l’égard de la différence qu’on remarque dans le plumage, je ne la regarde point absolument comme spécifique, puisque parmi les corbeaux, les corneilles et les choucas, on trouve des individus qui sont variés de noir et de blanc comme la pie ; cependant on ne peut nier que dans l’espèce du corbeau, de la corneille et du choucas proprement dit, le noir ne soit la couleur ordinaire, comme le noir et blanc est celle des pies ; et que si l’on a vu des pies blanches, ainsi que des corbeaux et des choucas blancs, il ne soit très rare de rencontrer des pies entièrement noires. Au reste, il ne faut pas croire que le noir et le blanc, qui sont les couleurs principales de la pie, excluent tout mélange d’autres couleurs ; en y regardant de près, et à certains jours, on y aperçoit des nuances de vert, de pourpre, de violet[21], et l’on est surpris de voir un si beau plumage à un oiseau si peu renommé à cet égard. Mais ne sait-on pas que, dans ce genre et dans bien d’autres, la beauté est une qualité superficielle, fugitive, et qui dépend absolument du point de vue ? Le mâle se distingue de la femelle par des reflets bleus plus marqués sur la partie supérieure du corps, et non par la noirceur de la langue, comme quelques-uns l’ont dit.

La pie est sujette à la mue comme les autres oiseaux ; mais on a remarqué que ses plumes ne tombaient que successivement et peu à peu, excepté celles de la tête qui tombent toutes à la fois, en sorte que chaque année elle paraît chauve au temps de la mue[22]. Les jeunes n’acquièrent leur longue queue que la seconde année, et sans doute ne deviennent adultes qu’à cette même époque.

Tout ce que je trouve sur la durée de la vie de la pie, c’est que le docteur Derham en a nourri une qui a vécu plus de vingt ans, mais qui a cet âge était tout à fait aveugle de vieillesse[23].

Cet oiseau est très commun en France, en Angleterre, en Allemagne, en Suède et dans toute l’Europe, excepté en Laponie[24] et dans les pays de montagne, où elle est rare ; d’où l’on peut conclure qu’elle craint le grand froid. Je finis son histoire par une description abrégée, qui portera sur les seuls objets que la figure ne peut exprimer aux yeux, ou qu’elle n’exprime pas assez distinctement.

Elle a vingt pennes à chaque aile, dont la première est fort courte, et les quatrième et cinquième sont les plus longues ; douze pennes inégales à la queue, et diminuant toujours de longueur, plus elles s’éloignent des deux du milieu qui sont les plus longues de toutes : les narines rondes, la paupière interne des yeux marquée d’une tache jaune, la fente du palais hérissée de poils sur ses bords, la langue noirâtre et fourchue, les intestins longs de vingt-deux pouces, les cæcums d’un demi-pouce, l’œsophage dilaté et garni de glandes à l’endroit de sa jonction avec le ventricule, celui-ci peu musculeux, la rate oblongue et une vésicule du fiel à l’ordinaire[25].

J’ai dit qu’il y avait des pies blanches comme il y a des corbeaux blancs, et quoique la principale cause de ce changement de plumage soit l’influence des climats septentrionaux, comme on peut le supposer à l’égard de la pie blanche de Wormius, qui venait de Norvège[26], et même à l’égard de quelques-unes de celles dont parle Rzaczynski[27], cependant il faut avouer qu’on en trouve quelquefois dans les climats tempérés, témoin celle qui fut prise il y a quelques années en Sologne, et qui était toute blanche, à l’exception d’une seule plume noire qu’elle avait au milieu des ailes[28], soit qu’elle eût passé des pays du nord en France, après avoir subi l’influence du climat, soit qu’étant née en France, cette altération de couleur eût été produite par quelque cause particulière. Il faut dire la même chose des pies blanches que l’on voit quelquefois en Italie[29].

Wormius remarque que sa pie blanche avait la tête lisse et dénuée de plumes : apparemment qu’il la vit au temps de la mue, et cela confirme ce que j’ai dit de celle des pies ordinaires.

Willughby a vu dans la ménagerie du roi d’Angleterre des pies brunes ou roussâtres[30], qui peuvent passer pour une seconde variété de l’espèce ordinaire.


Notes de Buffon
  1. System. nat., édit. X, p. 106.
  2. Belon, Nature des oiseaux, p. 291.
  3. Klein, Ordo avium, p. 61. J’en ai vu une qui mangeait fort avidement de l’écorce d’orange.
  4. Aldrovand., Ornitholog., t. Ier, p. 780. Elle cause quelquefois beaucoup de désordre dans une pipée et vient, pour ainsi dire, menacer le pipeur jusque dans sa loge.
  5. Frisch, planche 68.
  6. Plutarque raconte qu’une pie qui se plaisait à imiter d’elle-même la parole de l’homme, le cri des animaux et le son des instruments, ayant un jour entendu une fanfare de trompettes, devint muette subitement, ce qui surprit fort ceux qui avaient coutume de l’entendre babiller sans cesse ; mais ils furent bien plus surpris quelque temps après, lorsqu’elle rompit tout à coup le silence, non pour répéter sa leçon ordinaire, mais pour imiter le son des trompettes qu’elle avait entendues, avec les mêmes tournures de chant, les mêmes modulations et dans le même mouvement. Opusc. de Plutarque. Quels animaux sont les plus avisés ?
  7. Willughby, Ornithologia, p. 87.
  8. Voyez Histor. nat., lib. x, cap. xlii.
  9. Salerne, Hist. nat. des oiseaux, p. 94.
  10. Je m’en suis assuré par moi-même en répandant devant une pie apprivoisée des pièces de monnaie et de petits morceaux de verre. J’ai même reconnu qu’elle cachait son vol avec un si grand soin, qu’il était quelquefois difficile de le trouver, par exemple sous un lit, entre les sangles et le sommier de ce lit.
  11. Aldrovande, Ornitholog., p. 781.
  12. « Vidi aliquando picam advolantem ad avem… in quodam loco ligatam, et cùm illa frustula carnis comedere vellet, pica suâ caudâ eu frustula removit ; unde picam avem esse aliarum avium derisivam cognovi. » Avicenna apud Gesner, p. 697.
  13. Les anciens en avaient cette idée, puisque de son nom grec κίσσα, ils avaient formé celui de κισσᾶν, qui est une expression de volupté.
  14. C’est ordinairement sur la lisière des bois ou dans les vergers qu’elle l’établit.
  15. « Lutea… stragulum subjicit… et merula et pica… » Aristot., Hist. animal., lib. ix, cap. xiii. Je remarque à cette occasion que plusieurs écrivains ont pensé que la κίσσα d’Aristote était notre geai, parce qu’il dit que cettee κίσσα faisait des amas de glands, et parce qu’en effet le gland est la principale nourriture de notre geai ; cependant on ne peut nier que cette nourriture ne soit commune au geai et à la pie : mais deux caractères qui sont propres au geai et qui n’eussent point échappé à Aristote, ce sont les deux marques bleues qu’il a aux ailes, et cette espèce de huppe que se fait cet oiseau en relevant les plumes de sa tête, caractère dont ce philosophe ne fait aucune mention ; d’où je crois pouvoir conjecturer que la pie d’Aristote et la nôtre sont le même oiseau, ainsi que cette pie variée à longue queue qui était nouvelle à Rome et encore rare du temps de Pline, lib. x, cap. xxix.
  16. Frisch, planche 68.
  17. « Surculo super bina ova imposito, ac ferruminato alvi glutino, subditâ cervice medio, æquâ ulrinque librâ deportant aliò. » Plin., lib. x, cap. xxxiii.
  18. Les chasseurs prétendent que, si la pie voit entrer un homme dans une hutte construite au pied de l’arbre où est son nid, elle n’entrera pas elle-même dans son nid qu’elle n’ait vu sortir l’homme de la hutte ; que si on a voulu la tromper en y entrant deux et n’en sortant qu’un, elle s’en aperçoit très bien et n’entre point qu’elle n’ait vu sortir aussi le second ; qu’il en est de même pour trois ou pour quatre et même encore pour cinq, mais que s’il y en est entré six, le sixième peut rester sans qu’elle s’en doute ; d’où il résulterait que la pie aurait une appréhension nette de la suite des unités et de leurs combinaisons au-dessous de six : et il faut avouer que l’appréhension nette du coup d’œil de l’homme est renfermée à peu près dans les mêmes limites.
  19. C’est quelque chose de semblable qui aura donné lieu d’imputer à la pie le stratagème de faire constamment deux nids, afin de donner le change aux oiseaux de proie qui en veulent à sa couvée. C’est ainsi que Denys le Tyran avait trente chambres à coucher.
  20. Hist. nat. des oiseaux, p. 93.
  21. Voyez British Zoology, p. 77, ou plutôt observez une pie sous différents jours.
  22. Plin., lib. x, cap. xxix. Il en est de même du geai et de plusieurs autres espèces.
  23. Voyez Albin, t. Ier, p. 14.
  24. Voyez Fauna suecica, no 76. M. Hébert m’assure qu’on ne voit point de pies dans les montagnes du Bugey, ni même à la hauteur de Nantua.
  25. Willughby, p. 87.
  26. Voyez Musæum Voormianum, p. 293. « Ex Norwegiâ ad me transmissa est ubi in nido duo hujus generis pulli inventi… Cum picis vulgaribus, quoad corporis constitutionem planè convenit, nisi quòd colore sit candido et staturâ minori, cùm ad adultam nondum pervenerit ætatem… Caput glabrum visitur. »
  27. Pica alba in oppido Comarno palatinatûs Russiæ educata… Prope Viaska picæ quinque ejusdem coloris sunt conspectæ ; in Volhyniâ non procul a civitate Olikâ una comparuit. » Rzaczynski, Auctuarium, p. 412.
  28. Voyez Salerne, Hist. nat. des oiseaux, p. 93.
  29. Voyez Gerini, Storia degli Uccelli, t. II, p. 41.
  30. Ornithologie, à l’endroit cité.
Notes de l’éditeur
  1. Les pies (Pica) sont comme les Corbeaux, les Choucas, les Corneilles, des Passereaux, du groupe des Dentirostres et de la famille des Corvidés. Elles se distinguent des corbeaux par un bec obtus, renflé, à mandibules à peu près égales, la supérieure légèrement échancrée. La queue est longue et étalée.

    La Pie vulgaire (Pica caudata [Note de Wikisource : actuellement Pica pica Linnæus, vulgairement pie bavarde]) a « la tête, le cou, le dos, la presque totalité de la poitrine, les sous-caudales, les jambes d’un noir profond, velouté, avec des reflets métalliques d’un vert bronzé au front et au ventre ; les scapulaires, les bandes extrêmes des rémiges primaires, le bas de la poitrine et de l’abdomen d’un blanc pur ; les ailes et la queue d’un noir à reflets verts, bleu pourpre et violet ; l’iris brun foncé ; le bec et les pieds noirs ». (Brehm.)

  2. Nordmann raconte un curieux trait de mœurs qui prouve jusqu’à quel point la pie est capable de pousser la ruse. « Quatre ou cinq couples de pies, dit-il, nichent depuis plusieurs années dans le jardin botanique d’Odessa où j’ai ma demeure. Ces oiseaux me connaissent très bien, moi et mon fusil, et quoiqu’ils n’aient jamais été l’objet d’aucune poursuite, ils mettent en pratique toutes sortes de moyens pour donner le change à l’observateur. Non loin des habitations se trouve un petit bois de vieux frênes, dans les branches desquels les pies établissent leurs nids. Plus près de la maison, entre cette dernière et le petit bois, sont plantés quelques grands ormeaux et quelques robiniers. Dans ces arbres, les rusés oiseaux établissent des nids postiches dont chaque couple fait au moins trois ou quatre et dont la construction les occupe jusqu’au mois de mars. Pendant la journée, surtout quand ils s’aperçoivent qu’on les observe, ils y travaillent avec ardeur, car si quelqu’un vient par hasard les déranger, ils volent autour des arbres, s’agitent et font entendre des cris inquiets ; mais tout cela n’est que ruse et fiction, car, tout en faisant ces démonstrations de trouble et de sollicitude pour ces nids postiches, ils avancent insensiblement la construction du nid destiné à recevoir les œufs et y travaillent dans le plus grand silence et pour ainsi dire en cachette, durant les premières heures de la matinée et le soir. Si parfois quelque indiscret vient les y surprendre, soudain ils s’envolent sans faire entendre un son vers leurs autres nids et se remettent à l’œuvre comme si de rien n’était en montrant toujours le même embarras et la même inquiétude, afin de détourner l’attention et de déjouer la poursuite. »