Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des oiseaux/Le mainate des Indes Orientales

LE MAINATE DES INDES ORIENTALES[1]

Il suffit de jeter un coup d’œil de comparaison sur cet oiseau étranger pour sentir qu’on doit le séparer du genre des merles, des grives, des étourneaux et des choucas, avec lesquels il a été trop légèrement associé, pour le rapprocher du goulin des Philippines et surtout du martin, lesquels sont de même pays, ont le bec de même, et des parties nues à la tête comme lui[NdÉ 1]. Cet oiseau n’est guère plus gros qu’un merle ordinaire ; son plumage est noir partout, mais d’un noir plus lustré sur la partie supérieure du corps, sur la gorge, les ailes, la queue et dont les reflets jouent entre le vert et le violet. Ce que cet oiseau a de plus remarquable, c’est une double crête jaune, irrégulièrement découpée, qui prend naissance de chaque côté de la tête derrière l’œil ; ces deux crêtes tombent en arrière en se rapprochant l’une de l’autre, et ne sont séparées sur l’occiput que par une bande de plumes longues et étroites qui part de la base du bec ; les autres plumes du sommet de la tête sont comme une espèce de velours noir. Le bec, qui a dix-huit lignes de long, est jaune, mais il prend une teinte rougeâtre près de la base ; enfin les pieds sont d’un jaune orangé. Cet oiseau a la queue plus courte et les ailes plus longues que notre merle ; celles-ci qui, étant repliées, s’étendent à un demi-pouce près de l’extrémité de la queue, forment, étant déployées, une envergure de dix-huit à vingt pouces. La queue est composée de douze pennes ; et parmi celles de l’aile, c’est la première qui est la plus courte et la troisième qui est la plus longue.

Tel était le mainate que nous avons fait représenter dans nos planches enluminées no 268 ; mais il ne faut pas dissimuler que cette espèce est fort variable, non seulement dans ses couleurs, mais dans sa taille et dans la forme même de cette double crête qui la caractérise, et qu’on peut compter presque autant de variétés qu’il y a eu de descriptions. Avant d’entrer dans le détail de ces variétés, je dois ajouter que le mainate a beaucoup de talent pour siffler, pour chanter et pour parler, qu’il a même la prononciation plus franche que le perroquet, nommé l’oiseau parleur par excellence, et qu’il se plaît à exercer son talent jusqu’à l’importunité.


VARIÉTÉS DU MAINATE

I. — Le mainate de M. Brisson[2] diffère du nôtre en ce qu’il a sur le milieu des premières pennes de l’aile une tache blanche qui ne paraît pas dans notre figure enluminée, soit qu’elle n’existât point en effet dans le sujet qui a servi de modèle, soit qu’étant cachée sous les autres pennes elle ait échappé au dessinateur. On peut remarquer que la côte de ces premières pennes est noire, même à l’endroit de la tache blanche qui les traverse.

II. — Le mainate de Bontius[3] avait le plumage bleu de plusieurs teintes, et par conséquent un peu différent du plumage du nôtre, qui est noir avec des reflets bleus, verts, violets, etc. : une autre différence très remarquable, c’est que ce fond bleu était semé de mouchetures semblables à celles de l’étourneau, quant à leur forme et à leur distribution, mais non quant à la couleur, car Bontius ajoute qu’elles sont d’un gris cendré.

III. — Le petit mainate de M. Edwards[4] avait sur les ailes la tache blanche de celui de M. Brisson ; mais ce qui le différencie d’une manière assez marquée, c’est que ses deux crêtes, s’unissant derrière l’occiput, lui formaient une demi-couronne qui embrassait le derrière de la tête d’un œil à l’autre. M. Edwards en a disséqué un qui se trouva femelle ; il laisse à décider si, malgré la disproportion de la taille, on doit le regarder comme la femelle du suivant.

IV. — Le grand mainate de M. Edwards[5] a la même conformation de crête que son petit mainate, dont il ne diffère que par la taille et par de très légères variétés de couleurs. Il est à peu près de la grosseur du geai, par conséquent double du précédent, et le jaune du bec et des pieds est franc sans aucune teinte de rougeâtre. On ne dit pas que la crête de tous ces mainates soit sujette à changer de couleur, selon les différentes saisons de l’année et selon les différents mouvements dont ils sont agités.


Notes de Buffon
  1. C’est la cinquantième grive de M. Brisson, t. II, p. 305. M. Edwards croit que son vrai nom indien est minor ou mino. On lui a donné les noms de choucas, de pie, d’étourneau, de merle. Voyez Bontius, Hist. nat. Indiæ or., p. 67. Klein, Ordo avium, p. 60, no 12, etc. C’est la quarante-neuvième grive de M. Brisson, t. II, p. 305. Les Anglais l’appellent indian stare ; M. Linnæus, gracula religiosa ; M. Osbeck, corvus javanensis. C’est selon toute apparence le merula persica de Joseph-George Camel. (Transact. philosoph., no 285, art. iii, p. 1397.) « Canora et garrula avis, dit cet auteur, atra, sed circa oculos depilis ut illing, minùs tamen. » Cet illing paraît quelques lignes plus bas sous le nom d’iting, et c’est notre goulin.
  2. Ornithologie, t. II, p. 305.
  3. Hist. nat. Indiæ or., p. 67.
  4. Pl. xvii.
  5. Ibidem.
Notes de l’éditeur
  1. D’après Cuvier, le Mainate des Indes-Orientales de Buffon est le Gracula religiosa de Linné, dont il fait son Eulabes indicus [Note de Wikisource : actuellement Gracula religiosa Linnæus, vulgairement mainate religieux ; c’est un sturnidé].