Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des oiseaux/Les brèves

LES BRÈVES

Je n’ai pu m’empêcher de séparer ces oiseaux d’avec les merles, voyant les différences de conformation extérieure par lesquelles la nature elle-même les a distingués : en effet, les brèves ont la queue beaucoup plus courte que nos merles, le bec plus fort et les pieds plus longs, sans parler des autres différences que celles-là supposent dans le port, dans les habitudes, peut-être même dans les mœurs.

Nous ne connaissons que quatre oiseaux de cette espèce : je dis de cette espèce, à la lettre et dans la rigueur du terme, car ils se ressemblent tellement entre eux, et pour la forme totale, et pour les principales couleurs, et pour leur distribution, qu’on ne peut guère les regarder que comme représentant les variétés d’une seule et même espèce. Tous quatre ont le cou, la tête et la queue noirs, en tout ou en partie ; tous quatre ont le dessus du corps d’un vert plus ou moins foncé ; tous quatre ont les couvertures supérieures des ailes et de la queue, peintes d’une belle couleur d’aigue-marine, et une tâche blanche ou blanchâtre sur les grandes pennes de l’aile ; enfin presque tous, excepté notre brève des Philippines[1], ont du jaune sur la partie inférieure du corps.

I. — Cette brève des Philippines a la tête et le cou recouverts d’une sorte de coqueluchon totalement noir, la queue de même couleur ; le dessus du corps, compris les couvertures et les petites pennes des ailes les plus proches du dos, d’un vert foncé ; la poitrine et le haut du ventre d’un vert plus clair ; le bas-ventre et les couvertures de la queue couleur de rose ; les grandes pennes des ailes noires à leur origine et à leur extrémité, et marquées d’une tache blanche entre deux ; le bec brun-jaunâtre et les pieds orangés.

La longueur totale de l’oiseau n’est que de six pouces un quart à cause de sa courte queue ; mais il a plus de huit pouces, étant mesuré de la pointe du bec au bout des pieds, et il est à très peu près de la grosseur de notre merle ; ses ailes, qui forment, étant déployées, une envergure de douze pouces, s’étendent dans leur repos au delà de la queue, qui n’a que douze lignes ; les pieds en ont dix-huit.

II. — La brève que M. Edwards a représentée planche 324[2], sous le nom de pie à courte queue des Indes orientales[NdÉ 1], n’a pas la tête entièrement noire ; elle a seulement trois bandes de cette couleur partant de la base du bec, l’une passant sur le sommet de la tête et derrière le cou, et chacune des deux autres passant sous l’œil et descendant sur les côtés du cou ; ces deux dernières bandes sont séparées de celle du milieu par une autre bande mi-partie, suivant sa longueur, de jaune et de blanc, le jaune avoisinant cette même bande du milieu, et le blanc avoisinant la bande noire latérale. De plus, cet oiseau a le dessous de la queue et le bas-ventre couleur de rose, comme le précédent ; mais tout le reste du dessous du corps jaune, la gorge blanche et la queue bordée de vert par le bout. Il venait de l’île de Ceylan.

III. — Notre brève de Bengale[3][NdÉ 2] a, comme la première, la tête et le cou enveloppés d’un coqueluchon noir, mais sur lequel se dessinent deux grands sourcils orangés ; tout le dessous du corps est jaune, et ce qui est noir dans les grandes pennes de l’aile des deux oiseaux précédents est dans celui-ci d’un vert foncé, comme le dos. Cette brève est un peu plus grande que la première et de la grosseur du merle ordinaire.

IV. — Notre brève de Madagascar[4][NdÉ 3] a encore le plumage de la tête différent de tout ce qu’on vient de voir ; le sommet est d’un brun noirâtre qui prend un peu de jaune par derrière et sur les côtés ; le tout est encadré par un demi-collier noir qui embrasse le cou par derrière à sa naissance et par deux bandes de même couleur qui, s’élevant des extrémités de ce demi-collier, passent au-dessous des yeux et vont se terminer à la base du bec tant supérieur qu’inférieur ; la queue est bordée par le bout d’un vert d’aigue-marine. Les ailes sont comme dans notre première brève ; la gorge est mêlée de blanc et de jaune, et le dessous du corps est d’un jaune brun.


Notes de Buffon
  1. C’est le même oiseau que celui que M. Brisson nomme merle vert à tête noire des Moluques, et dont il a fait sa cinquante-septième grive, t. II, p. 319.
  2. Cette brève paraît être le même oiseau que la pie ordinaire des Indes de M. Ray, et qui s’appelle aux Indes ponnunky pitta, et ponnanduky. Voyez Synopsis Avium, p. 195 ; en anglais, the madrass-jay. M. Edwards la nomme short-tailed-pye ; Albin, caille de Bengale, t. Ier, no xxxi ; en allemand, caap-wachtel. Klein, Ordo Avium, p. 115.
  3. C’est le Merle vert des Moluques de M. Brisson, qui en a fait sa cinquante-sixième grive. Voyez t. II, p. 316.
  4. Elle est représentée dans nos planches enluminées, no 257, sous le nom de merle des Moluques.
Notes de l’éditeur
  1. C’est le Myothera brachyura Illig. [Note de Wikisource : actuellement Pitta brachyura Linnæus, vulgairement brève du Bengale].
  2. Corvus brachyurus Gmel. [Note de Wikisource : oiseau identique au précédent].
  3. Myothera velata Temm. [Note de Wikisource : peut-être l’actuel Pitta moluccensis Statius Müller, vulgairement brève à ailes bleues].