Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des oiseaux/Le corbeau

Texte établi par J.-L. de LanessanA. Le Vasseur (Tome V, Histoire naturelle des oiseauxp. 545-558).

LE CORBEAU


Quoique le nom de corbeau[1] ait été donné par les nomenclateurs à plusieurs oiseaux, tels que les corneilles, les choucas, les craves ou coracias, etc., nous en restreindrons ici l’acception et nous l’attribuerons exclusivement à la seule espèce du grand corbeau, du corvus des anciens, qui est assez différent de ces autres oiseaux par sa grosseur[2], ses mœurs, ses habitudes naturelles, pour qu’on doive lui appliquer une dénomination distinctive et surtout lui conserver son ancien nom[NdÉ 1].

Cet oiseau a été fameux dans tous les temps ; mais sa réputation est encore plus mauvaise qu’elle n’est étendue, peut-être par cela même qu’il a été confondu avec d’autres oiseaux et qu’on lui a imputé tout ce qu’il y avait de mauvais dans plusieurs espèces. On l’a toujours regardé comme le dernier des oiseaux de proie et comme l’un des plus lâches et des plus dégoûtants. Les voiries infectes, les charognes pourries sont, dit-on, le fond de sa nourriture ; s’il s’assouvit d’une chair vivante, c’est de celle des animaux faibles ou utiles, comme agneaux, levrauts, etc.[3]. On prétend même qu’il attaque quelquefois les grands animaux avec avantage, et que, suppléant à la force qui lui manque par la ruse et l’agilité, il se cramponne sur le dos des buffles, les ronge tout vifs et en détail après leur avoir crevé les yeux[4] ; et ce qui rendrait cette férocité plus odieuse, c’est qu’elle serait en lui l’effet, non de la nécessité, mais d’un appétit de préférence pour la chair et le sang, d’autant qu’il peut vivre de tous les fruits, de toutes les graines, de tous les insectes et même des poissons morts, et qu’aucun autre animal ne mérite mieux la dénomination d’omnivore[5].

Cette violence et cette universalité d’appétit, ou plutôt de voracité, tantôt l’a fait proscrire comme un animal nuisible et destructeur, et tantôt lui a valu la protection des lois, comme à un animal utile et bienfaisant : en effet, un hôte de si grosse dépense ne peut qu’être à charge à un peuple pauvre ou trop peu nombreux, au lieu qu’il doit être précieux dans un pays riche et bien peuplé, comme consommant les immondices de toute espèce dont regorge ordinairement un tel pays. C’est par cette raison qu’il était autrefois défendu en Angleterre, suivant Belon, de lui faire aucune violence[6], et que dans l’île Feroé, dans celle de Malte, etc., on a mis sa tête à prix[7].

Si aux traits sous lesquels nous venons de représenter le corbeau on ajoute son plumage lugubre, son cri plus lugubre encore, quoique très faible à proportion de sa grosseur, son port ignoble, son regard farouche, tout son corps exhalant l’infection[8], on ne sera pas surpris que, dans presque tous les temps, il ait été regardé comme un objet de dégoût et d’horreur : sa chair était interdite aux Juifs ; les sauvages n’en mangent jamais[9], et parmi nous les plus misérables n’en mangent qu’avec répugnance et après avoir enlevé la peau, qui est très coriace. Partout on le met au nombre des oiseaux sinistres, qui n’ont le pressentiment de l’avenir que pour annoncer des malheurs. De graves historiens ont été jusqu’à publier la relation de batailles rangées entre des armées de corbeaux et d’autres oiseaux de proie, et à donner ces combats comme un présage des guerres cruelles qui se sont allumées dans la suite entre les nations[10]. Combien de gens, encore aujourd’hui, frémissent et s’inquiètent au bruit de son croassement ! Toute sa science de l’avenir se borne cependant, ainsi que celle des autres habitants de l’air, à connaître mieux que nous l’élément qu’il habite, à être plus susceptible de ses moindres impressions, à pressentir ses moindres changements, et à nous les annoncer par certains cris et certaines actions qui sont en lui l’effet naturel de ces changements. Dans les provinces méridionales de la Suède, dit M. Linnæus, lorsque le ciel est serein, les corbeaux volent très haut, en faisant un certain cri qui s’entend de fort loin[11]. Les auteurs de la Zoologie britannique ajoutent que, dans cette circonstance, ils volent le plus souvent par paires[12]. D’autres écrivains, moins éclairés, ont fait d’autres remarques mêlées plus ou moins d’incertitudes et de superstitions[13].

Dans le temps que les aruspices faisaient partie de la religion, les corbeaux, quoique mauvais prophètes, ne pouvaient qu’être des oiseaux fort intéressants ; car la passion de prévoir les événements futurs, même les plus tristes, est une ancienne maladie du genre humain : aussi s’attachait-on beaucoup à étudier toutes leurs actions, toutes les circonstances de leur vol, toutes les différences de leur voix, dont on avait compté jusqu’à soixante-quatre inflexions distinctes, sans parler d’autres différences plus fines et trop difficiles à apprécier[14] ; chacune avait sa signification déterminée ; il ne manqua pas de charlatans pour en procurer l’intelligence[15], ni de gens simples pour y croire ; Pline, lui-même, qui n’était ni charlatan ni superstitieux, mais qui travailla quelquefois sur de mauvais mémoires, a eu soin d’indiquer celle de toutes ces voix qui était la plus sinistre[16]. Quelques-uns ont poussé la folie jusqu’à manger le cœur et les entrailles de ces oiseaux, dans l’espérance de s’approprier leur don de prophétie[17].

Non seulement le corbeau a un grand nombre d’inflexions de voix répondant à ses différentes affections intérieures, il a encore le talent d’imiter le cri des autres animaux[18], et même la parole de l’homme, et l’on a imaginé de lui couper le filet afin de perfectionner cette disposition naturelle. Colas est le mot qu’il prononce le plus aisément[19], et Scaliger en a entendu un qui, lorsqu’il avait faim, appelait distinctement le cuisinier de la maison, nommé Conrad[20]. Ces mots ont en effet quelques rapports avec le cri ordinaire du corbeau.

On faisait grand cas à Rome de ces oiseaux parleurs, et un philosophe n’a pas dédaigné de nous raconter assez au long l’histoire de l’un d’eux[21]. Ils n’apprennent pas seulement à parler, ou plutôt à répéter la parole humaine, mais ils deviennent familiers dans la maison ; ils se privent, quoique vieux[22], et paraissent même capables d’un attachement personnel et durable[23].

Par une suite de cette souplesse de naturel, ils apprennent aussi, non pas à dépouiller leur voracité, mais à la régler et à l’employer au service de l’homme. Pline parle d’un certain Craterus d’Asie, qui s’était rendu fameux par son habileté à les dresser pour la chasse, et qui savait se faire suivre, même par les corbeaux sauvages[24]. Scaliger rapporte que le roi Louis (apparemment Louis XII) en avait un ainsi dressé, dont il se servait pour la chasse des perdrix[25]. Albert en avait vu un autre à Naples qui prenait et des perdrix et des faisans, et même d’autres corbeaux ; mais, pour chasser ainsi les oiseaux de son espèce, il fallait qu’il y fût excité et comme forcé par la présence du fauconnier[26]. Enfin, il semble qu’on lui ait appris quelquefois à défendre son maître et à l’aider contre ses ennemis avec une sorte d’intelligence et par une manœuvre combinée, du moins si l’on peut croire ce que rapporte Aulu-Gelle du corbeau de Valérius[27].

Ajoutons à tout cela que le corbeau paraît avoir une grande sagacité d’odorat pour éventer de loin les cadavres[28] ; Thucydide lui accorde même un instinct assez sûr pour s’abstenir de ceux de ces animaux qui sont morts de la peste[29] ; mais il faut avouer que ce prétendu discernement se dément quelquefois et ne l’empêche pas toujours de manger des choses qui lui sont contraires, comme nous le verrons plus bas. Enfin, c’est encore à l’un de ces oiseaux qu’on a attribué la singulière industrie, pour amener à sa portée l’eau qu’il avait aperçue au fond d’un vase trop étroit, d’y laisser tomber une à une de petites pierres, lesquelles en s’amoncelant firent monter l’eau insensiblement et le mirent à même d’étancher sa soif[30]. Cette soif, si le fait est vrai, est un trait de dissemblance qui distingue le corbeau de la plupart des oiseaux de proie[31], surtout de ceux qui se nourrissent de proie vivante, lesquels n’aiment à se désaltérer que dans le sang, et dont l’industrie est beaucoup plus excitée par le besoin de manger que par celui de boire. Une autre différence, c’est que les corbeaux ont les mœurs plus sociales ; mais il est facile d’en rendre raison ; comme ils mangent de toutes sortes de nourriture, ils ont plus de ressources que les autres oiseaux carnassiers, ils peuvent donc subsister en plus grand nombre dans un même espace de terrain, et ils ont moins de raisons de se fuir les uns les autres. C’est ici le lieu de remarquer que, quoique les corbeaux privés mangent de la viande crue et cuite, et qu’ils passent communément pour faire dans l’état de liberté une grande destruction de mulots, de campagnols, etc.[32], M. Hébert, qui les a observés longtemps et de fort près, ne les a jamais vus s’acharner sur les cadavres, en déchiqueter la chair, ni même se poser dessus ; et il est fort porté à croire qu’ils préfèrent les insectes, et surtout les vers de terre, à toute autre nourriture : il ajoute qu’on trouve de la terre dans leurs excréments.

Les corbeaux, les vrais corbeaux de montagne, ne sont point oiseaux de passage, et diffèrent en cela plus ou moins des corneilles auxquelles on a voulu les associer. Ils semblent particulièrement attachés au rocher qui les a vus naître, ou plutôt sur lequel ils se sont appariés ; on les y voit toute l’année en nombre à peu près égal, et ils ne l’abandonnent jamais entièrement : s’ils descendent dans la plaine, c’est pour chercher leur subsistance ; mais ils y descendent plus rarement l’été que l’hiver, parce qu’ils évitent les grandes chaleurs, et c’est la seule influence que la différente température des saisons paraisse avoir sur leurs habitudes. Ils ne passent point la nuit dans les bois, comme font les corneilles ; ils savent se choisir dans leurs montagnes une retraite à l’abri du nord, sous des voûtes naturelles, formées par des avances ou des enfoncements de rocher ; c’est là qu’ils se retirent pendant la nuit au nombre de quinze ou vingt. Ils dorment perchés sur les arbrisseaux qui croissent entrent les rochers ; ils font leurs nids dans les crevasses de ces mêmes rochers ou dans des trous de murailles, au haut des vieilles tours abandonnées, et quelquefois sur les hautes branches des grands arbres isolés[33]. Chaque mâle a sa femelle à qui il demeure attaché plusieurs années de suite[34] : car ces oiseaux si odieux, si dégoûtants pour nous, savent néanmoins s’inspirer un amour réciproque et constant ; ils savent aussi l’exprimer comme la tourterelle par des caresses graduées, et semblent connaître les nuances des préludes et la volupté des détails. Le mâle, si l’on en croit quelques anciens, commence toujours par une espèce de chant d’amour[35] ; ensuite on les voit approcher leurs becs, se caresser, se baiser, et l’on n’a pas manqué de dire, comme de tant d’autres oiseaux, qu’ils s’accouplaient par le bec[36] : si cette absurde méprise pouvait être justifiée, c’est parce qu’il est aussi rare de voir ces oiseaux s’accoupler réellement qu’il est commun de les voir se caresser ; en effet, ils ne se joignent presque jamais de jour, ni dans un lieu découvert, mais au contraire dans les endroits les plus retirés et les plus sauvages[37], comme s’ils avaient l’instinct de se mettre en sûreté dans le secret de la nature, pendant la durée d’une action qui, se rapportant tout entière à la conservation de l’espèce, semble suspendre dans l’individu le soin actuel de sa propre existence. Nous avons déjà vu le jean-le-blanc se cacher pour boire, parce qu’en buvant il enfonce son bec dans l’eau jusqu’aux yeux, et par conséquent ne peut être alors sur ses gardes[38]. Dans tous ces cas, les animaux sauvages se cachent par une sorte de prévoyance qui, ayant pour but immédiat le soin de leur propre conservation, paraît plus près de l’instinct des bêtes que tous les motifs de décence dont on a voulu leur faire honneur : et ici le corbeau a d’autant plus besoin de cette prévoyance qu’ayant moins d’ardeur et de force pour l’acte de la génération[39], son accouplement doit probablement avoir une certaine durée.

La femelle se distingue du mâle, selon Barrère, en ce qu’elle est d’un noir moins décidé et qu’elle a le bec plus faible ; et, en effet, j’ai bien observé dans certains individus des becs plus forts et plus convexes que dans d’autres, et différentes teintes de noir et même de brun dans le plumage ; mais ceux qui avaient le bec le plus fort étaient d’un noir moins décidé, soit que cette couleur fût naturelle, soit qu’elle fût altérée par le temps et par les précautions qu’on a coutume de prendre pour la conservation des oiseaux desséchés. Cette femelle pond, aux environs du mois de mars[40], jusqu’à cinq ou six œufs[41] d’un vert pâle et bleuâtre, marquetés d’un grand nombre de taches et de traits de couleur obscure[42]. Elle les couve pendant environ vingt jours[43], et pendant ce temps le mâle a soin de pourvoir à sa nourriture ; il y pourvoit même largement, car les gens de la campagne trouvent quelquefois dans les nids des corbeaux, ou aux environs, des amas assez considérables de grains, de noix et d’autres fruits. Il est vrai qu’on a soupçonné que ce n’était pas seulement pour la subsistance de la couveuse au temps de l’incubation, mais pour celle de tous deux pendant l’hiver[44]. Quoi qu’il en soit de leur intention, il est certain que cette habitude de faire ainsi des provisions et de cacher ce qu’ils peuvent attraper ne se borne pas aux comestibles, ni même aux choses qui peuvent leur être utiles, elle s’étend encore à tout ce qui se trouve à leur bienséance, et il paraît qu’ils préfèrent les pièces de métal et tout ce qui brille aux yeux[45]. On en a vu un à Erford qui eut bien la patience de porter une à une et de cacher sous une pierre dans un jardin une quantité de petites monnaies, jusqu’à concurrence de cinq ou six florins[46] ; et il n’y a guère de pays qui n’ait son histoire de pareils vols domestiques.

Quand les petits viennent d’éclore, il s’en faut bien qu’ils soient de la couleur des père et mère ; ils sont plutôt blancs que noirs, au contraire des jeunes cygnes qui doivent être un jour d’un si beau blanc, et qui commencent par être bruns[47]. Dans les premiers jours, la mère semble un peu négliger ses petits ; elle ne leur donne à manger que lorsqu’ils commencent à avoir des plumes, et l’on n’a pas manqué de dire qu’elle ne commençait que de ce moment à les reconnaître à leur plumage naissant, et à les traiter véritablement comme siens[48]. Pour moi, je ne vois dans cette diète des premiers jours que ce que l’on voit plus ou moins dans presque tous les autres animaux, et dans l’homme lui-même ; tous ont besoin d’un peu de temps pour s’accoutumer à un nouvel élément, à une nouvelle existence. Pendant ce temps de diète le petit oiseau n’est pas dépourvu de toute nourriture : il en trouve une au dedans de lui-même et qui lui est très analogue ; c’est le restant du jaune que renferme l’abdomen, et qui passe insensiblement dans les intestins par un conduit particulier[49]. La mère, après ces premiers temps, nourrit ses petits avec des aliments convenables, qui ont déjà subi une préparation dans son jabot, et qu’elle leur dégorge dans le bec, à peu près comme font les pigeons[50].

Le mâle ne se contente pas de pourvoir à la subsistance de la famille, il veille aussi pour sa défense ; et s’il s’aperçoit qu’un milan ou tel autre oiseau de proie s’approche du nid, le péril de ce qu’il aime le rend courageux, il prend son essor, gagne le dessus, et, se rabattant sur l’ennemi, il le frappe violemment de son bec : si l’oiseau de proie fait des efforts pour reprendre le dessus, le corbeau en fait de nouveaux pour conserver son avantage, et ils s’élèvent quelquefois si haut qu’on les perd absolument de vue jusqu’à ce que, excédés de fatigue, l’un ou l’autre, ou tous les deux, se laissent tomber du haut des airs[51].

Aristote et beaucoup d’autres, d’après lui, prétendent que lorsque les petits commencent à être en état de voler, le père et la mère les obligent à sortir du nid et à faire usage de leurs ailes ; que bientôt même ils les chassent totalement du district qu’ils se sont approprié, si ce district trop stérile ou trop resserré ne suffit pas à la subsistance de plusieurs couples[52], et en cela ils se montreraient véritablement oiseaux de proie ; mais ce fait ne s’accorde point avec les observations que M. Hébert a faites sur les corbeaux des montagnes du Bugey, lesquels prolongent l’éducation de leurs petits, et continuent de pourvoir à leur subsistance bien au delà du terme où ceux-ci sont en état d’y pourvoir par eux-mêmes. Comme l’occasion de faire de telles observations et le talent de les faire aussi bien ne se rencontrent pas souvent, j’ai cru devoir en rapporter ici le détail dans les propres termes de l’observateur.

« Les petits corbeaux éclosent de fort bonne heure, et dès le mois de mai ils sont en état de quitter le nid. Il en naissait chaque année une famille en face de mes fenêtres, sur les rochers qui bornaient la vue. Les petits, au nombre de quatre ou cinq, se tenaient sur de gros blocs éboulés à une hauteur moyenne, où il était facile de les voir ; et ils se faisaient d’ailleurs assez remarquer par un piaulement presque continuel. Chaque fois que le père ou la mère leur apportaient à manger, ce qui arrivait plusieurs fois le jour, ils les appelaient par un cri crau, crau, crau, très différent de leur piaulement. Quelquefois il n’y en avait qu’un seul qui prît l’essor, et après un léger essai de ses forces il revenait se poser sur son rocher ; presque toujours il en restait quelqu’un, et c’est alors que son piaulement devenait continuel. Lorsque les petits avaient l’aile assez forte pour voler, c’est-à-dire quinze jours au moins après leur sortie du nid, les père et mère les emmenaient tous les matins avec eux et les ramenaient tous les soirs : c’était toujours sur les cinq ou six heures après midi que toute la bande revenait au gîte, et le reste de la soirée se passait en criailleries très incommodes. Ce manège durait tout l’été, ce qui donne lieu de croire que les corbeaux ne font pas deux couvées par an. »

Gesner a nourri de jeunes corbeaux avec de la chair crue, des petits poissons et du pain trempé dans l’eau[53]. Ils sont fort friands de cerises, et ils les avalent avidement avec les queues et les noyaux ; mais ils ne digèrent que la pulpe, et deux heures après ils rendent par le bec les noyaux et les queues ; on dit qu’ils rejettent aussi les os des animaux qu’ils ont avalés avec la chair, de même que la cresserelle, les oiseaux de proie nocturnes, les oiseaux pêcheurs, etc., rendent les parties dures et indigestes des animaux ou des poissons qu’ils ont dévorés[54]. Pline dit que les corbeaux sont sujets tous les étés à une maladie périodique de soixante jours, dont, selon lui, le principal symptôme est une grande soif[55] ; mais je soupçonne que cette maladie n’est autre chose que la mue, laquelle se fait plus lentement dans le corbeau que dans plusieurs autres oiseaux de proie[56].

Aucun observateur, que je sache, n’a déterminé l’âge auquel les jeunes corbeaux, ayant pris la plus grande partie de leur accroissement, sont vraiment adultes et en état de se reproduire ; et si chaque période de la vie était proportionnée dans les oiseaux, comme dans les animaux quadrupèdes, à la durée de la vie totale, on pourrait soupçonner que les corbeaux ne deviendraient adultes qu’au bout de plusieurs années ; car quoiqu’il y ait beaucoup à rabattre sur la longue vie que Hésiode accorde aux corbeaux[57], cependant il paraît assez avéré que cet oiseau vit quelquefois un siècle et davantage : on en a vu dans plusieurs villes de France qui avaient atteint cet âge, et dans tous les pays et tous les temps il a passé pour un oiseau très vivace ; mais il s’en faut bien que le terme de l’âge adulte, dans cette espèce, soit retardé en proportion de la durée totale de la vie, car sur la fin du premier été, lorsque toute la famille vole de compagnie, il est déjà difficile de distinguer à la taille les vieux d’avec les jeunes, et dès lors il est très probable que ceux-ci sont en état de se reproduire dès la seconde année.

Nous avons remarqué plus haut que le corbeau n’était pas noir en naissant ; il ne l’est pas non plus en mourant, du moins quand il meurt de vieillesse, car dans ce cas son plumage change sur la fin, et devient jaune par défaut de nourriture[58] : mais il ne faut pas croire qu’en aucun temps cet oiseau soit d’un noir pur, et sans mélange d’aucune autre teinte ; la nature ne connaît guère cette uniformité absolue. En effet, le noir qui domine dans cet oiseau paraît mêlé de violet sur la partie supérieure du corps, de cendré sur la gorge, et de vert sous le corps, sur les pennes de la queue et sur les plus grandes pennes des ailes et les plus éloignées du dos[59]. Il n’y a que les pieds, les ongles et le bec qui soient absolument noirs, et ce noir du bec semble pénétrer jusqu’à la langue, comme celui des plumes semble pénétrer jusqu’à la chair, qui en a une forte teinte. La langue est cylindrique à sa base, aplatie et fourchue à son extrémité, et hérissée de petites pointes sur ses bords. L’organe de l’ouïe est fort compliqué, et peut-être plus que dans les autres oiseaux[60]. Il faut qu’il soit aussi plus sensible, si l’on peut ajouter foi à ce que dit Plutarque, qu’on a vu des corbeaux tomber comme étourdis par les cris d’une multitude nombreuse et agitée de quelque grand mouvement[61].

L’œsophage se dilate à l’endroit de sa jonction avec le ventricule, et forme par sa dilatation une espèce de jabot qui n’avait point échappé à Aristote. La face intérieure du ventricule est sillonnée de rugosités ; la vésicule du fiel est fort grosse et adhérente aux intestins[62]. Redi a trouvé des vers dans la cavité de l’abdomen[63]. La longueur de l’intestin est à peu près double de celle de l’oiseau même, prise du bout du bec au bout des ongles, c’est-à-dire qu’elle est moyenne entre la longueur des intestins des véritables carnivores, et celle des intestins des véritables granivores ; en un mot, telle qu’il convient pour un oiseau qui vit de chair et de fruits[64].

Cet appétit du corbeau, qui s’étend à tous les genres de nourritures, se tourne souvent contre lui-même par la facilité qu’il offre aux oiseleurs de trouver des appâts qui lui conviennent. La poudre de noix vomique, qui est un poison pour un grand nombre d’animaux quadrupèdes, en est aussi un pour le corbeau ; elle l’enivre au point qu’il tombe bientôt après qu’il en a mangé, et il faut saisir le moment où il tombe, car cette ivresse est quelquefois de courte durée, et il reprend souvent assez de forces pour aller mourir ou languir sur son rocher[65]. On le prend aussi avec plusieurs sortes de filets, de lacets et de pièges, et même à la pipée, comme les petits oiseaux ; car il partage avec eux leur antipathie pour le hibou, et il n’aperçoit jamais cet oiseau ni la chouette sans jeter un cri[66]. On dit qu’il est aussi en guerre avec le milan, le vautour, la pie de mer[67] ; mais ce n’est autre chose que l’effet de cette antipathie nécessaire qui est entre tous les animaux carnassiers, ennemis-nés de tous les faibles qui peuvent devenir leur proie, et de tous les forts qui peuvent la leur disputer.

Les corbeaux, lorsqu’ils se posent à terre, marchent et ne sautent point ; ils ont, comme les oiseaux de proie, les ailes longues et fortes (à peu près trois pieds et demi d’envergure) ; elles sont composées de vingt pennes, dont les deux ou trois premières[68] sont plus courtes que la quatrième, qui est la plus longue de toutes[69], et dont les moyennes ont une singularité, c’est que l’extrémité de leur côte se prolonge au delà des barbes et finit en pointe. La queue a douze pennes d’environ huit pouces, cependant un peu inégales, les deux du milieu étant les plus longues, et ensuite les plus voisines de celles-là, en sorte que le bout de la queue paraît un peu arrondi sur son plan horizontal[70] : c’est ce que j’appellerai dans la suite queue étagée.

De la longueur des ailes on peut presque toujours conclure la hauteur du vol ; aussi les corbeaux ont-ils le vol très élevé, comme nous l’avons dit, et il n’est pas surprenant qu’on les ait vus, dans les temps de nuées et d’orage, traverser les airs ayant le bec chargé de feu[71]. Ce feu n’était autre chose, sans doute, que celui des éclairs mêmes, je veux dire qu’une aigrette lumineuse, formée à la pointe de leur bec par la matière électrique, qui, comme on sait, remplit la région supérieure de l’atmosphère dans ces temps d’orage ; et, pour le dire en passant, c’est peut-être quelque observation de ce genre qui a valu à l’aigle le titre de ministre de la foudre ; car il est peu de fables qui ne soient fondées sur la vérité.

De ce que le corbeau a le vol élevé, comme nous venons de le voir, et de ce qu’il s’accommode à toutes les températures, comme chacun sait[72], il s’ensuit que le monde entier lui est ouvert, et qu’il ne doit être exclu d’aucune région. En effet, il est répandu depuis le cercle polaire[73] jusqu’au cap de Bonne-Espérance[74], et à l’île de Madagascar[75], plus ou moins abondamment, selon que chaque pays fournit plus ou moins de nourriture, et des rochers qui soient plus ou moins à son gré[76] : il passe quelquefois des côtes de Barbarie dans l’île de Ténériffe ; on le retrouve encore au Mexique, à Saint-Domingue, au Canada[77], et sans doute dans les autres parties du nouveau continent et dans les îles adjacentes. Lorsqu’une fois il est établi dans un pays et qu’il y a pris ses habitudes, il ne le quitte guère pour passer dans un autre[78] ; il reste même attaché au nid qu’il a construit, et il s’en sert plusieurs années de suite, comme nous l’avons vu ci-dessus.

Son plumage n’est pas le même dans tous les pays. Indépendamment des causes particulières qui peuvent en altérer la couleur ou la faire varier du noir au brun et même au jaune, comme je l’ai remarqué plus haut, il subit encore plus ou moins les influences du climat : il est quelquefois blanc en Norvège et en Islande, où il y a aussi des corbeaux tout à fait noirs et en assez grand nombre[79]. D’un autre côté, on en trouve de blancs au centre de la France et de l’Allemagne, dans des nids où il y en a aussi de noirs[80]. Le corbeau du Mexique, appelé cacalotl par Fernandez, est varié de ces deux couleurs[81] ; celui de la baie de Saldagne a un collier blanc[82] ; celui de Madagascar, appelé coach selon Flacourt, a du blanc sous le ventre, et l’on retrouve le même mélange de blanc et de noir dans quelques individus de la race qui réside en Europe, même dans celui à qui M. Brisson a donné le nom de corbeau blanc du Nord[83], et qu’il eût été plus naturel, ce me semble, d’appeler corbeau noir et blanc, puisqu’il a le dessus du corps noir, le dessous blanc et la tête blanche et noire, ainsi que le bec, les pieds, la queue et les ailes. Celles-ci ont vingt et une pennes, et la queue en a douze, dans lesquelles il y a une singularité à remarquer, c’est que les correspondantes de chaque côté, je veux dire les pennes qui de chaque côté sont à égale distance des deux du milieu, et qui sont ordinairement semblables entre elles pour la forme et pour la distribution des couleurs, ont, dans l’individu décrit par M. Brisson, plus ou moins de blanc et distribué d’une manière différente, ce qui me ferait soupçonner que le blanc est ici une altération de la couleur naturelle, qui est le noir, un effet accidentel de la température excessive du climat, laquelle, comme cause extérieure, n’agit pas toujours uniformément en toutes saisons ni en toutes circonstances, et dont les effets ne sont jamais aussi réguliers que ceux qui sont produits par la constante activité du moule intérieur ; et si ma conjecture est vraie, il n’y a aucune raison de faire une espèce particulière, ni même une race ou variété permanente de cet oiseau, lequel ne diffère d’ailleurs de notre corbeau ordinaire que par ses ailes un peu plus longues ; de même que tous les animaux des pays du Nord ont le poil plus long que ceux de même espèce qui habitent des climats tempérés.

Au reste, les variations dans le plumage d’un oiseau aussi généralement, aussi profondément noir que le corbeau, variations produites par la seule différence de l’âge, du climat, ou par d’autres causes purement accidentelles, sont une nouvelle preuve, ajoutée à tant d’autres, que la couleur ne fit jamais un caractère constant, et que dans aucun cas elle ne doit être regardée comme un attribut essentiel.

Outre cette variété de couleur, il y a aussi dans l’espèce des corbeaux variété de grandeur : ceux du mont Jura, par exemple, ont paru à M. Hébert, qui a été à portée de les observer, plus grands et plus forts que ceux des montagnes du Bugey ; et Aristote nous apprend que les corbeaux et les éperviers sont plus petits dans l’Égypte que dans la Grèce[84].


Notes de Buffon
  1. En comparant les noms qu’on a donnés à cet oiseau dans les idiomes modernes, on remarquera que ces noms dérivent tous visiblement de ceux qu’il avait dans les anciennes langues, en se rapprochant plus ou moins de son cri.
  2. Le corbeau est de la grosseur d’un bon coq ; il pèse trente-quatre ou trente-cinq onces ; par conséquent, masse pour masse, il équivaut à trois corneilles et à deux freux.
  3. Aldrovand., Ornitholog., t. Ier, p. 702. — Traité de la Pipée, où l’on raconte la chasse d’un lièvre entreprise par deux corbeaux qui paraissaient s’entendre, lui crevèrent les yeux et finirent par le prendre.
  4. Voyez Ælian, Natur. animal., lib. ii, cap. li, et le Recueil des voyages qui ont servi à l’établissement de la compagnie des Indes, t. VIII, p. 273 et suiv. C’est peut-être là l’origine de l’antipathie qu’on a dit être entre le bœuf et le corbeau. Voyez Aristot., Hist. animal., lib. ix, cap. i. Au reste, j’ai peine à croire qu’un corbeau attaque un buffle, comme les voyageurs disent l’avoir observé. Il peut se faire que ces oiseaux se posent quelquefois sur le dos des buffles, comme la corneille mantelée se pose sur le dos des ânes et des moutons, et la pie sur le dos des cochons, pour manger les insectes qui courent dans le poil de ces animaux. Il peut se faire encore que parfois les corbeaux entament le cuir des buffles par quelques coups de bec mal mesurés, et même qu’ils leur crèvent les yeux, par une suite de cet instinct qui les porte à s’attacher à tout ce qui est brillant ; mais je doute fort qu’ils aient pour but de les manger tout vifs et qu’ils pussent en venir à bout.
  5. Voyez Aristot., Hist. animal., lib. viii, cap. iii. Willughby, Ornitholog., p. 82 et suiv. J’en ai vu de privés qu’on nourrissait en grande partie de viande, tantôt crue, tantôt cuite.
  6. Nature des oiseaux, p. 279. Belon écrivait vers l’an 1550. « Sancta avis a nostris habetur, nec facile ab ullo occiditur. » Fauna Suecica, no 69. Les corbeaux jouissent de la même sauvegarde à Surinam, selon le docteur Fermin, Description de Surinam, t. II, p. 148.
  7. Actes de Copenhague, années 1671, 1672. Observat. xlix. À l’égard de l’île de Malte, on m’assure que ce sont des corneilles ; mais on me dit en même temps que ces corneilles sont établies sur les rochers les plus déserts de la côte, ce qui me fait croire que ce sont des corbeaux.
  8. Les auteurs de la Zoologie Britannique sont les seuls qui disent que le corbeau exhale une odeur agréable, ce qui est difficile à croire d’un oiseau qui vit de charogne. D’ailleurs, on sait par expérience que les corbeaux nouvellement tués laissent aux doigts une odeur aussi désagréable que celle du poisson. C’est ce que m’assure M. Hébert, observateur digne de toute confiance, et ce qui est confirmé par le témoignage de Hernandez, p. 331. Il est vrai qu’on a dit du caranero, espèce de vautour d’Amérique, à qui on a aussi appliqué le nom de corbeau, qui exhale une odeur de musc, quoiqu’il vive de voiries (Voyez le Page du Pratz, Histoire de la Louisiane, t. II, p. 111) ; mais le plus grand nombre assure précisément le contraire.
  9. Voyage du P. Théodat, récollet, p. 300.
  10. Voyez Æneas Sylvius, Hist. Europ., cap. liii. — Bembo, Init., lib. v. — Gesner, De Avibus, p. 347.
  11. « In Smolandia et australioribus provinciis, cœlo sereno, altè volitat, et singularem clangorem seu tonum clong remotissimè sonantem excitat. » Fauna Suecica, no 75.
  12. British Zoology, p. 75.
  13. Voyez Pline, Belon, Gesner, Aldrovande, etc.
  14. Aldrovande, t. Ier, p. 693.
  15. Voyez Pline, lib. xxix, cap. iv.
  16. « Pessima eorum significatio cùm glutinnt vocem velut strangulati », lib. x, cap. xii.
  17. Porphyr. De abstinendo ab animant., lib. ii.
  18. Aldrovande, t. Ier, p. 693.
  19. Belon, Nature des oiseaux, p. 279.
  20. Exercitatio (in Cardanum, 237). Scaliger remarque comme une chose plaisante que ce même corbeau ayant trouvé un papier de musique l’avait criblé de coups de bec, comme s’il eût voulu lire cette musique (ou battre la mesure). Il me paraît plus naturel de penser qu’il avait pris des notes pour des insectes, dont on sait qu’il fait quelquefois sa nourriture.
  21. « Maturè (et adhuc pullus) sermoni assuefactus omnibus matutinis evolans in rostra,… Tiberium, dein Germanicum et Drusum Cæsares nominatim, mox transeuntem populum romanum salutabat, postea ad tabernam remeans, etc. » Pline, lib. x, cap. xliii.
  22. « Corvus longævus citissimè fit domesticus. » Voyez Gesner, p. 338.
  23. Témoin ce corbeau privé dont parle Schwenckfeld, lequel s’étant laissé entraîner trop loin par ses camarades sauvages, et n’ayant pu sans doute retrouver le lieu de sa demeure, reconnut dans la suite sur le grand chemin l’homme qui avait coutume de lui donner à manger, plana quelque temps au-dessus de lui en croassant, comme pour lui faire fête, vint se poser sur sa main et ne le quitta plus. Aviarium Silesiæ, p. 245.
  24. Pline, lib. x, cap. xliii.
  25. In Cardanum exercitat. 232.
  26. Voyez Aldrovande, p. 702. Voyez aussi Dampier, t. II, p. 25.
  27. Un Gaulois de grande taille, ayant défié à un combat singulier les plus braves des Romains, un tribun, nommé Valérius, qui accepta le défi, ne triompha du Gaulois que par le secours d’un corbeau qui ne cessa de harceler son ennemi, et toujours à propos, lui déchirant les mains avec son bec, lui sautant au visage et aux yeux, en un mot l’embarrassant de manière qu’il ne put faire usage de toute sa force contre Valérius, à qui le nom de Corvinus en resta. Noct. Atticæ, lib. ix, cap. xi.
  28. « Corvi in auspiciis soli intellectum videntur habere significationum suarum, nam cùm Mediæ hospites occisi sunt, omnes e Peloponneso et atticâ regione volaverunt. » Pline, lib. x, cap. xii. D’après Aristote, lib. ix, cap. xxxi. — « Mirâ sagacitate cadavera subolfacit, et licet remotissima. » Fauna Suecica, no 69.
  29. Voyez Thucydid., lib. ii.
  30. Pline, lib. x, cap. xliii.
  31. « Insigniter aquis oblectatur corvus ac cornix. » Gesner, p. 336.
  32. On dit qu’à l’île de France on conserve précieusement une certaine espèce de corbeau destinée à détruire les rats et les souris. Voyage d’un officier du roi, 1772, p. 122 et suiv. On dit que les îles Bermudes ayant été affligées pendant cinq années de suite par une prodigieuse multitude de rats qui dévoraient les plantes et les arbres, et qui passaient à la nage successivement d’une île à l’autre, ces rats disparurent tout d’un coup, sans qu’on en pût assigner d’autre cause, sinon que dans les deux dernières années on avait vu dans ces mêmes îles une grande quantité de corbeaux qui n’y avaient jamais paru auparavant et qui n’y ont point reparu depuis ; mais tout cela ne prouve point que les corbeaux soient de grands destructeurs de rats, car on peut être la dupe d’un préjugé dans l’île de France comme ailleurs ; et à l’égard des rats des îles Bermudes, il peut se faire qu’ils se soient entre-détruits, comme il arrive souvent, ou qu’ils soient morts de faim après avoir tout consommé, ou qu’ils aient été submergés et noyés par un coup de vent, en passant d’une île à l’autre, et cela sans que les corbeaux y aient eu beaucoup de part.
  33. M. Linnæus dit qu’en Suède le corbeau niche principalement sur les sapins, Fauna Suecica, no 69 ; et M. Frisch, qu’en Allemagne c’est principalement sur les grands chênes (pl. 63). Cela veut dire qu’il préfère les arbres les plus hauts et non l’espèce du chêne ou du sapin.
  34. « Quandoque ad quadragesimum ætatis annum… jura conjugii… servare traduntur. » Aldrov., Ornithol., t. Ier, p. 700. Athénée renchérit encore là-dessus.
  35. Oppian, De aucupio.
  36. Aristote, qui attribue cette absurdité à Anaxagore, a bien voulu la réfuter sérieusement, en disant que les corbeaux femelles avaient une vulve et des ovaires… que si la semence du mâle passait par le ventricule de la femelle, elle s’y digérerait et ne produirait rien. De Generatione, lib. iii, cap. vi.
  37. Albert dit qu’il a été témoin une seule fois de l’accouplement des corbeaux, et qu’il se passe comme dans les autres espèces d’oiseaux. Voyez Gesner, De Avibus, p. 337.
  38. Voyez ci-devant l’histoire de cet oiseau, p. 74.
  39. « Corvinum genus libidinosum non est ; quippe quôd parum fœcundum sit, coire tamen id quoque visum est. » Aristote, De Generatione, lib. iii, cap. vi.
  40. Willughby dit que quelquefois les corbeaux pondent encore plus tôt en Angleterre, Ornithologie, p. 83.
  41. Aristote, Hist. animal., lib. ix, cap. xxxi.
  42. Willughby, à l’endroit cité.
  43. Aristote, Hist. animal., lib. vi, cap. vi.
  44. Aldrovande, Ornithologia, t. Ier, p. 691 et 699.
  45. Frisch, planche 63.
  46. Voyez Gesner, De Avibus, p. 338.
  47. Aldrovande, Ornithol., t. Ier, p. 702.
  48. Idem, ibidem.
  49. Willughby, Ornithol., p. 82.
  50. Willughby, Ornithol., p. 82.
  51. Frisch, planche 63.
  52. Aristote, Hist. animal., lib. ix, cap. xxxi.
  53. De Avibus, p. 336.
  54. Voyez Aldrovande, t. Ier, p. 697.
  55. Lib. xxix, cap. iii.
  56. Voyez Gesner, p. 336.
  57. « Hesiodus… Cornici novem nostras adtribuit ætates, quadruplum ejus cervis, id triplicatum corvis. » Pline, lib. vii, cap. xlviii. En prenant l’âge d’homme, seulement pour trente ans, ce serait neuf fois 30 ou 270 ans pour la corneille, 1 080 pour le cerf, et 3 240 pour le corbeau. En réduisant l’âge d’homme à 10 ans, ce serait 90 ans pour la corneille, 360 pour le cerf, et 1 080 pour le corbeau, ce qui serait encore exorbitant. Le seul moyen de donner un sens raisonnable à ce passage, c’est de rendre le γενεά d’Hésiode et l’ætas de Pline par année ; alors la vie de la corneille se réduit à 9 années, celle du cerf à 36, comme elle a été déterminée dans l’Histoire naturelle de cet animal, et celle du corbeau à 108, comme il est prouvé par l’observation.
  58. « Corvorum pennæ postremò in colorem flavum transmutantur, cùm scilicet alimente destituuntur. » De Coloribus.
  59. Voyez l’ornithologie de M. Brisson, t. II, p. 8.
  60. Actes de Copenhague, année 1673. Observat. lii.
  61. Vie de T. Q. Flaminius.
  62. Willughby, p. 83 ; et Aristote, Hist. animal., lib. ii, cap. xvii.
  63. Collection Académique étrangère, t. IV, p. 521.
  64. Un observateur digne de foi m’a assuré avoir vu le manège d’un corbeau, qui s’éleva plus de vingt fois à la hauteur de 12 ou 15 toises pour laisser tomber de cette hauteur une noix qu’il allait ramasser chaque fois avec son bec ; mais il ne put venir à bout de la casser, parce que tout cela se passait dans une terre labourée.
  65. Voyez Gesner, p. 339. — Journal économique de décembre 1758.
  66. Traité de la Pipée.
  67. Voyez Ælian, Natur. animal., lib. ii, cap. li. — Aldrovand., t. Ier, p. 710, et Collection Acad. étrang., t. Ier de l’Histoire naturelle, p. 196.
  68. MM. Brisson et Linnæus disent deux, et M. Willughby dit trois.
  69. Ce sont ces pennes de l’aile qui servent aux facteurs pour emplumer les sautereaux des clavecins, et aux dessinateurs pour dessiner à la plume.
  70. Ajoutez à cela que les corbeaux ont, sur presque tout le corps, double espèce de plumes, et tellement adhérentes à la peau, qu’on ne peut les arracher qu’à force d’eau chaude.
  71. « Hermolaus Barbarus, vir gravis et doctus, aliique philosophi ainnt… dum fulmina tempestatum tempore finnt, corvi per aerem hac illac circumvolantes rostro ignem deferre. » Scala Naturalis apud Aldrovand., t. Ier, p. 704.
  72. « Quasvis aeris mutationes facilè tolerant, nec frigus nec calorem reformidant… ubicumque alimenti copia suppetit degere sustinent… in solitudine, in urbibus etiam populosissimis. » Ornitholog., p. 82.
  73. Klein, Ordo avium, p. 58 et 167 ; mais ces auteurs parlaient-ils du même corbeau ?
  74. Kolbe, Description du Cap, p. 136.
  75. Voyez Flacourt.
  76. Pline dit, d’après Théophraste, que les corbeaux étaient étrangers à l’Asie, lib. x, cap. xxix.
  77. Charlevoix, Histoire de l’île espagnole de Saint-Domingue, t. Ier, p. 30 ; et Histoire de la Nouvelle-France, du même, p. 155.
  78. Frisch (pl. 63). « Aves quæ in urbibus soient præcipue vivere, semper apparent, nec loca mutant aut latent, ut corvus et cornix. » Aristot., Hist. animal., lib. ix, cap. xxiii.
  79. Description de l’Islande, d’Horrebow, t. Ier, p. 206, 219. — Klein, Ordo avium, p. 58, 167. Jean de Cay a vu en 1548, à Lubeck, deux corbeaux blancs qui étaient dressés pour la chasse. Klein, Ordo avium, p. 58.
  80. Voyez Éphémérides d’Allemagne. Décurie i, année iii. Observ. lvii. Le docteur Wisel ajoute que l’année suivante on ne trouva dans le même nid que des corbeaux noirs, et que dans le même bois, mais dans un autre nid, on avait trouvé un corbeau noir et deux blancs. On en tue quelquefois de cette dernière couleur en Italie. Voyez Gerini, Storia degli Uccelli, t. II, p. 33.
  81. Historia avium Novæ-Hispaniæ, cap. clxxiv, p. 48.
  82. Voyage de Downton, à la suite de celui de Middleton, 1610.
  83. Ornithologie, t. VI. Supplément, p. 33.
  84. Historia animalium, lib. viii, cap. xxxviii.
Notes de l’éditeur
  1. Le Corbeau (Corvus Corax L. ou Corax maximus [Note de Wikisource : actuellement Corvus corax Linnæus, vulgairement grand corbeau]) appartient à l’ordre des Passereaux, au groupe des Dentirostres et à la famille des Corvidés. Les Dentirostres sont pour la plupart des oiseaux chanteurs, vivant sur les arbres, mais sautillant volontiers sur le sol, volant avec rapidité, se nourrissant habituellement d’insectes et d’autres petits animaux, monogames et élevant plusieurs couvées par an. Leur bec est tantôt subulé, tantôt faiblement recourbé ; la mandibule supérieure est souvent échancrée à l’extrémité ; les bords du bec sont dentés ; les ailes sont de moyenne grandeur, avec la première des dix rémiges primaires atrophiée ou absente. La queue possède presque toujours douze rectrices. La plupart des Conirostres habitent les pays froids ou tempérés, et presque tous émigrent en hiver.

    La famille des Corvidés à laquelle appartiennent le corbeau, les corneilles, les pies, les geais, les loriots, etc., est formée de Dentirostres de grande taille, à voix criarde, à ailes longues et pointues, à queue longue et arrondie. Les Corbeaux (Corvus) ont le bec fort, un peu courbé, entier à l’extrémité ; des ailes longues et pointues ; la queue assez longue et arrondie ; des pattes fortes et noires.