Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des oiseaux/L’agripenne ou l’ortolan de riz

Texte établi par J.-L. de LanessanA. Le Vasseur (Tome VI, Histoire naturelle des oiseauxp. 280-281).

L’AGRIPENNE OU L’ORTOLAN DE RIZ[1]

Cet oiseau[NdÉ 1] est voyageur, et le motif de ses voyages est connu : on en voit au mois de septembre des troupes nombreuses, ou plutôt on les entend passer pendant la nuit, venant de l’île de Cuba, où le riz commence à durcir, et se rendant à la Caroline, où cette graine est encore tendre : ces troupes ne restent à la Caroline que trois semaines, et au bout de ce temps elles continuent leur route du côté du Nord, cherchant des graines moins dures ; elles vont ainsi de stations en stations jusqu’au Canada, et peut-être plus loin ; mais ce qui pourra surprendre, et qui n’est cependant pas sans exemple, c’est que ces volées ne sont composées que de femelles : on s’est assuré, dit-on, par la dissection d’un grand nombre d’individus, qu’il n’arrivait au mois de septembre que des femelles, au lieu qu’au commencement du temps les femelles et les mâles passent ensemble : et c’est en effet l’époque marquée par la nature pour le rapprochement des deux sexes.

Le plumage des femelles est roussâtre presque par tout le corps ; celui des mâles est plus varié : ils ont la partie antérieure de la tête et du cou, la gorge, la poitrine, tout le dessous du corps, la partie supérieure du dos et les jambes noirs, avec quelque mélange de roussâtre, le derrière de la tête et du cou roussâtre, la partie inférieure du dos et le croupion d’un cendré olivâtre ; les grandes couvertures supérieures des ailes de même couleur, bordées de blanchâtre ; les petites couvertures supérieures des ailes et les couvertures supérieures de la queue d’un blanc sale ; les pennes de l’aile noires, terminées de brun et bordées, les grandes de jaune-soufre, les moyennes de gris : les pennes de la queue sont à peu près comme les grandes pennes des ailes, mais elles ont une singularité, c’est que toutes sont terminées en pointe[2] : enfin le bec est cendré et les pieds bruns. On a remarqué que cet ortolan était plus haut sur jambes que les autres.

Longueur totale, six pouces trois quarts ; bec, six lignes et demie ; vol, onze pouces ; queue, deux pouces et demi, un peu fourchue : dépasse les ailes de dix lignes.


VARIÉTÉS DE L’AGRIPENNE OU ORTOLAN DE RIZ

L’agripenne ou ortolan de la Louisiane.

Je ne puis m’empêcher de rapporter cet oiseau[NdÉ 2] à l’espèce précédente, comme simple variété de climat : en effet, c’est la même taille, le même port, les mêmes proportions, la même forme jusque dans les pennes de la queue, qui sont pointues ; il n’y a de différence que dans les couleurs du plumage. L’ortolan de la Louisiane a la gorge et tout le dessous du corps d’un jaune clair, et qui devient encore plus clair sur le bas-ventre ; le dessus de la tête et du corps, les petites couvertures supérieures des ailes d’un brun olivâtre ; le croupion et les couvertures supérieures de la queue jaunes, rayés finement de brun ; les pennes de la queue noirâtres, celles du milieu bordées de jaune, les latérales de blanc, les intermédiaires de nuances intermédiaires entre le jaune et le blanc ; les grandes couvertures supérieures des ailes noires, bordées de blanc ; les pennes de même, excepté les moyennes, qui ont plus de blanc.

Les dimensions sont à peu près les mêmes que dans l’ortolan de riz.


Notes de l’auteur
  1. The rice bird ; l’ortolan de la Caroline ou l’oiseau à riz. Catesby, t. Ier, pl. 14. « Emberiza Carolinensis, reissammer. Carolinscher fettammer. » Klein, Ordo avium, p. 92, no VI. — « Emberiza supernè ex nigro et rufescente varia, infernè nigra ; uropygio cinereo-olivaceo ; pennis scapularibus et tectricibus alarum minoribus sordidè albis ; rectricibus mucronatis, nigris, apice superiùs fuscis, subtils cinereis, oris exterioribus flavicantibus (Mas). — Emberiza rufescens ; rectricibus mucronatis (Fœmina)… » Hortulanus Carolinensis ; l’ortolan de la Caroline. Brisson, t. III, p. 282.
  2. C’est la raison pourquoi nous avons donné à cet oiseau le nom d’agripenne.
Notes de l’éditeur
  1. Emberiza oryzivora L. [Note de Wikisource : actuellement Dolichonyx oryzivorus Linnæus, vulgairement goglu des prés ; ce n’est pas un Embérizidé, mais un Ictéridé (voyez la note à l’article des troupiales)].
  2. Desmarets considère l’Agripenne de Buffon comme la femelle de l’Emberiza nivalis L..