Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des minéraux/Des matières volcaniques



DES MATIÈRES VOLCANIQUES

Sous le nom de matières volcaniques, je n’entends pas comprendre toutes les matières rejetées par l’explosion des volcans, mais seulement celles qui ont été produites ou dénaturées par l’action de leurs feux : un volcan dans une grande éruption, annoncée par les mouvements convulsifs de la terre, soulève, détache et lance au loin les rochers, les sables, les terres, toutes les masses en un mot qui s’opposent à l’exercice de ses forces ; rien ne peut résister à l’élément terrible dont il est animé ; l’océan de feu qui lui sert de base agite et fait trembler la terre avant de l’entr’ouvrir ; les résistances qu’on croirait invincibles sont forcées de livrer passage à ses flots enflammés ; ils enlèvent avec eux les bancs entiers ou en débris des pierres les plus dures, les plus pesantes, comme les couches de terre les plus légères ; et projetant le tout sans ordre et sans distinction, chaque volcan forme, au-dessus ou autour de sa montagne, des collines de décombres de ces mêmes matières, qui faisaient auparavant la partie la plus solide et le massif de sa base.

On retrouve, dans ces amas immenses de matières projetées, les mêmes sortes de pierres vitreuses ou calcaires, les mêmes sables et terres dont les unes n’ayant été que déplacées et lancées sont demeurées intactes, et n’ont reçu aucune atteinte de l’action du feu ; d’autres qui en ont été sensiblement altérées, et d’autres enfin qui ont subi une si forte impression du feu, et souffert un si grand changement, qu’elles ont pour ainsi dire été transformées, et semblent avoir pris une nature nouvelle et différente de celle de toutes les matières qui existaient auparavant.

Aussi avons-nous cru devoir distinguer dans la matière purement brute deux états différents, et en faire deux classes séparées[1] : la première composée des produits immédiats du feu primitif, et la seconde des produits secondaires de ces foyers particuliers de la nature dans lesquels elle travaille en petit comme elle opérait en grand dans le foyer général de la vitrification du globe ; et même ses travaux s’exercent sur un plus grand nombre de substances, et sont plus variés dans les volcans qu’ils ne pouvaient l’être dans le feu primitif, parce que toutes les matières de seconde formation n’existaient pas encore, les argiles, la pierre calcaire, la terre végétale n’ayant été produites que postérieurement par l’intermède de l’eau, au lieu que le feu des volcans agit sur toutes les substances anciennes ou nouvelles, pures ou mélangées, sur celles qui ont été produites par le feu primitif, comme sur celles qui ont été formées par les eaux, sur les substances organisées et sur les masses brutes ; en sorte que les matières volcaniques se présentent sous des formes bien plus diversifiées que celles des matières primitives.

Nous avons recueilli et rassemblé pour le Cabinet du Roi une grande quantité de ces productions de volcans : nous avons profité des recherches et des observations de plusieurs physiciens, qui, dans ces derniers temps, ont soigneusement examiné les volcans actuellement agissants et les volcans éteints ; mais, avec ces lumières acquises et réunies, je ne me flatte pas de donner ici la liste entière de toutes les matières produites par leurs feux, et encore moins de pouvoir présenter le tableau fidèle et complet des opérations qui s’exécutent dans ces fournaises souterraines, tant pour la destruction des substances anciennes que pour la production ou la composition des matières nouvelles.

Je crois avoir bien compris, et j’ai tâché de faire entendre[2] comment se fait la vitrification des laves dans les monceaux immenses de terres brûlées, de cendres et d’autres matières ardentes projetées par explosion dans les éruptions du volcan ; comment la lave jaillit en s’ouvrant des issues au bas de ces monceaux ; comment elle roule en torrents, ou se répand comme un déluge de feu, portant partout la dévastation et la mort ; comment cette même lave, gonflée par son feu intérieur, éclate à sa surface, et jaillit de nouveau pour former des éminences élevées au-dessus de son niveau ; comment enfin, précipitant son cours du haut des côtes dans la mer, elle forme ces colonnes de basalte qui, par leur renflement et leur effort réciproque, prennent une figure prismatique, à plus ou moins de pans suivant les différentes résistances, etc. ; ces phénomènes généraux me paraissent clairement expliqués ; et, quoique la plupart des effets particuliers en dépendent, combien n’y a-t-il pas encore de choses importantes à observer sur la différente qualité de ces mêmes laves et basaltes, sur la nature des matières dont ils sont composés, sur les propriétés de celles qui résultent de leur décomposition ? Ces recherches supposent des études pénibles et suivies : à peine sont-elles commencées ; c’est pour ainsi dire une carrière nouvelle trop vaste pour qu’un seul homme puisse la parcourir tout entière, mais dans laquelle on jugera que nous avons fait quelques pas, si l’on réunit ce que j’en ai dit précédemment à ce que je vais y ajouter[3].

Il était déjà difficile de reconnaître dans les premières matières celles qui ont été produites par le feu primitif, et celles qui n’ont été formées que par l’intermède de l’eau : à plus forte raison aurons-nous peine à distinguer celles qui, étant également des produits du feu, ne diffèrent les unes des autres qu’en ce que les premières n’ont été qu’une fois liquéfiées ou sublimées, et que les dernières ont subi une seconde et peut-être une troisième action du feu. En prenant donc en général toutes les matières rejetées par les volcans, il se trouvera dans leur quantité un certain nombre de substances qui n’ont pas changé de nature : le quartz, les jaspes et les micas doivent se rencontrer dans les laves, sous leur forme propre ou peu altérée ; le feldspath, le schorl, les porphyres et granits peuvent s’y trouver aussi, mais avec de plus grandes altérations, parce qu’ils sont plus fusibles ; les grès et les argiles s’y présenteront convertis en poudres et en verres ; on y verra les matières calcaires calcinées ; le fer et les autres métaux sublimés en safran, en litharge ; les acides et alcalis devenus des sels concrets ; les pyrites converties en soufres vifs ; les substances organisées végétales ou animales réduites en cendres ; et toutes ces matières mélangées à différentes doses ont donné des substances nouvelles, et qui paraissent d’autant plus éloignées de leur première origine qu’elles ont perdu plus de traits de leur ancienne forme.

Et si nous ajoutons à ces effets de la force du feu qui par lui-même consume, disperse et dénature, ceux de la puissance de l’eau qui conserve, rapproche et rétablit, nous trouverons encore dans les matières volcanisées des produits de ce second élément : les bancs de basalte ou de laves auront leurs stalactites comme les bancs calcaires ou les masses de granits ; on y trouvera de même des concrétions, des incrustations, des cristaux, des spaths, etc. Un volcan est à cet égard un petit univers ; il nous présentera plus de variétés, dans le règne minéral, que n’en offre le reste de la terre dont les parties solides n’ayant souffert que l’action du premier feu, et ensuite le travail des eaux, ont conservé plus de simplicité : les caractères imprimés par ces deux éléments, quoique difficiles à démêler, se présentent néanmoins avec des traits mieux prononcés ; au lieu que dans les matières volcaniques, la substance, la forme, la consistance, tout, jusqu’aux premiers linéaments de la figure, est enveloppé, ou mêlé, ou détruit, et de là vient l’obscurité profonde où se trouve jusqu’à ce jour la minéralogie des volcans.

Pour en éclaircir les points principaux, il nous paraît nécessaire de rechercher d’abord quelles sont les matières qui peuvent produire et entretenir ce feu, tantôt violent, tantôt calme et toujours si grand, si constant, si durable, qu’il semble que toutes les substances combustibles de la surface de la terre ne suffiraient pas pour alimenter pendant des siècles une seule de ces fournaises dévorantes ; mais, si nous nous rappelons ici que tous les végétaux produits pendant plusieurs milliers d’années ont été entraînés par les eaux et enfouis dans les profondeurs de la terre, où leurs huiles converties en bitumes les ont conservés ; que toutes les pyrites formées en même temps à la surface de la terre ont suivi le même cours et ont été déposées dans les profondeurs où les eaux ont entraîné la terre végétale ; qu’enfin la couche entière de cette terre, qui couvrait dans les premiers temps les sommets des montagnes, est descendue avec ces matières combustibles pour remplir les cavernes qui servent de voûtes aux éminences du globe, on ne sera plus étonné de la quantité et du volume, ni de la force et de la durée de ces feux souterrains. Les pyrites humectées par l’eau s’enflamment d’elles-mêmes : les charbons de terre dont la quantité est encore plus grande que celle des pyrites, les limons bitumineux qui les avoisinent, toutes les terres végétales anciennement enfouies[NdÉ 1], sont autant de dépôts inépuisables de substances combustibles dont les feux une fois allumés peuvent durer des siècles de siècles, puisque nous avons des exemples de veines de charbon de terre dont les vapeurs s’étant enflammées ont communiqué leur feu à la mine entière de ces charbons qui brûlent depuis plusieurs centaines d’années, sans interruption et sans une diminution sensible de leur masse.

Et l’on ne peut guère douter que les anciens végétaux et toutes les productions résultantes de leur décomposition n’aient été transportés et déposés par les eaux de la mer, à des profondeurs aussi grandes que celles où se trouvent les foyers des volcans, puisque nous avons des exemples de veines de charbon de terre, exploitées à deux milles lieues de profondeur[4], et qu’il est plus que probable qu’on trouverait des charbons de terre et des pyrites, enfouis encore plus profondément.

Or chacune de ces matières, qui sert d’aliment au feu des volcans, doit laisser après la combustion différents résidus, et quelquefois produire des substances nouvelles : les bitumes, en brûlant, donneront un résidu charbonneux, et formeront cette épaisse fumée qui ne paraît enflammée que dans l’obscurité. Cette fumée enveloppe constamment la tête du volcan, et se répand sur ses flancs en brouillard ténébreux ; et, lorsque les bitumes souterrains sont en trop grande abondance, il sont projetés au dehors avant d’être brûlés : nous avons donné des exemples de ces torrents de bitume vomis par les volcans, quelquefois purs et souvent mêlés d’eau. Les pyrites, dégagées de leurs parties fixes et terreuses, se sublimeront sous la forme de soufre, substance nouvelle, qui ne se trouve ni dans les produits du feu primitif, ni dans les matières formées par les eaux ; car le soufre, qu’on dit être formé par la voie humide, ne se produit qu’au moyen d’une forte effervescence dont la grande chaleur équivaut à l’action du feu : le soufre ne pouvait en effet exister avant la décomposition des êtres organisés et la conversion de leurs détriments en pyrites, puisque sa substance ne contient que l’acide et le feu qui s’était fixé dans les végétaux ou animaux, et qu’elle se forme par la combustion de ces mêmes pyrites, déjà remplies du feu fixe qu’elles ont tiré des corps organisés ; le sel ammoniac se formera et se sublimera de même par le feu du volcan ; les matières végétales ou animales contenues dans la terre limoneuse, et particulièrement dans les terreaux, les charbons de terre, les bois fossiles et les tourbes, fourniront cette cendre qui sert de fondant pour la vitrification des laves ; les matières calcaires, d’abord calcinées et réduites en poussière de chaux, sortiront en tourbillons encore plus épais, et paraîtront comme des nuages massifs en se répandant au loin ; enfin la terre limoneuse se fondra, les argiles se cuiront, les grès se coaguleront, le fer et les autres métaux couleront, les granits se liquéfieront, et des unes ou des autres de ces matières, ou du mélange de toutes, résultera la composition des laves, qui dès lors doivent être aussi différentes entre elles que le sont les matières dont elles sont composées.

Et non seulement ces laves contiendront les matières liquéfiées, fondues, agglutinées et calcinées par le feu ; mais aussi les fragments de toutes les autres matières qu’elles auront saisies et ramassées en coulant sur la terre, et qui ne seront que peu ou point altérées par le feu ; enfin elles renfermeront encore, dans leurs interstices et cavités, les nouvelles substances que l’infiltration et la stillation de l’eau aura produites avec le temps en les décomposant, comme elle décompose toutes les autres matières.

La cristallisation, qu’on croyait être le caractère le plus sûr de la formation d’une substance par l’intermède de l’eau, n’est plus qu’un indice équivoque, depuis qu’on sait qu’elle s’opère par le moyen du feu comme par celui de l’eau : toute matière liquéfiée par la fusion donnera, comme les autres liquides, des cristallisations ; il ne leur faut pour cela que du temps, de l’espace et du repos ; les matières volcaniques pourront donc contenir des cristaux, les uns formés par l’action du feu, et les autres par l’infiltration des eaux ; les premiers dans le temps que ces matières étaient encore en fusion, et les seconds longtemps après qu’elles ont été refroidies. Le feldspath est un exemple de la cristallisation par le feu primitif, puisqu’on le trouve cristallisé dans les granits qui sont de première formation. Le fer se trouve souvent cristallisé dans les mines primordiales, qui ne sont que des rochers de pierres ferrugineuses attirables à l’aimant, et qui ont été formées comme les autres grandes masses vitreuses par le feu primitif : ce même fer se cristallise sous nos yeux par un feu lent et tranquille ; il en est de même des autres métaux et de tous les régules métalliques. Les matières volcaniques pourront donc renfermer ou présenter au dehors toutes ces substances cristallisées par le feu : ainsi je ne vois rien dans la nature, de tout ce qui a été formé par le feu ou par l’eau, qui ne puisse se trouver dans le produit des volcans, et je vois en même temps que leurs feux ayant combiné beaucoup plus de substances que le feu primitif, ils ont donné naissance au soufre et à quelques autres minéraux qui n’existent qu’en vertu de cette seconde action du feu. Les volcans ont formé des verres de toutes couleurs dont quelques-uns sont d’un beau bleu céleste, et ressemblent à une scorie ferrugineuse[5] ; d’autres verres aussi fusibles que le feldspath ; des basaltes ressemblant aux porphyres ; des laves vitreuses presque aussi dures que l’agate, et auxquelles on a donné, quoique très improprement, le nom d’agate noire d’Islande ; d’autres laves qui renferment des grenats blancs, des schorls et des chrysolithes, etc. On trouve donc un grand nombre de substances anciennes et nouvelles, pures ou dénaturées dans les basaltes, dans les laves, et même dans la pouzzolane et dans les cendres des volcans. « Le monte Berico près de Vicence, dit M. Ferber, est une colline entièrement formée de cendres de volcan d’un brun noirâtre, dans lesquelles se trouve une très grande quantité de cailloux de calcédoine ou opale : les uns formant des druses dont les parois peuvent avoir l’épaisseur d’un brin de paille, les autres ayant la figure de petits cailloux elliptiques, creux intérieurement, et quelquefois remplis d’eau ; la grandeur de ces derniers varie depuis le diamètre d’un petit pois jusqu’à un demi-pouce… Ces cailloux ressemblent assez aux calcédoines et aux opales : les boules de calcédoine et de zéolithe de Féroé et d’Islande se trouvent nichées dans une terre d’un brun noirâtre, de la même manière que les cailloux dont il est ici question[6]. »

Mais, quoiqu’on trouve dans les produits ou dans les éjections des volcans presque toutes les matières brutes ou minérales du globe, il ne faut pas s’imaginer que le feu volcanique les ait toutes produites, à beaucoup près ; et je crois qu’il est toujours possible de distinguer, soit par un examen exact, soit par le rapport des circonstances, une matière, produite par le feu secondaire des volcans, de toutes les autres qui ont été précédemment formées par l’action du feu primitif ou par l’intermède de l’eau. De la même manière que nous pouvons imiter dans nos fourneaux toutes les pierres précieuses[7], que nous faisons des verres de toutes couleurs, et même aussi blancs que le cristal de roche[8], et presque aussi brillants que le diamant[9] ; que dans ces mêmes fourneaux nous voyons se former des cristallisations sur les matières fondues lorsqu’elles sont en repos et que le feu est longtemps soutenu, nous ne pouvons douter que la nature n’opère les mêmes effets avec bien plus de puissance dans ses foyers immenses, allumés depuis nombre de siècles, entretenus sans interruption et fournis, suivant les circonstances, de toutes les matières dont nous nous servons pour nos compositions. Il faut donc, en examinant les matières volcaniques, que le naturaliste fasse comme le lapidaire, qui rejette au premier coup d’œil et sépare les stras, et autres verres de composition, des vrais diamants et des pierres précieuses ; mais le naturaliste a ici deux grands désavantages : le premier est d’ignorer ce que peut faire et produire un feu dont la véhémence et la continuité ne peuvent être comparées avec celles de nos feux ; le second est l’embarras où il se trouve pour distinguer dans ces mêmes matières volcaniques celles qui, étant vraies substances de nature, ont néanmoins été plus ou moins altérées, déformées ou fondues par l’action du feu, sans cependant être entièrement transformées en verres ou en matières nouvelles ; cependant, au moyen d’une inspection attentive, d’une comparaison exacte et de quelques expériences faciles sur la nature de chacune de ces matières, on peut espérer de les reconnaître assez pour les rapporter aux substances naturelles, ou pour les en séparer et les joindre aux compositions artificielles, produites par le feu de nos fourneaux.

Quelques observateurs, émerveillés des prodigieux effets produits par ces feux souterrains, ayant sous leurs yeux les gouffres et les montagnes formées par leurs éruptions, trouvant dans les matières projetées des substances de toute espèce, ont trop accordé de puissance et d’effet aux volcans ; ne voyant dans les terrains volcanisés que confusion et bouleversement, ils ont transporté cette idée sur le globe entier, et ont imaginé que toutes les montagnes s’étaient élevées par la violente action et la force de ces feux intérieurs dont ils ont voulu remplir la terre jusqu’au centre : on a même attribué à un feu central, réellement existant, la température ou chaleur actuelle de l’intérieur du globe. Je crois avoir suffisamment démontré la fausseté de ces idées : quels seraient les aliments d’une telle masse de feu ? pourrait-il subsister, exister sans air ? et sa force expansive n’aurait-elle pas fait éclater le globe en mille pièces ? et ce feu, une fois échappé après cette explosion, pourrait-il redescendre et se trouver encore au centre de la terre ? Son existence n’est donc qu’une supposition qui ne porte que sur des impossibilités, et dont, en l’admettant, il ne résulterait que des effets contraires aux phénomènes connus et constatés. Les volcans ont à la vérité rompu, bouleversé les premières couches de la terre en plusieurs endroits ; ils en ont couvert et brûlé la surface par leurs éjections enflammées ; mais ces terrains volcanisés, tant anciens que nouveaux, ne sont pour ainsi dire que des points sur la surface du globe, et en comptant avec moi dans le passé cent fois plus de volcans qu’il n’y en a d’actuellement agissants, ce n’est encore rien en comparaison de l’étendue de la terre solide et des mers : tâchons donc de n’attribuer à ces feux souterrains que ce qui leur appartient, ne regardons les volcans que comme des instruments, ou si l’on veut comme des causes secondaires, et conservons au feu primitif et à l’eau, comme causes premières, le grand établissement et la disposition primordiale de la masse entière de la terre[NdÉ 2].

Pour achever de se faire des idées fixes et nettes sur ces grands objets, il faut se rappeler ce que nous avons dit au sujet des montagnes primitives, et les distinguer en plusieurs ordres : les plus anciennes, dont les noyaux et les sommets sont de quartz et de jaspe, ainsi que celles des granits et porphyres qui sont presque contemporaines, ont toutes été formées par les boursouflures du globe dans le temps de sa consolidation ; les secondes dans l’ordre de formation sont les montagnes de schiste ou d’argile qui enveloppent souvent les noyaux des montagnes de quartz ou de granits, et qui n’ont été formées que par les premiers dépôts des eaux après la conversion des sables vitreux en argile ; les troisièmes sont les montagnes calcaires, qui généralement surmontent les schistes ou les argiles, et quelquefois les quartz et les granits, et dont l’établissement est, comme l’on voit, encore postérieur à celui des montagnes argileuses[10] : ainsi les petites ou grandes éminences formées par le soulèvement ou l’effort des feux souterrains, et les collines produites par les éjections des volcans, ne doivent être considérées que comme des tas de décombres, provenant de ces premières matières projetées et accumulées confusément.

On se tromperait donc beaucoup si l’on voulait attribuer aux volcans les plus grands bouleversements qui sont arrivés sur le globe : l’eau a plus influé que le feu sur les changements qu’il a subis depuis l’établissement des montagnes primitives ; c’est l’eau qui a rabaissé, diminué ces premières éminences, ou qui les a enveloppées et couvertes de nouvelles matières ; c’est l’eau qui a miné, percé les voûtes des cavités souterraines qu’elle a fait écrouler, et ce n’est qu’à l’affaissement de ces cavernes qu’on doit attribuer l’abaissement des mers et l’inclinaison des couches de la terre, telle qu’on la voit dans plusieurs montagnes, qui, sans avoir éprouvé les violentes secousses du feu, sans s’être entr’ouvertes pour lui livrer passage, se sont néanmoins affaissées, rompues, et ont penché, en tout ou en partie, par une cause plus simple et bien plus générale, c’est-à-dire par l’affaissement des cavernes dont les voûtes leur servaient de base ; car, lorsque ces voûtes se sont enfoncées, les terres supérieures ont été forcées de s’affaisser, et c’est alors que leur continuité s’est rompue, que leurs couches horizontales se sont inclinées, etc. ; c’est donc à la rupture et à la chute des cavernes ou boursouflures du globe, qu’il faut rapporter tous les grands changements qui se sont faits dans la succession des temps. Les volcans n’ont produit qu’en petit quelques effets semblables[11], et seulement dans les portions de terre où se sont trouvées ramassées les pyrites et autres matières inflammables et combustibles qui peuvent servir d’aliment à leur feu, matières qui n’ont été produites que longtemps après les premières, puisque toutes proviennent des substances organisées.

Nous avons déjà dit que les minéralogistes semblent avoir oublié, dans leur énumération des matières minérales, tout ce qui a rapport à la terre végétale ; ils ne font pas même mention de sa conversion en terre limoneuse, ni d’aucune de ses productions minérales ; cependant cette terre est à nos pieds, sous nos yeux, et ses anciennes couches sont enfouies dans le sein de la terre, à toutes les profondeurs où se trouvent aujourd’hui les foyers des volcans, avec toutes les autres matières qui entretiennent leur feu, c’est-à-dire les amas de pyrites, les veines de charbon de terre, les dépôts de bitume et de toutes les substances combustibles : quelques-uns de ces observateurs ont bien remarqué que la plupart des volcans semblaient avoir leur foyer dans les schistes[12], et que leur feu s’était ouvert une issue, non seulement dans les couches de ces schistes, mais encore dans les bancs et les rochers calcaires qui d’ordinaire les surmontent ; mais ils n’ont pas pensé que ces schistes et ces pierres calcaires avaient, pour base commune, des voûtes de cavernes dont la cavité était en tout ou en partie remplie de terre végétale, de pyrites, de bitume, de charbon et de toutes les substances nécessaires à l’entretien du feu ; que, par conséquent, ces foyers de volcan ne peuvent pas être à de plus grandes profondeurs que celle où les eaux de la mer ont entraîné et déposé les matières végétales des premiers âges, et que par la même conséquence les schistes et pierres calcaires qui surmontent le foyer du volcan n’ont d’autre rapport avec son feu que de lui servir de cheminée ; que, de même, la plupart des substances, telles que les soufres, les bitumes et nombre d’autres minéraux sublimés ou projetés par le feu du volcan, ne doivent leur origine qu’aux matières végétales et aux pyrites qui lui servent d’aliment ; qu’enfin la terre végétale étant la vraie matrice de la plupart des minéraux figurés qui se trouvent à la surface et dans les premières couches du globe, elle est aussi la base de presque tous les produits immédiats de ce feu des volcans.

Suivons ces produits en détail, d’après le rapport de nos meilleurs observateurs, et donnons des exemples de leur mélange avec les matières anciennes. On voit, au monte Ronca et en plusieurs autres endroits du Vicentin, des couches entières d’un mélange de laves et de marbre, ou de pierres calcaires réunies en une sorte de brèche, à laquelle on peut donner le nom de brèche volcanique ; on trouve un autre marbre-lave dans une grande fente perpendiculaire d’un rocher calcaire, laquelle descend jusqu’à l’Astico, torrent impétueux, et ce marbre, qui ressemble à la brèche africaine, est composé de lave noire et de morceaux de marbre blanc dont le grain est très fin, et qui prend parfaitement le poli. Cette lave en brocatelle ou en brèche n’est point rare ; on en trouve de semblables dans la vallée d’Erio-fredo, au-dessus de Tonnesa[13], et dans nombre d’autres endroits des terrains volcanisés de cette contrée : ces marbres-laves varient tant par les couleurs de la lave que par les matières calcaires qui sont entrées dans leur composition.

Les laves du pays de Tresto sont noires et remplies, comme presque toutes les laves, de cristallisations blanches à beaucoup de facettes de la nature du schorl auxquelles on pourrait donner le nom de grenats blancs : ces petits cristaux de grenats ou schorls blancs ne peuvent avoir été saisis que par la lave en fusion, et n’ont pas été produits dans cette lave même par cristallisation, comme semble l’insinuer M. Ferber en disant « qu’ils sont d’une nature et d’une figure qui ne s’est vue jusqu’ici dans aucun terrain de notre globe, sinon dans la lave, et que leur nombre y est prodigieux. On trouve, ajoute-t-il, au milieu de la lave différentes espèces de cailloux qui font feu avec l’acier, telles que des pierres à fusil, des jaspes, des agates rouges, noires, blanches, verdâtres et de plusieurs autres couleurs, des hyacinthes, des chrysolithes, des cailloux de la nature des calcédoines, et des opales qui contiennent de l’eau[14]. » Ces derniers faits confirment ce que nous venons de dire au sujet des cristaux de schorl qui, comme les pierres précédentes, ont été enveloppés dans la lave.

Toutes les laves sont plus ou moins mêlées de particules de fer ; mais il est rare d’y voir d’autres métaux, et aucun métal ne s’y trouve en filons réguliers et qui aient de la suite ; cependant le plomb et le mercure en cinabre, le cuivre et même l’argent, se rencontrent quelquefois en petite quantité dans certaines laves : il y en a aussi qui renferment des pyrites, de la manganèse, de la blende, et de longues et brillantes aiguilles d’antimoine[15].

Les matières fondues par le feu des volcans ont donc enveloppé des substances solides et des minéraux de toutes sortes ; les poudres calcinées qui s’élèvent de ces gouffres embrasés se durcissent avec le temps et se convertissent en une espèce de tuffeau assez solide pour servir à bâtir. Près du Vésuve, ces cendres terreuses rejetées se sont tellement unies et endurcies par le laps de temps, qu’elles forment aujourd’hui une pierre ferme et compacte dont ces collines volcaniques sont entièrement composées[16].

On trouve aussi dans les laves différentes cristallisations qui peuvent provenir de leur propre substance, et s’être formées pendant la condensation et le refroidissement qui a suivi la fusion des laves : alors, comme le pense M. Ferber[17], les molécules de matières homogènes se sont séparées du reste du mélange et se sont réunies en petites masses, et quand il s’en est trouvé une plus grande quantité, il en a résulté des cristaux plus grands. Ce naturaliste dit, avec raison, qu’en général les minéraux sont disposés à adopter des figures déterminées dans la fluidité de fusion par le feu, comme dans la fluidité humide ; et nous ne devons pas être étonnés qu’il se forme des cristaux dans les laves, tandis qu’il ne s’en voit aucun dans nos verres factices ; car la lave, coulant lentement et formant de grandes masses très épaisses, conserve à l’intérieur son état de fusion assez longtemps pour que la cristallisation s’opère : il ne faut dans le verre, dans le fer et dans toute autre matière fondue, que du repos et du temps pour qu’elle se cristallise ; et je suis persuadé qu’en tenant longtemps en fonte celle de nos verres factices, il pourrait s’y former des cristaux fort semblables à ceux qui peuvent se trouver dans les laves des volcans[18].

Les laves, comme les autres matières vitreuses ou calcaires, doivent avoir leurs stalactites propres et produites par l’intermède de l’eau ; mais il ne faut pas confondre ces stalactites avec les cristaux que le feu peut avoir formés[19] : il en est de même de la lave noire scoriforme qui se trouve dans la bouche du Vésuve en grappes branchues comme des coraux, et que M. Ferber dit être une stalactite de laves, puisqu’il convient lui-même que ces prétendues stalactites sont des portions de la même matière qui ont souffert un feu plus violent ou plus long que le reste de la lave[20]. Et quant aux véritables stalactites produites dans les laves par l’infiltration de l’eau, le même M. Ferber nous en fournit des exemples dans ces cristallisations en aiguilles qu’il a vues attachées à la surface intérieure des cavités de la lave, et qui s’y forment comme les cristaux de roche dans les cailloux creux. La grande dureté de ces cristallisations concourt encore à prouver qu’elles ont été produites par l’eau ; car les cristaux du genre vitreux, tels que le cristal de roche, qui sont formés par la voie des éléments humides, sont plus durs que ceux qui sont produits par le feu.

Dans l’énumération détaillée et très nombreuse que cet habile minéralogiste fait de toutes les laves du Vésuve, il observe que les micas qui se trouvent dans quelques laves pourraient bien n’être que les exfoliations des schorls contenus dans ces laves ; cette idée semble être d’autant plus juste, que c’est de cette manière et par exfoliation que se forment tous les micas des verres artificiels et naturels, et les premiers micas ne sont, comme nous l’avons dit, que les exfoliations en lames minces qui se sont séparées de la surface des verres primitifs. Il peut donc exister des micas volcaniques comme des micas de nature, parce qu’en effet le feu des volcans a fait des verres comme le feu primitif. Dès lors, on doit trouver parmi les laves des masses mêlées de mica : aussi M. Ferber fait mention d’une lave grise compacte avec quantité de lames de mica et de schorl en petits points dispersés, qui ressemble si fort à quelques espèces de granits gris à petits grains qu’à la vue il serait très facile de les confondre.

Le soufre se sublime en flocons et s’attache en grande quantité aux cavités et au faite de la bouche des volcans. La plus grande partie du soufre du Vésuve est en forme irrégulière et en petits grains. On voit aussi de l’arsenic mêlé de soufre dans les ouvertures intérieures de ce volcan, mais l’arsenic se disperse irrégulièrement sur la lave et en petite quantité : il y a de même dans les crevasses et cavités de certaines laves une plus ou moins grande quantité de sel ammoniac blanc ; ce sel se sublime quelque temps après l’écoulement de la lave, et l’on en voit beaucoup dans le cratère de la plupart des volcans[21]. Dans quelques morceaux de lave de l’Etna, il se trouve quantité de matière charbonneuse végétale mêlée d’une substance saline, ce qui prouve que c’est un véritable natron, une espèce de soude formée par les feux volcaniques, et que c’est à la combustion des végétaux que cette substance saline est due[22] ; et à l’égard du vitriol, de l’alun et des autres sels qu’on rencontre aussi dans les matières volcaniques, nous ne les regarderons pas comme des produits immédiats du feu, parce que leur production varie suivant les circonstances, et que leur formation dépend plus de l’eau que du feu.

Mais, avant de terminer cette énumération des matières produites par le feu des volcans, il faut rapporter, comme nous l’avons promis, les observations qui prouvent qu’il se forme par les feux volcaniques des substances assez semblables au granit et au porphyre, d’où résulte une nouvelle preuve de la formation des granits et porphyres de nature par le feu primitif : il faut seulement nous défier des noms qui font ici, comme partout ailleurs, plus d’embarras que les choses. M. Ferber a quelque raison de dire « qu’en général il y a très peu de différence essentielle entre le schorl, le spath dur (feldspath), le quartz et les grenats des laves[23]. » Cela est vrai pour le schorl et le feldspath, et je suis comme persuadé qu’originairement ces deux matières n’en font qu’une, à laquelle on pourrait encore réunir, sans se méprendre, les cristaux volcaniques en forme de grenats ; mais le quartz diffère de tous trois par son infusibilité[NdÉ 3] et par ses autres qualités primordiales, tandis que le feldspath, le schorl, soit en feuilles, soit en grains ou grenats, sont des verres également fusibles, et qui peuvent aussi avoir été produits également par le feu primitif et par celui des volcans ; les exemples suivants confirmeront cette idée, que je crois bien fondée.

Les schorls noirs en petits rayons, que l’on aperçoit quelquefois dans le porphyre rouge et presque toujours dans les porphyres verts, sont de la même nature que le feldspath, à la couleur près.

Une lave noire de la Toscane, dans laquelle le schorl est en grandes taches blanches et parallélipipèdes, a quelque ressemblance avec le porphyre appelé serpentine noire antique : le verre de la lave remplace ici la matière du jaspe, et le schorl celle du feldspath.

La lave rouge des montagnes de Bergame, contenant de petits grenats blancs, ressemble au vrai porphyre rouge[24].

Les granits gris à petits grains, et qu’on appelle granitelli, contiennent moins de feldspath que les granits rouges ; et ce feldspath, au lieu d’y être en gros cristaux rhomboïdaux, n’y paraît ordinairement qu’en petites molécules sans forme déterminée. Néanmoins, on connaît une espèce de granit gris à grandes taches blanches parallélipipèdes, et la matière de ces taches, dit M. Ferber[25], tient le milieu entre le schorl et le spath dur (feldspath). Il y a aussi des granits gris qui renferment, au lieu de mica ordinaire, du mica de schorl.

Nous devons observer ici que le granit noir et blanc, qui n’a que peu ou point de particules de feldspath, mais de grandes taches noires oblongues de la nature du schorl, ne serait pas un véritable granit si le feldspath y manque, et si, comme le croit M. Ferber, ces taches de schorl noir remplacent le mica ; d’autant que les rayons du schorl noir « y sont, dit-il, en telle abondance, si grands, si serrés… qu’ils paraissent faire le fond de la pierre. » Et à l’égard du granit vert de M. Ferber, dont le fond est blanc verdâtre avec de grandes taches noires oblongues, et qu’il dit être de la même nature du schorl, et des prétendus porphyres à fond vert de la nature du trapp dont nous avons parlé d’après lui[26], nous présumons qu’on doit plutôt les regarder comme des productions volcaniques que comme de vrais granits ou de vrais porphyres de nature.

Les basaltes qu’on appelle antiques, et les basaltes modernes, ont également été produits par le feu des volcans, puisqu’on trouve dans les basaltes égyptiens les mêmes cristaux de schorl en grenats blancs et de schorl noir en rayons et feuillets, que dans les laves ou basaltes modernes et récents ; que, de plus, le basalte noir, qu’on nomme mal à propos basalte oriental, est mêlé de petites écailles blanches de la nature du schorl, et que sa fracture est absolument pareille à celle de la lave du Monte Albano ; qu’un autre basalte noir antique, dont on a des statues, est rempli de petits cristaux en forme de grenats, et présente quelques feuilles brillantes de schorl noir ; qu’un autre basalte noir antique est mêlé de petites parties de quartz, de feldspath et de mica, et serait par Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/95 conséquent un vrai granit si ces trois substances y étaient réunies comme dans le granit de nature, et non pas nichées séparément comme elles le sont dans ce basalte ; qu’enfin on trouve dans un autre basalte antique, brun ou noirâtre, des bandes ou larges raies de granit rouge à petits grains[27]. Ainsi le vrai basalte antique n’est point une pierre particulière, ni différente des autres basaltes, et tous ont été produits, comme les laves, par le feu des volcans. Et à l’égard des bandes de granit observées dans le dernier basalte comme elles paraissent être de vrai granit, on doit présumer qu’elles ont été enveloppées par la lave en fusion et incrustées dans son épaisseur.

Puisque le feu primitif a formé une si grande quantité de granits, on ne doit pas être étonné que le feu des volcans produise quelquefois des matières qui leur ressemblent ; mais au contraire il me paraît certain que c’est par la voie humide que les cristaux de roche et toutes les pierres précieuses ont été formées ; je pense qu’on doit regarder comme des corps étrangers toutes les chrysolithes, hyacinthes, topazes, calcédoines, opales, etc., qui se trouvent dans les différentes matières fondues par le feu des volcans, et que toutes ces pierres ou cristaux ont été saisis et enveloppés par les laves et basaltes lorsqu’ils coulaient en fusion sur la surface des rochers vitreux, dont ces cristaux ne sont que des stalactites que l’ardeur du feu n’a pas dénaturées. Et quant aux autres cristallisations qui se trouvent formées dans les cavités des laves, elles ont été produites par l’infiltration de l’eau après le refroidissement de ces mêmes laves.

Aux observations de M. Ferber et de M. le baron de Dietrich sur les matières volcaniques et volcanisées, nous ajouterons celles de MM. Desmarest, Faujas de Saint-Fond et de Gensane, qui ont examiné les volcans éteints de l’Auvergne, du Velay, du Vivarais et du Languedoc ; et, quoique j’aie déjà fait mention de la plupart de ces volcans éteints[28], il est bon de recueillir et de présenter ici les différentes substances que ces observateurs ont reconnues aux environs de ces mêmes volcans, et qu’ils ont jugé avoir été produites par leurs anciennes éruptions.

M. de Gensane parle d’un volcan dont la bouche se trouve au sommet de la montagne qui est entre Lunas et Lodève, et qui a dû être considérable, à en juger par la quantité de laves qu’on peut observer dans tout le terrain circonvoisin[29]. Il a reconnu trois volcans dans le voisinage du fort Brescou, sur l’un desquels M. l’évêque d’Agde (Saint-Simon-Sandricourt) a fait, en prélat citoyen, des défrichements et de grandes cultures en vignes qui produisent de bons vins. Ce vieux volcan, stérile jusqu’alors, est couvert d’une si grande épaisseur de laves que le fond du puits que M. l’évêque d’Agde a fait faire dans sa vigne est à cent quatre pieds de profondeur, et entièrement taillé dans ce banc de laves, sans qu’on ait pu en trouver la dernière couche[30], quoique le fond du puits soit à trois pieds au-dessous du niveau de la mer[31]. M. de Gensane ajoute qu’il a compté, dans le seul bas Languedoc, dix volcans éteints, dont les bouches sont encore très visibles.

M. Desmaret prétend distinguer deux sortes de basaltes[32] : il dit avoir comparé le basalte noir, dont on voit plusieurs monuments antiques à Rome, avec ce qu’il appelle le basalte noir des environs de Tulle en Limousin ; il assure avoir vu dans cette pierre des environs de Tulle les mêmes lames, les mêmes taches et bandes de quartz ou de feldspath et de zéolithe que dans le basalte noir antique : néanmoins, ce prétendu basalte de Tulle n’en est point un ; c’est une pierre argileuse mêlée de mica noir et de schorl, qui n’a pas à beaucoup près la dureté de la lave compacte ou du basalte, et qui ne porte d’ailleurs aucun caractère ni aucun indice d’un produit de volcan ; au contraire, les basaltes gris, noirs et verdâtres des anciens sont, de l’aveu même de cet académicien, composés de petits grains assez semblables à ceux d’une lave compacte et d’un tissu serré, et ces basaltes ressemblent entièrement au basalte d’Antrim en Irlande et à celui d’Auvergne[33].

M. Faujas de Saint-Fond a très bien observé toutes les matières produites par les volcans : ses recherches assidues et suivies pendant plusieurs années, et pour lesquelles il n’a épargné ni soins, ni dépenses, l’ont mis en état de publier un grand et bel ouvrage sur les volcans éteints, dans lequel nous puiserons le reste des faits que nous avons à rapporter, en les comparant avec les précédents.

Il a découvert, dans les volcans éteints du Vivarais, les mêmes pouzzolanes grises, jaunes, brunes et roussâtres qui se trouvent au Vésuve et dans les autres terrains volcanisés de l’Italie : les expériences faites dans les bassins du jardin des Tuileries, et vérifiées publiquement, ont confirmé l’identité de nature de ces pouzzolanes de France et d’Italie, et on peut présumer qu’il en est de même des pouzzolanes de tous les autres volcans.

Cet habile naturaliste a remarqué dans une lave grise, pesante et très dure, des cristaux assez gros, mais confus, lesquels, réduits en poudre, ne faisaient aucune effervescence avec l’acide nitreux, mais se convertissaient au bout de quelques heures en une gelée épaisse, ce qui annonce, dit-il, que cette matière est une espèce de zéolithe ; mais je dois observer que ce caractère par lequel on a voulu désigner la zéolithe est équivoque, car toute matière mélangée de vitreux et de calcaire se réduira de même en gelée. Et d’ailleurs, cette réduction en gelée n’est pas un indice certain, puisqu’en augmentant la quantité de l’acide, on parvient aisément à dissoudre la matière en entier.

Le même M. de Saint-Fond a observé que le fer est très abondant dans toutes les laves, et que souvent il s’y présente dans l’état de rouille, d’ocre ou de chaux ; on voit en effet des laves dont les surfaces sont revêtues d’une couche ocreuse produite par la décomposition du fer qu’elles contenaient, et où d’autres couches ocreuses, encore plus décomposées, se convertissent ultérieurement en une terre argileuse qui happe à la langue[34].

Ce même naturaliste rapporte, d’après M. Pazumot, qu’on a d’abord trouvé des zéolithes dans les laves d’Islande, qu’ensuite on en a reconnu dans différents basaltes en Auvergne, dans ceux du Vieux-Brisach en Alsace, dans les laves envoyées des îles de France et de Bourbon, et dans celles de l’île de Feroë. M. Pazumot est en effet le premier qui ait écrit sur la zéolithe trouvée dans les laves, et son opinion est que cette substance n’est pas un produit immédiat du feu, mais une reproduction formée par l’intermède de l’eau et par la décomposition de la terre volcanisée : c’est aussi le sentiment de M. de Saint-Fond ; cependant il avoue qu’il a trouvé de la zéolithe dans l’intérieur du basalte le plus compact et le plus dur. Il n’est donc guère possible de supposer que la zéolithe se soit formée dans ces basaltes par la décomposition de leur propre substance ; et M. de Saint-Fond pense que ces dernières zéolithes étaient formées auparavant, et qu’elles ont seulement été saisies et enveloppées par la lave lorsqu’elle était en fusion. Mais alors, comment est-il possible que la violence du feu ne les ait pas dénaturées, puisqu’elles sont enfermées dans la plus grande épaisseur de la lave où la chaleur était la plus forte ? Aussi notre observateur convient-il qu’il y a des circonstances où le feu et l’eau ont pu produire des zéolithes[35], et il en donne des raisons assez plausibles.

Il dit, après l’avoir éprouvé par comparaison, que le basalte noir du Vivarais est plus dur que le basalte antique ou égyptien[36] ; il a trouvé, sur le plus haut sommet de la montagne du Mézine en Velay, un basalte gris blanc un peu verdâtre, dur et sonore, qui se rapproche par la couleur et par le grain du basalte gris verdâtre d’Égypte, et dans lequel on remarque quelques lames d’un feldspath blanc vitreux qui a le coup d’œil et le brillant d’une eau glacée. Ces lames sont souvent formées en parallélogrammes, et il y a des morceaux où le feldspath renferme lui-même de petites aiguilles de schorl noir[37].

Enfin, il remarque aussi très bien que les dendrites qu’on voit à la superficie de quelques basaltes sont produites par le fer que l’eau dissout et dépose en forme de ramifications.

À l’égard de la figure prismatique que prennent les basaltes, notre observateur m’en a remis, pour le Cabinet du Roi, des triangulaires, c’est-à-dire à trois pans, qu’il dit être les plus rares, des quadrangulaires, des pentagones, des hexagones, des eptagones et des octogones, tous en prismes bien formés ; et, après une infinité de recherches, il avoue n’avoir jamais trouvé du basalte à neuf pans, quoique Molineux dise en avoir vu dans le comté d’Antrim.

Dans certaines laves que M. de Saint-Fond appelle basaltes irréguliers, il a reconnu de la zéolithe en noyau, avec du schorl noir. Dans un autre bassin du Vivarais, il a vu un gros noyau de feldspath blanc à demi transparent, luisant, et ressemblant à du spath calcaire ; et ce feldspath renfermait lui-même une belle aiguille de schorl noir. « Il y a de ces basaltes, dit-il, qui contiennent des noyaux de pierre calcaire et de pierre vitrifiable de la nature de la pierre à rasoir, et d’autres noyaux qui ressemblent à du tripoli. » Il a vu, dans d’autres blocs, de la chrysolite verdâtre ; dans d’autres, du spath calcaire blanc, cristallisé et à demi transparent. D’autres morceaux sont entremêlés de couches de basaltes et de petites couches de pierre calcaire. D’autres renferment des fragments de granit blanc mêlés de schorl noir ; il y en a même dont le granit est en plaques si intimement jointes et liées au basalte que, malgré le poli, la ligne de jonction n’est pas sensible : enfin, dans la cavité d’un autre morceau de basalte, il a reconnu un dépôt ferrugineux sous la forme d’hématite, qui en tapisse tout l’intérieur, et qui est de couleur gorge de pigeon, très chatoyante. On voit sur cette hématite quelques gros grains d’une espèce de calcédoine blanche et demi-transparente : une des faces de ce même morceau est recouverte de dendrites ferrugineuses[38] ; et parmi les laves proprement dites, il en a remarqué plusieurs qui sont tendres, friables, et prennent peu à peu la nature d’une terre argileuse[39].

Il remarque, avec raison, que la pierre de Gallinace, qu’on a nommée agate noire d’Islande, n’a aucun rapport avec les agates, et que ce n’est qu’un verre demi-transparent, une sorte d’émail qui se forme dans les volcans, et que nous pouvons même imiter en tenant de la lave à un feu violent et longtemps continué. On trouve de cette pierre de gallinace non seulement en Islande, mais dans les montagnes volcaniques du Pérou. Les anciens Péruviens la travaillaient pour en faire des miroirs qu’on a trouvés dans leurs tombeaux. Mais il ne faut pas confondre cette pierre de gallinace avec la pierre d’Incas, qui est une marcassite dont ils faisaient aussi des miroirs[40]. On rencontre de même, sur l’Etna et sur le Vésuve, quelques morceaux de gallinace, mais en petite quantité, et M. de Saint-Fond n’en a trouvé qu’en un seul endroit du Vivarais, dans les environs de Rochemaure : ce morceau est tout à fait semblable à la gallinace d’Islande ; il est de même très noir et d’une substance dure, donnant des étincelles avec l’acier, mais on y voit des bulles de la grosseur de la tête d’une épingle, toutes d’une rondeur exacte[41], ce qui paraît être une démonstration de plus de sa formation par le feu.

Indépendamment de toutes les variétés dont nous venons de faire mention, il se trouve très fréquemment dans les terrains volcanisés des brèches et des poudingues que M. de Saint-Fond distingue, avec raison[42], par la différence des matières dont ils sont composés.

La pouzzolane n’est que le détriment des matières volcaniques : vue à la loupe, elle présente une multitude de grains irréguliers ; on y voit aussi des points de schorl noir détachés, et très souvent de petites portions de basalte pur ou altéré. On trouve de la pouzzolane dans presque tous les cantons volcanisés, particulièrement dans les environs des cratères ; il y en a plusieurs espèces et de différentes couleurs dans le Vivarais, et en plus grande abondance dans le Velay[43].

Et je crois qu’on pourrait mettre encore au nombre des pouzzolanes cette matière d’un rouge ferrugineux qui se trouve souvent entre les couches des basaltes, quoiqu’elle se présente comme une terre bolaire qui happe à la langue et qui est grasse au toucher. En la regardant attentivement, on y voit beaucoup de paillettes de schorl noir, et souvent même des portions de lave qui n’ont pas encore été dénaturées et qui conservent tous les caractères de la lave ; mais ce qui prouve sa conformité de nature avec la pouzzolane, c’est qu’en prenant dans cette matière rouge celle qui est la plus liante, la plus pâteuse, on en fait un ciment avec de la chaux vive, et que dans ce ciment le liant de la terre s’évanouit, et qu’il prend consistance dans l’eau comme la plus excellente pouzzolane[44].

Les pouzzolanes ne sont donc pas des cendres, comme quelques auteurs l’ont écrit, mais de vrais détriments des laves et des autres matières volcanisées ; au reste, il me paraît que notre savant observateur assure trop généralement qu’il n’y a point de véritables cendres dans les volcans, et qu’il n’y existe absolument que la matière de la lave cuite, recuite, calcinée, réduite ou en scories graveleuses, ou en poudre fine : d’abord il me semble que, dans tout le cours de son ouvrage, l’auteur est dans l’idée que la lave se forme dans le gouffre ou foyer même du volcan, et qu’elle est projetée hors du cratère sous sa forme liquide et coulante ; tandis qu’au contraire la lave ne se forme que dans les éminences ou monceaux de matières ardentes rejetées et accumulées, soit au-dessus du cratère[45], comme dans le Vésuve, soit à quelque distance des bouches d’éruption, comme dans l’Etna ; la lave ne se forme donc que par une vitrification postérieure à l’éjection, et cette vitrification ne se fait que dans les monceaux de matières rejetées ; elle ne sort que du pied de ces éminences ou monceaux, et dès lors cette matière vitrifiée ne contient en effet point de cendres ; mais les monceaux eux-mêmes en contenaient en très grande quantité, et ce sont ces cendres qui ont servi de fondant pour former le verre de toutes les laves. Ces cendres sont lancées hors du gouffre des volcans, et proviennent des substances combustibles qui servent d’aliment à leur feu ; les pyrites, les bitumes et les charbons de terre, tous les résidus des végétaux et animaux étant les seules matières qui puissent entretenir le feu, il est de toute nécessité qu’elles se réduisent en cendres dans le foyer même du volcan, et qu’elles suivent le torrent de ses projections : aussi plusieurs observateurs, témoins oculaires des éruptions des volcans, ont très bien reconnu les cendres projetées, et quelquefois emportées fort loin par les vents ; et si, comme le dit M. de Saint-Fond, l’on ne trouve pas de cendres autour des anciens volcans éteints, c’est uniquement parce qu’elles ont changé de nature par le laps de temps, et par l’action des éléments humides.

Nous ajouterons encore ici quelques observations de M. de Saint-Fond, au sujet de la formation des pouzzolanes. Les laves poreuses se réduisent en sable et en poussière ; les matières qui ont subi une forte calcination sans se fondre deviennent friables et forment une excellente pouzzolane. La couleur en est jaunâtre, grise, noire ou rougeâtre, en raison des différentes altérations qu’a éprouvées la matière ferrugineuse qu’elles contiennent[46], et il ajoute que c’est uniquement à la quantité du fer contenu dans les laves et basaltes qu’on doit attribuer leur fusibilité : cette dernière assertion me paraît trop exclusive ; ce n’est pas en effet au fer, du moins au fer seul, qu’on doit attribuer la fusibilité des laves, c’est au salin, contenu dans les cendres rejetées par le volcan, qu’elles ont dû leur première vitrification ; et c’est au mélange des matières vitreuses, calcaires et salines, autant et plus qu’aux parties ferrugineuses, qu’elles doivent la facilité de se fondre une seconde fois. Les laves se fondent comme nos verres factices et comme toute autre matière vitreuse mélangée de parties calcaires ou salines, et en général tout mélange et toute composition produit la fusibilité ; car l’on sait que plus les matières sont pures, plus elles sont réfractaires au feu ; le quartz, le jaspe, l’argile et la craie purs y résistent également, tandis que toutes les matières mixtes s’y fondent aisément ; et cette épreuve serait le meilleur moyen de distinguer les substances simples des matières composées, si la fusibilité ne dépendait pas encore plus de la force du feu que du mélange des matières ; car, selon moi, les substances les plus simples et les plus réfractaires ne résisteraient pas à cette action du feu si l’on pouvait l’augmenter à un degré convenable.

En comparant toutes les observations que je viens de rapporter, et donnant même aux différentes opinions des observateurs toute la valeur qu’elles peuvent avoir, il me paraît que le feu des volcans peut produire des matières assez semblables aux porphyres et granits, et dans lesquelles le feldspath, le mica et le schorl se reconnaissent sous leur forme propre ; et ce fait seul une fois constaté suffirait pour qu’on dût regarder comme plus que vraisemblable la formation du porphyre et du granit par le feu primitif, et à plus forte raison celle des matières premières dont ils sont composés.

Mais, dira-t-on, quelque sensibles que soient ces rapports, quelque plausibles que paraissent les conséquences que vous en tirez, n’avez-vous pas annoncé que la figuration de tous les minéraux n’est due qu’au travail des molécules organiques qui, ne pouvant en pénétrer le fond par la trop grande résistance de leur substance dure, ont seulement tracé sur la superficie les premiers linéaments de l’organisation, c’est-à-dire les traits de la figuration ? Or il n’y avait point de corps organisés dans ce premier temps où le feu primitif a réduit le globe en verre ; et même est-il croyable que dans ces feux de nos fourneaux ardents où nous voyons se former des cristaux, il y ait des molécules organiques qui concourent à la forme régulière qu’ils prennent ? Ne suffit-il pas d’admettre la puissance de l’attraction et l’exercice de sa force par les lois de l’affinité pour concevoir que toutes les parties homogènes se réunissant, elles doivent prendre en conséquence des figures régulières, et se présenter sous différentes formes relatives à leur différente nature, telles que nous les voyons dans ces cristallisations ?

Ma réponse à cette importante question est que, pour produire une forme régulière dans un solide, la puissance de l’attraction seule ne suffit pas, et que l’affinité n’étant que la même puissance d’attraction, ses lois ne peuvent varier que par la diversité de figure des particules sur lesquelles elle agit pour les réunir[47] : sans cela, toute matière réduite à l’homogénéité prendrait la forme sphérique, comme la prennent les gouttes d’eau, de mercure et de tout autre liquide, et comme l’ont prise la terre et les planètes dans le temps de leur liquéfaction. Il faut donc nécessairement que tous les corps qui ont des formes régulières, avec des faces et des angles, reçoivent cette impression de figure de quelque autre cause que de l’affinité ; il faut que chaque atome soit déjà figuré avant d’être attiré et réuni par l’affinité ; et, comme la figuration est le premier trait de l’organisation, et qu’après l’attraction, il n’y a d’autre puissance active dans la nature que celle de la chaleur et des molécules organiques qu’elle produit, il me semble qu’on ne peut attribuer qu’à ces mêmes éléments actifs le travail de la figuration.

L’existence des molécules organiques a précédé celle des êtres organisés[NdÉ 4] : elles sont aussi anciennes que l’élément du feu ; un atome de lumière ou de chaleur est par lui-même une molécule active, qui devient organique dès qu’elle a pénétré un autre atome de matière ; ces molécules organiques, une fois formées, ne peuvent être détruites ; le feu le plus violent ne fait que les disperser sans les anéantir : nous avons prouvé que leur essence était inaltérable, leur existence perpétuelle, leur nombre infini ; et qu’étant aussi universellement répandues que les atomes de la lumière, tout concourt à démontrer qu’elles servent également à l’organisation des animaux, des végétaux et à la figuration des minéraux, puisque, après avoir pris à la surface de la terre leur organisme tout entier, dans l’animal et le végétal, retombant ensuite dans la masse minérale, elles réunissent tous les êtres sous la même loi, et ne font qu’un seul empire de tous les règnes de la nature.


Notes de Buffon
  1. Voyez le premier article de cette histoire des Minéraux.
  2. Voyez tome Ier, article des Laves et des Basaltes.
  3. Voyez l’article entier des Volcans : Époques de la Nature, t. II, p. 70 et suiv., et Additions, t. Ier, p. 295 et suiv.
  4. Voyez l’article du Charbon de terre
  5. Je vis à Venise, chez M. Morosini, l’agate noire d’Islande (cronstedt minéral, § 295), et un verre bleu céleste, qui ressemblait si fort à une espèce de scorie de fer bleu que je ne pouvais me persuader que ce fût autre chose ; mais différents connaisseurs dignes de foi m’assurent unanimement qu’on trouvait en abondance de ces verres bleus et noirs parmi les matières volcaniques du Véronais, du Vicentin et d’Azulano, dans l’État vénitien. Lettres de M. Ferber, p. 33 et 34. — Je dois observer que ces verres bleus, auxquels M. Ferber et M. le baron de Dietrich semblent donner une attention particulière, ne la méritent pas, car rien n’est si commun que des verres bleus dans les laitiers de nos fourneaux où l’on fond les mines de fer : ainsi ces mêmes verres se doivent trouver dans les produits des volcans.
  6. Lettres de M. Ferber sur la Minéralogie, p. 24 et 25.
  7. Voyez l’ouvrage de M. de Fontanieu, de l’Académie des sciences, sur la Manière d’imiter toutes les pierres précieuses.
  8. Le verre ou cristal de Bohème, le flintglass, etc.
  9. Les verres brillants, connus vulgairement sous le nom de stras.
  10. « Remarquez encore que, dans mon voyage de l’Italie par le Tyrol, j’ai d’abord traversé des montagnes calcaires, ensuite des schisteuses, et enfin de granit ; que ces dernières étaient les plus élevées ; que je suis redescendu de la partie la plus élevée de la province par des montagnes schisteuses et ensuite calcaires : souvenez-vous de plus qu’on observe la même chose en montant les autres chaînes de montagnes considérables de l’Europe, comme cela est incontestable dans les montagnes Carpathiques, celles de la Saxe, du Hartz, de la Silésie, de la Suisse, des Pyrénées, de l’Écosse et de la Laponie, etc., il paraît qu’on peut en tirer la juste conséquence que le granit forme les montagnes les plus élevées, et en même temps les plus profondes et les plus anciennes que l’on connaisse en Europe, puisque toutes les autres montagnes sont appuyées et reposent sur le granit ; que le schiste argileux, qu’il soit pur ou mêlé de quartz et de mica, c’est-à-dire que ce soit du schiste corné ou du grès, a été posé sur le granit ou à côté de lui, et que les montagnes calcaires ou autres couches de pierre ou de terre amenées par les eaux ont encore été placées par-dessus le schiste. » Lettres sur la Minéralogie, par M. Ferber, etc., p. 495 et 496.
  11. « La vue des crevasses obliques remplies d’une lave couleur de rouille qui sont dans le schiste de Recoaro fournit une des preuves les plus convaincantes que le foyer des volcans existe à la plus grande profondeur dans le schiste et même au-dessous : les fissures qu’on voit ici dans le schiste doivent encore leur origine au dessèchement des parties précédemment imprégnées d’eau, aux violentes commotions et tremblements de terre, enfin aux efforts prodigieux que fait de bas en haut la matière enflammée d’un volcan ; de là les couches calcaires, dont la position primitive était horizontale, sont devenues obliques, telles que sont les couches calcaires supérieures de la Scaglia, adossées aux côtés des monts Euganéens ; de là les fissures des roches calcaires ont été remplies de laves, qui ont même pénétré entre leurs différentes couches et les ont séparées, comme il se voit dans la vallée de Polisella, dans le Véronais et en beaucoup d’autres endroits.

    » Les flots et les inondations ont déposé des couches accidentelles (strata tertiara) qui ont couvert tout le désordre causé par les volcans ; de nouvelles éruptions sont survenues, et il est facile d’entrevoir que, dans peut-être plusieurs milliers d’années, ces événements peuvent s’être réitérés un grand nombre de fois : cette succession de révolutions, dues alternativement au feu et à l’eau, doit avoir occasionné une grande confusion et un mélange surprenant des produits de ces deux éléments. » Lettres sur la Minéralogie, par M. Ferber, etc., p. 65 et 66.

  12. Lettres sur la Minéralogie, par M. Ferber, p. 70 et suiv.
  13. Lettres de M. Ferber, p. 67.
  14. Lettres de M. Ferber, p. 70, 73 et 80. On achète souvent à Naples des verres artificiels au lieu de pierres précieuses du Vésuve, qui sont des variétés de schorl de diverses couleurs qui sortent de ce volcan. Idem, ibidem, p. 146.
  15. Lettres sur la Minéralogie, par M. Ferber, p. 85 et 86.
  16. « Pompéia et Herculanum étaient bâties de ce tuf et de laves : ces villes ont été couvertes de cendres, qui se sont converties en tuf ; sous les jardins de Portici on a découvert trois différents lits de laves les uns sous les autres, et on ignore le nombre des couches volcaniques qu’on trouverait encore au-dessous ; c’est de ce tuf qu’on se sert encore aujourd’hui pour la construction des maisons de Naples… Les catacombes ont été creusées par les anciens dans ce même tuf… On trouve de temps en temps, dans ce tuf et dans les cendres, des cristaux de schorl blanc en forme de grenats arrondis à beaucoup de facettes ; ils sont à demi transparents et vitreux, ou bien ils sont changés en une farine argileuse… Il y a même de ces cristaux dans les pierres ponces rouges que renferme la cendre qui a enseveli Pompéia… La mer détache une quantité de pierres ponces des collines de tuf, contre lesquelles elle se brise ; tout le rivage, depuis Naples jusqu’à Pouzzole, en est couvert : les flots y déposent aussi un sable brillant ferrugineux, attirable à l’aimant, que les eaux ont arraché et lavé hors des cendres contenues dans les collines de tuf… Différentes collines des environs de Naples renferment encore des cendres non endurcies et friables de diverses couleurs qu’on nomme pouzzolanes. » M. le baron de Dietrich remarque avec raison que la vraie pouzzolane n’est pas précisément de la cendre endurcie et friable, comme le dit M. Ferber, mais plutôt de la pierre ponce réduite en très petits fragments, et je puis observer que la bonne pouzzolane, c’est-à-dire celle qui, mêlée avec la chaux, fait les mortiers les plus durables et les plus impénétrables à l’eau, n’est ni la cendre fine ou grossière pure, ni les graviers de ponce blanche, et qu’il n’y a que la pouzzolane mélangée de beaucoup de parties ferrugineuses qui soit supérieure aux mortiers ordinaires : c’est, comme nous le dirons (à l’article des ciments de nature), le ciment ferrugineux qui donne la dureté à presque toutes les terres et même à plusieurs pierres. Au reste, la meilleure pouzzolane, qui vient des environs de Pouzzole, est grise ; celle des provinces de l’État ecclésiastique est jaune, et il y en a de noire sur le Vésuve. M. le baron de Dietrich ajoute que la meilleure pouzzolane des environs de Rome se tire d’une colline qui est à la droite de la via Appia, hors de la porte de Saint-Sébastien, et que les grains de cette pouzzolane sont rougeâtres. Lettres de M. Ferber, p. 181.
  17. « Il y a de ces cristaux, dit M. Ferber, depuis la grandeur d’une tête d’épingle jusqu’à un pouce de diamètre ; ils se trouvent dans la plupart des laves des volcans anciens et modernes ; ils sont serrés les uns contre les autres ; on peut, en frappant sur les laves, les en détacher, et, lorsqu’ils sont tombés, il reste dans la lave une cavité qui conserve l’empreinte des cristaux, et qui est aussi régulière que les cristaux mêmes : il y a communément au centre un petit grain de schorl noir… Il se trouve aussi dans quelques laves du Vésuve de petites colonnes de schorl blanc transparent, avec ou sans pyramides à leur sommet ; et aussi des rayons de schorl noir, minces et en aiguilles, ou plus épais et plus gros, arrondis en hexagones…

    » On trouve dans ces mêmes laves du mica de schorl feuilleté noir, en feuilles plus ou moins grandes, quelquefois hexagones très brillantes ; il paraît que ce ne sont que de petites particules qui ont été détachées par la grande chaleur du schorl noir en colonnes ; peut-être ce schorl était-il feuilleté dans son origine.

    » On y trouve du schorl noir disséminé par petits points dans les laves.

    » Des cristaux de schorl noir fort brillants, hexagones, oblongs, si petits qu’on ne peut découvrir leur figure qu’au moyen de la loupe : la pluie les lave hors des collines de cendres ; ils sont attirables par l’aimant, soit qu’ils aient eux-mêmes cette propriété, soit qu’ils la doivent au sable ferrugineux avec lequel ils sont mêlés.

    » Du schorl vert foncé et noirâtre ou clair, couleur de chrysolithe et d’émeraude : il est renfermé dans une lave noire compacte. Il y en a de la grandeur d’un pouce ; il a la dureté d’un vrai schorl, ou tout au plus celle d’un cristal de quartz coloré, avec la figure duquel il a du rapport ; néanmoins les Napolitains le qualifient de pierre précieuse, ainsi que l’espèce suivante.

    » Du schorl hexagone jaunâtre, couleur de hyacinthe ou de topaze…

    » Qu’on examine avec la loupe la lave noire la plus ferme et la plus compacte, on n’y découvrira que de petits points ou cristaux de schorl blanc ; ce qui prouve qu’ils sont une partie intégrante, et même essentielle de la lave. » Lettres sur la Minéralogie, par M. Ferber, p. 200 jusqu’à 230.

  18. J’avais deviné juste, puisque je viens de voir dans le journal de M. l’abbé Rozier, du mois de septembre 1779, que M. James Keir a observé cette cristallisation dans du verre qui s’était solidifié très lentement. « La forme, dit-il, la régularité et la grandeur des cristaux ont varié selon les circonstances… Les échantillons no 1 ont été pris au fond d’un grand pot, qui était resté dans un fourneau de verrerie pendant qu’on laissait éteindre lentement le feu ; la masse de la matière chauffée était si grande, que la chaleur dura longtemps sans ajouter du chauffage, et que la concrétion du verre fut très longue. Je trouvai la partie supérieure du verre changée en une matière blanche, opaque, ou plutôt demi-opaque, dont la couleur et le tissu ressemblaient à une espèce de verre de Moscovie ; sous cette croûte, qui avait un pouce d’épaisseur ou davantage, le verre était transparent, quoique fort obscurci, et devenu d’un gros bleu, d’un vert foncé qu’il était. On trouvait sur ce verre plusieurs cristaux blancs opaques, qui avaient généralement la forme d’un solide vu de côté… Leur surface se termine par des lignes plutôt elliptiques que circulaires, disposées de manière qu’une section transversale du cristal est un hexagone… On voit au milieu de chaque base du cristal une cavité conique… La grandeur des cristaux contigus ou voisins les uns des autres ne différait pas beaucoup, quoique celle de ceux qui se trouvaient à différentes profondeurs du même pot le fût considérablement : leur plus grand diamètre était d’environ un vingtième de pouce… Ils ne sont pas tous exactement configurés ; mais la plupart ont une régularité si frappante, qu’on ne peut douter que la cristallisation ne soit parfaite.

    » Le verre marqué no 2 offre une autre espèce de cristallisation : je l’ai pris au fond d’un pot qui avait été tiré du fourneau pendant que le verre était rouge. Il y a deux sortes de cristaux : les uns sont des colonnes hautes d’environ un huitième de pouces, larges d’un cinquième de leur hauteur, et irrégulièrement cannelées ou sillonnées de rainures ; les autres… ont leurs bases presque du même diamètre que les précédents, mais leur hauteur est beaucoup moindre, et ne fait qu’environ un sixième de leur largeur. Leurs bases se terminent par des lignes qui paraissent déchirées et irrégulières ; mais plusieurs tendent à une forme hexagone dont la régularité peut avoir été troublée par le mouvement du verre fondu, qui, en tirant le pot du fourneau, aura forcé et plié ces cristaux très minces pendant qu’ils étaient chauds et flexibles.

    » Les échantillons no 3 sortent d’un pot de verrerie, sur le côté duquel avait coulé un peu de verre fondu, qui y adhéra assez longtemps pour former différentes sortes de cristaux : l’intérieur de ces échantillons est aussi couvert d’un verre différemment cristallisé. Quelques cristaux semblent des demi-colonnes… d’autres paraissent composés de plusieurs demi-colonnes réunies sur un même plan, autour du centre commun, comme les rayons d’une roue. Plusieurs de ces rayons semblent s’étrécir en approchant du centre de la roue, et ressemblent par conséquent plus à des segments de morceaux de cônes coupés suivant leur axe qu’à des cylindres…

    » L’échantillon de verre no 4 avait coulé par la fente d’un pot, et adhéra assez longtemps aux barres de la grille du fourneau pour cristalliser. Quelques cristaux paraissent oblongs comme des aiguilles, d’autres globulaires ou d’une figure approchante : plusieurs de ceux qui sont en aiguilles se joignent à un centre commun ; et quoique le trop prompt refroidissement du verre les ait probablement empêchés de s’unir en assez grand nombre pour former des cristaux globulaires complets, ils montrent assez comment ceux qui le sont ont pu le devenir.

    » Toutes les cristallisations que je viens de décrire ont été observées sur un verre à vitre d’un vert noir qui se coule à Stourbridge. Il est composé de sable, de terre calcaire et de cendres de végétaux lessivées.

    » Il y a encore souvent des cristallisations dans le verre des bouteilles ordinaires, dont les matériaux sont presque les mêmes que ceux dont je viens de parler, sauf des scories de fer qu’on y ajoute quelquefois. Je mets ici l’échantillon no 5 : les cristaux n’y sont pas enfouis dans un verre transparent non cristallisé, mais saillant à la surface de la masse qui en est tout opaque et cristallisée. Ils semblent une lame d’épée à deux faces, tronquée par la pointe.

    » Je n’ai vu de cristaux si parfaits que dans ces deux sortes de verre : c’est qu’étant plus fluides et moins tenaces que tout autre quand on les fond, les particules qui constituent les cristaux se joignent plus aisément, et s’appliquent les unes aux autres avec moins de résistance de la part du milieu…

    » La cristallisation change considérablement quelques propriétés du verre : elle détruit sa transparence et lui donne une blancheur opaque ou demi-opaque ; elle augmente sa densité, car celle d’un morceau de verre cristallisé était à celle de l’eau comme 2676 à 1000, au lieu que la densité d’un morceau non cristallisé, pris à côté du premier, conséquemment fait des mêmes matériaux et exposé à la même chaleur et aux autres circonstances, était à celle de l’eau comme 2662 à 1000 : la cristallisation diminue encore la fragilité du verre, car celui qui est cristallisé ne se fêle pas si tôt en passant du chaud au froid.

    » La cristallisation est toujours accompagnée ou précédée de l’évaporation des parties les plus légères et les plus fluides du verre : un morceau transparent, exposé jusqu’à ce qu’il fût entièrement cristallisé, perdit un cinquante-huitième de son poids ; et d’autres expériences me donnent à croire que le verre trop chargé de flux salins se cristallise plus difficilement que les autres verres plus durs, jusqu’à ce qu’il en ait perdu le superflu par l’évaporation… La description de mes cristaux vitreux montre des cristallisations fort variées dans la même espèce de matière soumise à différentes circonstances : elles varient même souvent dans le même morceau de verre, comme je l’ai fait voir, quoique les circonstances n’aient pas changé. » Journal de Physique, septembre 1779, p. 187 et suiv.

  19. « Dans l’intérieur de quelques morceaux de lave qu’on avait rompue, il y avait de petites cavités de la grandeur d’une noix, dont les parois étaient revêtues de cristaux blancs, demi-transparents, en rayons allongés, pyramidaux, pointus ou plats ; quelques-uns avaient une légère teinte d’améthyste : c’est justement de la même manière que les boules d’agate et les géodes sont garnies intérieurement de cristaux de quartz. Il était impossible de découvrir sur toute la circonférence intérieure la plus petite fente dans la lave. Ces cristaux étaient de la nature du schorl, mais très durs ; je leur donnerais aussi volontiers le nom de quartz ; il y avait un peu de terre brune fine et légère comme de la cendre, qui leur était attenante.

    » J’ai conservé un de ces morceaux, parce qu’il me paraît une preuve très convaincante de la possibilité de la cristallisation produite par le feu, et je pense que c’est pendant le refroidissement que se forment le grand nombre de cristaux de schorl blanc en forme de grenats, qu’on voit en si grand nombre dans les laves d’Italie. » Lettres sur la Minéralogie, par M. Ferber, p. 286 et 287.

  20. Lettres sur la Minéralogie, par M. Ferber, p. 239.
  21. M. le baron de Dietrich observe, avec sa sagacité ordinaire, que la formation du sel ammoniac est une preuve de plus de la communication de la mer avec le Vésuve, et que l’acide marin qui le compose ne provient que du sel contenu dans les eaux de la mer qui pénètrent dans les entrailles de ce volcan. Lettres sur la Minéralogie, par M. Ferber, note de la page 247. — Nous ajouterons que la production du sel ammoniac, supposant la sublimation de l’alcali volatil, est une preuve incontestable de la présence des matières animales et végétales enfouies sous les soupiraux des volcans ; et, quant à la communication de la mer avec leurs foyers, s’il fallait un fait de plus pour la prouver, l’éruption du Vésuve de 1631 nous le fournirait, au rapport de Braccini (Descriz. dell’erutt. del Vesuvio, p. 100). Le volcan, dans cette éruption, vomit, avec son eau, des coquilles marines. (Remarques de M. l’abbé Bexon.)
  22. Recherches sur les volcans éteints, par M. Faujas de Saint-Fond, in-fol., p. 70 et suiv.
  23. Lettres sur la Minéralogie, p. 338.
  24. « On trouve le long de l’Adige, sur la chaussée de Vérone à Newmarck, grand nombre de pierres roulées, telles 1o que du porphyre rouge tacheté de blanc, pareil à celui que j’ai vu en morceaux détachés entre Bergame ; Brescia et Vérone, qui forme dans le Bergamasque des montagnes entières, et qu’on y nomme sarrès : je ne puis prendre cette pierre que pour une lave rouge qui ressemble au porphyre ; 2o une espèce de porphyre noir avec des taches blanches oblongues, semblable, à la couleur près, au serpentine verd’ antico ; 3o du granit gris granitello ; 4o entre San-Michele et Newmarck, il y a beaucoup de morceaux détachés d’un porphyre qui compose les montagnes qui sont au delà de Newmarck, et que je vais décrire.

    » Immédiatement après Newmarck, il y a, à main droite, des montagnes de porphyre contiguës, qui occupent une étendue considérable ; elles sont formées : 1o de porphyre noir avec des taches blanches, transparentes, rondes, de la nature du schorl ; 2o de porphyre avec des taches de spath dur rougeâtre ; 3o de porphyre rouge avec des taches blanches : il y en a d’un rouge clair, d’un rouge foncé et de couleur de foie ; 4o le rouge est tout à fait pareil à la pierre qu’on nomme sarrès dans le Bergamasque, avec la différence seulement que, dans les morceaux détachés du sarrès, les taches de spath dur sont devenues opaques et couleur de lait par l’action de l’air, tandis que, dans les montagnes de porphyre rouge, ces taches sont en partie du spath dur couleur de chair, et en partie une espèce de schorl vitreux, transparent, pareil à celui des cristaux en forme de grenats des laves du Vésuve ; mais le schorl du porphyre n’a point adopté de figure régulière : même les taches transparentes blanches, qui sont dans le porphyre noir du no 1, sont un schorl vitreux, et leur forme est ou oblongue ou indéterminée. En général, la ressemblance de ces espèces de porphyre avec les différentes laves du Vésuve, etc., est si grande, que l’œil le plus habitué ne saurait les distinguer, et je n’hésite plus d’avancer que les montagnes de porphyre qui sont derrière Newmarck sont de vraies laves, sans cependant vouloir tirer de là une conclusion générale sur la formation des porphyres : une circonstance que j’aurais presque oubliée m’en donne de nouvelles preuves. Toutes ces montagnes de porphyre sont composées de colonnes quadrangulaires, pour la plupart rhomboïdales, détachées, ou encore attenantes les unes aux autres : ce porphyre a donc la qualité d’adopter cette figure en se fendant et se rompant, comme différentes laves ont la propriété de se cristalliser en colonnes de basalte. Ces hautes montagnes de porphyre de différente couleur s’étendent jusqu’à Bandrol, d’abord à main droite seulement, ensuite des deux côtés du chemin. Ce porphyre s’est partout séparé en grandes ou petites colonnes, généralement quadrangulaires, à sommet tronqué et uni ; les faces qui touchent d’autres colonnes sont lisses ; leur figure enfin est si régulière et si exacte, que personne ne saurait la regarder comme accidentelle : il faut nécessairement convenir que ces colonnes sont dues à une cristallisation ; les angles des sommets tronqués sont pour la plupart inclinés, ou le diamètre des colonnes est communément rhomboïdal ; mais quelques-unes ont la figure de vrais parallélipipèdes rectangles, de la longueur d’un doigt jusqu’à celle d’une aune et demie de Suède, et d’un quart d’aune et plus de diamètre. Il y a beaucoup de ces grandes colonnes plantées sur la chaussée, comme la lave en colonne ou le basalte l’est aux environs de Bolzano. » Lettres de M. Ferber, p. 487 et suiv.

  25. Lettres sur la Minéralogie, p. 346 et 481.
  26. Voyez l’article du porphyre.
  27. « Ces bandes, dit M. Ferber, sont unies à la pierre sans aucune séparation, non comme les cailloux dans les brèches, ni comme si c’était d’anciennes fentes refermées par du granit, mais exactement comme si le basalte et le granit avaient été mous en même temps, et s’étaient incorporés ainsi l’un dans l’autre en s’endurcissant… Ce basalte diffère du précédent en ce que les particules qui constituent le granit y sont réunies, et que par là elles forment un véritable granit ; au lieu que, dans l’espèce précédente, ces parties du granit sont dispersées et placées chacune séparément dans le basalte… Plusieurs savants italiens sont dans l’opinion que le granit même peut aussi être formé par le feu. » Lettres sur la Minéralogie, p. 350.
  28. Voyez Histoire naturelle, t. Ier, p. 295.
  29. Histoire naturelle du Languedoc, t. II, p. 46.
  30. Idem, t. II, p. 158 et 159.
  31. Dans l’île d’Ischia, autrefois Ænaria, et l’une des anciennes Pythécuses, il y a des laves qui ont jusqu’à deux cents pieds d’épaisseur. (Note de M. le baron de Dietrich : Lettres de Ferber, p. 275.)
  32. « La première, dit-il, est le basalte noir ou le schorl en grandes masses, et composé de petites lames que quelques naturalistes italiens appellent aussi gabbro ; la seconde est le basalte gris et même un peu verdâtre… Assez souvent les blocs un peu considérables de ce basalte offrent des taches, et même des sortes de bandes assez suivies, ou de quartz ou de feldspath rosacé, ou même de zéolithe, qui les traversent en différents sens… Le basalte noir a une grande affinité avec le granit… Cette pierre est d’une dureté fort grande, et, vu son mélange avec le granit, il est difficile qu’on en trouve des blocs un peu considérables… La collection des antiquités du Capitole offre un grand nombre de statues de basalte noir… Elles sont de la plus grande dureté, d’un beau noir foncé, et la pierre rend un son clair… Les statues du palais Barberin sont de cette même matière, quoique moins pure, car on y voit des points blancs quartzeux et des taches de granit. » — Ces points blancs quartzeux ne sont-ils pas le schorl en grenats blancs, qui se trouvent dans presque toutes les laves et basaltes ? Voyez les Mémoires de l’Académie des sciences, année 1773, p. 599 et suiv.
  33. « On distingue trois substances qui sont renfermées dans les laves : les points quartzeux et même les granits entiers, le schorl ou gabbro ; les matières calcaires, celles qui sont de la nature de la zéolithe ou de la base de l’alun : ces deux dernières substances présentent dans les laves toutes les matières du travail de l’eau, depuis la stalactite simple jusqu’à l’agate et la calcédoine. Ces substances étrangères existaient auparavant dans le terrain où la lave a coulé, elle les a entraînées et enveloppées ; car j’ai observé que, dans certains cantons, couverts de laves compactes ou d’autres productions de feu, on n’y trouve pas un seul vestige de ces cristaux de gabbro, si les substances qui composent l’ancien sol n’en contiennent point elles-mêmes. »

    Mais nous devons observer qu’indépendamment de ces matières vitreuses ou calcaires, saisies dans leur état de nature, et qui sont plus ou moins altérées par le feu, on trouve aussi dans les laves des matières qui, comme nous l’avons dit, s’y sont introduites depuis par le travail successif des eaux. « Elles sont, comme le dit M. Desmarest, le résultat de l’infiltration lente d’un fluide chargé de ces matières épurées, et qui a même souvent pénétré des masses d’un tissu assez serré ; elles ne s’y trouvent alors que dans un état cristallin et spathique… Elles ont pris la forme de stalactites en gouttes rondes ou allongées, en filets déliés, en tuyaux creux ; et toutes ces formes se retrouvent au milieu des laves compactes comme dans les vides des terres cuites. » Mémoires de l’Académie des sciences, année 1773, p. 624.

    À ce fait, qui ne m’a jamais paru douteux, M. Desmarest en ajoute d’autres qui mériteraient une plus ample explication. « Les matériaux, dit-il, que le feu a fondus pour produire le basalte sont les granits. » — Les granits ne sont pas les seuls matériaux qui entrent dans la composition des basaltes, puisqu’ils contiennent peut-être plus de fer, ou d’autres substances, que de matières graniteuses. — « Les granits, continue cet académicien, ont éprouvé par le feu différents degrés d’altération qui se terminent au basalte : on y voit le spath fusible (feldspath), qui dans quelques-uns est grisâtre, et qui dans d’autres forme un fond noir d’un grain serré ; et au milieu de ces échantillons on démêle aisément le quartz qui reste en cristaux ou intacts, ou éclatés par lames, ou réduits à une couleur d’un blanc terne, comme le quartz blanc rougi au feu et refroidi subitement. » — Le quartz n’est point en cristaux dans les granits de nature, c’est le feldspath qui seul y est en cristaux rhomboïdaux : ainsi le quartz ne peut pas rester en cristaux intacts, etc., dans les basaltes. Cette même remarque doit s’étendre sur ce qui suit. — « J’ai deux morceaux de granit, dit cet académicien, dont une partie est totalement fondue, pendant que l’autre n’est que faiblement altérée… On y suit des bandes alternatives et distinctes de quartz qui est cuit à blanc, et du spath fusible (feldspath) qui est fondu et noir. L’examen des granits fondus à moitié donne lieu de reconnaître que plusieurs espèces de pierres dures, quelques pierres de vérole, certaines ophytes, ne sont que des granits dont la base, qui est le spath fusible (feldspath), a reçu un degré de fusion assez complet, ce qui en fait le fond, et dont les taches ne sont produites que par les cristaux quartzeux du granit non altéré. » Mémoires de l’Académie des sciences, année 1773, p. 705 jusqu’à 756.

  34. Il m’a remis, pour le Cabinet du Roi, une très belle collection en ce genre, dans laquelle on peut voir tous les passages du basalte noir le plus dur à l’état argileux. Les différents morceaux de cette collection présentent toutes les nuances de sa décomposition : l’on y reconnaît de la manière la plus évidente, non seulement toutes les modifications du fer, qui en se décomposant a produit les teintes les plus variées, mais l’on y voit jusqu’à des prismes bien conformés, entièrement convertis en substance argileuse, de manière à pouvoir être coupés avec un couteau aussi facilement que la terre à foulon, tandis que le schorl noir, renfermé dans les prismes, n’a éprouvé aucune altération.

    Un fait digne de la plus grande attention, c’est que, dans certaines circonstances, les eaux s’infiltrant à travers ces laves à demi décomposées, ont entraîné leurs molécules ferrugineuses, et les ont déposées et réunies sous la forme d’hématites dans les cavités adjacentes ; alors les laves terreuses, dépouillées de leur fer, ont perdu leur couleur, et ne se présentent plus que comme une terre argileuse et blanche, sur laquelle l’aimant n’a plus d’action.

  35. « Il y a, dit-il, lieu de croire : 1o que la zéolithe est une pierre mixte et de seconde formation, produite par l’union intime de la matière calcaire avec la terre vitrifiable ;

    » 2o Que la voie humide est en général celle que la nature emploie ordinairement pour la formation de cette pierre, et que la plupart des zéolithes qu’on trouve dans les laves et dans les basaltes y sont étrangères, et y ont été prises accidentellement pendant que la matière était en fusion ;

    » 3o Que les eaux ont pu et peuvent encore attaquer la zéolithe engagée dans les laves, la déplacer et la déposer en lames, quelquefois même en petits cristaux dans les fissures du basalte ;

    » 4o Que les feux souterrains doivent aussi former des combinaisons de la matière calcaire avec la terre vitrifiable, ou de la terre vitrifiable avec certaines substances salines, propres à servir de base aux zéolithes ; mais qu’il faut toujours que l’eau vienne perfectionner ce que le feu n’a fait qu’ébaucher. »

    M. de Saint-Fond donne ensuite une très bonne définition du basalte dans les termes suivants : « J’entends, dit-il, par le mot basalte, une substance volcanique noire, quelquefois grise ou un peu verdâtre, inattaquable aux acides, fusible sans addition, donnant, quand elle est pure et non altérée, quelques étincelles lorsqu’on la frappe avec l’acier trempé, susceptible du poli, et devenant alors une des meilleures pierres de touche. Cette substance doit être regardée comme la matière la plus homogène, la plus fondue, et en même temps la plus compacte que rejettent les volcans. » Recherches sur les volcans éteints, etc., p. 133 et 134.

  36. Il observe quelques différences dans la pâte de ce basalte égyptien, d’après les belles statues de cette matière que M. le duc de Chaulnes a rapportées de son voyage d’Égypte ; elles présentent les variétés suivantes : 1o un basalte noir, dur et compact, dont la pâte offre un grain serré, mais sec et âpre au toucher dans les cassures, et néanmoins susceptible d’un beau poli ; 2o un basalte d’un grain semblable, mais d’une teinte verdâtre ; 3o un basalte d’un gris lavé tirant au vert. Au reste, M. Faujas de Saint-Fond ne regarde pas comme un basalte, ni même comme un produit des volcans, la matière de quelques statues égyptiennes qui, quoique d’une belle couleur noire, n’est qu’une pierre argileuse mêlée de mica et de schorl noir en très petits grains, et cette pierre est bien moins dure que le basalte. Notre observateur recommande enfin de ne pas confondre avec le basalte la matière de quelques statues égyptiennes d’un gris noirâtre, qui n’est qu’un granit à grain fin, ou une sorte de granitello.
  37. « Ce basalte, frappé avec l’acier trempé, jette beaucoup d’étincelles… Sa croûte se dénature quelquefois et devient d’une rouge jaunâtre ; mais, au lieu de se rendre friable ou argileuse, cette espèce d’écorce semble se transformer en une autre substance, et, perdant sa couleur noire, elle ressemble alors à un granit rougeâtre : on peut même dire que ce basalte lui ressemble tellement qu’on y distingue le même grain, et qu’on y voit une multitude de points de schorl noir ; il n’y manquerait que du mica pour en faire du granit complet… Cette espèce de granit incomplet n’est point un vrai granit adhérent accidentellement à la lave, mais une lave réellement changée en granit par le temps, et dont la surface s’est décomposée. » Recherches sur les volcans éteints, par M. Faujas de Saint-Fond, p. 142.
  38. Idem, ibidem, page 166.
  39. « C’est ici un des plus intéressants passages des laves poreuses à l’état d’argile blanche, et l’on peut suivre par l’observation tous les degrés de cette décomposition : il faut pour cela que la lave se soit dépouillée de toutes ses parties ferrugineuses. Ce fer, détaché des laves par l’impression des éléments humides, a été déposé par l’eau sur les laves blanches, et elles ont formé des couches de plusieurs pouces d’épaisseur adhérentes à leur superficie ; ce fer est tantôt en forme de véritable hématite brune, dure, dont la surface est luisante ; d’autres fois, il a fait des couches de fer limoneux, tendre, friable et affectant une espèce d’organisation assez constante ; enfin le fer des laves, s’agglutinant à la matière argileuse, a formé une multitude de géodes ferrugineuses de différentes formes et grosseurs ; et, si l’on suit tous les degrés de la décomposition des laves, on les verra se ramollir et finir par se convertir en terre ferrugineuse et en argile. »

    Voici, selon le même M. de Saint-Fond, l’ordre dans lequel on observe les laves dans une montagne non loin du château de Polignac :

    1o Basalte gris noirâtre ; 2o laves poreuses noires, dont on trouve des masses immédiatement après le basalte ; 3o laves grises et jaunâtres, poreuses, tendres et friables : première altération de cette lave, qui perd sa couleur et son adhésion ;… 4o lave très blanche, poreuse, légère, qui s’est dépouillée de son fer, et qui a passé à l’état d’argile blanche, friable et farineuse ; on y voit quelques petits morceaux moins dénaturés, qui ont conservé une teinte presque imperceptible de noir ; 5o comme le fer qui a abandonné ces laves ne s’est point perdu, les eaux l’ont déposé après ces laves blanches, et en ont formé des espèces de couches de plusieurs pouces d’épaisseur, adhérentes aux laves : ce fer est tantôt en forme de véritable hématite brune, dure, dont la surface est luisante et globuleuse ; d’autres fois il a fait des couches de fer limoneux, tendre, friable et affectant une espèce d’organisation assez constante, qui imite la contexture de certains madrépores de l’espèce des cérébrites ; enfin, le fer des laves, s’agglutinant à la matière argileuse, a formé une multitude d’œtites ou de géodes ferrugineuses de différentes formes et grosseurs, pleines d’une substance terreuse, martiale, qui résonnent et font du bruit lorsqu’on les agite : plusieurs de ces géodes ont une organisation intérieure très singulière, qui est l’ouvrage de l’eau ; 6o après ces géodes, qui sont dispersées dans les laves décomposées, on trouve une argile blanche, solide et peu liante, formée par l’eau qui a réuni les molécules des laves poreuses décomposées : ou c’est peut-être ici une lave compacte, totalement changée en argile ; 7o la couche qui vient après cette dernière est une argile verdâtre qui devient savonneuse et peut se pétrir : elle doit peut-être sa couleur aux couches d’hématite, qui se décomposent à leur tour, et viennent colorer en vert ce dernier banc d’argile qui est le plus considérable, et qui n’offre aucune régularité dans sa position et dans son site. Recherches sur les volcans éteints, etc., p. 171 et suiv.

  40. On distingue dans les guaques, ou tombeaux des Péruviens, deux sortes de miroirs de pierre, les uns de pierres d’Incas, les autres d’une pierre nommée gallinace : la première n’est pas transparente, elle est molle, de la couleur du plomb. Les miroirs de cette pierre sont ordinairement ronds, avec une de leurs surfaces plates, aussi lisses que le plus fin cristal ; l’autre est ovale, ou du moins un peu sphérique, mais moins unie. Quoiqu’ils soient de différentes grandeurs, la plupart ont trois ou quatre pouces de diamètre. M. d’Ulloa en vit un qui n’avait pas moins d’un pied et demi, dont la principale superficie était concave, grossissait beaucoup les objets, aussi polie qu’une pierre pourrait le devenir entre les mains de nos plus habiles ouvriers. Le défaut de la pierre d’Incas est d’avoir des veines et des paillettes qui la rendent facile à briser, et qui gâtent la superficie : on soupçonne qu’elle n’est qu’une composition : à la vérité, il se trouve encore dans les coulées des pierres de cette espèce, mais rien n’empêche de croire qu’on a pu les fondre pour en perfectionner la figure et la qualité.

    La pierre de gallinace est extrêmement dure, mais aussi cassante que la pierre à feu : son nom vient de sa couleur, aussi noire que celle du gallinazo. Les miroirs de cette pierre sont travaillés des deux côtés et fort bien arrondis ; leur poli ne le cède en rien à celui de la pierre d’Incas : entre ces derniers miroirs, il s’en trouve de plats, de concaves et de convexes, et fort bien travaillés. On connaît encore des carrières de cette pierre ; mais les Espagnols n’en font aucun cas, parce qu’avec de la transparence et de la dureté, cette pierre a des pailles. Histoire générale des Voyages, t. XIII, p. 577 et 578.

  41. Recherches sur les volcans éteints, etc., p. 172.
  42. « Les brèches volcaniques sont remaniées par le feu, et amalgamées avec des laves plus modernes qui s’en emparent pour en former un seul et même corps… Ces brèches imitent certains marbres, certains porphyres composés de morceaux irréguliers de diverses matières… Lorsque les fragments de lave encastrés dans ces brèches ont été primitivement roulés et arrondis, ou par les eaux, ou par d’autres circonstances, cette brèche doit prendre, à cause de l’arrondissement des pierres, le nom de poudingue volcanique, pour la distinguer de la véritable brèche volcanique dont les fragments sont irréguliers. » Idem, ibid., p. 173.

    Ces dernières brèches se trouvent souvent en très grandes masses ; l’église cathédrale et la plupart des maisons de la ville du Puy-en-Velay sont construites d’une brèche volcanique, dont il y a de très grands rochers à la montagne de Danis. Cette brèche est quelquefois en masses irrégulières ; mais, pour l’ordinaire, elle est posée par couches fort épaisses, qui ont été produites par les éruptions de l’ancien volcan de Danis. Il y a près du château de Rochemaure des masses énormes d’une autre brèche volcanique formée par une multitude de très petits éclats irréguliers de basalte noir, dur et sain, de quelques grains de schorl noir vitreux, le tout confondu et mêlé de fragments d’une pierre blanchâtre et tirant un peu sur la couleur de rose tendre. « Cette pierre, ajoute M. de Saint-Fond, a le grain fin et serré, et paraît avoir été vivement calcinée ; mais elle ne fait aucune effervescence avec les acides, et c’est peut-être une pierre argileuse qui a perdu une partie de son gluten et de son éclat : elle est aussi tachetée de très petits points noirs qui pourraient être du schorl altéré, ou des points ferrugineux ; il y a aussi dans ces brèches volcaniques des zones de spath calcaire blanc, et même de grandes bandes qui paraissent être l’ouvrage de l’eau… D’autres brèches contiennent des fragments de quartz roulés et arrondis, du jaspe un peu brûlé, et le resté de la masse est un composé d’éclats de basalte de différentes grandeurs, parmi lesquels il se trouve aussi du spath calcaire, des points de schorl, des agates rouges en fragments de la nature des cornalines, des pierres calcaires, le tout agglutiné par une pâte jaunâtre qui ressemble à une espèce de matière sablonneuse… Une autre est composée de fragments de basalte noir encastrés dans une pâte de spath calcaire blanc et en masse… Un de ces poudingues volcaniques est composé de morceaux de basalte noir, durs et arrondis, et il contient de même des cailloux de granit roulés et des noyaux de feldspath arrondis, le tout lié par une pâte graniteuse composée de feldspath, de mica et de quelques points de schorl noir « Recherches sur les volcans éteints, etc., p. 176 et suiv.

  43. Idem, ibidem, p. 181.
  44. Idem, p. 180.
  45. Voyez, dans le volume II, l’article qui a rapport aux basaltes et aux laves.
  46. « L’air et l’humidité attaquent la surface des laves les plus dures : les fumées acides, sulfureuses qui s’élèvent dans les terrains volcanisés, les pénètrent, les attendrissent, et changent leur couleur noire en rouge, et les convertissent en pouzzolane ocreuse… Le basalte lui-même le plus compact et le plus dur se convertit en une pouzzolane rouge ou grise, douce au toucher, et d’une très bonne qualité ; j’ai observé, dit-il, dans le Vivarais, des bancs entiers de basalte converti en pouzzolane rouge : ces bancs, ainsi décomposes, étaient recouverts par d’autres bancs intacts et sains, d’un basalte dur et noir… On trouve dans la montagne de Chenavasi, en Vivarais, le basalte décomposé attenant encore au basalte sain, et on peut y suivre la dégradation de sa décomposition. » Recherches sur les volcans éteints, etc., p. 206.

    À l’égard de la substance même des laves en général, M. de Saint-Fond pense « qu’elles ont pour base une matière quartzeuse ou vitrifiable unie avec beaucoup de fer, et que leur fusibilité n’est due qu’à ce même fer ; il dit que le basalte est de toutes les matières volcaniques celle qui est la plus intimement liée et combinée avec les éléments ferrugineux ; que le fer y est très voisin de l’état métallique, et que c’est à cette cause qu’on peut attribuer la facilité qu’a le basalte de se fondre ; que les laves se trouvent plus ou moins altérées, en raison des différentes impressions et modifications qu’a éprouvées le principe ferrugineux… Que la pouzzolane, le tuffeau, les laves tendres, rouges, jaunâtres ou de différentes couleurs, les laves poreuses, les laves compactes, sont toutes les mêmes quant à leur essence, et ne diffèrent que par les modifications que le feu ou les vapeurs y ont occasionnées… Qu’enfin la pouzzolane rouge ou d’un brun rougeâtre, étant une des productions volcaniques non seulement la plus riche en fer, mais celle où ce minéral se trouve atténué et le plus à découvert, doit former un ciment de la plus grande dureté. » Idem, p. 207.

  47. Voyez, dans les volumes précédents, l’article qui a pour titre : De la nature, seconde vue.
Notes de l’éditeur
  1. Ce que Buffon dit ici des feux souterrains produits par la combustion des pyrites, des charbons de terre, etc., est tout à fait problématique. On ne doit pas admettre davantage les « cavernes qui servent de voûtes aux éminences du globe ».
  2. Voyez dans l’introduction la critique que j’ai faite des idées de Buffon sur les importantes questions soulevées dans cet article.
  3. Le quartz ne fond pas au chalumeau mais sous l’influence de l’électricité il fond et peut même se volatiliser.
  4. Voyez dans l’introduction l’exposé des idées de Buffon sur les molécules organiques et la formation des organismes vivants.