Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des minéraux/Du charbon de terre



DU CHARBON DE TERRE


Nous avons vu, dans l’ordre successif des grands travaux de la nature[1], que les roches vitreuses ont été les premières produites par le feu primitif ; qu’ensuite les grès, les argiles et les schistes se sont formés des débris et de la détérioration de ces mêmes roches vitreuses par l’action des éléments humides, dès les premiers temps après la chute des eaux et leur établissement sur le globe ; qu’alors les coquillages marins ont pris naissance et se sont multipliés en innombrable quantité, avant et durant la retraite de ces mêmes eaux ; que cet abaissement des mers s’est fait successivement, par l’affaissement des cavernes et grandes boursouflures de la terre qui s’étaient formées au moment de sa consolidation par le premier refroidissement ; qu’ensuite, à mesure que les eaux laissaient en s’abaissant les parties hautes du globe à découvert, ces terrains élevés se couvraient d’arbres et d’autres végétaux, lesquels, abandonnés à la seule nature, ne croissaient et ne se multipliaient que pour périr de vétusté et pourrir sur la terre, ou pour être entraînés par les eaux courantes au fond des mers ; qu’enfin ces mêmes végétaux, ainsi que leurs détriments en terreau et en limon, ont formé les dépôts en amas ou en veines que nous retrouvons aujourd’hui dans le sein de la terre sous la forme de charbon, nom assez impropre parce qu’il paraît supposer que cette matière végétale a été attaquée et cuite par le feu, tandis qu’elle n’a subi qu’un plus ou moins grand degré de décomposition par l’humidité, et qu’elle s’est conservée au moyen de son huile convertie par les acides en bitume.

Les débris et résidus de ces immenses forêts et de ce nombre infini de végétaux, nés plusieurs centaines de siècles avant l’homme, et chaque jour augmentés, multipliés sans déperdition, ont couvert la surface de la terre de couches limoneuses, qui de même ont été entraînées par les eaux, et ont formé en mille et mille endroits des dépôts en masses et des couches d’une très grande étendue sur le fond de la mer ancienne[NdÉ 1] ; et ce sont ces mêmes couches de matière végétale que nous retrouvons aujourd’hui à d’assez grandes profondeurs dans les argiles, les schistes, les grès et autres matières de seconde formation qui ont été également transportées et déposées par les eaux ; la formation de ces veines de charbon est donc bien postérieure à celle des matières primitives, puisqu’on ne les trouve qu’avec leurs détriments et dans les couches déposées par les eaux, et que jamais on n’a vu une seule veine de ce charbon dans les masses primitives de quartz ou de granit.

Comme la masse entière des veines ou couches de charbon a été roulée, transportée et déposée par les eaux en même temps et de la même manière que toutes les autres matières calcaires ou vitreuses réduites en poudre, la substance du charbon se trouve presque toujours mélangée de matières hétérogènes, et, selon qu’elle est plus pure, elle devient plus utile et plus propre à la préparation qu’elle doit subir pour pouvoir remplacer comme combustible tous les usages du bois : il y a de ces charbons qui sont si mêlés de poudre de pierre calcaire[2], qu’on ne peut en faire que de la chaux, soit qu’on les brûle en grandes ou en petites masses ; il y en a d’autres qui contiennent une si grande quantité de grès que leur résidu après la combustion n’est qu’une espèce de sable vitreux ; plusieurs autres sont mélangés de matière pyriteuse ; mais tous, sans exception, tirent leur origine des matières végétales et animales, dont les huiles et les graisses se sont converties en bitume[3].

Il y a donc beaucoup de charbons de terre trop impurs pour pouvoir être préparés et substitués aux mêmes usages que le charbon de bois : celui qu’on pourrait appeler pur ne serait pour ainsi dire que du bitume comme le jayet, qui me paraît faire la nuance entre les bitumes et le charbon de terre ; mais dans les meilleurs charbons il se trouve toujours quelques-unes des matières étrangères dont nous venons de parler, et qu’il est difficile d’en séparer ; la qualité du charbon est souvent détériorée par l’efflorescence des pyrites martiales occasionnée par l’humidité de la terre ; comme cette efflorescence ne se fait point sans mouvement et sans chaleur, c’est toujours aux dépens du charbon, parce que souvent cette chaleur le pénètre, le consume et le dessèche. Et lorsqu’on lui fait subir une demi-combustion semblable à celle du bois qu’on cuit en charbon, l’on ne fait que lui enlever et convertir en vapeurs de soufre les parties pyriteuses, qui souvent y sont trop abondantes.

Mais, avant de parler de la préparation et des usages infiniment utiles de ce charbon, il faut d’abord en considérer la substance dans son état de nature : il me paraît certain, comme je viens de le dire, que la matière qui en fait le fond est entièrement végétale. J’ai cité[4] les faits par lesquels il est prouvé qu’au-dessus du toit et dans la couverture de la tête de toutes les veines de charbon, il se trouve des bois fossiles et d’autres végétaux dont l’organisation est encore reconnaissable, et que souvent même on y rencontre des couches de bois à demi charbonnifié[5] : on reconnaît les vestiges des végétaux non seulement dans la substance du charbon, mais encore dans les terres et les schistes dont ils sont environnés ; il est donc évident que tous les charbons de terre tirent leur origine du détriment des végétaux.

De même, on ne peut pas nier que le charbon de terre ne contienne du bitume, puisqu’il en répand l’odeur et l’épaisse fumée au moment qu’on le brûle ; or le bitume n’étant que de l’huile végétale ou de la graisse animale imprégnée d’acide[NdÉ 2], la substance entière du charbon de terre n’est donc formée que de la réunion des débris solides et de l’huile liquide des végétaux, qui se sont ensuite durcis par le mélange des acides. Cette vérité, fondée sur ces faits particuliers, se prouve encore par le principe général qu’aucune substance dans la nature n’est combustible qu’en raison de la quantité de matière végétale ou animale qu’elle contient[NdÉ 3], puisque avant la naissance des animaux et des végétaux, la terre entière a non seulement été brûlée, mais fondue et liquéfiée par le feu ; en sorte que toute matière purement brute ne peut brûler une seconde fois.

Et l’on aurait tort de confondre ici le soufre avec les bitumes, par la raison qu’ils se trouvent souvent ensemble dans le charbon de terre : le soufre ne provient que de la combustion des pyrites formées elles-mêmes de l’acide et du feu fixe contenus dans les substances organisées, au lieu que les bitumes ne sont que leurs huiles grossières imprégnées d’acide : aussi les bitumes ne contiennent point de soufre, et les soufres ne contiennent point de bitume ; ces deux combinaisons opposées, dans des matières qui toutes deux proviennent du détriment des corps organisés, indiquent assez que les moyens employés par la nature pour les former sont différents l’un de l’autre, puisque ces deux produits ne se réunissent ni ne se rencontrent ensemble. En effet, le soufre est formé par l’action du feu, et le bitume par celle de l’acide sur l’huile ; le soufre se produit par la combinaison du feu fixe[6] contenu dans les substances organisées lorsqu’il est saisi par l’acide vitriolique ; les bitumes, au contraire, ne sont que les huiles mêmes des végétaux décomposés par l’eau et mêlés avec les acides : aussi l’odeur du soufre et celle du bitume sont-elles très différentes dans la combustion ; et l’un des plus grands défauts que puisse avoir le charbon de terre, surtout pour les usages de la métallurgie, c’est d’être trop mêlé de matière pyriteuse, parce que, dans la combustion, les pyrites donnent une grande quantité de soufre ; l’excellente qualité du charbon vient au contraire de la pureté de la matière végétale et de l’intimité de son union avec le bitume[7] ; néanmoins les charbons trop bitumineux ont peu de chaleur et donnent une flamme trop passagère, et il paraît que la parfaite qualité du charbon vient de la parfaite union du bitume avec la base terreuse, qui ne permet que successivement les progrès et le développement du feu.

Or les matières végétales se sont accumulées en masses, en couches, en veines, en filons, ou se sont dispersées en petits volumes, suivant les différentes circonstances ; et lorsque ces grandes masses, composées de végétaux et de bitume, se sont trouvées voisines de quelques feux souterrains, elles ont produit, par une espèce de distillation naturelle, les sources de pétrole, d’asphalte et des autres bitumes liquides que l’on voit couler quelquefois à la surface de la terre, mais plus ordinairement à de certaines profondeurs dans son intérieur, et même au fond des lacs[8] et de quelques plages de la mer[9]. Ainsi toutes les huiles qu’on appelle terrestres, et qu’on regarde vulgairement comme des huiles minérales, sont des bitumes qui tirent leur origine des corps organisés et qui appartiennent encore au règne végétal ou animal : leur inflammabilité, la constance et la durée de leur flamme, la quantité très petite de cendres, ou plutôt de matière charbonneuse qu’ils laissent après la combustion, démontrent assez que ce ne sont que des huiles plus ou moins dénaturées par les sels de la terre, qui leur donnent en même temps la propriété de se durcir et de faire ciment dans la plupart des matières où ils se trouvent incorporés.

Mais pour nous en tenir à la seule considération du charbon de terre dans son état de nature, nous observerons d’abord qu’on peut passer par degrés, de la tourbe récente et sans mélange de bitume, à des tourbes plus anciennes devenues bitumineuses, du bois charbonnifié aux véritables charbons de terre, et que par conséquent on ne peut guère douter, indépendamment des preuves rapportées ci-devant, que ces charbons ne soient de véritables végétaux que le bitume a conservés. Ce qui me fait insister sur ce point, c’est qu’il y a des observateurs qui donnent à ces charbons une tout autre origine : par exemple, M. Genneté prétend que le charbon de terre est produit par un certain roc ou grès auquel il donne le nom d’agas[10] ; et M. de Gensane, l’un de nos plus savants minéralogistes, veut que la substance de ce charbon ne soit que de l’argile. La première opinion n’est fondée que sur ce que M. Genneté a vu des veines de charbon sous des bancs de grès ou d’agas, lesquelles veines paraissent s’augmenter ou se régénérer dans les endroits vides dont on a tiré le charbon quelques années auparavant : il dit positivement que le roc (agas) est la matrice du charbon[11] ; que, dans le pays de Liège, la masse de ce roc est à celle du charbon comme 25 sont à 1 ; en sorte qu’il y a vingt-cinq pieds cubiques de roc pour un pied cube de charbon, et qu’il est étonnant que ces vingt-cinq pieds de roc suffisent pour fournir le suc nécessaire à la formation d’un pied cube de charbon[12] : il assure qu’il se reproduit dans ces mêmes veines trente ou quarante ans après qu’elles ont été vidées, et que ce charbon nouvellement produit les remplit dans ce même espace de temps[13]. « On voit, ajoute-t-il, que la houille est formée d’un suc bitumineux qui distille du roc, s’y arrange en veines d’une grande régularité, s’y durcit comme la pierre ; et voilà aussi sans doute pourquoi elle se reproduit. Mais pendant mille ans qu’une veine de houille demeure entre les bancs de roc qui la soutiennent et la couvrent, sans aucun vide, et sans que cette veine augmente en épaisseur, non plus qu’en long et en large, et encore sans qu’elle fasse dépôt ailleurs, autant qu’on sache, que devient donc le suc bitumineux qui, dans quarante ans, peut reproduire et produit en effet une semblable veine ? Je ne sais, continue-t-il, s’il est possible de dévoiler ce mystère[14]. »

M. Genneté est peut-être de tous nos minéralogistes celui qui a donné les meilleurs renseignements pour l’exploitation des mines de charbon, et je rends bien volontiers justice au mérite de cet habile homme, qui a joint à une excellente pratique de très bonnes remarques ; mais sa théorie, que je viens d’exposer, ne me paraît tirée que d’un fait particulier dont il ne fallait pas faire un principe général : il est certain, et je l’ai vu moi-même, qu’il se forme, dans quelques circonstances, des charbons nouveaux par la stillation des eaux, de la même manière qu’il se forme de nouvelles pierres, des albâtres et des marbres nouveaux dans tous les endroits vides qui se trouvent au-dessous des matières de même espèce ; ainsi dans une veine de charbon, tranchée verticalement et abandonnée depuis du temps, on voit, sur les parois et entre les petits lits de l’ancien charbon, une concrétion ordinairement brune et quelquefois blanchâtre, qui n’est qu’une véritable stalactite ou concrétion de la même nature que le charbon dont elle tire son origine par la filtration de l’eau. Ces incrustations charbonneuses peuvent augmenter avec le temps, et peut-être remplir dans une longue succession d’années une fente de quelques pouces, ou si l’on veut de quelques pieds de largeur ; mais, pour que cet effet soit produit, il est nécessaire qu’il y ait au-dessus ou autour de la fente ou cavité qui se remplit, une masse de charbon, laquelle puisse fournir non seulement le bitume, mais encore les autres parties composantes de ce charbon qui se forme, c’est-à-dire la partie végétale, sans quoi ce nouveau charbon ne ressemblerait pas à l’autre ; et s’il ne découlait que du bitume, la stillation ne formerait que du bitume pur et non pas du charbon : or, M. Genneté convient et même affirme que les veines anciennement vidées se remplissent, en quarante ans, de charbon tout semblable à celui qu’elles contenaient, et que cela ne se fait que par le suintement du bitume fourni par le roc voisin de cette veine : dès lors, il faut qu’il convienne aussi que cette veine ne pourrait par ce moyen être remplie d’autre chose que de bitume et non pas de charbon ; il faut de même qu’il fasse attention à une chose très naturelle et très possible, c’est qu’il y a certaines pierres, agas ou autres, qui non seulement sont bitumineuses, mais encore mélangées par lits ou par filons de vraie matière de charbon, et que très probablement les veines qu’il dit s’être remplies de nouveau étaient environnées et couvertes de cette espèce de roche à demi charbonneuse, et dès lors ce mystère, qu’il ne croit pas possible de dévoiler, est un effet très simple et très ordinaire dans la nature. Il me semble qu’il n’est pas nécessaire d’en dire davantage pour qu’on soit bien convaincu que jamais ni le grès, ni l’agas, ni aucune autre roche, n’ont été les matrices d’aucun charbon de terre, à moins qu’ils n’en soient eux-mêmes mélangés en très grande quantité.

L’opinion de M. de Gensane est beaucoup mieux appuyée, et ne me paraît s’éloigner de la vérité que par un point sur lequel il était assez facile de se méprendre : c’est de regarder l’argile et le limon, ou pour mieux dire la terre argileuse et la terre limoneuse, comme n’étant qu’une seule et même chose. Le charbon de terre, selon M. de Gensane, est une terre argileuse, mêlée d’assez de bitume et de soufre pour qu’elle soit combustible. « À la vérité, dit-il, ce charbon, dans son état naturel, ne contient aucun soufre formé, mais il en renferme tous les principes, qui, dans le moment de la combustion, se développent, se combinent ensemble, et font un véritable soufre[15]. »

Il me semble que ce savant auteur n’aurait pas dû faire entrer le soufre dans sa définition du charbon de terre, puisqu’il avoue que le soufre ne se forme que dans sa combustion ; il ne fait donc pas partie réelle de la composition naturelle du charbon, et en effet l’on connaît plusieurs de ces charbons qui ne donnent point de soufre à la combustion : ainsi l’on ne doit point compter le soufre dans les matières dont tout charbon de terre est essentiellement composé, ni dire avec M. de Gensane qu’on doit regarder les veines de charbon de terre comme de vraies mines de soufre[16]. « Et ce qui prouve évidemment que dans le charbon pur il n’y a point de soufre formé, c’est qu’en raffinant le cuivre, le plomb et l’argent avec du charbon pur, on n’observe pas la moindre décomposition du métal : point de matte, point de plackmall, même après plusieurs heures de chauffe[17]. » Mais un autre point bien plus important, c’est l’assertion positive que le fond du charbon de terre n’est que de l’argile[18] ; en sorte que, suivant ce physicien, tous les naturalistes se sont trompés lorsqu’ils ont dit que ces charbons étaient des débris de forêts et d’autres végétaux ensevelis par des bouleversements quelconques[19]. « Il est vrai, continue-t-il, que la mer Baltique charrie tous les printemps une quantité de bois qu’elle amène du Nord, et qu’elle arrange par couches sur les côtes de la Prusse, qui sont successivement recouvertes par les sables ; mais ces bois ne deviendraient jamais charbon de terre, s’il n’y survenait pas une substance bitumineuse qui se combine avec pour leur donner cette qualité : sans cette combinaison, ils se pourriront et deviendront terre. » Ceci m’arrête une seconde fois ; car l’auteur convenant que le charbon de terre peut se former de bois et de bitume, pourquoi veut-il que tous les charbons soient composés de terre argileuse ? et ne suffit-il pas de dire que, partout où les bois et autres débris de végétaux se seront bituminisés par le mélange de l’acide, ils seront devenus charbons de terre ? Et pourquoi composer cette matière combustible d’une matière qui ne peut brûler ? N’y a-t-il pas nombre de charbons qui brûlent en entier et ne laissent après la combustion que des cendres même encore plus douces et plus fines que celles du bois[20] ? Il est donc très certain que ces charbons qui brûlent en entier ne contiennent pas plus d’argile que le bois ; et ceux qui se boursouflent dans la combustion, et laissent une sorte de scorie semblable à du mâchefer léger, n’offrent ce résidu que parce qu’ils sont en effet mêlés, non pas d’argile, mais de limon, c’est-à-dire de terre végétale, dans laquelle toutes les parties fixes du bois se sont rassemblées : or, j’ai démontré en plusieurs endroits de cet ouvrage, et surtout dans les Mémoires de la partie expérimentale, que l’origine du mâchefer ne doit point être attribuée au fer, puisqu’on trouve le même mâchefer dans le feu de l’orfèvre comme dans celui du forgeron, et que j’ai fait moi-même du mâchefer en grande quantité avec du charbon de bois seul et sans addition d’aucun minéral ; dès lors, le charbon de terre doit en produire comme le charbon de bois, et, lorsqu’il en donne en plus grande quantité, c’est que sous le même volume il contient plus de parties fixes que le charbon de bois. J’ai encore prouvé, dans ces mêmes Mémoires et dans l’article précédent, que le limon ou la terre végétale est le dernier résidu des végétaux décomposés, qui d’abord se réduisent en terreau et par succession de temps en limon : j’ai de même averti qu’il ne fallait pas confondre cette terre végétale ou limoneuse avec l’argile, dont l’origine et les qualités sont toutes différentes, même à l’égard des effets du feu, puisque l’argile s’y resserre et que le limon se boursoufle ; et cela seul prouverait qu’il n’y a jamais d’argile, du moins en quantité sensible, dans le charbon de terre, et que dans ceux qui laissent, après la combustion, une scorie boursouflée, il y a toujours une quantité considérable de ce limon formé des parties fixes des végétaux : ainsi, tout charbon de terre pur n’est réellement composé que de matières provenant plus ou moins immédiatement des végétaux.

Pour mieux entendre la génération primitive du charbon de terre et développer sa composition, il faut se rappeler tous les degrés, et même tâcher de suivre les nuances de la décomposition des végétaux, soit à l’air, soit dans l’eau : les feuilles, les herbes et les bois abandonnés et gisants sur la terre commencent par fermenter ; et, s’ils sont accumulés en masses, cette effervescence est assez forte pour les échauffer au point qu’ils brûlent ou s’enflamment d’eux-mêmes ; l’effervescence développe donc toutes les parties du feu fixe que les végétaux contiennent, et ces parties ignées étant une fois enlevées, le terreau produit par la décomposition de ces végétaux n’est qu’une espèce de terre qui n’est plus combustible, parce qu’elle a perdu, et pour ainsi dire exhalé dans l’air les principes de sa combustibilité. Dans l’eau, la décomposition est infiniment plus lente, l’effervescence insensible, et ces mêmes végétaux conservent très longtemps, et peut-être à jamais, les principes combustibles qu’ils auraient en très peu de temps perdus dans l’air : les tourbes nous représentent cette première décomposition des végétaux dans l’eau ; la plupart ne contiennent pas de bitume et ne laissent pas de brûler. Il en est de même de tous ces bois fossiles noirs et luisants, qui sont décomposés au point de ne pouvoir en reconnaître les espèces, et qui cependant ont conservé assez de leurs principes inflammables pour brûler, et qui ne donnent en brûlant aucune odeur de bitume : mais, lorsque ces bois ont été longtemps enfouis ou submergés, ils se sont bituminisés d’eux-mêmes par le mélange de leur huile avec les acides ; et quand ces mêmes bois se sont trouvés sous des couches de terres mêlées de pyrites ou abreuvées de sucs vitrioliques, ils sont devenus pyriteux, et dans cet état ils donnent en brûlant une forte odeur de soufre.

En suivant cette décomposition des végétaux sur la terre, nous verrons que les herbes, les roseaux et même les bois légers et tendres, tels que les peupliers, les saules, donnent en se pourrissant un terreau noir tout semblable à la terre que l’on trouve souvent par petits lits très minces au-dessus des mines de charbon, tandis que les bois solides, tels que le chêne, le hêtre, conservent de la solidité, même en se décomposant, et forment ces couches de bois fossiles qui se trouvent aussi très souvent au-dessus des mines de charbon ; enfin le terreau, par succession de temps, se change en limon ou terre végétale qui est le dernier résidu de la décomposition de tous les êtres organisés : l’observation m’a encore démontré cette vérité[21] ; mais tout le terreau dont la décomposition se sera faite lentement, et qui, ne s’étant pas trouvé accumulé en grandes masses, n’aura par conséquent pas perdu la totalité de ses principes combustibles par une prompte fermentation, et le limon, qui n’est que le terreau même seulement plus atténué, aura aussi conservé une partie de ces mêmes principes. Le terreau, en se changeant en limon, de noir devient jaune ou roux par la dissolution du fer qu’il contient ; il devient aussi onctueux et pétrissable par le développement de son huile végétale : dès lors, tout terreau et même tout limon, n’étant que les résidus des substances végétales, ont également retenu plus ou moins de leurs principes combustibles ; et ce sont les couches anciennes de ces mêmes bois, terreaux et limons, lesquelles se présentent aujourd’hui sous la forme de tourbe, de bois fossile, de houille et de charbon ; car il est encore nécessaire, pour éviter toute confusion, de distinguer ici ces deux dernières matières, quoique la plupart des écrivains aient employé leurs noms comme synonymes ; mais nous n’adopterons, avec M. de Gensane, celui de houille[22] que pour ces terres noires et combustibles qui se trouvent souvent au-dessus, et quelquefois au-dessous des veines de charbon, et qui sont l’un des plus sûrs indices de la présence de ce fossile : et ces houilles ne sont autre chose que nos terreaux[23] purs ou mêlés d’une petite quantité de bitume : la vase qui se dépose dans la mer par couches inclinées, suivant la pente du terrain, et s’étend souvent à plusieurs lieues du rivage comme à la Guyane, n’est autre chose que le terreau des arbres ou autres végétaux qui, trop accumulés sur ces terres inhabitées, sont entraînés par les eaux courantes ; et les huiles végétales de cette vase, saisies par les acides de la mer, deviendront avec le temps de véritables houilles bitumineuses, mais toujours légères et friables, comme le terreau dont elles tirent leur origine, tandis que les végétaux eux-mêmes moins décomposés, étant de même entraînés et déposés par les eaux, ont formé les véritables veines de charbon de terre dont les caractères distinctifs et différents de ceux de la houille se reconnaissent à la pesanteur du charbon, toujours plus compact que la houille, et au gonflement qu’il prend au feu en s’y boursouflant comme le limon, et en donnant de même une scorie plus ou moins poreuse.

Ainsi je crois pouvoir conclure de ces réflexions et observations, que l’argile n’entre que peu ou point dans la composition du charbon de terre ; que le soufre n’y entre que sous la forme de matière pyriteuse qui se combine avec la substance végétale, de sorte que l’essence du charbon est entièrement de matière végétale, tant sous la forme de bitume que sous celle du végétal même. Les impressions si multipliées des différentes plantes qu’on voit dans tous les schistes limoneux qui servent de toits aux veines de charbon sont des témoins qu’on ne peut récuser, et qui démontrent que c’est aux végétaux qu’est due la substance combustible que ces schistes contiennent.

Mais, dira-t-on, ces schistes qui non seulement couvrent, mais accompagnent et enveloppent de tous côtés et en tous lieux les veines de charbon, sont eux-mêmes des argiles durcies et qui ne laissent pas d’être combustibles : à cela je réponds que la méprise est ici la même ; ces schistes combustibles qui accompagnent la veine du charbon sont, comme l’on voit, mêlés de la substance des végétaux dont ils portent les impressions ; la même matière végétale qui a fait le fond de la substance du charbon, a dû se mêler aussi avec le schiste voisin, et dès lors ce n’est plus du schiste pur ou de la simple argile durcie, mais un composé de matière végétale et d’argile, un schiste limoneux imprégné de bitume, et qui dès lors a la propriété de brûler. Il en est de même de toutes les autres terres combustibles que l’on pourrait citer, car il ne faut pas perdre de vue le principe général que nous avons établi, savoir, que rien n’est combustible que ce qui provient des corps organisés.

Après avoir considéré la nature du charbon de terre, recherché son origine, et montré que sa formation est postérieure à la naissance des végétaux, et même encore postérieure à leur destruction et à leur accumulation dans le sein de la terre, il faut maintenant examiner la direction, la situation et l’étendue des veines de cette matière, qui, quoique originaire de la surface de la terre, ne laisse pas de se trouver enfoncée à de grandes profondeurs : elle occupe même des espaces très considérables et se rencontre dans toutes les parties du globe[24]. Nous sommes assurés, par des observations constantes, que la direction la plus générale des veines de charbon est du levant au couchant[25], et que quand cette allure (comme disent les ouvriers) est interrompue par une faille[26], qu’ils appellent caprice de pierre, la veine, que cet obstacle fait tourner au nord ou au midi, reprend bientôt sa première direction du levant au couchant : cette direction, commune au plus grand nombre des veines de charbon, est un effet particulier dépendant de l’effet général du mouvement qui a dirigé toutes les matières transportées par les eaux de la mer, et qui a rendu les pentes de tous les terrains plus rapides du côté du couchant[27]. Les charbons de terre ont donc suivi la loi générale imprimée par le mouvement des eaux à toutes les matières qu’elles pouvaient transporter, et en même temps ils ont pris l’inclinaison de la pente du terrain sur lequel ils ont été déposés, et sur lequel ils sont disposés toujours parallèlement à cette pente ; en sorte que les veines de charbon, même les plus étendues, courent presque toutes du levant au couchant, et ont leur inclinaison au nord en même temps qu’elles sont plus ou moins inclinées dans chaque endroit, suivant la pente du terrain sur lequel elles ont été déposées[28] : il y en a même qui approchent de la perpendiculaire : mais cette grande différence dans leur inclinaison n’empêche pas qu’en général cette inclinaison n’approche, dans chaque veine, de plus en plus de la ligne horizontale, à mesure que l’on descend plus profondément : c’est alors l’endroit que les ouvriers appellent le plateur de la mine, c’est-à-dire le lieu plat et horizontal auquel aboutit la partie inclinée de la veine. Souvent, en suivant ce plateur fort loin, on trouve que la veine se relève et remonte non seulement dans la même direction du levant au couchant, mais encore sous le même degré à très peu près d’inclinaison qu’elle avait avant d’arriver au plateur ; mais ceci n’est qu’un effet particulier, et qui n’a encore été reconnu que dans quelques contrées, telles que le pays de Liège : il dépend de la forme primitive du terrain, comme nous l’expliquerons tout à l’heure ; d’ordinaire, lorsque les veines inclinées sont arrivées à la ligne de niveau, elles ne descendent plus et ne remontent pas de l’autre côté de cette ligne[29].

À cette disposition générale des veines, il faut ajouter un fait tout aussi général, c’est que la même veine va en augmentant d’épaisseur, à mesure qu’elle s’enfonce plus profondément, et que nulle part son épaisseur n’est plus grande que tout au fond, lorsqu’on est arrivé au plateur ou ligne horizontale ; il est donc évident que ces couches ou veines de charbon qui, dans leur inclinaison, suivent la pente du terrain, et qui deviennent en même temps d’autant plus épaisses que la pente est plus douce, et encore plus épaisses dès qu’il n’y a plus de pente, suivent en cela la même loi que toutes les autres matières transportées par les eaux et déposées sur des terrains inclinés : ces dépôts, faits par alluvion sur ces terrains en pente, ne sont pas seulement composés de veines de charbon, mais encore de matières de toute espèce, comme de schistes, de grès, d’argile, de sable, de craie, de pierre calcaire, de pyrites ; et, dans cet amas de matières étrangères qui séparent les veines, il s’en trouve souvent qui sont en grandes masses dures et en bancs inclinés, toujours parallèlement aux veines de charbon.

Il y a ordinairement plusieurs couches de charbon les unes au-dessus des autres et séparées par une épaisseur de plusieurs pieds et même de plusieurs toises de ces matières étrangères. Les veines de charbon s’écartent rarement de leur direction ; elles peuvent, comme nous venons de le dire, former quelque inflexion, mais elles reprennent ensuite leur première direction ; il n’en est pas absolument de même de leur inclinaison : par exemple, si la veine la plus extérieure de charbon a son inclinaison de dix degrés, la seconde veine, quoiqu’à vingt ou trente pieds plus bas que la première, aura dans le même endroit la même inclinaison d’environ dix degrés ; et si, en fouillant plus profondément, il se trouve une troisième, une quatrième veine, etc., elles auront encore à peu près le même degré d’inclinaison, mais ce n’est que quand elles ne sont séparées que par des couches d’une médiocre épaisseur ; car, si la seconde veine, par exemple, se trouve éloignée de la première par une épaisseur très considérable, comme de cent cinquante ou deux cents pieds perpendiculaires, alors cette veine qui est à deux cents pieds au-dessous de la première est moins inclinée, parce qu’elle prend plus d’épaisseur à mesure qu’elle descend, et qu’il en est de même de la masse intermédiaire de matières étrangères, qui sont aussi toujours plus épaisses à une plus grande profondeur.

Pour rendre ceci plus sensible, supposons un terrain en forme d’entonnoir, c’est-à-dire une plaine environnée de collines dont les pentes soient à peu près égales : si cet entonnoir vient à se remplir par des alluvions successives, il est certain que l’eau déposera ses sédiments, tant sur les pentes que sur le fond, et dans ce cas les couches déposées se trouveront également épaisses en descendant d’un côté et en remontant de l’autre ; mais ce dépôt formera sur le plan du fond une couche plus épaisse que sur les pentes, et cette couche du fond augmentera encore d’épaisseur par les matières qui pourront descendre de la pente. Aussi les veines de charbon sont-elles, comme nous venons de le dire, toujours plus épaisses sur leur plateur que dans le cours de leur inclinaison ; les lits qui les séparent sont aussi plus épais par la même raison. Maintenant, si, dans ce même terrain en entonnoir, il se fait un second dépôt de la même matière de charbon, il est évident que, comme l’entonnoir est rétréci et les pentes adoucies par le premier dépôt, cette seconde veine, plus extérieure que la première, sera un peu moins inclinée, et n’aura qu’une moindre étendue dans son plateur : en sorte que, s’il s’est formé de cette manière plusieurs veines les unes au-dessus des autres, et chacune séparée par de grandes épaisseurs de matières étrangères, ces veines et ces matières auront d’autant plus d’inclinaison qu’elles seront plus intérieures, c’est-à-dire plus voisines du terrain sur lequel s’est fait le premier dépôt ; mais, comme cette différence d’inclinaison n’est pas fort sensible dans les veines qui ne sont pas à de grandes distances les unes des autres en profondeur, les minéralogistes se sont accordés à dire que toutes les veines de charbon sont parfaitement parallèles ; cependant il est sûr que cela n’est exactement vrai que quand les veines ne sont séparées que par des lits de médiocre ou petite épaisseur ; car celles qui sont séparées par de grandes épaisseurs ne peuvent pas avoir la même inclinaison, à moins qu’on ne suppose un entonnoir d’un diamètre immense, c’est-à-dire une contrée entière comme le pays de Liège, dont tout le sol est composé de veines de charbon jusqu’à une très grande profondeur.

M. Genneté a donné l’énumération[30] de toutes les couches ou veines de charbon de la montagne de Saint-Gilles au pays de Liège, et j’ai cru devoir en donner ici le tableau, quoiqu’il y ait beaucoup plus de fictif et de conjectural que de réel dans son exposition : il prétend que ces veines sont au nombre de soixante et une, et que la dernière est à quatre mille cent vingt-cinq pieds liégeois de profondeur, tandis que, dans la réalité et de fait, les travaux les plus profonds de la montagne de Saint-Gilles ne sont parvenus qu’à la vingt-troisième veine, laquelle ne se trouve qu’à douze cent quatre-vingt-huit pieds liégeois, c’est-à-dire à mille soixante-treize pieds de Paris de profondeur, suivant le calcul même des distances rapportées par cet auteur. Les autres travaux des environs ne sont pas aussi profonds. M. Genneté a donc eu tort de faire entendre que les mines du pays de Liège ont été fouillées jusqu’à quatre mille cent vingt-cinq pieds de profondeur : tout ce qu’il aurait pu dire, c’est que, si l’on voulait exploiter par le sommet de la montagne de Saint-Gilles sa soixante et unième veine, il faudrait creuser jusqu’à quatre mille cent vingt-cinq pieds de profondeur perpendiculaire, c’est-à-dire à trois mille quatre cent trente-huit pieds de Paris, si toutefois cette veine conserve la même courbure qu’il lui suppose. Rejetant donc comme conjecturales et peut-être imaginaires toutes les veines supposées par M. Genneté[31] au delà de la vingt-troisième, qui est la plus profonde de toutes celles qui ont été fouillées, et n’en comptant en effet que vingt-trois au lieu de soixante et une, on verra, par la comparaison entre elles de ces veines de charbon, toutes situées les unes au-dessous des autres, que leur épaisseur n’est pas relative à la profondeur où elles gisent ; car dans le nombre des veines supérieures, de celles du milieu et des inférieures, il s’en trouve qui sont à peu près également épaisses ou minces, sans aucune règle ni aucun rapport avec leur situation en profondeur[32].

On verra aussi que l’épaisseur plus ou moins grande des matières étrangères interposées entre les veines de charbon n’influe pas sur leur épaisseur propre.

Il en est encore de même de la bonne ou mauvaise qualité des charbons : elle n’a nul rapport ici avec les différentes profondeurs d’où on les tire ; car on voit par le tableau que le meilleur charbon de ces vingt-trois veines est celui qui s’est trouvé dans les quatrième, septième, dixième, onzième, quinzième, dix-septième, dix-huitième et vingt-deuxième veines ; en sorte que dans les veines les plus basses, ainsi que dans celles du milieu, et dans les plus extérieures, il se trouve également du très bon, du médiocre et du mauvais charbon ; cela prouve encore que c’est une même matière, amenée et déposée par les mêmes moyens, qui a formé les unes et les autres de ces différentes veines, et qu’un séjour plus ou moins long dans le sein de la terre n’a pas changé leur nature ni même leur qualité, puisque les plus profondes, et par conséquent les plus anciennement déposées, sont absolument de la même essence et qualité que les plus modernes ; mais cela n’empêche pas qu’ici, comme ailleurs, la partie du milieu et le fond de la veine ne soient toujours celles où se trouve le meilleur charbon : celui de la partie supérieure est toujours plus maigre et plus léger, et à mesure que les rameaux de la veine approchent plus de la surface de la terre, le charbon en est moins compact, et il paraît avoir été altéré par la stillation des eaux[33].

Dans ces vingt-trois veines, il y en a huit de très bon charbon, dix de médiocre qualité, et cinq qui donnent une très mauvaise odeur par la grande quantité de pyrites qu’elles contiennent ; et, comme l’une de ces veines pyriteuses se trouve être la dernière, c’est-à-dire la vingt-troisième, on voit que les pyrites, qui ne se forment ordinairement qu’à de médiocres profondeurs, ne laissent pas de se trouver à plus de douze cent quatre-vingts pieds liégeois dans l’intérieur de la terre, ou mille soixante-treize pieds de Paris ; ce qui démontre qu’elles y ont été déposées en même temps que la matière végétale qui fait le fond de la substance du charbon.

On voit encore, en comparant les épaisseurs de ces différentes veines, qu’elles varient depuis sept pouces jusqu’à cinq pieds et demi, et que celle des lits qui les séparent varie depuis vingt et un pieds jusqu’à quatre-vingt-dix-huit, mais sans aucune proportion ni relation des unes aux autres. Les veines les plus épaisses sont les troisième, quatorzième, dix-neuvième, vingt-deuxième, et la plus mince est la sixième.

Au reste, dans une même montagne, et souvent dans une contrée tout entière, les veines de charbon ne varient pas beaucoup par leur épaisseur, et l’on peut juger dès la première veine de ce qu’on peut attendre des suivantes ; car, si cette veine est mince, toutes les autres le seront aussi. Au contraire, si la première veine qu’on découvre se trouve épaisse, on peut présumer avec fondement que celles qui sont au-dessous ont de même une forte épaisseur.

Dans les différents pays, quoique la direction des veines soit partout assez constante et toujours du levant au couchant, leur situation varie autant que leur inclinaison ; on vient de voir que, dans celui de Liège, elles se trouvent pour ainsi dire à toutes profondeurs. Dans le Hainaut, aux villages d’Anzin, de Fresnes, etc., elles sont fort inclinées avant d’arriver à leur plateur, et se trouvent à trente ou trente-quatre toises au-dessous de la surface du terrain, tandis que, dans le Forez, elles sont presque horizontales et à fleur de terre, c’est-à-dire à deux ou trois pieds au-dessous de sa surface ; il en est à peu près de même en Bourgogne, à Montcenis, Épinac, etc., où les premières veines ne sont qu’à quelques pieds. Dans le Bourbonnais, à Fins, elles se trouvent à deux, trois ou quatre toises, et sont peu inclinées, tandis qu’en Anjou, à Saint-George, Chatel-Oison et Concourson, où elles remontent à la surface, c’est-à-dire à deux, trois et quatre pieds, elles ont dans leur commencement une si forte inclinaison qu’elles approchent de la perpendiculaire ; et ces veines, presque verticales à leur origine, ne font plateur qu’à sept cents pieds de profondeur.

Nous avons dit[34] que les mines d’ardoise et celles de charbon de terre avaient bien des rapports entre elles par leur situation et leur formation : ceci nous en fournit une nouvelle preuve de fait, puisqu’on Anjou, où les ardoises sont posées presque perpendiculairement, les charbons se trouvent souvent de même dans cette situation perpendiculaire. Dans l’Albigeois, à Carmeaux, la veine de charbon ne se trouve qu’a deux cents pieds, et elle fait son plateur à quatre cents pieds[35].

L’épaisseur des veines est aussi très différente dans les différents lieux : on vient de voir que toutes celles du pays de Liège sont très minces, puisque les plus fortes n’ont que cinq pieds et demi d’épaisseur dans la montagne de Saint-Gilles, et sept pieds dans quelques autres contrées de ce même pays. Mais il y a deux manières dont les charbons ont été déposés : la première en veines étendues sur des terrains en pente, et la seconde en masses sur le fond des vallées, et ces dépôts en masses seront toujours plus épais que les veines en pentes. Il y a de ces masses de charbon qui ont jusqu’à dix toises d’épaisseur : or, si les veines étaient partout très minces, on pourrait imaginer avec M. Genneté qu’elles ne sont en effet produites que par le suintement des bitumes des grosses couches intermédiaires ; mais comment concevoir qu’une masse de dix toises d’épaisseur ait pu se produire par cette voie ? On ne peut donc pas douter que ces masses si épaisses ne soient des dépôts de matière végétale accumulés l’un sur l’autre quelquefois jusqu’à soixante pieds d’épaisseur.

Quoique les veines soient à peu près parallèles les unes au-dessus des autres, cependant il arrive souvent qu’elles s’approchent ou s’éloignent beaucoup, en laissant entre elles de plus ou moins grandes distances en hauteur, et ces intervalles sont toujours remplis de matières étrangères dont les épaisseurs sont aussi variables et toujours beaucoup plus fortes que celle des couches de charbon : celles-ci sont en général assez minces ; et communément elles sont d’un pied, deux pieds, jusqu’à six ou sept d’épaisseur ; celles qui sont beaucoup plus épaisses ne sont pas des couches ou veines qui se prolongent régulièrement, mais plutôt, comme nous venons de l’exposer, des amas ou masses en dépôts qui ne se trouvent que dans quelques endroits, et dont l’étendue n’est pas considérable.

Les mines de charbon les plus profondes que l’on connaisse en Europe sont celles du comté de Namur qu’on assure être fouillées jusqu’à deux mille quatre cents pieds du pays[36], ce qui revient à peu près à deux mille pieds de France ; celles de Liège, où l’on est descendu à mille soixante-treize pieds ; celle de Whitehaven près de Moresby, qui passe pour être la plus profonde de toute la Grande-Bretagne, n’a que cent trente brasses, c’est-à-dire six cent quatre-vingt-treize de nos pieds : on y compte vingt couches ou veines de charbon les unes au-dessous des autres.

Dans toutes les mines de charbon et dans quelque pays que ce soit, les surfaces du banc de charbon par lesquelles il est appliqué au toit et au sol sont lisses, luisantes et polies, et on trouve souvent de petits lits durs et pierreux dans la veine même de charbon, lesquels la traversent et la suivent horizontalement. Le cours des veines est aussi assez fréquemment gêné ou interrompu par des bancs de pierre qu’on appelle des creins : ils n’ont ordinairement que peu d’étendue ; mais ils sont souvent d’une matière si dure qu’ils résistent à tous les instruments ; ces creins partent du toit ou du sol de la veine et quelquefois de tous les deux ; ils sont de la même nature que le banc inférieur ou supérieur auquel ils sont attachés. Les failles dont nous avons parlé sont d’une étendue bien plus considérable que les creins, et souvent elles terminent la veine ou du moins l’interrompent entièrement et dans une grande longueur ; elles partent de la plus grande profondeur, traversent toutes les veines et autres matières intermédiaires, et montent quelquefois jusqu’à la surface du terrain : dans le pays de Liège, elles ont pour la plupart quinze ou vingt toises d’épaisseur sans aucune direction ni inclinaison réglées ; il y en a de verticales, d’obliques et d’horizontales en tous sens ; elles ne sont pas de la même substance dans toute leur étendue ; ce ne sont que d’énormes fragments de schiste, de roche, de grès ou d’autres matières pierreuses superposées irrégulièrement, qui semblent s’être éboulées dans les vides de la terre[37].

Les schistes, qui couvrent et enveloppent les veines, sont souvent mêlés de terre limoneuse et presque toujours imprégnés de bitume et de matières pyriteuses ; ils contiennent aussi des parties ferrugineuses et deviennent rouges par l’action du feu ; plusieurs de ces schistes sont combustibles. On a des exemples de bonnes veines de charbon qui se sont trouvées au-dessous d’une mine de fer, et dans lesquelles le schiste qui sert de toit au charbon est plus ferrugineux que les autres schistes ; il y en a qui sont presque entièrement pyriteux, et les charbons qu’ils recouvrent ont un enduit doré et varié d’autres couleurs luisantes : ces charbons pyriteux conservent même ces couleurs après avoir subi l’action du feu ; mais ils les perdent bientôt s’ils demeurent exposés aux injures de l’air, car il n’y a pas de soufre en nature dans les charbons de terre, mais seulement de la pyrite plus ou moins décomposée, et, comme le fer est bien plus abondant que le cuivre dans le sein de la terre, la quantité des pyrites ferrugineuses ou martiales étant beaucoup plus grande que celle des pyrites cuivreuses, presque toutes les veines de charbon sont mêlées de pyrites martiales, et ce n’est qu’en très peu d’endroits où il s’en trouve de mélangées avec les pyrites cuivreuses.

Lors donc qu’il se trouve du soufre en nature dans quelques mines de charbon comme dans celle de Whitehaven en Angleterre, où le schiste qui fait l’enveloppe de la veine de charbon est entièrement incrusté de soufre[38], cet effet ne provient que du feu accidentel qui s’est allumé dans ces mines par l’effervescence des pyrites et l’inflammation de leurs vapeurs ; les mines de charbon dans lesquelles il ne s’est fait aucun incendie ne contiennent point de soufre naturel, quoique presque toutes soient mêlées d’une plus ou moins grande quantité de parties pyriteuses.

Ces charbons pyriteux sont donc imprégnés de l’acide vitriolique et des terres minérales et végétales qui servent de base à l’acide pour la composition de la pyrite ; ces charbons se décomposent à l’air, et très souvent il se produit à leur surface des filets d’alun par leur efflorescence : par exemple, les eaux qui sortent des mines de Montcenis en Bourgogne sont très alumineuses, et il n’est pas même rare de trouver des terres alumineuses près des charbons de terre. On tire aussi quelquefois de l’alun de la substance même du charbon ; on en a des exemples dans la mine de Laval en France[39] ; dans celle de Nordhausen en Allemagne[40], et dans celle du pays de Liège où M. Morand[41] a trouvé une grande quantité d’alun formé en cristaux sur les pierres schisteuses du toit des veines de charbon : « le territoire de ce pays, dit-il, ouvert pour les mines de houille, l’est également pour des terres d’alun dont les mines sont appelées alunières. »

L’alun n’est pas le seul sel qui se trouve dans les charbons de terre : il y a certaines mines de charbon, comme celles de Nicolaï en Silésie, qui contiennent du sel marin, et dont on tire des pierres quelquefois recouvertes d’une grande quantité de sel gemme. En général, tout ce qui entre dans la composition des pyrites et de la terre végétale doit se trouver dans les charbons de terre, car la décomposition de ces substances végétales et pyriteuses y répand tous les sels formés de l’union des acides avec les terres végétales et ferrugineuses.

Quoique nous ayons dit que les veines de charbon étaient ordinairement couvertes et enveloppées par un schiste plus ou moins mêlé de terre végétale ou limoneuse, ce n’est cependant pas une règle sans exception, car il y a quelques mines où le toit et le sol de la veine de charbon sont de grès, et même de pierre calcaire plus ou moins dure : on en a des exemples dans les mines des territoires de Mons, de Juliers, et dans certains endroits de l’Allemagne, cités par le savant chimiste M. Lehmann ; on peut voir, dans le troisième volume de ses Essais sur l’histoire naturelle des couches de la terre, tous les lits qui surmontent et accompagnent les veines de charbon de terre en Misnie près de Vettin et de Loebegin ; en Thuringe dans le comté de Hoheinstein, dans tout le terrain qui environne le Hartz jusqu’auprès du comté de Mansfeld ; et encore les mines du duché de Brunswick près de Helmstadt. On voit, dans le tableau que M. Lehmann donne de ces différents lits, que les veines de charbon se trouvent également sous le schiste, sous une matière spatheuse, sous des pierres feuilletées composées d’argile et d’un peu de pierre calcaire, etc. ; et l’on peut observer que, dans les lits qui séparent les différentes veines de charbon, il n’y a ni ordre de matières, ni suite régulière, et que ces lits sont, dans tous les autres terrains à charbon, comme jetés au hasard, l’argile sur la marne, la pierre calcaire sur le schiste, les substances spathiques sur les sables argileux, etc.

Dans l’immense quantité de décombres et de débris de toute espèce qui surmontent et accompagnent les veines de charbon de terre, il se trouve quelquefois des métaux, des demi-métaux ou minéraux métalliques ; le fer y est abondamment répandu sous la forme d’ocre, et quelquefois en grains de mine[42] ; le cuivre et l’argent s’y trouvent plus rarement, et l’on doit regarder comme chose extraordinaire ce que l’on raconte de la mine de charbon de Chemnitz en Saxe qui contient un très beau vert-de-gris, et produit dans certains essais trente livres de bon cuivre de rosette et cinq onces et demie d’argent par quintal : il me paraît évident que cette quantité de cuivre et d’argent ne se trouve pas dans un quintal de charbon, et qu’on doit regarder cette mine de cuivre comme isolée et séparée de celle du charbon. Il en est à peu près de même des mines de calamine, qui sont assez fréquentes dans le pays de Liège : toutes les mines métalliques de seconde formation peuvent se trouver, comme celles de charbon, dans les couches de la terre qui sont elles-mêmes d’une formation secondaire. Il peut, par cette même raison, se trouver quelques filets ou grains de métal charriés et déposés par la stillation des eaux dans le charbon de terre, qui se seront formés dans cette matière de la même manière qu’ils se forment dans toutes les autres couches de la terre : ces mines métalliques secondaires et parasites tirent leur origine des anciens filons, et n’en sont que des particules détachées par l’eau ou déposées dans le sein de la terre par la décomposition des anciens filons métalliques ; et ce n’est que par ce moyen qu’il peut se trouver quelquefois dans le charbon de terre, comme dans toute autre matière, de petites portions de métaux. M. Kurella en donne quelques exemples ; il cite un morceau de charbon de terre qui laissait apercevoir une mine d’argent pur[43], et ce morceau venait apparemment des mines de Hesse, dans le charbon desquelles on trouve en effet un peu d’argent assez pur ; celle de Richenffein en Silésie contient de l’or ; une de celles du comté de Buckingham dans la Grande-Bretagne donne du plomb, et M. Morand dit que l’étain se trouve aussi quelquefois dans le charbon de terre[44]. Tous les métaux peuvent donc s’y trouver, mais en parcelles et en débris comme toutes les autres matières qui sont de formation secondaire.

Nous devons encore observer au sujet des veines, des couches et des masses de charbon, qu’il s’en trouve très souvent de grands amas qui ne se prolongent pas au loin en veines régulières, et qui néanmoins occupent des espaces assez grands : ces amas ont dû se former toutes les fois que les arbres et autres matières végétales se sont trouvés amoncelés sur des fonds creux environnés d’éminences ; ainsi ces amas n’ont point de communication entre eux, et ne sont pas disposés par veines dirigées du levant au couchant. Ces mines en masses sont bien plus faciles à exploiter que les mines en veines ; elles sont ordinairement plus épaisses et situées moins profondément : dans le Bourbonnais, l’Auvergne, le Forez et la Bourgogne, et dans plusieurs autres provinces de France, les mines dont on tire le plus de charbon sont en amas et non pas en veines prolongées ; elles ont ordinairement huit et dix pieds d’épaisseur de charbon et souvent beaucoup plus.

Mais, comme nous l’avons dit, toutes les mines de charbon, soit en veines ou en amas, ne se trouvent que dans les couches de seconde formation, dont les matières ont été amenées et déposées par les eaux de la mer ; on n’en a jamais trouvé dans les grandes masses vitreuses de première formation, telles que le quartz, les jaspes et les granits : c’est toujours dans les collines et montagnes du second ordre, et surtout dans celles dont la construction par bancs est la plus irrégulière, que gisent ces amas et ces veines de charbon, et la plus grande partie de la masse de ces montagnes est d’ordinaire un schiste ou une argile différemment modifiée ; souvent aussi ce sont ou des grès plus ou moins décomposés, ou des pierres calcaires plus ou moins dures, ou des terres presque toujours imprégnées de matières pyriteuses qui leur donnent plus de pesanteur et une grande dureté. M. Lehmann dit avec quelque raison que le schiste qui sert presque toujours d’assise ou de plancher au charbon de terre n’est qu’une argile durcie, feuilletée, sulfureuse, alumineuse et bitumineuse. Mais je ne vois pas comment on peut en conclure avec lui que ce schiste est bitumineux lorsque sa portion argileuse a été imprégnée d’acide vitriolique, et qu’il est fétide lorsque cette même portion argileuse a été imprégnée d’acide marin[45] ; car le bitume ne se forme pas par le mélange de la terre argileuse avec l’acide vitriolique, mais par celui de ce même acide avec l’huile des végétaux, à moins que cet habile chimiste n’ait, comme M. de Gensane, pris le limon ou la terre limoneuse pour de l’argile. Il ajoute que des observations réitérées ont fait connaître que ces schistes, ardoises, ou pierres feuilletées, occupent la partie du milieu du terrain sur lequel les mines de charbon sont portées, et que ces mines occupent toujours la partie la plus basse ; ce qui n’est pas exactement vrai, puisque l’on trouve souvent des couches de schiste au-dessous des veines de charbon.

Les mines de charbon les plus aisées à exploiter ne sont pas celles qui sont dans les plaines ou dans le fond des vallons : ce sont au contraire celles qui gisent en montagnes, et desquelles on peut tirer les eaux par des galeries latérales, tandis que dans les plaines il faut des pompes ou d’autres machines pour élever les eaux qui sont quelquefois en telle abondance qu’on est obligé d’abandonner les travaux et de renoncer à l’exploitation de ces mines noyées ; et ces eaux, lorsqu’elles ont croupi, prennent souvent une qualité funeste ; l’air s’y corrompt aussi dès qu’il n’a pas une libre circulation ; les accidents causés par les vapeurs qui s’élèvent de ces mines sont peut-être aussi fréquents que dans les mines métalliques. Le docteur Lister est le premier qui ait observé la nature de ces vapeurs ; il en distingue quatre sortes : la première, qu’il nomme exhalaison fleurs de pois parce qu’elle a l’odeur de cette fleur, n’est pas mortelle, et ne se fait guère sentir qu’en été ; la seconde, qu’il appelle exhalaison fulminante, produit en effet un éclair et une forte détonation, en prenant feu à l’approche d’une chandelle, et l’on a remarqué qu’elle ne s’enflammait pas par les étincelles du briquet, en sorte que, pour éclairer les ouvriers dans ces profondeurs entièrement obscures, on s’est quelquefois servi d’une meule, qui, frottée continuellement contre des morceaux d’acier, produisait assez d’étincelles pour leur donner de la lumière sans courir le risque d’enflammer la vapeur ; la troisième, qu’il regarde comme l’exhalaison commune et ordinaire dans toutes ces mines, est un mauvais air qu’on a peine à respirer ; on reconnaît la présence de cette exhalaison à la flamme d’une chandelle qui commence par tourner et diminuer jusqu’à extinction ; il en serait de même de la vie, si l’on s’obstinait à demeurer dans cet air qui paraît avoir perdu partie de son élasticité ; enfin la quatrième vapeur est celle que Lister nomme exhalaison globuleuse : c’est un amas de ce même mauvais air qui s’attache à la voûte de la mine en forme d’un ballon, dont l’enveloppe n’est pas plus épaisse qu’une toile d’araignée ; lorsque ce ballon vient à s’ouvrir, la vapeur qui en sort suffoque, étouffe ceux qui la respirent. Je crois, avec M. Morand, qu’on peut réduire ces quatre sortes de vapeurs à deux : l’une n’est qu’un simple brouillard de mauvais air auquel nous donnerons le nom de mouffette ou pousse[46] ; cet air, qui éteint les lumières et fait périr les hommes, est l’acide aérien ou air fixe, aujourd’hui bien connu[NdÉ 4], qui existe plus ou moins dans tout air, et qui n’a pu être encore ni composé ni décomposé par l’art ; les ventilateurs et le feu lui-même ne le purifient pas et ne font que le déplacer ; il faut donc entretenir une libre circulation dans les mines. Cette vapeur devient plus abondante lorsque les travaux ont été interrompus pendant quelques jours, et dans les grandes chaleurs de l’été le brouillard est quelquefois si fort qu’on est obligé de cesser les ouvrages ; il se condense souvent en filets qui voltigent ; et ce sont apparemment ces filets réunis qui forment les globes dont parle Lister. La seconde exhalaison est la vapeur qui s’enflamme et qu’on appelle feu grieux[47] ; c’est vraiment de l’air inflammable[NdÉ 5], tout pareil à celui qui sort des marais et de toutes les eaux croupies ; cet air siffle et pétille dans certains charbons, surtout lorsqu’ils sont amoncelés ; ils s’enflamment quelquefois d’eux-mêmes comme le feraient des pyrites entassées. Les ouvriers savent reconnaître qu’ils sont menacés de cette exhalaison, et qu’elle va s’allumer par l’effet très naturel qu’elle produit de repousser l’air de l’endroit d’où elle vient : aussi, dès qu’ils s’en aperçoivent, ils se hâtent d’éteindre leurs chandelles ; ils sont encore avertis par les étincelles bleuâtres que la flamme de ces chandelles jette alors en assez grande quantité[48].

Les mauvais effets de toutes ces exhalaisons peuvent être prévenus en purifiant l’air par le feu, et surtout en lui donnant une grande et libre circulation. Souvent les ventilateurs et les puits d’air ne suffisent pas ; il faut établir dans les mines des fourneaux d’aspiration. Au reste, ce n’est guère que dans les mines où le charbon est très pyriteux que ce feu grieux s’allume, et l’on a observé qu’il est plus fréquent dans celles où les eaux croupissent ; mais, dans les mines de charbon purement bitumineux ou peu mélangé de parties pyriteuses, cette vapeur inflammable ne se manifeste point et n’existe peut-être pas.

Comme il y a plusieurs charbons de terre qui sont extrêmement pyriteux, les embrasements spontanés sont assez fréquents dans leurs mines ; et, quand une fois le feu s’est allumé, il est non seulement durable, mais perpétuel : on en a plusieurs exemples, et l’on a vainement tenté d’arrêter le progrès de cet incendie souterrain dont l’effet peu violent n’est pas accompagné de fortes explosions, et n’est nuisible que par la perte du charbon qu’il consume. Souvent ces mines ont été enflammées par les vapeurs mêmes qu’elles exhalent, et qui prennent feu à l’approche des chandelles allumées pour éclairer les ouvriers[49][NdÉ 6].

Dans le travail des mines de charbon de terre, l’on est toujours plus ou moins incommodé par les eaux : les unes y coulent en sources vives, les autres n’y tombent qu’en suintant par les fentes des rochers et des terres supérieures, et les mineurs les plus expérimentés assurent que plus ils creusent, plus les eaux diminuent, et qu’elles sont plus abondantes vers la superficie. Cette observation est conforme aux idées qu’on doit avoir de la quantité des eaux souterraines, qui, ne tirant leur origine que des eaux pluviales, sont d’autant plus abondantes qu’elles ont moins d’épaisseur de terre à traverser ; et ce ne doit être que quand on laisse tomber les eaux des excavations supérieures dans les travaux inférieurs qu’elles paraissent être en plus grande quantité à cette profondeur plus grande ; enfin on a aussi observé que l’étendue superficielle et la direction des suintements et du volume des sources souterraines varient selon les différentes couches des matières où elles se trouvent[50].

Tout le monde sait que l’eau qui ne peut se répandre remonte à la même hauteur dont elle est descendue : rien ne démontre mieux que les eaux souterraines, même les plus profondes, proviennent uniquement des eaux de la superficie, puisqu’en perçant la terre jusqu’à cette profondeur avec des tarières, on se procure des eaux jaillissantes à la surface ; mais, lorsqu’au lieu de former un siphon dans la terre, comme l’on fait avec la tarière, on y perce de larges puits et des galeries, l’eau s’épanche au lieu de remonter, et se ramasse en si grande quantité que l’épuisement en est quelquefois au-dessus de toutes nos forces et des ressources de l’art ; les machines les plus puissantes que l’on emploie dans les mines de charbon sont les pompes à feu dont ordinairement on peut augmenter les effets autant qu’il est nécessaire pour se débarrasser des eaux, et sans qu’il en coûte d’autres frais que ceux de la construction de la machine, puisque c’est le charbon même de la mine qui sert d’aliment au feu, dont l’action, par le moyen des vapeurs de l’eau bouillante, fait mouvoir les pistons de la pompe[51] ; mais, quand la profondeur est très grande et que les eaux sont trop abondantes, cette machine, la meilleure de toutes, n’a pas encore assez de puissance pour les épuiser.

Les eaux qui coulent dans les terres voisines des mines de charbon sont de qualités différentes : il y en a de très pures et bonnes à boire ; mais ce ne sont que celles qui viennent des terres situées au-dessus des charbons ; celles qui se trouvent dans le fond de leur mine sont quelquefois bitumineuses et plus souvent vitrioliques et alumineuses ; l’alun ou le vitriol martial, qu’elles tiennent en dissolution, sont eux-mêmes très souvent altérés par différents mélanges[52] ; mais, de quelque qualité que soient les eaux, celles qui croupissent dans la profondeur des mines les rendent souvent inabordables par les vapeurs funestes qu’elles produisent. L’air et l’eau ont également besoin d’être agités sans cesse pour conserver leur salubrité ; l’état de stagnation dans ces deux éléments est bientôt suivie de la corruption, et l’on ne saurait donner trop d’attention, dans les travaux des mines, à la liberté de mouvement et de circulation toujours nécessaire à ces deux éléments.

Après avoir exposé les faits qui ont rapport à la nature des charbons de terre, à leur formation, leur gisement, la direction, l’étendue, l’épaisseur de leurs veines en général, il est bon d’entrer dans le détail particulier des différentes mines qui ont été et qui sont encore travaillées avec succès, tant en France que dans les pays étrangers, et de montrer que cette matière se trouve partout où l’on sait la chercher : après quoi, nous donnerons les moyens qu’il faut employer pour en faire usage et la substituer sans inconvénient au bois et au charbon de bois dans nos fourneaux, nos poêles et nos cheminées.

Il y a, dans la seule étendue du royaume de France, plus de quatre cents mines de charbon de terre en pleine exploitation, et ce nombre, quoique très considérable, ne fait peut-être pas la dixième partie de celles qu’on pourrait y trouver. Dans toutes ou presque toutes ces mines, il y a trois ou quatre sortes de charbons : le charbon pur, qui est ordinairement au centre de la veine ; le charbon pierreux, communément mêlé de plus ou moins de matières calcaires ou de grès ; le charbon schisteux et le charbon pyriteux. Ceux qui contiennent du schiste sont les plus rares de tous, et cela seul prouverait que la substance principale du charbon ne peut être de l’argile, puisque le vrai schiste n’est lui-même qu’une argile durcie. Il y a des charbons qui se trouvent pyriteux dans toute l’épaisseur et l’étendue de leur veine : ce sont les moins propres de tous aux travaux de la métallurgie ; mais, comme on peut les épurer en les faisant cuire, et qu’ordinairement ils contiennent moins de bitume que les autres, ils donnent aussi moins de fumée, et conviennent souvent mieux pour l’usage des cheminées que les charbons trop chargés de bitume. La grande quantité de soufre, qui se forme par la combustion des premiers, ne peut qu’altérer les métaux, surtout le fer que la petite quantité d’acide sulfureux suffit pour rendre aigre et cassant. Le charbon pierreux ne se trouve pas dans le centre des veines, à moins qu’elles ne soient fort minces : il est ordinairement situé le long des parois et sur le fond des bancs pierreux qui forment le toit et le sol de la veine. Les charbons schisteux sont de même situés sur le sol ou sous le toit schisteux de la veine : ces charbons pierreux ou schisteux ne sont pas d’un meilleur usage que le charbon pyriteux, et ils ont encore le désavantage de ne pouvoir être épurés à cause de la grande quantité de leurs parties pierreuses ou schisteuses ; il ne reste donc, à vrai dire, que le charbon de la première sorte, c’est-à-dire le charbon pur, dont on puisse faire une matière avantageusement combustible et propre à remplacer le charbon de bois dans tous les emplois qu’on en peut faire.

Et dans ce charbon de la première sorte et le meilleur de tous, on distingue encore celui qui se tire en gros blocs que l’on appelle charbon pérat, dont la qualité est néanmoins la même que celle du charbon plus menu[53], qui se nomme charbon maréchal ; le charbon pérat a pris ce nom aux mines de Rive-de-Gier, et il n’est ainsi appelé que quand il est en gros morceaux. C’est par cette seule raison de son gros volume qu’il est plus estimé pour les grilles des teintures et des fourneaux ; mais il n’est pas pour cela d’une qualité supérieure au charbon maréchal, car l’un et l’autre se tirent de la même veine, et l’on distingue par le volume trois sortes de charbon : le pérat est celui qui arrive à la superficie du terrain en gros morceaux et sans être brisé ; le second, qui est en morceaux de médiocre grosseur, se nomme charbon grêle ; et ce n’est que celui qui est émietté ou qui est composé des débris des deux autres qu’on appelle charbon maréchal. Le bon charbon pèse de cinquante-cinq à soixante livres le pied cube ; mais cette estimation est difficile à faire avec précision, surtout pour le charbon qui se brise en le tirant : les charbons les plus pesants sont souvent les plus mauvais, parce que leur grande pesanteur ne vient que de la grande quantité des parties pyriteuses, terreuses ou schisteuses qu’ils contiennent ; les charbons trop légers pèchent par un autre défaut, c’est de ne donner que peu de chaleur en brûlant et de se consumer trop vite. Pour que la qualité du charbon soit parfaite, il faut que la matière végétale qui en fait le fond ait été bituminisée dans son premier état de décomposition, c’est-à-dire avant que cette substance ait été décomposée par la pourriture, car, quand le végétal est trop détruit, l’acide ne peut en bituminiser l’huile qui n’y existe plus. Cette matière végétale, qui n’a subi que les premiers effets de la décomposition, aura dès lors conservé toutes ses parties combustibles ; et le bitume qui par lui-même est une huile inflammable, couvrant et pénétrant cette substance végétale, le composé de ces deux matières doit contenir, sous le même volume, beaucoup plus de parties combustibles que le bois : aussi la chaleur du charbon de terre est-elle bien plus propre et plus durable que celle du charbon végétal.

Ce que je viens de dire au sujet de la décomposition plus ou moins grande de la matière végétale dans les charbons de terre peut se démontrer par les faits : on trouve au-dessus de quelques mines de charbon des bois fossiles, dans lesquels l’organisation est encore très reconnaissable ; mais, à mesure qu’on descend, les traits de cette organisation s’oblitèrent, et il n’en reste que peu ou point d’indices dans la suite de la veine. Il arrive souvent que cette bonne veine porte sur une autre veine de mauvais charbon terreux et pourri, parce que sa substance végétale, s’étant pourrie trop promptement, n’a pu s’imprégner. On doit donc ajouter cette cinquième sorte de charbon aux quatre premières sous le nom de charbon terreux, parce qu’en effet sa substance n’est qu’un terreau pourri. Enfin une sixième sorte est le charbon le plus compact, que l’on pourrait appeler charbon de pierre à cause de sa dureté ; il contient une grande quantité de bitume, et le fond paraît en être de terre limoneuse, parce qu’il laisse après la combustion une scorie vitreuse et boursouflée. Et lorsque le limon ou le terreau se trouve en trop grande quantité ou avec trop peu de bitume, ces charbons ainsi composés ne sont pas de bonne qualité : ils donnent également beaucoup de scories ou mâchefer par la combustion ; mais tous deux sont très bons lorsqu’ils ne contiennent qu’une petite quantité de terre et beaucoup de bitume.

On trouve donc, dans ces immenses dépôts accumulés par les eaux, la matière végétale dans tous ses états de décomposition, et cela seul suffirait pour qu’il y eût des charbons de qualités très différentes : la quantité de cette matière, anciennement accumulée dans les entrailles de la terre, est si considérable, qu’on ne peut en faire l’estimation autrement que par comparaison. Or, une bonne mine de charbon fournit seule plus de matière combustible que les plus vastes forêts, et il n’est pas à craindre que l’on épuise jamais ces trésors de feu, quand même l’homme, venant à manquer de bois, y substituerait le charbon de terre pour tous les usages de sa consommation.

Les meilleurs charbons de France sont ceux du Bourbonnais, de la Bourgogne, de la Franche-Comté et du Hainaut ; on en trouve aussi d’assez bons dans le Lyonnais, l’Auvergne, le Limousin et le Languedoc : ceux qu’on connaît en Dauphiné ne sont que de médiocre qualité[54]. Nous croyons devoir donner ici les notices que nous avons recueillies sur quelques-unes des mines principales qui sont actuellement en exploitation.

On tire d’assez bon charbon de la mine d’Épinac, qui est située en Bourgogne près du village de Résille, à quatre lieues d’Autun : on y connaît plusieurs veines qui se dirigent toutes de l’est à l’ouest, s’inclinant au nord de trente à trente-cinq degrés[55]. Celle qu’on exploite actuellement n’a pas d’épaisseur réglée ; elle a ordinairement sept à huit pieds, quelquefois douze à quinze, d’autres fois elle n’en a que quatre. Son mur a toute la consistance nécessaire, mais le toit, composé de schiste friable et d’une terre limoneuse que l’eau dissout facilement, s’écroulerait bientôt si on ne l’étayait par de bons boisages et par des massifs pris dans la veine même. Le charbon de cette mine est très pyriteux : aussi n’est-il nullement propre aux usages des forges, la quantité de soufre que produisent les pyrites devant corroder et détruire le fer ; cependant il se trouve dans l’épaisseur de la veine de petits lits de très bon charbon qui serait propre à la forge, s’il était extrait et trié avec soin.

La mine de Montcenis, ainsi que celle de Blansy et autres des environs, sont dirigées de l’est à l’ouest, et s’inclinent vers le nord de vingt-cinq ou trente degrés. On exploite deux veines principales, dont les épaisseurs varient depuis dix jusqu’à quarante-cinq pieds : la première extraction, comme celle de la plupart de nos mines de France, a été mal conduite ; on l’a commencée par la tête de la veine, en sorte que les ouvriers sont souvent exposés à percer dans les ouvrages supérieurs, et à y éprouver des éboulements. Le lit de cette mine de Montcenis est un schiste très dur et pyriteux d’un pied d’épaisseur, dans lequel on voit des empreintes de plantes en grand nombre. Le charbon de la tête de cette mine est fort pyriteux, mais celui qui se tire plus profondément l’est beaucoup moins, et en général ce charbon a le défaut de s’émietter à l’air : il faut donc l’employer au sortir de la minière, car on ne peut le transporter au loin sans qu’il subisse une grande altération et ne tombe en détriments ; dans cet état de décomposition, il ne donne que très peu de chaleur et se consume en peu de temps, au lieu que dans son premier état, au sortir de la mine, il fait un feu durable.

Les mines de Rive-de-Gier, dans le Lyonnais, sont en grande et pleine exploitation : il y a actuellement, dit M. de Grignon, plus de huit cents ouvriers occupés à l’extraction du charbon par vingt-deux puits qui communiquent aux galeries des différentes minières, dont les plus profondes sont à quatre cents pieds. On tire de ces mines, comme de presque toutes les autres, trois sortes de charbon : le pérat en très gros blocs et de la meilleure qualité ; le maréchal qui est menu et qui est séparé du banc de pérat par une couche de mauvais charbon mou ; et enfin un charbon dur, compact et terreux, qui est voisin du toit et des lisières de la mine. Ce toit est un schiste rougeâtre et limoneux qui brunit et noircit à mesure qu’il est plus voisin du charbon, et dans cette partie il porte un grand nombre d’empreintes de végétaux. Le charbon de ces mines de Rive-de-Gier est plus compact et plus pesant que celui de Montcenis ; son feu est plus âpre et plus durable ; il donne une flamme vive, rouge et abondante ; il n’est que peu pyriteux, mais très bitumineux.

La plupart des mines du Forez[56], du Bourbonnais[57], de l’Auvergne[58], sont en amas et non pas en veines ; elles sont donc plus faciles à exploiter : aussi l’on en tire une très grande quantité de charbon, dont il y en a de très bonne qualité. Dans le Nivernais, près de Decize, il se trouve des mines en amas et d’autres en veines. On y connaît quatre ou cinq couches ou veines régulières les unes au-dessus des autres, courant parallèlement, étant depuis dix jusqu’à vingt toises de distance les unes des autres latéralement. Le charbon de ces veines ne commence à être bon qu’à quatre toises et plus de profondeur : elles ont depuis deux pieds jusqu’à cinq pieds d’épaisseur ; leur toit est un schiste avec des impressions de plantes, et le lit est un grès à demi décomposé. Les mines en amas du même canton sont mêlées de schiste et de grès ; mais en général tout ce charbon est pyriteux, et quelquefois il prend feu de lui-même, lorsqu’après l’extraction on le laisse exposé à l’air.

Il y a des mines de charbon dans le Quercy aux environs de Montauban ; il y en a dans le Rouergue, où le territoire de Cransac, qui est d’une grande étendue, n’est, pour ainsi dire, qu’une mine de charbon ; il y en a une autre mine à Severac-le-Castel sur une montagne, dont le charbon est pyriteux et sensiblement chargé de vitriol ; une autre à Mas-de-Bannac, élection de Milhaud. On en a aussi découvert dans le bas Limousin à une lieue de Bourganeuf, dans les environs d’Argental, dans ceux de Maynac et dans le territoire de Varets à peu de distance de Brives[59]. Dans toute l’étendue du terrain, depuis la rive du Lot qui est en face de Levignac jusqu’à Firminy, on ne peut pas faire un pas qu’on ne trouve du charbon : dans beaucoup d’endroits on n’a pas besoin de creuser pour le tirer. Dans ce même canton il y a une masse très étendue de ce charbon, qui est minée par un embrasement souterrain : la première époque de cet incendie n’est point connue, on voit sortir une fumée fort épaisse des crevasses de cette minière enflammée[60]. Il y a aussi en Bourgogne, au canton de la Gachère, près de Saint-Berain, une mine de charbon enflammée qui donne de la fumée et une forte odeur d’acide sulfureux ; on ne peut pas toucher sans se brûler un bâton qu’on y a plongé seulement pendant une minute ; ce n’est qu’une inflammation pyriteuse produite par l’eau qui séjourne dans cet endroit, et qu’on pourrait éteindre en le desséchant[61]. Il y a encore près de Saint-Étienne-en-Forez une mine de charbon qui brûle depuis plus de cinq cents ans, auprès de laquelle on avait établi une manufacture pour tirer de l’alun des récréments de cette mine brûlée ; et enfin une autre auprès de Saint-Chaumont, qui brûle très lentement et profondément.

En Languedoc il y a aussi beaucoup de charbon de terre. M. l’abbé de Sauvages, très bon observateur, assure qu’il en existe différentes mines dans la chaîne de collines qui s’étend depuis Anduse jusqu’à Villefort, ce qui fait une étendue d’environ dix lieues de longueur[62].

Dans le Lyonnais, les principaux endroits où l’on trouve du charbon de terre sont le territoire de Gravenand, celui du Mouillon, ceux de Saint-Genis-Terre-Neuve, qui tous trois sont dans la même montagne, située à un demi-quart de lieue de la ville de Rive-de-Gier, et les eaux de leurs galeries s’écoulent dans le Gier. Les terrains de Saint-Martin-la-Plaine, Saint-Paul-en-Jarrest, Rive-de-Gier et Saint-Chaumont contiennent aussi des mines de charbon. M. de la Tourette, secrétaire de l’Académie des sciences de Lyon, et correspondant de celle de Paris, a donné une description détaillée des matières qui se trouvent au-dessus d’une de ces mines du Lyonnais, par laquelle il paraît que le bon charbon ne se trouve qu’à cent pieds dans certains endroits, et à cent cinquante environ dans d’autres : il y a deux veines l’une au-dessus de l’autre, dont la plus extérieure a depuis huit jusqu’à dix-huit pieds d’épaisseur d’un charbon propre aux maréchaux. La seconde veine n’est séparée de la première que par un lit de grès dur et d’un grain fin, de six à neuf pouces d’épaisseur : ce grès sert de toit à la seconde veine qui a dix à quinze pieds d’épaisseur, et dont le charbon est plus compact que celui de la première veine, mais encore plus pyriteux.

Il y a du charbon de terre en Dauphiné près de Briançon, et entre Sézanne et Sertriches, dans le même endroit où l’on tire la craie de Briançon, et à Ternay, élection de Vienne. Les charbons de Voreppe, de Saint-Laurent, de la montagne de Soyers, ainsi que ceux du village de la Motte et du Val-des-Charbonniers, qui tous se tirent pour l’usage des maréchaux, ne sont pas de bien bonne qualité. On en trouve en Provence, près d’Aubagne, à Pépin, route de Marocelle ; mais ce charbon de la mine de Pépin répand, longtemps après avoir été tiré de la mine, une odeur particulière et désagréable.

En Franche-Comté, la mine de Champagney, à deux lieues de Béfort, est très abondante, et le charbon en est de fort bonne qualité : la veine a souvent huit pieds d’épaisseur, et elle est partout d’une égale bonté ; elle paraît s’étendre dans toute la base du monticule qui la renferme ; il y a plusieurs autres mines de charbon dans les environs de Champagney et dans quelques autres endroits de cette province[63] ; il y en a aussi quelques mines en Lorraine, mais l’exploitation n’en a pas encore été assez suivie pour qu’on juge de la qualité de ces charbons. En Alsace, il s’en trouve près de Schelestat[64].

Il n’y a point de mines de charbon dans le Cambrésis ; mais celles du Hainaut sont en grand nombre, et celles de Fresnes et d’Anzin sont devenues fameuses. On a commencé à fouiller celle de Fresnes en 1717 et celle d’Anzin en 1734 : on en tire aussi aux environs de Condé. Le charbon de ces mines est en général de bonne qualité[65] ; on assure même qu’il est plus gras et qu’il dure plus au feu que celui d’Angleterre : le charbon qui se tire à Fresnes est plus compact que les autres, et pèse un dixième et plus que celui d’Anzin. Le charbon de Quiévrain, à deux lieues et demie de Valenciennes, est aussi d’une excellente qualité : on a fouillé quelques-unes de ces mines jusqu’à sept cents pieds de profondeur[66]. M. Morand dit que, dans la mine de M. des Androuins près de Charleroi, l’eau est tirée de soixante-trois toises de profondeur, et que le charbon est placé à cent huit toises au-dessous, ce qui fait en tout cent soixante et onze toises, ou mille vingt-six pieds de profondeur[67].

Dans l’Anjou, l’on a trouvé des mines de charbon de terre à Concourson, à Saint-George de Chateloison, à Doué, et à Montreuil-Bellay : les charbons qui se tirent près de la surface du terrain ne sont pas si bons que ceux qui gisent à une plus grande profondeur ; la veine a ordinairement six à sept pieds d’épaisseur. Ce charbon d’Anjou est de bonne qualité ; cependant on n’a de temps immémorial trouvé dans cette province que des veines éparses sous des rocs placés à dix-huit pieds de profondeur, auxquels succède une terre qu’on y appelle houille, qui est une espèce de mauvais charbon, avant-coureur du véritable ; les veines y sont très sujettes aux creins, et par conséquent irrégulières : il y en a cinq de reconnues ; leur épaisseur est depuis un pied jusqu’à quatre, et même jusqu’à douze pieds, suivant M. de Voglie ; elles paraissent être une dépendance de celles de Saumur avec lesquelles elles se rapportent en tout. Leur direction générale est du levant au couchant[68].

Dans la basse Normandie, il se trouve du charbon de terre à Litry, et la veine se rencontre à peu de profondeur au-dessous d’une bonne mine de fer en grains ; elle se forme en plateur à quatre cents pieds. Ce charbon, mêlé de beaucoup de pyrites, n’est que d’une qualité médiocre, et il est à peu près semblable à celui qu’on apporte du Havre, et qui vient de Sunderland en Angleterre[69].

En Bretagne, il y a des mines considérables de charbon à Montrelais et à Languin, dans les environs de Nantes : l’on a aussi tenté des exploitations à Quimper, à Plogol et à Saint-Brieux, et l’on aperçoit des affleurements de charbon dans plusieurs autres endroits de cette province[70].

On pourrait citer un grand nombre d’autres exemples qui prouveraient qu’il y a dans le royaume de France des charbons en aussi grande quantité, et peut-être d’aussi bonne qualité qu’en aucune autre contrée du monde. Cependant, comme c’est un préjugé établi, et qui jusqu’à présent n’était pas mal fondé, que les charbons d’Angleterre étaient d’une qualité bien supérieure à ceux de France, il est bon de les faire connaître : on verra que la nature n’a pas mieux traité à cet égard l’Angleterre que les autres contrées, mais que l’attention du gouvernement, ayant secondé l’industrie des particuliers, a rendu profitable et infiniment utile à cette nation ce qui est demeuré sans produit entre nos mains.

On distingue dans la Grande-Bretagne trois espèces de charbon de terre. Le charbon commun se tire des provinces de Newcastle, de Northumberland, de Cumberland et de plusieurs autres ; il est destiné pour le feu des cuisines de Londres, et c’est aussi presque le seul qu’on emploie à tous les ouvrages métalliques d’Angleterre.

La seconde espèce est le charbon d’Écosse ; on s’en sert pour chauffer les appartements des bonnes maisons : ce charbon est feuilleté et comme formé en bandes séparées par des couches plus petites que les bandes, et néanmoins plus marquées et plus distinctes à cause de leur éclat. Il se tire en grosses masses bien solides, d’une texture fine, et, quoique formé de bandes et de petites couches, il ne s’effeuille point ; il est bitumineux et brûle librement, en faisant un feu clair, et tombe en cendres[71].

La troisième espèce, que les Anglais appellent culm, se trouve dans le Glamorganshire et en divers endroits de cette province. C’est un charbon fort léger, d’un tissu fort lâche, composé de filets capillaires disposés par paquets, qui paraissent arrangés en quelques endroits de manière à représenter dans beaucoup de parties des feuillets assez étendus, très lisses et très polis, lesquels, pour la plupart, affectent une forme circonscrite en portion de cercle, avec des rayons divergents. Ce charbon est peu ou presque point pyriteux ; il brûle aisément et fait un feu vif, ardent et âpre. Dans la province de Cornouailles, il est d’un très grand usage, particulièrement pour la fonte des métaux, à laquelle on l’applique de préférence.

On trouve, dans les comtés de Lancastre et de Chester, une espèce de charbon qu’on n’apporte pas à Londres, c’est le kennel ou candle-coal : communément il sert de pierre à marquer, de même que ce qu’on appelle le charbon du toit ; il se tire en grosses masses très solides, d’une texture extrêmement fine, et d’un beau noir luisant comme le jayet. Ce charbon ne contient aucune portion pyriteuse ; il est si pur et si doux, qu’on peut le tourner et le polir pour faire des plateaux d’encrier, des tablettes, etc. L’on aperçoit sur certains morceaux des couches concentriques, comme on en trouverait dans un tronçon de bois. Ce charbon brûle facilement et se réduit en cendres[72].

On doit encore ajouter à ces charbons d’Angleterre celui qu’on appelle flint-coal, parce qu’il est aussi dur que la pierre, et que ses fractures sont luisantes comme celles du verre. La veine de ce charbon a deux à trois pieds d’épaisseur, et se trouve dans les environs de la Severn au-dessous de la veine principale qui fournit le best-coal, ou le meilleur charbon : il faut y joindre aussi le flew-coal des mines de Wedgbery, dans la province de Stafford.

Il est fait mention dans les Transactions philosophiques, de Londres, année 1683, de quelques mines de charbon, de leur inclinaison, etc. M. Beaumont en cite six, qui probablement n’en font qu’une, puisqu’on les trouve toutes dans un espace de cinq milles d’Angleterre au nord de Stony-Easton. il a vu, dit-il, dans l’une de ces mines, une fente ou crevasse, dont les parois étaient chargées d’empreintes de végétaux, et une autre fente tout enduite d’un bronze pyriteux formant des espèces de dendrites : dans quelques-unes de ces mines, les lits horizontaux étaient comme dorés du soufre qu’elles contiennent ; il observe, comme chose en effet singulière, qu’on a trouvé deux ou trois cents livres de bonne mine de plomb dans l’une de ces mines de charbon. Il ajoute que de l’autre côté de Stony-Easton, c’est-à-dire au sud-est, à deux milles de distance, on voit le commencement d’une mine de charbon, dont la première veine se divise en plusieurs branches à la distance de quatre milles vers l’Orient ; que cette mine, dont on tire beaucoup de charbon, exhale continuellement des vapeurs enflammées qui s’élèvent quelquefois jusqu’à son ouverture, et qui ont été funestes à nombre de personnes. C’est probablement au feu de ces vapeurs, lorsqu’elles s’enflamment, qu’on doit attribuer cette poussière de soufre qui dore les lits de ces veines de charbon, car on n’a trouvé du soufre en nature que dans les mines dont les vapeurs se sont enflammées, ou qui ont été elles-mêmes embrasées ; on y voit des fleurs de soufre adhérentes à leurs parois, et sous ces fleurs de soufre il se trouve quelquefois une croûte de sel ammoniaque.

Les fameuses mines de Newcastle ont été examinées et décrites par M. Jars, de l’Académie des sciences, très habile minéralogiste[73] : il décrit aussi quelques autres mines ; celle de Whitehaven, petite ville située sur les côtes occidentales d’Angleterre, qui fait un grand commerce de charbon de terre. La montagne où s’exploite la mine a environ cent vingt toises perpendiculaires jusqu’au plus profond des travaux : on compte dans cette hauteur une vingtaine de couches différentes, mais il n’y en a que trois d’exploitables. Leur pente est communément d’une toise perpendiculaire sur six à sept toises de longueur.

La première de ces couches exploitables est séparée de la seconde par des rochers d’environ quinze toises d’épaisseur ; elle a depuis quatre jusqu’à cinq pieds d’épaisseur en charbon un peu pierreux et d’une qualité médiocre. On n’en extrait que pour chauffer les chaudières où l’on évapore l’eau de la mer pour en retirer le sel.

La seconde couche est de sept à huit pieds d’épaisseur ; le charbon y est divisé par deux différents lits d’une terre très dure et de couleur noirâtre, qu’on nomme mettle : cette terre est très vitriolique et s’effleurit à l’air. La couche supérieure de mettle a un pied d’épaisseur, et l’inférieure seulement quatre à cinq pouces. On distingue la veine de charbon en six lits, dont les charbons portent différents noms.

Des trois grandes couches exploitables, la troisième, qui est d’environ vingt toises plus basse que la seconde, est la meilleure : elle a dix pieds d’épaisseur et elle est toute de bon charbon, sans aucun mélange de mettle[74].

On rencontre souvent des dérangements dans les veines, principalement dans leur inclinaison. Le rocher du toit, et surtout celui du mur, font monter ou descendre la veine tout à coup. Il y a un endroit où elles sont éloignées de quinze toises perpendiculaires de la ligne horizontale. D’autres fois, ces rochers coupent presque entièrement les couches et ne laissent apercevoir qu’un petit filet ou une trace presque imperceptible de la veine.

M. Jars fait encore mention des mines de Worsleg, dans le comté de Lancastre, dont la pente paraît être de deux toises sur sept, et dont le charbon est moins bitumineux et moins bon que celui de Newcastle, quoique la nature des rochers soit la même ; mais la veine la plus profonde n’est qu’à vingt toises. Il en est de même à tous égards des mines du comté de Stafford.

« En Écosse, il y a, dit M. Jars, au village de Carron, près de Falkirck, plusieurs mines de charbon qui ne sont qu’à une demi-lieue de la mer… Il y a trois couches de charbon l’une sur l’autre que l’on connaît, mais on ne sait pas s’il y en a de plus profondes… Il y en a une à quarante toises de profondeur, qui est la première ; la seconde à dix toises plus bas, et la troisième à cinq toises encore au-dessous de la seconde. La pente de ces couches, qui est du côté du sud, est d’une toise sur dix à douze… Mais ces veines varient comme dans presque toutes les mines ; quelquefois elles remontent et forment entre elles deux plans inclinés. Dans ce cas, la veine s’appauvrit, diminue en épaisseur et est quelquefois entièrement coupée, continuant ainsi jusqu’à ce qu’elle reprenne son inclinaison ordinaire… La seconde couche a trois à quatre pieds d’épaisseur : sa partie supérieure est composée d’un charbon dur et compact, faisant un feu clair et agréable… On l’envoie à Londres, où il est préféré à celui de Newcastle, pour brûler dans les appartements. La partie du milieu de la couche est d’une qualité moins compacte ; son charbon est feuilleté et se sépare par lames comme le schiste. Entre les lames, il ressemble parfaitement à du poussier de charbon de bois. On peut y ramasser aussi une poudre noire, qui teint les doigts, comme fait le charbon de bois… Ce charbon, qu’on nomme clod-coal, est destiné pour les forges de fer. La couche inférieure est un charbon très compact, et souvent pierreux près du mur ; il se consomme dans le pays… »

» Les mines de charbon de Kinneil, près de la ville de Bousron-Sloness, en Écosse, sont au bord de la mer. La disposition de leurs couches et la qualité du charbon sont à peu près les mêmes qu’à Carron.

» Les environs d’Édimbourg ont aussi plusieurs mines de charbon… Il y en a une à trois ou quatre milles du côté du sud, où il y a deux veines parallèles, d’environ quarante à cinquante degrés d’inclinaison du côté du midi ; ce qui est tout à fait contraire à l’inclinaison des couches du rocher qu’on voit au jour et dans la mer à deux ou trois milles plus loin : ces couches sont inclinées au nord-ouest. Il en est de même des mines de charbon qu’on exploite un peu plus loin ; elles ont beaucoup de rapport avec celles de Newcastle. La qualité des rochers qui composent les couches est la même, mais le charbon est moins bon qu’à Newcastle pour la forge, parce qu’il est moins bitumineux ; il est meilleur pour les appartements[75]. »

En Irlande, le charbon provenant de la mine de Castle-Comber, village à soixante milles sud-ouest de Dublin, brûle dès le premier instant qu’on le met au feu sans faire la moindre fumée. Seulement on voit une flamme bleue fortement empreinte de soufre, qui paraît constamment au-dessus du feu[76].

Une autre mine est celle d’Ydof, province de Leinster, et c’est la première qu’on ait découverte en Irlande ; elle est si abondante qu’elle fournit toutes les provinces voisines. Son charbon est très pesant, produit le même effet que le charbon de bois, et dure au feu bien plus longtemps[77].

« Dans le pays de Liège, dit M. Jars, la Meuse, qui traverse cette ville, met une grande différence dans la disposition des veines de charbon… Elles commencent à une lieue au levant de la ville, et s’étendent jusqu’à deux lieues au delà du côté du couchant. On trouve, à moitié chemin de cette distance, les plus fortes exploitations… La suite des veines va plus loin du côté du couchant : la raison est que, par un dérangement total dans leur disposition, elles sont interrompues à une lieue et demie de Liège, mais elles reprennent ensuite dans une disposition presque perpendiculaire, pour continuer de la même manière pendant plusieurs lieues. Au nord de la ville, et au midi de l’autre côté de la Meuse, les veines se prolongent au plus à une demi-lieue, mais toujours dans la direction de l’est à l’ouest… Il y a apparence que ce sont les mêmes couches, quoique leur inclinaison change de distance en distance, tantôt au midi, tantôt au nord. En général, tous les lits de charbon et le rocher sont très irréguliers dans cette partie[78]. »

Ce pays de Liège est peut-être de toute l’Europe la contrée la mieux fournie de charbon de terre ; c’est du moins celle où l’on a le plus anciennement exploité ces mines, et où on les a fouillées le plus profondément. Nous avons dit que leur direction générale et commune est du levant au couchant : les veines du charbon n’y sont jamais directement en ligne droite, elles s’élèvent et s’abaissent alternativement, suivant la pente du terrain qui leur sert d’assise ; ces veines passent par-dessous les rivières et vont en s’abaissant vers la mer ; les veines que l’on fouille d’un côté d’une rivière ou d’une montagne répondent exactement à celles de l’autre côté : les mêmes couches de terre, les mêmes bancs de pierre, accompagnent les unes et les autres ; le charbon s’y trouve partout de la même espèce. Ce fait a été vérifié plusieurs fois par des sondes, qui ont fait reconnaître les mêmes terres et les mêmes bancs jusqu’à quatre cents pieds de profondeur[79].

À une lieue et demie à l’est d’Aix-la-Chapelle, il y a plusieurs mines de charbon : pour parvenir aux veines, l’on traverse une espèce de grès fort dur que l’on ne peut percer qu’avec la poudre ; ce grès est par lits dans la même direction et inclinaison que la veine de charbon, mais il est tout rempli de fentes ou de joints, de façon qu’il se sépare en morceaux. Au-dessous du grès, on trouve une terre noire très dure de plusieurs pieds d’épaisseur ; elle sert de toit au charbon, le mur est de la même espèce de terre dure ; l’une et l’autre paraissent contenir des empreintes de plantes ; exposée à l’air, cette terre s’effleurit et s’attendrit.

Ce charbon contient très peu de bitume : il est très pyriteux, et par conséquent nullement propre à l’usage des forges ; mais il est bon pour les appartements[80].

En Allemagne, il y a plusieurs endroits où l’on trouve des mines de charbon : celles de Zwichaw consistent en deux couches de quatre, cinq, six pieds d’épaisseur, qui ne sont séparées l’une de l’autre que par une couche mince d’argile ; leur profondeur n’est qu’à environ trois toises au-dessous de la surface du terrain ; la veine de dessous est meilleure que celle de dessus ; elles ont vingt-cinq ou trente degrés d’inclinaison[81]. Il s’en trouve aux environs de Marienbourg en Misnie ; dans plusieurs endroits du duché de Magdebourg ; dans la principauté d’Anhalt, à Bernbourg ; dans le cercle du Haut-Rhin, à Aï près Cassel ; dans le duché de Meckelbourg, à Plauen ; en Bohême, aux environs de Tœplitz ; dans le comté de Glatz, à Hansdorf ; en Silésie, à Gablan, Rottenbach et Gottsberg ; dans le duché de Schweidnitz, à Reichenstein ; dans le haut Palatinat, près de Sultzbach ; dans le bas Palatinat, à Bazharach, etc.[82]. Il y a, dit M. Ferber, des mines de charbon fossile à Votschberg, à cinq ou six lieues de Feistritz, et de meilleures encore à Luim, à dix milles de Votschberg dans la Styrie supérieure[83]. À quatre lieues de la ville de Rhène, à une demi-lieue du village d’Ypenbure, sur la route d’Osnabruck, on trouve des mines de charbon qu’on emploie à l’usage des salines. En sortant d’Ypenbure, on passe une montagne au nord de laquelle est un vallon, et ensuite une autre montagne où l’on exploite les mines de charbon. À deux lieues plus loin, il y a d’autres mines qui sont environnées des mêmes rochers ; on prétend que c’est la même couche de charbon qui s’y prolonge. Comme jusqu’à présent on n’a exploité qu’une couche de charbon, on conjecture que c’est la même qui règne dans tout le pays : on l’exploite dans cette mine à deux cents pieds de profondeur perpendiculaire ; elle a une pente inclinée du couchant au levant, qui est à peu près celle de la montagne. La veine a communément deux pieds et demi d’épaisseur en charbon qui paraît être de très bonne qualité, quoiqu’il y ait quelques morceaux dans lesquels on aperçoive des lames de pyrites ; cette veine est précédée d’une couche de terre noire ; et cette couche, entremêlée de quelques petits morceaux de charbon, a un pied et demi, deux et trois pieds d’épaisseur. Le toit qui recouvre la veine est un lit de six, huit, dix pouces d’épaisseur de graviers réunis en pierre assez dure, au-dessus duquel est le grès disposé par bancs[84].

On trouve aux environs de Vétine, petite ville des États du roi de Prusse, plusieurs mines de charbon ; elles sont situées sur le plateau d’une colline fort étendue ; elles sont au nombre de plus de vingt actuellement en exploitation : une de ces mines qui a été visitée par M. Jars, et qui est à trois quarts de lieue de Vétine, à trente-neuf toises de profondeur, savoir, vingt-six toises depuis la surface de la terre jusqu’à la première veine de charbon, onze toises depuis cette première jusqu’à la seconde, et deux toises depuis la seconde jusqu’à la troisième, ce qui varie néanmoins très souvent par les dérangements que les veines éprouvent dans leur inclinaison, et qui les rapprochent plus ou moins, surtout les inférieures, qui sont quelquefois immédiatement l’une sur l’autre.

La première couche a jusqu’à huit pieds d’épaisseur ; la seconde deux pieds et demi ; la troisième un pied et demi ou deux pieds : on traverse plusieurs bancs de rochers pour parvenir au charbon, surtout un rocher rouge qui paraît être une terre sablonneuse durcie, mêlée de mica blanc ; un rocher blanchâtre, semé aussi de mica blanc, se trouve plus près des veines et les sépare entre elles ; ce rocher y forme des creins qui quelquefois les coupent presque entièrement. Le rocher qui sert de toit au charbon est bleuâtre ; c’est une espèce d’argile durcie, qui contient des empreintes de plantes, surtout de fougères. Celui du mur est sablonneux, d’un blanc noirâtre. Ces rochers s’attendrissent à l’air et s’y effleurissent. Les veines ont leur direction sud-est, nord-ouest, et leur pente du côté du midi. Le charbon est un peu pyriteux, mais paraît être d’assez bonne qualité. Dans la première veine, on remarque un lit de quelques pouces d’épaisseur qui suit toujours le charbon, et qui divise la veine en deux parties : c’est un charbon très pierreux.

À Dielau, la plus grande profondeur de la mine que l’on exploite est à quarante toises. Le charbon se trouve dans un filon tantôt incliné, tantôt presque perpendiculaire, et qui est coupé et détourné quelquefois par des creins. Le rocher dans lequel ce filon se trouve est semblable à celui de Vétine.

À Gibienstein, situé à une demi-lieue de la ville de Halle en Saxe, on a trouvé une veine de charbon qui paraissait au jour et qui a plusieurs pieds d’épaisseur ; on n’a point encore reconnu son inclinaison ni sa direction. Le charbon qu’on en tire est peu bitumineux, et mêlé avec beaucoup de pyrites ; il ressemble fort à celui de Lay en Bourbonnais[85]. M. Hoffmann dit que cette mine s’étend bien loin sous une grande partie de la ville et du faubourg, ensuite dans les campagnes vers le midi jusqu’au bourg de Lieben, où on la rencontre souvent en faisant des puits, de même qu’à Dielau à une lieue et demie de Halle. Sa texture est semblable à celle d’un amas de morceaux de bois en copeaux[86].

En Espagne, il y a des mines de charbon de terre dans plusieurs provinces, et particulièrement en Galice, aux Asturies, dans le royaume de Léon et aussi dans la basse Andalousie près de Séville, dans la Nouvelle-Castille, et même auprès de Madrid[87]. M. le Camus de Limare, l’un de nos plus habiles minéralogistes, a fait ouvrir le premier cette mine de charbon près de Madrid, et il a eu la bonté de me communiquer la notice que je joins ici[88].

En Savoie, on trouve une espèce de charbon de terre d’assez mauvaise qualité, et le principal usage qu’on en fait est pour évaporer les eaux des sources salées[89]. De toute la Suisse, le canton de Berne est le plus riche en mines de charbon : il s’en trouve aussi dans le canton de Zurich, dans le pays de Vaud aux environs de Lausanne, mais la plupart de ces charbons sont d’assez médiocre qualité[90].

En Italie, dont la plus grande partie a été ravagée par le feu des volcans, on trouve moins de charbon de terre qu’en Angleterre et en France. M. Tozzetti a donné de très bonnes observations[91] sur les bois fossiles de Saint-Cerbone et de Strido : j’ai cru devoir en faire l’extrait dans la note ci-jointe, parce que les faits qu’il rapporte sont autant de preuves du changement des matières végétales en véritable charbon, et de la différence des formes que prend le bitume en se durcissant ; mais le récit de ce savant observateur me paraît plutôt prouver que le bitume s’est formé dans l’arbre même, et a été ensuite comme extravasé, et non pas qu’un bitume étranger soit venu, comme il le croit, pénétrer ces troncs d’arbres, et former ensuite à leur surface de petites protubérances : ce qui me confirme dans cette opinion, c’est l’expérience que j’ai faite[92] sur un gros morceau de cœur de chêne que j’ai tenu pendant près de douze ans dans l’eau pour reconnaître jusqu’à quel point il pouvait s’imbiber d’eau ; j’ai vu se former au bout de quelques mois, et plus encore après quelques années, une substance grasse et tenace à la surface de ce bloc de bois ; ce n’était que son huile qui commençait à se bituminiser. On essuyait à chaque fois ce bloc pour avoir son poids au juste ; sans cela, l’on aurait vu le bitume se former en petites protubérances dans cette substance grasse, comme M. Tozzetti l’a observé sur les troncs d’arbres de Saint-Cerbone.

On voit, dans les Mémoires de l’Académie de Stockholm, qu’il y a des mines de charbon en Suède, surtout dans la Scanie ou Gothie méridionale. Dans celles qui sont voisines de Bosrup, les couches supérieures laissent apercevoir sensiblement un tissu ligneux, et on y trouve une terre d’ombre[93] mêlée avec le charbon ; il y a dans la Westrogothie une mine d’alun où l’on trouve du charbon, dont M. Morand a vu quelques morceaux qui présentaient un reste de nature ligneuse, au point que dans quelques-uns on croit reconnaître le tissu du hêtre[94].

Dans un discours très intéressant sur les productions de la Russie, l’auteur donne les indications des mines de charbon de terre qui se trouvent dans cette contrée[95].

En Sibérie, à quelque distance de la petite rivière Selowa, qui tombe dans le fleuve Lena, on trouve une mine de charbon de terre : elle est située vis-à-vis d’une île appelée Beresowi ; elle s’étend horizontalement fort loin, et son épaisseur est de dix à onze pouces ; le charbon n’est pas de bonne qualité, car, tant qu’il est dans la terre, il est ferme, mais aussitôt qu’il est exposé à l’air, il tombe par morceaux[96].

À la Chine, le charbon de terre est aussi commun et aussi connu qu’en Europe, et de tout temps les Chinois en ont fait usage, parce que le bois leur manque presque partout, preuve évidente de l’ancienneté de leur nombreuse population[97]. Il en est de même du Japon[98], et l’on pourrait assurer qu’il existe de même des charbons de terre dans toutes les autres parties de l’Asie. On en a trouvé à Sumatra, aux environs de Sillida[99] ; on en connaît aussi quelques mines en Afrique et à Madagascar[100].

En Amérique, il y a des mines de charbon de terre comme dans les autres parties du monde. Celles du cap Breton sont horizontales, faciles à exploiter, et ne sont qu’à six ou huit pieds de profondeur : un feu, qu’il n’est pas possible d’étouffer, a embrasé une de ces mines[101], dont les trois principales sont situées : la première, dans les terres de la baie de Moridiemée ; la seconde, dans celles de la baie des Espagnols, et la troisième dans la petite île Bras-d’Or ; cette dernière a cela de particulier que son charbon contient de l’antimoine. Le toit de ces mines est, comme partout ailleurs, chargé d’empreintes de végétaux[102]. Il y aussi des mines de charbon à Saint-Domingue[103], à Cumana, dans la Nouvelle-Andalousie[104] ; et l’on a trouvé, en 1768, une de ces mines dans l’île de la Providence, l’une des Lucaies, où le charbon est de bonne qualité. On en connaît d’autres au Canada, dans les terres de Saquenai, vers le bord septentrional du fleuve Saint-Laurent, et dans celles de l’Acadie ou Nouvelle-Écosse ; enfin on en a vu jusque dans les terres de la baie Disko, sur la côte du Groenland[105].

Ainsi l’on peut trouver dans tous les pays du monde, en fouillant les entrailles de la terre, cette matière combustible déjà très nécessaire aujourd’hui dans les contrées dénuées de bois, et qui le deviendra bien davantage à mesure que le nombre des hommes augmentera et que le globe qu’ils habitent se refroidira ; et non seulement cette matière peut en tout et partout remplacer le bois pour les usages du feu, mais elle peut même devenir plus utile que le charbon de bois pour les arts, au moyen de quelques précautions dont il est bon de faire ici mention, parce qu’elles nous donneront encore des connaissances sur les différentes matières dont ces charbons sont composés ou mélangés.

À Liège et dans les environs, où l’usage du charbon est si ancien, on ne se sert, pour le chauffage ordinaire, dans le plus grand nombre des maisons, que du menu charbon, c’est-à-dire des débris du charbon, qui se tire en blocs et en masses ; on sépare seulement de ces menus charbons les matières étrangères qui s’y trouvent mêlées en volume apparent, et surtout les pyrites qui pourraient faire explosion dans le feu ; et pour augmenter la quantité et la durée du feu de ce charbon, on le mêle avec des terres grasses, limoneuses ou argileuses[106] des environs de la mine, et ensuite on en fait des pelotes qu’on appelle des hochets, qui peuvent se conserver et s’accumuler sans s’effleurir, en sorte que chaque famille du peuple fait sa provision de hochets en été pour se chauffer en hiver[107].

Mais l’usage du charbon de terre, sans mélange ni addition de terre étrangère, est encore plus commun que celui de ces masses mélangées, et c’est aussi ce que nous devons considérer plus particulièrement. Avec du charbon de terre en gros morceaux et de bonne qualité, le feu dure trois ou quatre fois plus longtemps qu’avec du charbon de bois : si vingt livres de bois[108] durent trois heures, vingt livres de charbon en dureront douze. En Languedoc, dit M. Venel[109], les feux de bûches et de rondins de bois sec, dans les foyers ordinaires, coûtent plus du double que les pareils feux de houille faits sur les grilles ordinaires. Cet habile chimiste recommande de ne pas négliger les braises qui se détachent du charbon de terre en brûlant, car, en les remettant au feu, leur durée et leur effet correspondent au moins au quart du feu de houille neuve, et, de plus, ces braises ont l’avantage de ne point donner de fumée : les cendres même du charbon de terre peuvent être utilement employées. M. Kurela, cité par M. Morand, dit qu’en pétrissant ces cendres seules avec de l’eau, on en peut faire des gâteaux qui brûlent aussi bien que les pelotes ou briquettes neuves, et qui donnent une chaleur d’une aussi longue durée.

On prendrait, au premier coup d’œil, la braise du charbon de terre pour de la braise de charbon de bois brûlé, mais il faut pour cela qu’il ait subi une combustion presque entière : car, s’il n’éprouve qu’une demi-combustion pour la préparation qui le réduit en coak, il ressemble alors au charbon de bois qui n’a brûlé de même qu’a demi. « Cette opération, dit très bien M. Jars, est à peu près la même que celle pour convertir le bois en charbon[110]. »

M. Jars donne, dans un autre Mémoire, la manière dont on fait les cinders à Newcastle[111], dans des fourneaux construits pour cette opération, et dont il donne aussi la description. Enfin, dans un autre Mémoire, le même académicien expose très bien les différents procédés de la cuisson du charbon de terre dans le Lyonnais, et l’usage qu’on en fait pour les mines de cuivre à Saint-Bel[112].

M. Gabriel Jars, de l’Académie de Lyon, et frère de l’académicien que je viens de citer, a publié un très bon Mémoire sur la manière de préparer le charbon de terre, pour le substituer au charbon de bois dans les travaux métallurgiques, mise en usage depuis l’année 1769 dans les mines de Saint-Bel, dans lequel l’auteur dit, avec grande raison, que « le charbon de terre est, comme tous les autres bitumes, composé de parties huileuses et acides ; que dans ces acides on distingue un acide sulfureux auquel il croit que l’on peut attribuer principalement les déchets que l’on éprouve lorsqu’on l’emploie dans la fonte des métaux : le soufre et les acides dégagés par l’action du feu, dans la fusion, attaquent, rongent et détruisent les parties métalliques qu’ils rencontrent ; voilà les ennemis que l’on doit chercher à détruire ; mais la difficulté de l’opération consiste à détruire ce principe rongeur, en conservant la plus grande quantité possible de parties huileuses, phlogistiques et inflammables, qui seules opèrent la fusion, et qui lui sont unies. C’est à quoi tend le procédé dont je vais donner la méthode ; on peut le nommer le désoufrage : après l’opération, le charbon minéral n’est plus à l’œil qu’une matière sèche, spongieuse, d’un gris noir qui a perdu de son poids et acquis du volume, qui s’allume plus difficilement que le charbon cru, mais qui a une chaleur plus vive et plus durable. »

M. Gabriel Jars donne ensuite une comparaison détaillée des effets et du produit du feu des coaks, et de celui du charbon de bois pour la fonte des minerais de cuivre ; il dit que les Anglais fondent la plupart des minerais de fer avec les coaks, dont ils obtiennent un fer coulé excellent qui se moule très bien ; mais que jamais ils ne sont parvenus à en faire un bon fer forgé[113].

Au reste, il y a des charbons qu’il serait peut-être plus avantageux de lessiver à l’eau que de cuire au feu pour les réduire en coaks. M. de Grignon a proposé de se servir de cette méthode, et particulièrement pour le charbon d’Épinac ; mais M. de Limare pense au contraire que le charbon d’Épinac, n’étant que pyriteux, ne doit pas être lessivé, et qu’il n’y a nul autre moyen de l’épurer que de le préparer en coak ; la lessive à l’eau ne pouvant servir que pour les charbons chargés d’alun, de vitriol ou d’autres sels qu’elle peut dissoudre, mais non pas pour ceux où il ne se trouve que peu ou point de ces sels dissolubles à l’eau.

Le charbon de Montcenis, quoi qu’a peu de distance de celui d’Épinac, est d’une qualité différente : il faut l’employer au moment qu’il est tiré, sans quoi il fermente bientôt et perd sa qualité ; il demande à être désoufré par le moyen du feu, et l’on a nouvellement établi des fourneaux et des hangars pour cette opération.

Le charbon de Rive-de-Gier, dans le Lyonnais, est moins bitumineux, mais en même temps un peu pyriteux, et en général il est plus compact que celui de Montcenis : il est d’une grande activité ; son feu est âpre et durable ; il donne une flamme vive, rouge et abondante ; son poids est de cinquante-quatre livres le pied cube, lorsqu’il est désoufré ; et dans cet état il pèse autant que le charbon brut de Saint-Chaumont, qui, quoique assez voisin de celui de Rive-de-Gier, est d’une qualité très différente, car il est friable, léger, et à peu près de la même nature que celui de Montcenis, à l’exception qu’il est un peu moins pyriteux ; il ne pèse cru que cinquante-quatre livres le pied cube, et ce poids se réduit à trente-six lorsqu’il est désoufré.

De toutes les méthodes connues pour épurer le charbon, celle qui se pratique aux environs de Gand est l’une des meilleures : on se sert des charbons crus de Mons et de Valenciennes, et le coak est si bien fait, dit M. de Limare, qu’on s’en sert sans inconvénient dans les blanchisseries de toile fine et de batiste : on l’épure dans des fourneaux entourés de briques, où l’on a ménagé des registres pour diriger l’air et le porter aux parties qui en ont besoin ; mais on assure que la méthode du sieur Ling, qui a mérité l’approbation du gouvernement, est encore plus avantageuse ; et je ne puis mieux terminer cet article qu’en rapportant le résultat des expériences qui ont été faites à Trianon, le 12 janvier 1779, avec du charbon du Bourbonnais désoufré à Paris par cette méthode du sieur Ling, par lesquelles expériences il est incontestablement prouvé que le charbon préparé par ce procédé a une grande supériorité sur toutes les matières combustibles, et particulièrement sur le charbon cru, soit pour le chauffage ordinaire, soit pour les arts de la métallurgie, puisque ces expériences démontrent :

1o Que le charbon ainsi préparé, quoique diminué de masse par l’épurement, tient le feu bien plus longtemps qu’un volume égal de charbon cru ;

2o Qu’il a infiniment plus de chaleur, puisque, dans un temps donné et égal, des masses de métal de même volume acquièrent plus de chaleur sans se brûler ;

3o Que ce charbon de terre préparé est bien plus commode pour les ouvriers, qui ne sont point incommodés des vapeurs sulfureuses et bitumineuses qui s’exhalent du charbon cru ;

4o Que ce charbon préparé est plus économique, soit pour le transport, puisqu’il est plus léger, soit dans tous les usages qu’on en peut faire, puisqu’il se consomme moins vite que le charbon cru ;

5o Que la propriété précieuse que le charbon, préparé par cette méthode, a d’adoucir le fer le plus aigre et de l’améliorer, doit lui mériter la préférence, non seulement sur le charbon cru, mais même sur le charbon de bois ;

6o Enfin, que le charbon de terre épuré par cette méthode peut servir à tous les usages auxquels on emploie le charbon de bois, et avec un très grand avantage, attendu que quatre livres de ce charbon épuré font autant de feu que douze livres de charbon de bois.


ADDITION
À L’ARTICLE DU CHARBON DE TERRE.

Nous avons distingué deux sortes de charbons de terre, l’un que l’on nomme charbon sec, qui produit, en brûlant, une flamme légère, et qui diminue de poids et de volume en se convertissant en braise ; et l’autre que l’on appelle charbon collant, qui donne une chaleur plus forte, se gonfle et s’agglutine en brûlant. Nous croyons devoir ajouter à ce sujet des observations importantes, qui nous ont été communiquées par M. Faujas de Saint-Fond[114] : ce savant naturaliste distingue, comme nous, le charbon sec du charbon collant ; mais il a remarqué de plus dans les différentes mines qu’il a examinées en France, en Angleterre et en Écosse, que ces deux sortes de charbons de terre étaient attachées chacune à un sol d’une nature particulière, et que les charbons secs ne se trouvaient que dans les terrains calcaires, tandis qu’au contraire on ne rencontrait le charbon collant que dans les terrains granitiques et schisteux : et voici, d’après M. Faujas, quelle est la qualité de ces deux sortes de charbons, et de quelle manière chacune d’elles se présente.

Le charbon sec, étant en masse continue, peut se tirer en gros morceaux ; il est, comme les autres charbons, disposé par lits alternatifs. Si l’on examine avec attention les lits supérieurs, on y reconnaît les caractères du bois, et on y trouve quelquefois des coquilles bien conservées et dont la nacre n’a été que peu altérée : lorsqu’on est parvenu aux couches inférieures, la qualité du charbon devient meilleure, son tissu est plus serré, sa substance plus homogène ; il offre dans sa cassure des surfaces lisses, et souvent brillantes comme celle du jayet, et s’il n’en a pas le luisant, son grain est uni, serré, et n’est jamais lamelleux.

Ce charbon sec, lorsqu’il est de bonne qualité, répand, en brûlant, une flamme vive, légère, bleuâtre à son sommet, assez semblable à celle du bois ordinaire ; et l’on observe qu’à mesure que ce charbon s’embrase, il se gerce et se fend en plusieurs sens ; il perd au moins un tiers de son volume et de son poids en se convertissant en braise, et ses cendres sont blanches comme celles du bois.

M. Faujas m’a fait voir des charbons secs qui, après avoir été épurés, présentent évidemment les fibres ligneuses, et même les couches concentriques du bois qu’il était difficile d’y reconnaître avant que leur organisation eût été mise à découvert par l’épurement[115].

Lorsqu’on fait brûler ce charbon, son odeur est, en général, plus ou moins désagréable et forte, suivant les diverses qualités de ce minéral ; quelquefois elle est très faible, mais souvent elle est empyreumatique ou fétide et nauséabonde, ou de la même que celle du foie de soufre volatil. Au reste, M. Faujas observe que ces charbons secs, quoique moins bitumineux en apparence que les charbons collants, le sont réellement davantage, et qu’ils produisent par leur distillation un cinquième de plus de bitume, et un tiers de plus d’eau alcalisée.

Le charbon collant, qu’on appelle aussi charbon gras, diffère du charbon sec, en ce qu’il se boursoufle en brûlant, tandis que le charbon sec fait retraite : ce charbon collant augmente de volume au moins d’un tiers ; il présente des pores ou cavités semblables à ceux d’une lave spongieuse et que l’on reconnaît très aisément, lorsqu’il est éteint. C’est après avoir été ainsi dépouillé de son eau, de l’alcali volatil et du bitume, qu’il porte le nom de charbon épuré en France, et de coak en Angleterre ; il se réduit en une cendre grise, et soit qu’on l’emploie, dans les fourneaux, en gros morceaux ou en poussière, il s’agglutine et se colle fortement, de manière à ne former qu’une masse qu’on est obligé de soulever et de rompre, afin que l’air ne soit pas intercepté par cette masse embrasée, et que le feu ne perde pas son activité.

Ce charbon collant produit une flamme qui s’élève moins, mais qui est beaucoup plus vive et plus âpre que celle du charbon sec ; il donne une chaleur plus forte et beaucoup plus durable ; il en sort une fumée plus résineuse qu’alcalescente, qui n’a point l’odeur fétide de la plupart des charbons secs, et même, lorsqu’elle est très atténuée, elle répand une sorte d’odeur de succin. Ce charbon est composé de petites lames fort minces, très luisantes, et placées sans ordre ; et si ces lames sont peu adhérentes, le charbon est très friable : il est connu alors dans la Flandre sous le nom de houille, et sous celui de menu poussier dans les mines du Forez et du Lyonnais ; mais, d’autres fois, ces lames plus solides et plus adhérentes entre elles donnent à ce charbon une continuité ferme, et qui permet de le détacher en gros morceaux. Ce charbon solide est celui qui est le plus recherché : ses lames sont assez souvent disposées en stries longitudinales, et d’un noir très brillant ; mais le luisant de ce charbon diffère de celui du charbon sec, en ce que ce dernier, quoique très luisant, a un grain serré et uni, dont le poli naturel est comme onctueux, tandis que les lames du charbon collant ont une apparence vitreuse et brillante. M. Faujas a aussi observé qu’il se trouve quelquefois du charbon collant dans lequel la matière bitumineuse paraît affecter la forme cubique ; et il dit que l’on rencontre, particulièrement dans les charbons des environs d’Édimbourg et de Glascow, des morceaux qui ne paraissent composés que d’une multitude de petits cubes bitumineux engagés les uns dans les autres, mais qui se détachent facilement.

L’on trouve aussi dans ces charbons collants, tantôt des parcelles ligneuses bien caractérisées, tantôt des bois pyritisés, et surtout diverses empreintes de végétaux, semblables à des roseaux et à d’autres plantes dont il serait assez difficile de déterminer exactement les espèces : toutes ces empreintes sont en relief d’un côté, et en creux de l’autre ; la substance de la plante a disparu, soit qu’elle ait été détruite par la pourriture, ou qu’elle se soit convertie en charbon. M. Faujas remarque, avec raison, qu’il serait très important de comparer ces sortes d’empreintes, et de voir s’il n’existerait pas quelque différence entre les empreintes des charbons des terrains calcaires et celles des charbons des sols granitiques.

À l’égard de la situation des mines de charbon sec, au milieu des terrains calcaires, les seuls où on les trouve, suivant M. Faujas, cet habile minéralogiste remarque que, quand une mine de charbon se trouve par exemple dans les parties calcaires des Alpes, au pied de quelque escarpement entièrement dépouillé de terre végétale et où la terre est à nu, l’on aperçoit tout d’un coup l’interruption de la roche calcaire dans l’endroit où se rencontre le charbon dont les premières couches gisent sous une espèce de monticule d’argile pure ou marneuse, ou mêlée de sable quartzeux ; la sonde en tire de l’argile plus ou moins pure, du charbon, de la pierre calcaire ordinairement feuilletée, quelquefois des bois charbonnifiés qui conservent leurs caractères ligneux, et qui sont mêlés avec des coquilles : ces premières couches sont suivies d’autres lits d’argile, de pierres calcaires, ou de charbons dont l’épaisseur varie. L’inclinaison de ces couches est la même que celle de la base sur laquelle elles s’appuient, et il est important de remarquer que l’on trouve souvent, à de grandes profondeurs, la matière même du charbon adhérente à la pierre calcaire, et que dans les points de contact, les molécules du charbon sont mêlées et confondues avec celles de la pierre, de manière qu’on doit rapporter à la même époque la formation de ces pierres et celle du charbon.

Mais, au contraire, les mines de charbon collant qui sont situées dans les montagnes granitiques ou schisteuses ont été déposées dans des espèces de bassins où les courants de la mer ont transporté les argiles, les sables, les micas avec les matières végétales ; quelquefois les flots ont entraîné des pierres de diverses espèces et en ont formé ces amas de cailloux roulés qu’on trouve au-dessus ou au-dessous des charbons collants ; d’autres fois, les bois et autres végétaux ont été accumulés sur les sables ou sur les argiles où ils ont formé des couches parallèles lorsqu’ils ont été déposés sur un sol uni horizontal, et n’ont formé que des pelotons ou des masses irrégulières et des lits tortueux interrompus et inclinés, lorsqu’ils ont été déposés sur une base inégale ou inclinée ; et l’on doit observer que jamais le charbon collant ne porte immédiatement sur le granit. M. Faujas a observé qu’il existe constamment une couche de grès, de sable quartzeux, ou de pierres vitreuses roulées et arrondies par le frottement entre les granits et les couches de charbon ; et si ces mêmes couches renferment des lits intermédiaires d’argile en masse ou d’argile feuilletée, ces argiles sont également séparées du granit par les sables, les grès, les pierres roulées, ou par d’autres matières provenant de la décomposition des roches vitreuses : telles sont les différences que l’on peut remarquer, suivant M. Faujas, entre les charbons secs et les charbons collants, tant pour leur nature que pour leur gisement dans les terrains calcaires et dans les terrains granitiques et schisteux. Ce naturaliste présume, avec raison, que la nature des charbons secs, toujours situés dans les terrains calcaires, tient en grande partie à leur formation contemporaine de celle des substances coquilleuses : la matière de ces charbons s’est mêlée avec la substance animale des coquillages dont les dépouilles ont formé les bancs de pierres calcaires ; et les bois qui ont été convertis en charbon sec, placés au milieu de ces amas de matières alcalescentes, se sont imprégnés de l’alcali volatil qui s’en est dégagé ; ce qui nous explique pourquoi ce charbon rend par la distillation une quantité d’alcali qui excède du double et du triple celle qu’on obtient des charbons collants.

L’on doit ajouter aux causes de ces différences, entre les charbons collants et les charbons secs, l’influence de la terre végétale qui se trouve en très petite quantité dans le charbon sec, et entre au contraire pour beaucoup dans la formation du charbon collant ; et, comme cette terre limoneuse est mêlée en plus grande quantité de matières vitreuses que de substances calcaires, il pourrait se faire, ainsi que l’a observé M. Faujas, que les charbons collants ne se trouvassent jamais que dans les terrains granitiques et schisteux : et c’est par cette raison que cette terre limoneuse qui se boursoufle et augmente de volume, lorsqu’on l’expose à l’action du feu, donne aux charbons collants la même propriété de se gonfler, de s’agglutiner et de se coller les uns contre les autres lorsqu’on les expose à l’action du feu.

Plus on multipliera les observations sur les charbons de terre, et plus on reconnaîtra entre leurs couches, et surtout dans leurs lits supérieurs, des empreintes de diverses sortes de plantes : « J’ai vu, m’écrit M. de Morveau, dans toutes les mines de charbon de Rive-de-Gier, de Saint-Chaumont et de Saint-Berain, des empreintes de plantes, des prêles, des caille-laits, des joncs, dont l’écorce est très connaissable, et qui ont jusqu’à un pouce de diamètre, un fruit qui joue la pomme de pin, des fougères surtout en quantité. J’ai observé, dans les contre-parties de ces fougères, que d’un côté les tiges et les côtes entières étaient en relief et les feuilles en creux, et de l’autre les côtes et les tiges en creux et les feuilles en relief ; quand les schistes où sont ces empreintes sont très micacés, comme dans un morceau que j’ai trouvé à Saint-Berain, on y distingue parfaitement la substance même de la plante et des feuilles, qui y forme une pellicule noire que l’on peut détacher, quoique très mince. J’ai vu dans le Cabinet de M. le Camus, à Lyon, dans un de ces schistes de Saint-Chaumont, un fruit rond de près d’un pouce d’épaisseur, dont la coupe présente trois couches concentriques ; il croit que c’est une espèce de noix vomique[116]. » Toutes ces empreintes végétales achèvent de démontrer la véritable origine des charbons de terre, qui ne sont que des dépôts des bois et autres végétaux dont l’huile s’est, avec le temps, convertie en bitume par son mélange avec les acides de la terre. Mais, lorsque ces végétaux conservent plus ou moins les caractères extérieurs de leur première nature, lorsqu’ils offrent encore presque en entier leur contexture et leur configuration, et que les huiles et autres principes inflammables qu’ils renferment n’ont pas été entièrement changés en bitume, ce ne sont alors que des bois ou végétaux fossiles qui n’ont pas encore toutes les qualités des charbons de terre et qui, par leur état intermédiaire entre ces charbons et le bois ordinaire, sont une nouvelle preuve de l’origine de ces mêmes charbons qu’on ne peut rapporter qu’aux végétaux. On rencontre particulièrement de ces amas ou couches de bois fossile à Hoen et Stockhausen, dans le pays de Nassau ; à Satfeld près de Heiligenbrom[117], dans le pays de Dillembourg en Allemagne, dans la Wétéravie, etc. ; il y en a aussi en France ; on a découvert une de ces forêts souterraines entre Bourg en Bresse et Lons-le-Saunier[118] ; mais ce n’est pas seulement dans quelques contrées particulières qu’on rencontre ces bois fossiles ; on en trouve dans la plupart des terrains qui renferment des charbons de terre, et en une infinité d’autres endroits. Ces bois fossiles ont beaucoup de rapports avec les charbons de terre par leur couleur, par leur disposition en couches, par les terres qui en séparent les différents lits, par les sels qu’on en retire, etc., mais ils en diffèrent par des caractères essentiels : le peu de bitume qu’ils contiennent est moins gras que celui des charbons, leur substance végétale et les matières terreuses qu’ils renferment n’ont presque point été altérées par cette petite quantité de bitume, et enfin ces bois fossiles se rencontrent communément plus près de la surface du terrain que les charbons de terre dont la première organisation a été souvent plus détruite, et dont les huiles ont toutes été converties en bitume.

Les bancs de schiste, d’argile ou de grès, qui renferment et recouvrent les mines de charbons de terre, sont souvent recouverts eux-mêmes, dans les environs des anciens volcans, par des couches de laves qui ne sont quelquefois séparées des charbons que par une petite épaisseur de terre. M. Faujas a fait cette observation auprès du Puy en Velay, auprès de Gensac en Vivarais, à Massarse dans le Nivernais, dans plusieurs endroits de l’Écosse, et particulièrement dans les mines de Glascow et dans celles qui appartiennent au lord Dundonal[119]. Ces laves ne peuvent avoir coulé sur ces couches de charbon qu’après la formation de ces charbons ; et leur recouvrement par la terre qui leur sert de toit les a préservés de l’inflammation qu’aurait produite le contact de la lave en fusion.

Nous avons présenté l’énumération de toutes les couches de charbons de terre de la montagne de Saint-Gilles, au pays de Liège, avec les résultats que nous a fournis la comparaison de ces couches ; nous donnons aussi, dans la note ci-dessous, l’état des couches de terre et de charbon du puits de Caughley-Lane, situé à une lieue de la Severne, en Angleterre[120]. En comparant également les couches de cette mine de Caughley-Lane, nous trouverons, ainsi que nous l’avions déjà conclu de la position et de la nature des couches du pays de Liège, que l’épaisseur des couches de charbon n’est pas relative à la profondeur où elles gisent, et nous verrons aussi que l’épaisseur plus ou moins grande des matières étrangères interposées entre les couches de charbon n’influe pas sur l’épaisseur de ces couches.

Et à l’égard de la bonne ou mauvaise qualité des charbons, on remarquera, dans ces deux grands exemples, que celui qui est situé le plus profondément n’est pas le meilleur de tous, ce qui prouve qu’un séjour plus ou moins long dans le sein de la terre ne peut influer sur la nature du charbon qu’autant qu’il donne aux acides plus de temps pour convertir en bitume les huiles des végétaux enfouis ; et tous les autres résultats, que nous avons tirés de la nature et de la position des couches de la montagne de Saint-Gilles, se trouvent confirmés par la comparaison des couches de Caughley-Lane.


Notes de Buffon
  1. Voyez les quatre premières époques, t. II.
  2. À Alais et dans plusieurs autres endroits du Languedoc, on fait de la chaux avec le charbon même, sans autre pierre ni matières calcaires que celles qu’il contient, et aussi sans autre substance combustible que son propre bitume, qui, après s’être consumé, laisse à nu la base calcaire que le charbon contenait en grande quantité.
  3. M. de Gensane distingue cinq espèces de charbon de terre, qui sont : 1o la houille ; 2o le charbon de terre cubique qu’on appelle aussi carré ; 3o le charbon à facette ou ardoisé ; 4o le charbon jayet ; 5o le bois fossile. (Je dois observer que M. de Gensane est le seul des minéralogistes qui ait présenté cette division des charbons de terre, dans laquelle le bois fossile ne doit pas être compris tant qu’il n’est pas bitumineux.)

    La houille est une terre noire bitumineuse et combustible ; elle se trouve toujours fort près de la surface de la terre et voisine des véritables veines de charbon… Le charbon de terre cubique a ses parties constituantes disposées par cubes, arrangés les uns contre les autres, de sorte qu’en les pilant même très menu, ces mêmes parties conservent toujours une configuration cubique : il est fort luisant à la vue ; il s’en trouve qui représentent les plus belles couleurs de l’iris, qui ne sont que l’effet d’une légère efflorescence de soufre… Le charbon à facettes ou ardoisé ne diffère du charbon cubique que par la configuration de ses parties constituantes, et qu’en ce qu’il est plus sujet que le précédent à renfermer des grains de pyrites qui détériorent sa qualité : on distingue, à la vue simple, qu’il est composé de petites lames entassées les unes sur les autres, dont l’ensemble forme de petits corps irréguliers, rangés les uns à côté des autres… Le charbon jayet est une substance bitumineuse plus ou moins compacte, lisse et fort luisante ; il est plus pesant que les charbons précédents ; sa dureté est fort variable : il y en a qui est si dur, qu’il prend un assez beau poli, et qu’on le taille comme les pierres ; on en fait dans bien des endroits des boutons d’habits, des colliers et d’autres menus ouvrages de cette espèce. Il y en a d’autre qui est si mou qu’on le pelote dans la main, et toutes ces différences ne viennent que du plus ou du moins de substance huileuse que ce fossile renferme ; car il est bon de remarquer qu’il n’est point de charbon de terre, de quelque espèce qu’il soit, qui ne contienne une portion plus ou moins considérable d’une huile connue sous le nom de pétrole ou d’asphalte. Histoire naturelle du Languedoc, par M. de Gensane, t. Ier, p. 49 et suiv. — Le jayet n’est pas, comme le dit M. de Gensane, plus pesant que les charbons de terre ; il est au contraire plus léger, car les charbons de terre ordinaires ne surnagent point dans l’eau, au lieu que le jayet y surnage, et c’est même par cette propriété qu’on peut le distinguer du charbon.

  4. Voyez les Époques de la Nature, t. II.
  5. Outre les impressions de plantes assez communes dans le toit de ces mines, on rencontre fréquemment dans leur voisinage, ou dans les fouilles qu’entraîne leur exploitation, des portions de bois, et même des arbres entiers.

    M. l’abbé de Sauvages fait mention, dans les Mémoires de l’Académie des sciences (année 1743, p. 413), de fragments de bois pierreux fortement incrustés, du côté de l’écorce, d’un ou deux pouces de charbon de terre dans lequel s’était faite cette pétrification.

    Il est très ordinaire de trouver, au-dessus des mines de houille, du bois qui n’est point du tout décomposé ; mais, à mesure qu’on le trouve enfoui plus profondément, il est sensiblement plus altéré.

    À Bull près de Cologne et de Bonn, M. de Bury, fameux houilleur de Liège, en faisant fouiller dans un vallon, trouva une espèce de terre houille, qui n’était autre chose que du bois qui avait été couvert par une montagne de terre.

    Il y a plusieurs mines dans lesquelles on ne peut méconnaître des troncs et des branches d’arbres qui ont conservé leur texture fibreuse, compacte comme on en trouve à Querfurt, dont la couleur est d’un brun jaunâtre. M. Darcet a vu, dans la mine de Wentorcastle, un tronc de la grosseur d’un mât de petit vaisseau qui était implanté dans l’argile, tout à fait à l’extrémité et hors de la mine ; la partie supérieure était du vrai charbon de terre, absolument semblable à celui de la mine, tandis que la partie de dessous de ce même tronc était encore du bois et ne sautait pas en éclats comme celle du dessus ; mais elle se fendait, et la hache était retenue comme elle a coutume de s’arrêter dans le bois.

    Outre ces troncs d’arbres épars, ces débris de bois, il est des endroits où l’on ne donnait pas de mines de charbon de terre, et où l’on rencontre à une grande profondeur des amas de bois fossiles, disposés par bancs séparés les uns des autres par des lits terreux, et qui présentent en tout des soupçons raisonnables d’un passage de la nature ligneuse à celle de la houille, d’une vraie transmutation de bois en charbon de terre. Du charbon de terre, par M. Morand, pages 5 et 6. M. de Gensane cite lui-même quelques mines de charbon de terre dont les têtes sont composées de bois fossiles : « Nous avons trouvé, dit-il, près le moulin de Puziols (diocèse de Narbonne), deux veines de charbon de terre, dont les têtes renferment beaucoup de bois fossiles semblables à ceux des Cazarets près de Saint-Jean-de-Coucules, diocèse de Montpellier. » Histoire naturelle du Languedoc, t. II, p. 177.

  6. Si l’on objecte qu’il se produit du soufre non seulement par le feu, mais sans feu, et par ce que l’on appelle la voie humide, comme dans les voiries et les fosses d’aisances, je répondrai que ce passage ou changement ne se fait que par une effervescence accompagnée d’une chaleur qui fait ici le même effet que le feu.
  7. « Les charbons de terre brûlent d’autant plus longtemps qu’ils prennent difficilement le feu ; ils se consument d’autant plus promptement qu’ils s’enflamment plus aisément ; ces circonstances sont plus ou moins marquées, selon que les charbons sont purs, bitumineux et compacts : ainsi, celui qui s’allume difficilement en donnant une belle flamme claire et brillante, comme fait le charbon de bois, est réputé de la meilleure espèce… Si, au contraire, le charbon de terre se décompose ou se désunit facilement, s’il se consume aussi aisément qu’il prend flamme, il est d’une qualité inférieure.

    » Une des propriétés du charbon de terre est de s’étendre en s’enflammant comme l’huile, le suif, la cire, la poix, le soufre, le bois et autres matières inflammables : on doit en général juger avantageusement d’un charbon qui au feu se déforme d’abord en se grillant, et qui acquiert ensuite de la solidité ; les uns, et ce sont les meilleurs, comme la houille grasse, le charbon dit maréchal, flambent, se liquéfient plus ou moins en brûlant comme la poix, se gonflent, se collent ensemble dans les vaisseaux fermés, ils se réduisent entièrement en liquescence. On remarque que cette espèce ne se dissout ni dans l’eau, ni dans les huiles, ni dans l’esprit-de-vin ; les autres enfin s’embrassent sans donner ces phénomènes. » — Il serait à désirer que M. Morand eût indiqué où se trouvent ces charbons qui se réduisent entièrement en liquescence dans les vaisseaux fermés ; nous n’en connaissons point de cette espèce : j’observerai de plus qu’il n’y a point de charbon de terre que l’esprit-de-vin n’attaque plus ou moins.

    « Le charbon de terre est encore de bonne espèce quand il donne peu de fumée, ou lorsque la fumée qu’il répand est noire, quand son exhalaison est plutôt résineuse que sulfureuse, et qu’elle n’est point incommode.

    » Toutes ces circonstances, tant dans la manière dont il brûle que dans les phénomènes résultants au feu surtout, dépendent, comme de raison, de la qualité plus ou moins bitumineuse ou plus ou moins pyriteuse du charbon.

    » Un charbon qui est en grande partie ou en totalité bitumineux brûle fort vite en donnant une odeur de naphte ; celui qui l’est peu ne se soutient pas facilement en masse quand le feu l’attaque à un certain degré : il en est qui est d’assez bonne durée, mais le feu dissipant promptement la portion de graisse qui y était alliée, les petites alvéoles ou loges dans lesquelles elle était renfermée se désunissent, se séparent par petites parcelles, quelquefois assez grandes… Ces sortes de charbons ne peuvent tenir au soufflet, le vent les enlève, et ils sont très peu profitables au feu ; d’autres au contraire, qui étaient friables, sont d’un bon usage, leurs parties se réunissant et se collant au feu.

    » De même que le bitume est dans quelques charbons le seul principe inflammable, il s’en trouve d’autres qui doivent à la pyrite presque seule leur inflammabilité. » — Je ne sais si cette assertion est bien fondée, car tous les charbons que nous connaissons donnent du bitume ou ne brûlent pas. « C’est ainsi que les charbons, selon qu’ils sont plus ou moins chargés de pyrites, se consument plus ou moins lentement : celui de Newcastle est long à se consumer ; mais celui de Suntherland, au comté de Durham, qui est très pyriteux, brûle plus longtemps encore jusqu’à ce qu’il se réduise en cendres. » Du charbon de terre, etc., par M. Morand, p. 1152 et 1153.

  8. L’asphalte est en très grande quantité dans la mer morte de Judée, à laquelle on a même donné le nom de lac Asphaltique : ce bitume s’élève à la surface de l’eau, et les voyageurs ont remarqué dans les plaines voisines de ce lac plusieurs pierres et mottes de terre bitumineuses. Voyage de Pietro della Valle, t. II, p. 76.
  9. Flacourt dit avoir vu, entre le cap Vert et le cap de Bonne-Espérance, un espace de mer qui avait une teinture jaune, comme d’une huile ou bitume qui surnageait, et qui, venant à se figer par succession de temps, durcit ainsi que l’ambre jaune ou succin. Voyage à Madagascar, t. Ier, p. 237.
  10. « La matrice dans laquelle s’arrangent les veines de houille est une sorte de grès dur comme du fer, dans l’intérieur de la terre, mais qui se réduit en poussière lorsqu’il est exposé à l’air : les houilleurs nomment cette pierre agas. » Genneté, Connaissance des veines de houille, etc., p. 24. — J’ai vu de ces pierres pyriteuses qui sont en effet très dures dans l’intérieur de la terre, et dont on ne peut percer les bancs qu’à force de poudre, et qui se décomposent à l’air ; elles se trouvent assez souvent au-dessus des veines de charbon.
  11. Connaissance des veines de houille, etc., p. 25.
  12. Idem, p. 25.
  13. Idem, p. 123.
  14. Idem, p. 124.
  15. Hist. naturelle du Languedoc, par M. de Gensane, t. Ier, p. 12.
  16. Idem, ibidem, p. 13.
  17. Note communiquée par M. le Camus de Limare, le 5 juillet 1780.
  18. Hist. naturelle du Languedoc, par M. de Gensane, t. Ier, p. 23.
  19. Hist. naturelle du Languedoc, par M. de Gensane, t. Ier, p. 24.
  20. « À Birmingham, on emploie dans les cheminées une autre espèce de charbon qui est plus cher que le charbon de terre ordinaire ; on l’appelle flew-coal : la mine est située à sept milles au nord de Birmingham, à Wedgbory near Warsal in Staffordshire ; on le tire par gros morceaux qui ont beaucoup de consistance, et il se vend trois pence and penny le cent, du poids de cent douze livres, faisant à peu près un quintal poids de marc. Ce charbon s’allume avec du papier, comme du bois de sapin ; sa flamme est blanche et claire, son feu très ardent ; il est d’ailleurs sans odeur, et il se réduit en une cendre blanche aussi légère que celle du bois. » — Cette espèce de charbon n’a point été décrite dans M. Morand, ni dans aucun autre ouvrage de ma connaissance. (Note communiquée par M. le Camus de Limare, le 5 juillet 1780.)
  21. Voyez l’article précédent, qui a pour titre : De la terre végétale.
  22. « Les charbons de pierre s’annoncent souvent par des veines d’une terre noire combustible, que nous avons ci-devant désignée par le nom de houille, et qui forme ordinairement la tête des véritables veines de charbon. » Hist. naturelle du Languedoc, t. Ier, p. 31. — M. Morand, de l’Académie des sciences, qui a fait un très grand et bon ouvrage sur le charbon de terre, a regardé, avec la plupart des minéralogistes, les noms de houille et de charbon de terre comme synonymes ; il dit que dans le pays de Liège on distingue les matières combustibles des mines en houille grasse, en houille maigre, en charbons forts et en charbons faibles… Cette houille grasse s’emploie à Liège dans les foyers, elle se colle aisément au feu, elle rend plus de chaleur que la houille maigre… Elle se réduit pour la plus grande partie en cendres grisâtres, mais plus graveleuses que celles du bois ; son feu est trop ardent, et elle est trop grasse pour que les maréchaux puissent s’en servir : le feu de la houille maigre est plus faible, elle est presque généralement en usage pour les feux domestiques… Elle dure plus longtemps au feu, et, lorsque son peu de bitume est consumé, elle se réduit en braise, qu’on allume sans qu’elle donne de l’odeur ni presque de fumée. Les charbons forts sont d’une couleur noire plus décidée et plus frappante que les charbons faibles ; ils sont gras au toucher et comme onctueux par la grande quantité de bitume qu’ils contiennent : ces charbons forts sont excellents dans tous les cas où il faut un feu d’une grande violence, comme dans les plus grosses forges ; ils pénètrent également les parties du fer, les rendent propres à recevoir toutes sortes d’impressions, réunissent même les parties qui ne seraient pas assez liées ; mais, par sa trop grande ardeur, ce charbon fort ne convient pas plus aux maréchaux que la houille grasse.

    Le charbon faible est toujours un charbon qui se trouve aux extrémités d’une veine ; il donne beaucoup moins de chaleur que le charbon fort, et ne peut servir qu’aux cloutiers, aux maréchaux et aux petites forges, pour lesquelles on a besoin d’un feu plus doux… Son usage ordinaire est pour les briquetiers ou tuiliers, et pour les fours à chaux où le feu trop violent des charbons forts pénétrerait trop précipitamment les parties de la terre et de la pierre, les diviserait et les détruirait… Les charbons faibles se trouvent aussi dans les veines très minces, ils sont toujours menus, et souvent en poussière. Du charbon de terre, etc., p. 77 et suiv.

  23. « C’est dans une pareille terre que j’ai trouvé, à huit pieds de profondeur, des racines encore très reconnaissables, environnées de terreau où l’on aperçoit déjà quelques couches de petits cubes de charbon. » Note communiquée par M. de Morveau.
  24. « La trace de charbon de terre qui m’est la mieux connue, dit M. Genneté, est celle qui file d’Aix-la-Chapelle par Liège, Hui, Namur, Charleroi, Mons et Tournai, jusqu’en Angleterre, en passant sous l’Océan, et qui d’Aix-la-Chapelle traverse l’Allemagne, la Bohême, la Hongrie… Cette traînée de veines est d’une lieue et demie à deux lieues de largeur, tantôt plus et tantôt moins ; elle s’étend sous terre dans les plaines comme dans les montagnes. » Connaissance des veines de houille, etc., p. 36.
  25. « Cette loi, quoique assez générale, est sujette à quelques exceptions : la mine de Litry en Normandie va du nord-est au sud-est, sur dix heures ; celle de Languin en Bretagne marche sur la même direction ; elle s’incline au couchant sur quarante-cinq degrés ; celle de Montrelais, dans la même province, suit la même direction. » Note communiquée par M. de Grignon. — « Celle d’Épinac en Bourgogne va du levant au couchant, inclinant au nord de trente à trente-cinq degrés. L’épaisseur commune est de sept à huit pieds, souvent de quatre, et quelquefois de douze et de quinze : la veine principale qu’on exploite est bien réglée et très abondante, mais elle est entrecoupée de nerfs. Le charbon est ardoisé et pyriteux, peu propre par conséquent pour la forge, à cause de l’acide sulfureux qui se dégage des pyrites dans la combustion, et qui corrode le fer dans les différentes chauffes qu’on lui donne. » Note communiquée par M. de Limare.
  26. « Les houilleurs du pays de Liège appellent faille ou voile un grand banc de pierre qui passe à travers les veines de houille qu’il rencontre en couvrant les unes, et coupant ou dévoyant les autres, depuis le sommet d’une montagne jusqu’au plus profond… Ces failles sont toutes inclinées… Une faille aura depuis quarante-deux jusqu’à cent soixante-quinze pieds d’épaisseur dans son sommet, c’est-à-dire au haut de la terre, et quatre cent vingt pieds d’épaisseur à la profondeur de trois mille cent quatre-vingt-deux pieds : les veines qui sont coupées par les failles s’y perdent, en s’y continuant, par de très petits filets détournés, ou enfin elles sautent par derrière au-dessus ou au-dessous de leur position naturelle, et jamais en droiture… Quelquefois, en sortant des failles, les veines se relèvent ou descendent contre elles avant de reprendre leur direction. » Connaissance des veines de houille, etc., pages 39 et 40. — Je dois observer que M. Morand a raison, et fait une critique juste de ce que M. Genneté dit au sujet des failles, dont en effet il ne paraît guère possible de déterminer les dimensions d’une manière aussi précise que l’a fait cet observateur. Voyez l’ouvrage de M. Morand sur le Charbon de terre, p. 868. — « Cette critique de ce que dit M. Genneté est d’autant plus juste que, par la planche 3 de son Traité, il ne paraît pas qu’aucune de ces trois failles qui y sont figurées aient été traversées ni même reconnues à différentes profondeurs, comme cela doit être pour déterminer sûrement les différentes épaisseurs et qualités des failles.

    » Il en est de même des cinq veines cotées 57, 58, 59, 60 et 61, dont il n’est pas possible de fixer aussi précisément les courbures et les profondeurs, quand on ne les a reconnues que dans un seul point, comme l’indique (figure 7, table 3) le plan qu’il en donne sans échelle : encore ces cinq veines n’ont-elles été reconnues qu’à peu de distance de la superficie. Il ne dit pas non plus si l’on a remarqué, par les différents travaux des figures 1, 2, 3, 4, 5 et 6, table 3, que les épaisseurs et qualités des bancs de rochers qui séparent les autres veines et les dimensions de ces mêmes veines aient été si exactement analogues dans les deux extrémités de ces ouvrages, qu’on ait dû en conclure le parallélisme parfait décrit dans cette même table 3. » Note communiquée par M. le Camus de Limare, le 5 juillet 1780.

  27. Voyez les Époques de la Nature, t. II, p. 87 et suiv.
  28. « La conformité, dit M. de Gensane, que j’ai toujours remarquée entre la configuration du fond de la mer et celle des couches de charbon de terre est si frappante, que je la regarde comme une preuve de fait, qui équivaut à une démonstration de tout ce que nous avons dit sur son origine : les bords de la mer, dans la plupart de ses parages, commencent d’abord par une pente plus ou moins rapide, qui prend successivement une position qui approche toujours de plus en plus de l’horizontale, à mesure que le terrain s’avance au-dessous des eaux de la mer ; la même chose arrive aux veines de charbon de ferre ; leur tête, qui est près de la surface du terrain, conserve toujours une certaine pente, souvent assez rapide jusqu’à une certaine profondeur, après quoi elles prennent une position qui est presque horizontale ; et l’épaisseur de ces veines est pour l’ordinaire d’autant plus forte qu’elles approchent davantage de cette dernière position. Il y a d’autres parages où les bords de la mer sont fort escarpés jusqu’à une forte profondeur au-dessous des eaux ; il arrive également qu’on rencontre des veines ou couches de charbon dont la situation est presque perpendiculaire, mais cela est très rare, et cela doit être, parce que dans les endroits où les bords de la mer sont fort escarpés, il y a toujours des courants qui ne permettent que difficilement aux vases de s’y reposer. Enfin on remarque souvent au fond de la mer des filons ou amas de sables connus sous le nom de bancs : ceux qui connaissent les mines de charbon me sont témoins qu’elles forment aussi quelquefois des courbures ou dos d’âne fort analogues à ces bancs ; lorsque ces dépôts de vase se forment dans des anses de la mer, qui, par la retraite des eaux, deviennent des vallées, les veines de charbon y ont deux têtes, une de chaque côté de la vallée dont elles coupent le fond ; en sorte que la coupe verticale de ces veines forme une anse de panier renversée, dont les deux extrémités s’appuient contre les montagnes : telles sont les veines de charbon des environs de Liège. » Histoire naturelle du Languedoc, t. Ier, p. 35 et suiv.
  29. « L’inclinaison des veines de charbon, dit M. de Gensane, n’affecte pas une aire de vent déterminée ; il y en a qui penchent vers le levant, d’autres vers le couchant, et ainsi des autres points de l’horizon ; elles n’ont rien de commun non plus avec le penchant des montagnes dans lesquelles elles se trouvent. » — Je dois observer que ce rapport de l’inclinaison des veines avec le penchant des montagnes a existé anciennement et nécessairement, et l’observation de M. de Gensane doit être particularisée pour les terrains qui ont subi des changements depuis le temps du dépôt des veines. (Voyez ci-après.) « Quelquefois, continue-t-il, les veines sont inclinées dans le même sens que le penchant de la montagne ; d’autres fois, elles entrent directement dans l’intérieur de la montagne et penchent vers sa base ou vers son centre, mais aussi, lorsqu’une veine a pris sa direction, elle s’en écarte rarement : elle peut bien former quelque inflexion, mais elle reprend ensuite sa direction ordinaire. » Histoire naturelle du Languedoc, par M. de Gensane, t. Ier, p. 36 et 37.
  30. « Pour donner, dit-il, l’idée la plus complète de la marche variée des veines qui garnissent un même terrain, j’ai choisi la montagne de Saint-Gilles près de Liège, qui est presque dans le milieu de la trace où ces veines filent du levant au couchant, et où le penchant de la montagne fait découvrir le plus grand nombre de veines avec les plus grandes profondeurs auxquelles on puisse les atteindre… Le diamètre du plateau (de cette montagne) est d’environ mille pieds : c’est aussi la longueur de la première veine… qui s’étend de tous côtés, tant en longueur qu’en largeur, ainsi que toutes les autres qui suivent.
    Épaisseur des veines Distance entre les veines
    Pouces.Pieds. Pouces. Pieds.
    Distance du gazon à la première veine. » » 21
    Épaisseur de cette première veine. 1 3 »
    Cette première veine n’a partout qu’un seul lit ou épaisseur uniforme ; elle a un doigt d’épaisseur de houage (terre noire, meuble, qui se trouve dessous ou entre les bancs de houille), en dessous, ce qui la rend très facile à l’exploitation.
    Distance de la première à la seconde veine. » » 42
    Épaisseur de la seconde veine. 1 7 »
    Elle est séparée en deux lits, par un doigt d’épaisseur de houage.
    Distance de la deuxième à la troisième veine. » » 84
    Épaisseur de la troisième veine. 4 3 »
    Cette troisième veine est quelquefois séparée en deux par un ou deux pieds de roc, et, à prendre la chose en général, on peut compter depuis un pied jusqu’à une et même deux toises de distance entre ces deux lits de houille, qui ne font cependant qu’une seule veine.
    Distance de la troisième à la quatrième veine. » » 49
    Épaisseur de la quatrième veine. 1 7 »
    Elle a trois pouces de houage en bas ; sa houille est bonne, et brûle comme le charbon du meilleur bois.
    Distance de la quatrième à la cinquième veine. » » 42
    Épaisseur de la cinquième veine. 1 3 »
    Cette cinquième veine est mêlée de pierres qui prennent la moitié de son épaisseur, et la réduisent à sept ou huit pouces divisée en trois couches ; elle renferme quelquefois des pyrites sulfureuses, qui lui donnent une odeur désagréable en brûlant.
    Distance de la cinquième à la sixième veine. » » 56
    Épaisseur de la sixième veine. » 7 »
    Distance de la sixième à la septième veine. » » 56
    Épaisseur de cette septième veine. 2 3 »
    La houille de cette veine est de bonne qualité ; c’est à cette veine que commence à toucher la grande faille qui coupe ensuite toutes celles qui sont au-dessous.
    Distance entre la septième et la huitième veine. » » 21
    Épaisseur de la huitième veine. 2 7 »
    Elle est séparée en deux, par une épaisseur de deux à trois pouces de pierres, et a en dessous environ trois pouces de houage.
    Distance de la huitième à la neuvième veine. » » 23
    Épaisseur de la neuvième veine. 1 3 »
    Elle est séparée en trois branches par deux lits de pierres, qui font qu’elle ne vaut presque rien.
    Distance de la neuvième à la dixième veine. » » 35
    Épaisseur de cette dixième veine. 1 » »
    Elle est de bonne qualité, quoique difficile à exploiter.
    Distance de la dixième à la onzième veine. » » 28
    Épaisseur de cette onzième veine. 3 3 »
    Elle a en dessous deux ou trois doigts d’épaisseur de houage, et est excellente.
    Distance de la onzième à la douzième veine. » » 91
    Épaisseur de cette douzième veine. 1 2 »
    La houille de cette veine répand une mauvaise odeur en brûlant, parce qu’elle renferme des boutures ou pyrites sulfureuses : exposée à l’air pendant les pluies, celle qui est émiettée fermente et s’enflamme d’elle-même, et c’est pour cela qu’on ne peut exploiter cette veine pendant l’hiver, puisque la houille ne pourrait se conserver en tas à l’air libre pour la vente, sans accident.
    Distance de la douzième à la treizième veine. » » 21
    Épaisseur de cette treizième veine. 1 7 »
    Elle est divisée en trois bancs par deux lits de pierres, d’un à deux doigts d’épaisseur, et a en dessous environ un demi-doigt de houage.
    Distance de la treizième à la quatorzième veine. » » 98
    Épaisseur de cette quatorzième veine. 4 » »
    Elle est séparée en deux branches presque égales, par un banc de pierres noires et de veine mitoyenne (ou fausse veine terreuse qui n’est ni de vraie houille, ni proprement terre, ni véritable pierre, mais un composé des trois fondues ensemble), le tout d’un pied d’épaisseur, et a en dessous deux ou trois doigts d’épaisseur de houage.
    Distance de la quatorzième à la quinzième veine. » » 77
    Épaisseur de cette quinzième veine. 3 3 »
    Elle est quelquefois séparée en deux par un lit de pierre et de matière bitumineuse, ce qui n’empêche pas que la veine ne soit excellente.
    Distance de la quinzième à la seizième veine. » » 56
    Épaisseur de cette seizième veine. 3 » »
    Elle est quelquefois d’une seule pièce, et d’autres fois elle a trois couches ; alors celle de dessus et celle de dessous sont les plus épaisses ; souvent il y a un peu de houage, et souvent il n’y en a point.
    Distance de la seizième à la dix-septième veine. » » 42
    Épaisseur de cette dix-septième veine. 3 » »
    Il y a un lit de deux doigts d’épaisseur qui la divise en deux branches ; c’est encore ici une veine d’élite : il y a depuis deux jusqu’à cinq doigts d’épaisseur de houage sous cette veine.
    Distance de la dix-septième à la dix-huitième veine. » » 91
    Épaisseur de cette dix-huitième veine. 1 3 »
    Cette veine est bonne ; elle est tantôt d’une seule pièce, et tantôt de deux couches : elle a quelquefois du houage, et d’autres fois elle n’en a point.
    Distance de la dix-huitième à la dix-neuvième veine. » » 87
    Épaisseur de cette dix-neuvième veine. 5 5 »
    Elle a un lit de pierre qui la divise en deux branches, et ce lit, n’étant que d’un pied en quelques endroits, se trouve de plusieurs pieds d’épaisseur en d’autres : il y a un demi-pied de houage sous la dernière couche du bas ; la veine a quelquefois des pyrites sulfureuses.
    Distance de la dix-neuvième à la vingtième veine. » » 42
    Épaisseur de cette vingtième veine. 3 » »
    Elle est quelquefois d’une seule pièce, et d’autres lois de deux couches, qui sont séparées par un doigt de houage.
    Distance de la vingtième à la vingt et unième veine. » » 98
    Épaisseur de cette vingt et unième veine. 2 3 »
    Elle est souvent séparée en deux couches par un lit de sept à huit pouces de roc : celle de dessus est la plus épaisse, et est quelquefois divisée par deux doigts de houage.
    Distance de la vingt et unième à la vingt-deuxième veine. » » 49
    Épaisseur de cette vingt-deuxième veine. 4 » »
    C’est la meilleure de toutes les veines ; cependant il s’y trouve quelquefois des pyrites, mais aisées à séparer : elle a deux doigts de houage en bas.
    Distance de la vingt-deuxième à la vingt-troisième veine. » » 28
    Épaisseur de cette vingt-troisième veine. 1 7 »
    La houille donne au feu un peu de mauvaise odeur ; elle a trois couches, celle d’en bas et celle d’en haut sont les plus épaisses : il y a un doigt de houage sous celle du milieu ; la veine contient souvent des pyrites.
    Distance de la vingt-troisième à la vingt-quatrième veine. » » 42
    Épaisseur de cette vingt-quatrième veine. » 7 »
    Il y a un demi-pied de houage de dessous.
    Distance de la vingt-quatrième à la vingt-cinquième veine. » » 35
    Épaisseur de cette vingt et cinquième veine. 1 2 »
    Elle contient beaucoup de pyrites sulfureuses, et est divisée en deux couches.
    Distance de la vingt-cinquième à la vingt-sixième veine. » » 84
    Épaisseur de cette vingt-sixième veine. 3 3 »
    Elle est aussi divisée en deux couches, et a depuis deux jusqu’à trois pouces de houage au-dessous.
    Distance de la vingt-sixième à la vingt-septième veine. » » 45
    Épaisseur de cette vingt-septième veine. 2 3 »
    Cette veine est bonne et toute d’une pièce.
    Distance de la vingt-septième à la vingt-huitième veine. » » 42
    Épaisseur de cette vingt-huitième veine. 2 3 »
    Cette veine est bonne et aussi d’une seule pièce : elle a deux doigts de houage.
    Distance de la vingt-huitième à la vingt-neuvième veine. » » 98
    Épaisseur de cette vingt-neuvième veine. 5 7 »
    Il y a deux lits de pierres qui divisent la veine en trois : l’un de ces lits de pierres a trois pouces, et l’autre un pied d’épaisseur ; elle est mise au nombre des meilleures veines, et a un pouce de houage au milieu.
    Distance de la vingt-neuvième à la trentième veine. » » 24
    Épaisseur de cette trentième veine. 3 » »
    Elle est divisée en deux couches : il y a quelquefois du houage et toujours des pyrites sulfureuses.
    Distance de la trentième à la trente et unième veine. » » 49
    Épaisseur de cette trente et unième veine. 2 3 »
    Il y a deux lits de pierres qui la divisent en trois branches, et qui ont chacun sept à huit pouces d’épaisseur : ces trois branches donnent de la houille qui est peu estimée.
    Distance de la trente et unième à la trente-deuxième veine. » » 94
    Épaisseur de cette trente-deuxième veine. 3 » »
    C’est ici une bonne veine, divisée en deux couches par une épaisseur de deux doigts de houage.
    Distance entre la trente-deuxième et la trente-troisième veine. » » 70
    Épaisseur de cette trente-troisième veine. 4 7 »
    Il y a un lit de pierres de sept pouces d’épaisseur, qui la divise en deux branches à peu près égales : la houille de cette veine est un peu moins noire que celle des autres veines ; il y a trois doigts de houage au-dessous.
    Distance entre la trente-troisième et la trente-quatrième veine. » » 42
    Épaisseur de cette trente-quatrième veine. 1 3 »
    Il y a encore ici trois couches de houille, dont la supérieure est la plus épaisse, avec un demi-doigt de houage au-dessous.
    Distance de la trente-quatrième à la trente-cinquième veine. » » 70
    Épaisseur de cette trente-cinquième veine. 3 7 »
    Cette trente-cinquième veine est bonne : elle a deux doigts de houage au-dessous.
    Distance de la trente-cinquième à la trente-sixième veine. » » 91
    Épaisseur de cette trente-sixième veine. 3 » »
    Il y a deux lits de pierres, chacun de quatre à cinq pouces d’épaisseur, qui séparent la veine en trois branches : cette veine porte sur deux doigts de houage, et renferme quelquefois des pyrites sulfureuses.
    Distance de la trente-sixième à la trente-septième veine. » » 35
    Épaisseur de cette trente-septième veine. 2 7 »
    Il y a un lit de pierres qui divise la veine en deux branches, dont la supérieure a un demi-doigt de houage : cette veine renferme quelques pyrites.
    Distance de la trente-septième à la trente-huitième veine. » » 28
    Épaisseur de cette trente-huitième veine. 1 » »
    Souvent cette veine est d’une seule pièce, et souvent elle est divisée en deux couches, dont l’inférieure porte sur une épaisseur de deux doigts de houage.
    Distance de la trente-huitième à la trente-neuvième veine. » » 14
    Épaisseur de cette trente-neuvième veine. 1 5 »
    Cette veine a deux couches ; celle de dessus est la plus épaisse, et porte sur un doigt de houage.
    Distance de la trente-neuvième à la quarantième veine. » » 42
    Épaisseur de cette quarantième veine. » 7 »
    Distance de la quarantième à la quarante et unième veine. » » 56
    Épaisseur de cette quarante et unième veine. 2 3 »
    Cette veine est composée de deux couches ; celle de dessous est la plus épaisse et porte sur deux doigts de houage.
    Distance de la quarante et unième à la quarante-deuxième veine. » » 42
    Épaisseur de cette quarante-deuxième veine. 4 3 »
    Il y a un lit de pierres de deux doigts d’épaisseur, qui divise la veine en deux branches ; celle de dessus est la plus forte, et celle de dessous a trois doigts de houage.
    Distance de la quarante-deuxième à la quarante-troisième veine. » » 49
    Épaisseur de cette quarante-troisième veine. 1 7 »
    Distance de la quarante-troisième à la quarante-quatrième veine. » » 67
    Épaisseur de cette quarante-quatrième veine. 3 » »
    Distance de la quarante-quatrième à la quarante-cinquième veine. » » 42
    Épaisseur de cette quarante-cinquième veine. 2 » »
    Elle est divisée en deux couches ; celle de dessous a deux doigts de houage.
    Distance de la quarante-cinquième à la quarante-sixième veine. » » 21
    Épaisseur de cette quarante-sixième veine. 4 » »
    Distance de la quarante-sixième à la quarante-septième veine. » » 105
    Épaisseur de cette quarante-septième veine. 2 » »
    Elle est composée de deux couches ; celle d’en bas a un doigt d’épaisseur de houage.
    Distance de la quarante-septième à la quarante-huitième veine. » » 70
    Épaisseur de cette quarante-huitième veine. » 7 »
    Distance de la quarante-huitième à la quarante-neuvième veine. » » 7
    Épaisseur de cette quarante-neuvième veine. 1 3 »
    Distance de la quarante-neuvième à la cinquantième veine. » » 70
    Épaisseur de cette cinquantième veine. » 4 1/2 »
    Distance de la cinquantième à la cinquante et unième veine. » » 7
    Épaisseur de cette cinquante et unième veine. 1 3 »
    Distance de la cinquante et unième à la cinquante-deuxième veine. » » 35
    Épaisseur de cette cinquante-deuxième veine. 3 » »
    Elle est divisée en deux couches ; celle de dessous a quatre pouces de houage.
    Distance de la cinquante-deuxième à la cinquante-troisième veine. » » 84
    Épaisseur de cette cinquante-troisième veine. 4 » »
    Il y a un lit de pierres d’un pied d’épaisseur, qui divise la veine en deux branches ; celle d’en bas a un pied de houage.
    Distance de la cinquante-troisième à la cinquante-quatrième veine. » » 70
    Épaisseur de cette cinquante-quatrième veine. 3 3 »
    Elle est difficile à exploiter, à cause des pierres qui s’y trouvent mêlées.
    Distance de la cinquante-quatrième à la cinquante-cinquième veine. » » 56
    Épaisseur de cette cinquante-cinquième veine. 3 3 »
    Cette veine est bonne, facile à exploiter avec trois pouces de houage en dessous.
    Distance de la cinquante-cinquième à la cinquante-sixième veine. » » 84
    Épaisseur de cette cinquante-sixième veine. 1 7 »
    Elle est divisée en deux couches ; celle de dessus est la plus épaisse, et porte sur un doigt d’épaisseur de houage : il y a ici une faille dont on a déjà parlé, qui a quatre cent vingt pieds d’épaisseur, et qui sépare la cinquante-sixième veine de la cinquante-septième.
    Distance de la cinquante-sixième à la cinquante-septième veine. » » 420
    Épaisseur de cette cinquante-septième veine. 2 7 »
    Il y a un lit de pierres qui, depuis trois pouces, s’élargit jusqu’à vingt et vingt et un pieds, et divise ainsi la veine en deux branches.
    Distance de la cinquante-septième à la cinquante-huitième veine. » » 105
    Épaisseur de cette cinquante-huitième veine. 1 » »
    Distance de la cinquante-huitième à la cinquante-neuvième veine. » » 126
    Épaisseur de cette cinquante-neuvième veine. 3 3 »
    Elle est divisée en deux couches par deux doigts d’épaisseur de houage, et contient beaucoup de pyrites.
    Distance de la cinquante-neuvième à la soixantième veine. » » 154
    Épaisseur de cette soixantième veine. 1 2 »
    Distance de la soixantième à la soixante et unième veine. » » 126
    Épaisseur de cette soixante et unième et dernière veine. 3 8 »
    Cette veine est d’élite ; elle porte sur trois pouces de houage, et est divisée en deux couches. »

    M. Genneté ajoute que le houage se trouve toujours sous les veines ou bien entre elles, et que toutes celles où il y a de cette espèce de terre sont plus faciles à exploiter que les autres, parce que l’on y fait entrer aisément les coins de fer pour détacher la houille et l’enlever en morceaux. Connaissance des veines de houille, etc., page 47 jusqu’à la page 81.

  31. Voyez la planche iii, figure i, de M. Genneté.
  32. Note communiquée par M. le Camus de Limare.
  33. « Il y a deux espèces de charbon : le premier gras, compact, luisant et lent à s’enflammer, mais qui, l’étant une fois, donne un feu vif, une flamme blanche, et jette une fumée épaisse… Cette espèce est la meilleure, et est appelée charbon de pierre… On ne trouve ce bon charbon que dans la profondeur, où il conserve une portion plus considérable de bitume qui le rend plus compact et plus onctueux… La seconde espèce de charbon est tendre, friable et sujette à se décomposer à l’air ; il s’allume facilement, mais sa chaleur est faible… Sa situation superficielle est cause qu’il a perdu la partie la plus subtile de son bitume. » Mémoire sur le charbon minéral, par M. de Tilly, p. 5 et 6.
  34. Époques de la nature, tome II.
  35. Mémoire sur le charbon minéral, par M. de Tilly, p. 13 et suiv.
  36. Du charbon de terre, etc., par M. Morand, p. 133.
  37. Du charbon de terre, etc., par M. Morand, p. 59 et suiv.
  38. Transactions philosophiques, année 1733.
  39. Essai sur les Mines, par M. Hellot, de l’Académie des sciences
  40. Bruckmann, Epistol. itinera., cap. xx, no 13.
  41. Du charbon de terre, etc., par M. Morand, p. 23.
  42. « En Angleterre, à Bilston, et à Brosely sur la Severne, le toit des veines de charbon est rempli de cailloux arrondis plus ou moins gros, qui sont de la vraie mine de fer : c’est une pierre compacte fort dure, sans cependant faire feu avec l’acier, et de couleur d’ardoise plus ou moins foncée ; elle est quelquefois mêlée de petites veines de cristallisations calcaires ; il faut la griller une et deux fois à l’air libre avant de la fondre avec du coke dans les hauts fourneaux ordinaires. » Note communiquée par M. le Camus de Limare. »
  43. Essais et expériences chimiques, in-8o.
  44. Du charbon de terre, etc., par M. Morand, p. 138.
  45. Voyez l’ouvrage de M. Lehmann sur les couches de la terre, tome III, p. 287.
  46. L’action de la mouffette ou pousse est telle qu’elle éteint la chandelle, et qu’ensuite cette chandelle éteinte ne donne pas la moindre fumée, et qu’un charbon ardent qui a été soumis à la mouffette revient sans aucun vestige de chaleur. Du charbon de terre, par M. Morand, p. 34 et 157.
  47. On connaît plusieurs mines dans lesquelles le feu grieux se conserve depuis longtemps. Dans la mine de Mulhein (à une lieue de Cologne)… l’odeur qui accompagne ce feu ressemble à celle de la poudre à canon enflammée. Du charbon de terre, par M. Morand, p. 930.
  48. Idem, p. 34 et suiv.
  49. La vapeur sulfureuse qui s’élève de certaines mines de charbon, loin de concentrer la flamme des chandelles et de l’éteindre, l’augmente et l’étend à une hauteur marquée : la flamme de cette chandelle fait alors l’effet d’une mèche qui allume toute la partie de la mine où cette vapeur était rassemblée. À Pensneth-Chasen, le feu a pris de cette manière par une chandelle dans une carrière de charbon, et depuis ce temps on en voit sortir la flamme et la fumée. Voyez, sur ce sujet, Transactions philosophiques, no 429, et aussi les nos 109, 282 et 442. — Je dois observer que les auteurs qui ont avancé, comme on le voit ici, que c’est la vapeur sulfureuse qui s’enflamme, se sont trompés : cette vapeur sulfureuse, loin de s’allumer, éteint au contraire les chandelles allumées. C’est donc à l’air inflammable, et non à la vapeur sulfureuse, qu’il faut attribuer l’inflammation dans les mines de charbon. Mais la cause la plus commune de l’embrasement des mines de charbon est l’inflammation des pyrites par l’humidité de la terre, lorsqu’elle est abreuvée d’eau : on ne peut parvenir à étouffer ce feu qu’en inondant pendant un certain temps toute la mine incendiée. Ces accidents sont très fréquents dans les mines de charbon qui ont été exploitées sans ordre par les paysans : la quantité de puits et d’ouvertures qu’ils ont laissés sur la direction des veines sont autant de réceptacles aux eaux de pluie, qui venant à rencontrer des pyrites, causent ces incendies.
  50. Dans les substances molles et dans les lits profondément enfouis, les fentes sont assez éloignées les unes des autres et plus étroites : dans les matières calcaires, elles sont perpenculaires à l’horizon ; dans les bancs de grès et de roc vif, elles sont obliques ou irrégulièrement placées ; dans quelques matières compactes, comme marbres, pierres dures, et dans les premières couches, elles sont plus multipliées et plus larges ; souvent elles descendent depuis le sommet des masses jusqu’à leur base ; d’autres fois elles pénètrent jusque dans les lits inférieurs : les unes vont en diminuant de largeur, d’autres ont dans toute leur étendue les mêmes dimensions. Pour ce qui est des temps auxquels on doit s’attendre davantage à la rencontre embarrassante des eaux, il est d’observation qu’elles sont en général plus abondantes en hiver, suivant l’espèce de température et suivant les pluies : c’est ordinairement en mars qu’elles donnent davantage, à cause des fontes des neiges ; on les a vues quelquefois très basses à Noël. Du charbon de terre, par M. Morand, p. 873.
  51. « Les machines ou pompes à feu sont particulièrement appliquées à ces grands épuisements dans quantité de mines de charbon de la Grande-Bretagne… La plus considérable est celle de Walker, où les eaux, ramassées à cent toises de profondeur, s’élèvent à quatre-vingt-neuf toises jusqu’à un percement ou aqueduc de quatre pieds de haut et de deux cent cinquante toises de long : sa puissance est de trente-quatre mille quatre cent seize livres ; elle a d’effort trois mille quatre-vingt-seize… On se sert aussi d’une pompe à feu dans la mine de charbon de Fresnes, proche Condé, de laquelle M. Morand donne la description. Du charbon de terre, pages 404, 405 et 468… Il y a dix pompes à feu dans la seule mine d’Anzin ; il y en a une à Montrelais en Bretagne, et l’on en monte actuellement (septembre 1779) une d’une puissance supérieure à la mine d’Anzin, pour remplacer l’ancienne, qui était défectueuse. » Note communiquée par M. le chevalier de Grignon. — M. le Camus de Limare m’a informé qu’on a trouvé nouvellement en Angleterre les moyens de donner à ces machines à feu un degré de perfection qui produit un beaucoup plus grand effet avec une moindre consommation de matière combustible ; voici la notice que M. de Limare a eu la bonté de me communiquer à ce sujet : « La nouvelle machine à feu que MM. Boulton et Watt viennent d’établir en Angleterre avec le plus grand succès, en vertu d’un arrêt du parlement qui leur en accorde le privilège exclusif, est infiniment supérieure aux anciennes machines pour l’effet et pour l’économie.

    » Ce n’est plus le poids de l’atmosphère qui donne le mouvement au piston ; c’est l’action seule de la vapeur qui agit, et sa condensation se fait dans un vaisseau qu’ils appellent le condensoir, et qui est distinct du cylindre où agit le piston. Ce condensoir est toujours au même degré de chaleur que la vapeur même, sans que l’injection de l’eau froide le refroidisse en aucune façon ; la vapeur étant introduite dans la capacité d’une roue qui contient une matière fluide, elle donne à cette roue un mouvement circulaire avec une force relative à la capacité de la roue et à la quantité de vapeurs qu’elle peut recevoir. Quoiqu’on ne puisse bien juger de ce mécanisme dont on tient le jeu caché, son effet est considérable, et l’expérience l’a confirmé : la même machine, changée et disposée sur les principes ci-dessus, donne un effet presque double, et consomme infiniment moins de charbon que par l’ancienne méthode, ce qui a fait adopter la nouvelle par toute l’Angleterre où MM. Boulton et Watt en ont déjà établi plusieurs avec beaucoup d’avantage pour eux et pour les propriétaires.

    » Pour juger de l’effet étonnant de cette machine, il suffit de savoir qu’avec le feu de cent livres de charbon de terre de bonne qualité, elle élève

    » À la hauteur de 1 pieds.......... 500000
    pieds cubes d’eau.
    » À celle de..... 10 pieds.......... 50000
    » À celle de..... 100 pieds.......... 5000
    » À celle de..... 1000 pieds.......... 500

    » Quant aux conditions, MM. Boulton et Watt se font donner, pour toute chose, le tiers du bénéfice que produit annuellement leur nouvelle machine, comparée à l’effet et à la dépense d’une ancienne machine de pareille force qui aurait à élever le même volume d’eau d’une profondeur égale : ce tiers doit leur appartenir pendant les quatorze années de la durée de leur privilège ; plusieurs entrepreneurs des mines d’étain de Cornouaille, assurés par leur propre expérience du succès constant de cette nouvelle machine, ont racheté, pour une somme comptant, cette indemnité annuelle, qu’ils doivent payer pendant quatorze années à MM. Boulton et Watt. » Paris, le 5 juillet 1780.

  52. Du charbon de terre, etc., par M. Morand, p. 29.
  53. Charbon pérat est une dénomination locale qui signifie charbon pierreux ou charbon de pierre.
  54. « On m’a envoyé, de Dauphiné, une caisse remplie de mauvais charbon provenant d’une fouille près de Saint-Jean, à deux ou trois lieues de Grenoble, qui est du bois de hêtre très reconnaissable, imparfaitement bituminisé. » Note communiquée par M. de Morveau, le 24 septembre 1779. — « Je connais les différentes espèces de charbon du Dauphiné ; elles sont toutes mauvaises et ne peuvent soutenir la préparation : j’en ai fait une épreuve de trois mille cinq cents livres qui m’a prouvé cette vérité. Celui que j’ai employé était de Vaurappe ; ce n’est qu’une pierre à chaux imbue de bitume et de soufre très volatil ; celui de la Motte ne vaut guère mieux. J’en ai vu une autre mine près de la Grande-Chartreuse, qui annonce une meilleure qualité ; mais elle ne montre que des veinules et des mouches qui se coupent et se perdent dans le rocher ; celui que l’on m’a apporté des montagnes d’Alvard ne vaut rien du tout. » Lettre de M. le chevalier de Grignon à M. de Buffon, datée d’Alvard, le 21 septembre 1778.
  55. La mine de Champagney, près de Béfort en Alsace, est inclinée de quarante-cinq degrés : plus les terrains sont bas, moins généralement les veines de charbon de terre sont inclinées ; elles sont même horizontales dans les pays de plaine, et ce n’est que dans les montagnes qu’elles sont violemment inclinées ; au reste, l’inclinaison des mines n’est nulle part aussi marquée et aussi singulière que dans le pays de Liège. « Les veines de charbon de terre sont communément inclinées à l’horizon, dit M. Morand : tantôt elles s’approchent de la ligne perpendiculaire, et elles se nomment alors pendage de roisse ; tantôt elles sont presque horizontales, et on les désigne alors par le nom de pendage de plature. Toutes ces veines prennent leur origine au jour, c’est-à-dire à la surface de la terre ; elles descendent ensuite dans la même direction jusqu’à une certaine profondeur ; alors elles forment, à une distance plus ou moins grande différents angles, qui les rapprochent insensiblement de la ligne horizontale ; elles remontent ensuite à la surface de la terre, en formant une figure symétrique fort régulière : il y a donc apparence, d’après ces observations, que les pendages de roisse deviennent pendages de plature dans toutes les veines du pays de Liège, et qu’ils redeviennent ensuite pendages de roisse. Ce qu’on observe encore de très singulier, c’est que presque jamais les veines ne marchent seules ; elles sont toujours accompagnées d’autres veines qui marchent parallèlement avec elles, qui se fléchissent sur les mêmes angles, et qui toutes ensemble forment une figure presque régulière. » Journal de Physique, etc., mois de juillet 1773, p. 69.
  56. Les mines de charbon se trouvent dans le haut Forez ; elles sont en montagnes, et par conséquent aisées à exploiter, en tirant les eaux par des galeries latérales : les charbons se trouvent presqu’à la superficie dans les fonds ; ces mines sont très abondantes autour de Saint-Étienne, dont le territoire peut être regardé comme le centre de toutes les mines de cette province ; elles embrassent une longueur d’environ six lieues du levant au couchant, occupant un vallon dont la plus grande largeur, du midi au nord, n’est pas d’une demi-lieue. Du charbon de terre, etc., par M. Morand, p. 160.
  57. La mine du Bourbonnais, qui fournit Paris depuis plus d’un siècle, est dans la terre de Fims, paroisse de Châtillon, à quatre lieues environ de Moulins. Il y a une autre mine à trois lieues et demie de Moulins, sur la route de Limoges, dans le territoire de Noyan : le charbon de cette mine, ouverte depuis quelque temps, est en beaux morceaux très solides, séparés seulement de distance en distance par des feuillets considérables d’un très beau spath. La seconde veine a souvent sept à huit pieds d’épaisseur ; la première n’en a que trois et demi sur quatre à cinq toises de largeur. Du charbon de terre, etc., par M. Morand, p. 161.
  58. C’est particulièrement dans la Limagne ou basse Auvergne que les mines de charbon sont très abondantes ; elles n’y sont pas par veines, mais par assez grandes masses, traversées de temps en temps par des bandes schisteuses qui ne se continuent pas : les endroits remarquables par leurs mines de charbon sont Sauxilanges, à sept lieues de Clermont ; Salverre, Charbonnière, Sainte-Fleurine, Lande-sur-Alagnon, Frugère, Anson, Bois-Gros, Gros-Ménil, Fosse, la Brosse et Brassager. Idem, ibidem, page 156. — C’est au-dessous de Brioude, entre les rivières d’Alagnon et d’Allier, que se trouve la plus grande partie des fouilles, et la mine la plus abondante est dans le territoire de Sainte-Fleurine : le charbon s’y trouve à une médiocre profondeur. Le centre de ces mines est le champ appelé la Fosse, d’où on a autrefois tiré du charbon réputé le meilleur de tout ce quartier ; les autres ne sont que des rameaux qui partent de ce champ ou qui viennent s’y rendre, mais séparés par des rocs : les charbons provenant de ces branches sont tous d’une qualité bien inférieure à celle de la maîtresse mine… Le bon charbon de cette mine est au-dessous d’un roc grisâtre très dur, de sept à huit toises d’épaisseur ; c’est d’abord une terre noire, sensiblement bitumineuse, puis un schiste qui fait le toit de la veine dans laquelle on distingue trois membres : le premier charbon peut avoir depuis quinze jusqu’à vingt-cinq pieds d’épaisseur ; il est séparé du second par un roc noir, argileux et imprégné de bitume charbonneux ; le second membre de charbon est à peu près de la même épaisseur que le premier ; il est aussi placé sur un roc qui sert de toit au troisième membre, qui renferme le meilleur charbon, appelé puceau, et qui porte encore sur un lit de roc… Dans ces mines, le charbon se présente quelquefois en tas. Du charbon de terre, etc., par M. Morand, p. 588.
  59. Du charbon de terre, etc., par M. Morand, p. 155.
  60. Idem, page 534.
  61. Note communiquée par M. de Morveau, le 4 septembre 1779.
  62. Les principales et celles qui en fournissent à presque tout le Languedoc sont, dit-il, aux environs d’Alais et du Château-des-Portes : elles affectent toujours les endroits dont le terrain ou les rochers sont une espèce de grès d’un grain quartzeux, grisâtre, irrégulier dans sa forme et sa grosseur… Les mines des environs d’Alais sont ordinairement par veines, resserrées au fond d’un rocher… Le charbon y paraît entassé sans aucune distinction de lits ; lorsque les veines aboutissent à la superficie, le charbon est altéré dans sa consistance, jusqu’à une toise de profondeur ; on ne tire d’abord que de la terre noirâtre : à mesure que l’on creuse, le grain devient plus ferme, d’un noir plus foncé et plus luisant. C’est le charbon dont on se sert pour les fours à chaux.

    Ces mines sont toujours accompagnées de deux espèces de schistes, connus parmi les mineurs du pays sous le nom de fisse… La première espèce de fisse, qu’on appelle les gardes du charbon, parce qu’elle lui est immédiatement appliquée, et qu’elle l’accompagne partout, est une pierre bitumineuse, mince, tendre et noire ; elle ne diffère de l’ampelitis ordinaire que parce qu’elle est pliée ou ondée, et qu’elle a souvent le poli et le luisant du jayet travaillé.

    Au-dessous de cette première fisse, on en trouve une autre dont les couches sont plus nombreuses et plus aplaties : c’est une ardoise feuilletée, tantôt noire, tantôt rousse, et toujours fort grossière ; elle se distingue principalement de la première par des empreintes végétales.

    Quoique nos mines de charbon soient à l’abri des eaux pluviales, elles ne laissent pas quelquefois d’être humectées par des sources bitumineuses, aussi anciennes peut-être que les mines, et qui sont plus fréquentes à mesure que les mines sont plus profondes : les ouvriers en sont souvent incommodés ; mais ils assurent qu’en revanche il n’y a pas de meilleur charbon que celui qui est voisin de ces sources. Observations lithologiques, etc., dans les Mémoires de l’Académie des sciences, année 1747, p. 700.

  63. Les mines de Ronchamp, en Franche-Comté, présentent un phénomène bien singulier et que je n’ai vu nulle part. Dans les masses de charbon, immédiatement sous les lames de pyrites plus particulièrement que dans les couches de pur charbon, il se trouve une couche légère de charbon de bois bien caractérisé par le brillant, la couleur, le tissu fibreux, une consistance pulvérulente, noircissant les doigts ; et lorsqu’un morceau de houille contenant des lames de ce charbon de bois est épuré, qu’il est encore rouge et que l’on souffle dessus, le charbon de terre s’éteint et celui de bois s’embrase de plus en plus.

    L’on trouve fréquemment à la toiture de ces mines, parmi le grand nombre d’impressions de plantes de toute espèce, des roseaux (bambous) de trois à quatre pouces de diamètre aplatis, et qui ne sont point détruits ni carbonifiés. (Lettre de M. le chevalier de Grignon à M. de Buffon ; Besançon, le 27 mai 1781.)

  64. Du charbon de terre, par M. Morand, p. 149 et suiv.
  65. Idem, p. 144 et suiv.
  66. Idem, p. 182.
  67. Idem, p. 453.
  68. Idem, p. 545 et 547.
  69. Du charbon de terre, par M. Morand, p. 570.
  70. Note communiquée par M. le chevalier de Grignon.
  71. « L’Écosse va de pair, dit M. Morand, avec la partie méridionale de l’Angleterre pour l’abondance du charbon de terre : on en trouve des mines près d’Édimbourg et dans le comté de Lenox, dans les provinces de Fife, de Sterlin, de Sutherland, de Dernoch, etc. M. Strachey a donné, dans les Transactions philosophiques, année 1725, la description des mines de charbon qui se trouvent en Écosse ; elles ne sont pas à une grande profondeur ; la plupart n’ont que d’un à quatre pieds et demi d’épaisseur de charbon : la seule mine qui soit fort épaisse est celle d’Anchenchangh, à six milles de Kilsyth, qui a dix-huit pieds d’épaisseur, et que les sources d’eau trop abondantes empêchent l’exploiter. » Du charbon de terre, par M. Morand, p. 99, 113 et suiv.
  72. Du charbon de terre, par M. Morand, p. 3 et suiv.
  73. On rencontre ordinairement un lit de roc noirâtre au-dessus et au-dessous de la couche de charbon : on peut mettre ce roc au rang des schistes vitrioliques ; ensuite on a différentes hauteurs de couches de charbon, cinq, six, sept, huit, et quelquefois une seule à cent toises, qui est la plus grande profondeur qui ait été exploitée jusqu’à présent dans le pays…

    On trouve aussi dans plusieurs endroits des couches de pierre à chaux… dont l’épaisseur varie d’une très petite distance à l’autre… On méprise toutes les couches de charbon qui n’ont pas deux pieds et demi d’épaisseur… Quelquefois, dans une couche épaisse de huit pieds, il y a deux ou trois lits différents, c’est-à-dire que la couche est divisée par une espèce de schiste ou charbon pierreux de quelques pouces d’épaisseur… Le charbon que l’on tire à trente ou quarante toises de profondeur est meilleur que celui qu’on tire à cent toises : on rencontre souvent des couches d’un pied à un pied et demi d’épaisseur que l’on traverse et qu’on ne peut exploiter, quoique la qualité du charbon en soit souvent bien supérieure à celle des couches inférieures. Voyages métallurgiques, par M. Jars, p. 188 et 189.

    Ce charbon de Newcastle se détache quelquefois, au moyen de coins de fer, par gros morceaux, et c’est le plus estimé. Idem, ibidem, p. 192.

    Le charbon de Newcastle n’est pas également bon dans toutes les veines ; il y est plus ou moins bitumineux, sulfureux et pierreux. Cette dernière espèce est très commune : elle se vend à bas prix et s’emploie pour les machines à feu ; mais, en général, ce qu’on nomme du bon charbon passe pour être d’une excellente qualité… Il est extrêmement bitumineux ; il se colle très facilement, et forme une voûte, ce qui le rend très propre à forger le fer ; mais il faut le remuer souvent pour les autres usages, sans quoi le bitume se réunit tout ensemble en une seule masse dans laquelle l’air ne peut circuler. La grande abondance de bitume fait qu’il donne beaucoup de fumée, ce qui le rend désagréable dans les appartements. Idem, ibidem.

  74. « Dans les montagnes d’Alston-Moor, dit M. Jars, comté de Cumberland, on trouve une espèce de charbon sans bitume, mais sulfureux ; on le nomme crow-coal ; il n’est pas bon pour la forge, mais excellent pour cuire la chaux : et comme il ne fait pas de fumée, il est bon pour les appartements…

    » L’exploitation des mines de Whitehaven est très étendue, puisque, depuis l’entrée, les travaux sont ouverts pendant une demi-lieue de France, toujours en suivant la pente de la couche… Une partie des ouvrages où l’on travaille chaque jour se trouve plus d’un quart de lieue entièrement sous la mer ; mais il n’y a point de danger, puisqu’on estime que les rochers qui sont entre l’eau et l’ouvrage ont plus de cent toises d’épaisseur…

    » Ce charbon se détache en gros morceaux de la mine, à l’aide de coins et de masses de fer…

    » Il y a six veines dans la mine de Workington, qui sont toutes exploitables : elles sont à peu près à neuf ou dix toises de distance les unes des autres ; la supérieure n’a que deux pieds trois pouces d’épaisseur… Mais il y en a une autre qui a sept pieds, dans laquelle néanmoins il n’y a que quatre pieds de charbon : elle se trouve séparée par deux lits de terre noire ; j’en ai vu un tas qui a effleuri et s’est échauffé au point qu’il a pris feu : il en sort une fumée qui se condense en soufre dans les ouvertures par où elle sort. La dernière couche, qui est à soixante toises perpendiculaires dans l’endroit du puits, a quatre pieds d’épaisseur ; son charbon est pur et d’une très bonne qualité… Ces mines, ainsi que celle de Whitehaven, ont été sujettes de tout temps à un mauvais air qui a coûté la vie à un grand nombre d’ouvriers. » Voyages métallurgiques, par M. Jars, p. 238 et suiv.

  75. Voyages métallurgiques, par M. Jars, p. 265 et suiv.
  76. Description des Mines de charbon de Castle-Comber ; Journal étranger, mois de décembre 1758.
  77. Du charbon de terre, par M. Morand, p. 116.
  78. Voyages métallurgiques, par M. Jars, p. 28 et 238. — « On a fait, dit le même auteur, une observation remarquable dans le pays de Liège ; elle est assez générale lorsqu’il ne se rencontre aucun obstacle : toute couche de charbon qui paraît à la surface de la terre, au midi, s’enfonce du côté du nord, et va jusqu’à une certaine profondeur en formant un plan incliné, devient ensuite presque horizontale pendant une certaine distance, pour remonter du côté du nord par un second plan incliné jusqu’à la surface de la terre, et cela dans un éloignement de son autre sortie, proportionné à son inclinaison et à sa profondeur.

    » Nous avons vérifié cette singulière observation près Saint-Gilles, à trois quarts de lieue au couchant de la ville de Liège : il y a plus, la première couche, qui est près du jour, forme une infinité de plans inclinés qui viennent se réunir à un même centre, de sorte qu’on peut voir tout autour les endroits où elle vient sortir à la surface de la terre : les couches inférieures suivent la même loi ; mais, par rapport à l’étendue qu’elles prennent en plongeant, on n’aperçoit que deux plans inclinés, qui sont très sensibles ; par exemple, en visitant les mines du Verbois, qui sont un peu plus au nord-ouest de Liège que celles de Saint-Gilles, nous avons observé que les couches dirigées de l’est à l’ouest sont inclinées du côté du midi, tandis que celles qu’on exploite à Saint-Gilles, qui ont la même direction, s’inclinent du côté du nord. L’expérience a prouvé à tous les houilleurs de ce pays que, dans l’un et l’autre endroit, on exploitait les mêmes couches, formant, comme nous l’avons dit, deux plans inclinés ; mais, entre Saint-Gilles et le Verbois, il y a un vallon qui a la même direction que les couches, et même inclinaison de chaque côté… On exploite à une des portes de la ville, au nord de la Meuse, les mêmes couches, mais inférieures, qui prennent leur inclinaison du côté du midi sous la ville, en se rapprochant de la rivière ; et il est très douteux que dans cet endroit elles se relèvent pour sortir au jour : cela n’est pas probable, mais plutôt de l’autre côté de la Meuse… On compte du côté du nord plus de quarante couches de charbon, séparées les unes des autres par de petits rochers d’une épaisseur depuis cinq jusqu’à dix-sept toises, sans pouvoir faire mention de celles qu’on ne connaît pas, et qui peut-être sont encore plus bas. Ces couches ne sont pas dans la même mine : il n’y en a point d’assez profondes pour cela ; mais la même chose s’observe dans différentes exploitations ; car il est des mines qui, étant beaucoup inférieures à d’autres, ou éloignées des endroits où sortent au jour les veines supérieures, ne peuvent rencontrer que celles qui sont au-dessous de ces premières : ces couches n’ont qu’une moyenne épaisseur, c’est-à-dire de trois à quatre pieds ; on n’en a vu qu’une de six pieds…

    » Les couches de charbon qui sont séparées des précédentes par la Meuse sont bien différentes des premières ; avec leur direction de l’est à l’ouest, elles sont presque perpendiculaires, ou du moins approchant plus de la ligne perpendiculaire que de l’horizontale : lorsqu’elles s’inclinent, c’est au nord ou au midi ; mais ce qu’elles ont de particulier, c’est qu’on nous a assuré qu’elles imitaient les premières dans leur marche, c’est-à-dire qu’elles s’enfoncent en terre d’un côté, pour venir ressortir de l’autre, mais avec une irrégularité très singulière : par exemple, une telle couche ou veine descend à peu près perpendiculairement jusqu’à trente toises de profondeur ; là elle prend une inclinaison de quarante degrés pendant une distance de vingt toises, reprend ensuite la ligne perpendiculaire, et puis remonte enfin, fait des sauts en s’enfonçant par des angles plus ou moins grands, et forme ainsi des plans inclinés de toute espèce ; d’autres entrent dans la terre par une ligne perpendiculaire, prennent au fond une position presque horizontale, et remontent d’un autre côté au jour par une ligne oblique. Toutes les couches du même district, étant toujours parallèles, observent la même loi, et par conséquent les mêmes sauts.

    » On désigne les couches par des noms relatifs à leur position : on les divise en deux espèces principales ; celles qui font un angle avec la ligne horizontale, depuis zéro jusqu’à quarante-cinq degrés, sont appelées veines et pendage de plature, et celles qui font un angle avec la même ligne, depuis quarante-cinq degrés jusqu’à quatre-vingt-dix, veines à pendage de roisse : on les subdivise ensuite en demi-plature, demi-roisse, quart de plature, quart de roisse.

    » Les unes et les autres sont sujettes à un grand dérangement dans leur pente ou inclinaison ; on rencontre souvent des bancs de pierre de quinze à vingt toises d’épaisseur, lesquels coupent depuis la superficie de la terre jusqu’au plus profond où l’on ait été jusqu’à présent, non seulement toutes les couches ou veines de charbon, mais aussi tous les lits de rochers qui se trouvent entre elles ; de façon que, lorsqu’on a traversé un de ces bancs, on retrouve de l’autre côté les mêmes lits et couches correspondantes, qui ne sont plus sur une même ligne horizontale, mais plus hautes ou plus basses : on nomme ces bancs de pierre failles.

    » C’est ordinairement une pierre sablonneuse, espèce de grès, quelquefois moins dur que celui qui compose les lits de rochers : on évite de s’en approcher en exploitant une couche de charbon ; ils fournissent assez souvent beaucoup d’eau, soit parce qu’ils sont poreux, soit aussi parce que toutes les couches supérieures venant s’y terminer laissent du cours à l’eau qu’elles renferment contre leurs parois. On trouve aussi quelquefois dans ces bancs de rochers des rognons de charbon, et même des sacs qui ont quelquefois vingt et trente pieds d’étendue, entourés par le rocher…

    » Tous les rochers qui composent les terrains aux environs de Liège sont une espèce de grès très dur et très compact, qui est placé par couches comme le charbon, et qui les divise… Il en est un autre à grains très fins, qui paraît être un mélange de sable mêlé de mica blanc et lié par une terre argileuse très fine ; celui-ci se décompose facilement à l’air, par feuillets comme un schiste… Celui qui est plus près du charbon que les précédents est d’une couleur noirâtre, quelquefois un peu rougeâtre ; il paraît être composé de sable très fin, réuni par un limon avec lequel il forme un corps dur, mais il s’attendrit et se décompose à l’air : il s’attache à la langue comme la terre à foulon…

    » Le charbon est encore divisé, soit au toit, soit au mur du rocher, par une terre noire schisteuse dure ; elle se décompose aisément à l’air, et ses lits, lorsqu’on les sépare, présentent des empreintes de plantes.

    » Les rochers sont partout à peu près les mêmes, et répétés autant de fois qu’il y a de couches de charbon.

    » Le charbon est d’abord plus ou moins bitumineux, c’est ce qu’on appelle houille grasse ou houille maigre : lorsqu’elle ne contient que très peu de bitume, on la nomme clute… Celle du milieu perd de sa qualité à l’air et s’y décompose en partie… Il y en a d’autres qui, avec les mêmes qualités, sont très pierreuses… Malgré les puits établis pour la circulation de l’air, le feu ne laisse pas de prendre quelquefois aux mouffettes et de faire de fort grands ravages. » Voyages métallurgiques, par M. Jars, p. 288 jusqu’à 297.

  79. Du charbon de terre, par M. Morand, p. 64 et suiv.
  80. Voyages métallurgiques, par M. Jars, p. 306 et 307. — Nota. « Je crois que M. Jars et le docteur Méad, que nous avons cités ci-devant, peuvent avoir raison : le charbon très bitumineux est le plus désagréable dans les appartements par la fumée noire et épaisse qu’il répand ; le pyriteux est plus supportable, en ce qu’il ne donne qu’une odeur d’acide sulfureux qui n’est point malsaine, et que le courant de la cheminée emporte d’autant plus facilement que cette vapeur est très volatile : si l’on sépare à Liège les pyrites du charbon, c’est que leur combustion détruit les grilles de fer, et que chaque particulier peut faire ce triage chez lui sans aucun frais. » Note communiquée par M. le Camus de Limare.
  81. Voyages métallurgiques, par M. Jars, p. 306 et 307.
  82. Du charbon de terre, par M. Morand, p. 116.
  83. Lettre sur la minéralogie ; Strasbourg, 1776, in-8o, p. 7.
  84. Voyages métallurgiques, par M. Jars, p. 312 et 313.
  85. Voyages métallurgiques, par M. Jars, p. 314 jusqu’à 320.
  86. Oryctographia Halensis. Hoffmann, oper. supplem. pars 2 ; Genevæ, p. 13, cité par M. Morand, p. 448.
  87. Du charbon de terre, etc., par M. Morand, p. 448.
  88. « La mine de charbon qu’on exploite dans la basse Andalousie est située à six lieues au nord de Séville, dans le territoire du bourg de Villanueva-del-Rio, sur le bord de la rivière de Guezna, qui se jette dans le Guadalquivir : la veine a sa direction du levant au couchant, et son inclinaison de soixante-cinq à soixante-dix degrés au nord ; son épaisseur varie depuis trois pieds jusqu’à quatre pieds et demi : elle fournit de très bon charbon, quand on sait le séparer des nerfs et des parties terreuses dont les veines sont toujours entremêlées ; mais, comme les concessionnaires actuels la font exploiter par des paysans, et qu’on met en vente indistinctement le bon et le mauvais charbon, la qualité en est décriée, le débit médiocre, et l’on préfère, à Séville et à Cadix, le charbon qu’on tire de Marseille et d’Angleterre, quoique le double plus cher.

    » Quant à celle qu’on a découverte près de Madrid, à six lieues au nord, au pied de la chaîne des montagnes de l’Escurial, sur le bord de la rivière de Mançanarez, qui passe à Madrid, c’est moi qui y ai fait la première tentative en 1763, au moyen d’un puits de soixante-dix pieds de profondeur et d’une traverse ; j’avais reconnu plusieurs veines dont la plus forte avait six pouces d’épaisseur, toutes d’un bitume desséché, assez dur, mais terne et brûlant faiblement : leur direction est aussi du levant au couchant, avec une pente d’un pied par toise au nord-ouest ; on a depuis continué ce travail, mais on n’y a pas encore trouvé de vrai charbon. » Note communiquée par M. le Camus de Limare.

  89. « Le charbon qu’on tire en Savoie, près de Moutier en Tarentaise, n’est qu’un charbon terreux ou terre-houille un peu bitumineuse : on l’emploie cependant avec du bois sous les chaudières des salines du roi ; mais la chaleur que donne ce charbon est si faible, que, si l’on continue à s’en servir, ce n’est que pour diminuer la consommation des forêts voisines, qui s’appauvrissent de plus en plus. » Note communiquée par M. le Camus de Limare.
  90. Du charbon de terre, par M. Morand, p. 451.
  91. Il dit que ces bois fossiles sont semblables à de gros troncs d’arbres qui ne forment point une couche continue comme les autres matières des collines où ils se trouvent, mais qu’ils sont ordinairement séparés les uns des autres, souvent deux ensemble et toujours d’une nature différente de celle du terrain où ils sont ensevelis : ils sont d’une couleur extrêmement noire, avec autant de lustre que le charbon artificiel ; mais ils sont plus denses et plus lourds, surtout lorsqu’on ne fait que les tirer de la terre ; car à la longue ils perdent leur humidité et deviennent moins pesants, quoiqu’ils aillent toujours au fond de l’eau : il est constant que, dans leur origine, ces charbons étaient des troncs d’arbres ; on ne peut manquer de s’en convaincre en les voyant dans la terre même ; la plupart conservent leurs racines et sont revêtus d’une écorce épaisse et rude ; ils ont des nœuds, des branches, etc. ; on y voit les cercles concentriques et les fibres longitudinales du bois. Les mêmes choses se remarquent dans les charbons du val d’Asno di sopra et du val de Cecina : ceux-ci sont seulement plus onctueux que les autres, et même le bitume dont ils sont imbibés s’est trouvé quelquefois en si grande abondance qu’ils en ont regorgé ; cette matière s’est fait jour à travers les troncs, a passé dans les racines et dans tous les vides de l’arbre, et y a formé une incrustation singulière qui imite la forme des pierreries ; elle compose des couches, de l’épaisseur d’une ligne au plus, partagées en petites écuelles rondes, aussi serrées l’une contre l’autre que le peuvent être des cercles : ces petites écuelles sont toutes de la même grandeur dans la même couche, et laissent apercevoir une cavité reluisante, unie, hémisphérique, qui se rétrécit par le fond, devient circulaire, ensuite cylindrique, et se termine en plan ; chacune de ces cavités est entièrement pleine d’un suc bitumineux, consolidé comme le reste du charbon fossile : ce suc, par la partie qui déborde la cavité, est aplani ; le reste prend la forme des parois qui le renferment, sans y être néanmoins attaché qu’au fond, où il finit en plan ; ce qui forme un petit corps qu’on peut détacher avec peu de force, comme avec la pointe d’une épingle dont on toucherait le bord : on le verrait sortir et montrer la figure hémisphérique en petits cylindres.

    Dans le charbon qu’on tire promptement de la terre, les surfaces extérieures de ces petits corps multipliés, étant aplanies et contiguës les unes aux autres, forment une croûte aplanie aussi d’un bout à l’autre ; mais, à mesure que le charbon se dessèche, cette croûte paraît pleine de petites fentes occasionnées par le retirement de ces corps et par leur séparation mutuelle : les couches aplanies, formées par les pierreries, sont irrégulières et éparses çà et là sur le tronc du charbon fossile ; elles sont, outre cela, doubles, c’est-à-dire que l’une incruste une face, l’autre une autre ; et elles se rencontrent réciproquement avec les surfaces des corpuscules renfermés dans les petites écuelles. Précisément dans l’endroit où ces deux couches se rencontrent, la masse du charbon fossile reste sans liaison et comme coupée ; de là vient que ces grands troncs se rompent si facilement et se subdivisent en massifs de diverses figures et de diverses grosseurs : ces subdivisions, si aisées à faire, sont cause que, dans les endroits où le charbon fossile se transporte, on a de la peine à comprendre que les morceaux qu’on en voit soient des portions d’un grand tronc d’arbre, comme on le reconnaît aisément dans les lieux où il se trouve.

    On y voit encore plusieurs masses bitumineuses incrustées de pierreries, mais détachées entièrement de l’arbre. M. Tozzetti soupçonne que dans leur origine elles faisaient portion d’un tronc de charbon fossile, anciennement rompu, qui était resté enseveli dans la terre. Notre physicien ne serait pas non plus éloigné de croire que ce fût du bitume qui, n’ayant pas trouvé une matière végétale pour s’y attacher, se serait coagulé lui-même ; il est certain qu’en rompant quelques-unes de ces coagulations détachées, on n’y découvre point les fibres longitudinales du bois, qui en sont les marques distinctives, mais on y voit seulement un amas prodigieux de globules rangés par ordre, et semblables à des rayons qui partent d’un centre et qui aboutissent à une circonférence : il faut ajouter qu’à la surface de ces coagulations les corpuscules qui remplissent les petites écuelles sont moins écrasés par dehors que ceux des couches formées sur les troncs des charbons fossiles, ce qui ferait croire que, dans le premier cas, ils ont eu la liberté de s’étendre autant qu’ils pouvaient, sans trouver de résistance dans des corpuscules contigus : ce n’est pas tout, M. Tozzetti trouve encore une preuve de coagulation de bitume pur dans une autre masse toute pleine de globules, et dans laquelle il ne découvre pas la moindre trace de plante.

    Telle est la nature de ces charbons fossiles ; l’auteur y joint leur usage : ils ont de la peine à s’allumer, mais, lorsqu’ils le sont une fois, ils produisent un feu extrêmement vif, et restent longtemps sans se consumer ; d’ailleurs, ils répandent une odeur désagréable qui porte à la tête et aux poumons, précisément comme le charbon d’Angleterre, et la cendre qui en résulte est de couleur de safran. Journal étranger, mois d’août 1755, p. 97 jusqu’à 103.

  92. Voyez tome IX.
  93. Cette terre bitumineuse, appelée quelquefois momie-végétale, est tantôt solide, tantôt friable, et se trouve en beaucoup d’endroits ; il s’en rencontre derrière les bains de Freyenwald, dans un endroit nommé le Trou Noir.
  94. Du charbon de terre, par M. Morand, p. 89.
  95. Nous avons des charbons de terre en plusieurs endroits ; on en trouve auprès de l’Argoun, à Tscatboutschinskaya et auprès de la Chilka, à dix werstes au-dessus de la forge de Chilka, dans le district de Nertschink ; auprès de l’Angara, au-dessous d’Irkoutsk et auprès du Kitoï, à quinze werstes avant qu’il se jette dans l’Angara, près de Kitoïs-Koïslanitz ; dans le voisinage du Jéniséï et d’Abakanskoi-ostrog, près du fleuve d’Abakan, dans la montagne Isik ; de même à dix werstes de Krasnoyarsk, près du Jésinéï ; à Krontoï-logh ; à Koltschedanskoi-ostrog, près du fleuve d’Iset ; auprès du fleuve de Belaya, à cinq werstes du village de Konsetkonlova ; à Kizyliak, dans le district d’Ousa ; auprès du fleuve de Syryansk, dans le village du même nom ; dans le district de Koungour, à la droite du Volga ; à Gorodiztsche, à vingt werstes au-dessus de Sinbirsk, et en plusieurs endroits à deux cents werstes au-dessous de cette ville, principalement entre Kaspour et Boghayarlenskoye, monastère auprès du fleuve de Toretz ; à Balka, Skalewayace ; et auprès du fleuve de Belayalonghan, dans le district de Baghmont ; à Niask, dans le gouvernement de Varonege ; auprès de Lokka, dans le voisinage de Katonga ; enfin à Krestzkoiyam, auprès du fleuve de Kresnetscha, et auprès du petit fleuve de Kroubitza, qui se jette dans la Msta, dans la chaîne des montagnes de Valdai, etc. Discours sur les productions de la Russie, par M. Guldenstaed. Pétersbourg, 1776, p. 52.
  96. Histoire générale des Voyages, tome XVIII, p. 303.
  97. On ne connaît pas de pays aussi riche que la Chine en mines de charbon : les montagnes, surtout celles des provinces de Chensi, de Chami et de Pecheli, en renferment un grand nombre… Le charbon qui se brûle à Pékin et qui s’appelle moui vient de ces mêmes montagnes, à deux lieues de cette ville : depuis plus de quatre mille ans, elles en fournissent à la ville et à la plus grande partie de la province, où les pauvres s’en servent pour échauffer leurs poêles. Sa couleur est noire ; on le trouve entre les rochers en veines fort profondes : quelques-uns le broient, surtout parmi le peuple ; ils en mouillent la poudre et la mettent comme en pains. Ce charbon ne s’allume pas facilement, mais il donne beaucoup de chaleur et dure fort longtemps au feu ; la vapeur en est quelquefois si désagréable qu’elle suffoquerait ceux qui s’endorment près des poêles, s’ils n’avaient pas la précaution de tenir près d’eux un bassin rempli d’eau, qui attire la fumée et qui en diminue beaucoup la puanteur. Ce charbon est à l’usage de tout le monde, sans distinction de rang, car le bois est d’une extrême rareté : on s’en sert de même dans les fourneaux pour fondre le cuivre ; mais les ouvriers en fer trouvent qu’il rend ce métal trop dur. Histoire générale des Voyages, tome VI, p. 486.
  98. Le charbon de terre ne manque pas au Japon : il sort en abondance de la province de Tikusen, des environs de Kuganissu et des provinces septentrionales. Histoire générale des Voyages, tome X, p. 655.
  99. Du charbon de terre, par M. Morand, p. 441.
  100. Histoire générale des Voyages, tome VIII, p. 619.
  101. Histoire politique et philosophique des deux Indes, tome VI, p. 138.
  102. Histoire générale des Voyages, t. XII, p. 218.
  103. Voyage de Coréal aux Indes occidentales ; Paris, 1722, tome Ier, p. 123.
  104. Du charbon de terre, par M. Morand, p. 89.
  105. Du charbon de terre, par M. Morand, p. 442.
  106. « L’action du feu sur le mélange de partie d’argile et de partie humide ne se fait, dit M. Morand, qu’au fur et à mesure ; ces dernières ne commencent à être attaquées que lorsque la terre grasse perdant son humidité, s’échauffant et se desséchant peu à peu, communique de proche en proche sa chaleur aux molécules de houille qu’elle enveloppe ; la graisse, l’huile ou le bitume qui y est incorporé se cuit par degrés, au point de s’étendre aussi de proche en proche à ces molécules d’argile et de venir à la surface de la pelote, d’où elle découle quelquefois en pleurs ou en gouttes. La masse d’air subtil qui n’a pas un libre essor se dégage en même temps, s’échappe peu à peu ; les vapeurs sulfureuses, bitumineuses, odorifères ou même malfaisantes qu’on voudra y supposer, ne pouvant point se dissiper ensemble et former un volume, s’en séparent et s’évaporent insensiblement. » — (Je ne puis me dispenser d’observer au savant auteur que son explication pèche en ce que les bitumes ne tiennent pas d’autre air subtil que de l’air inflammable.)

    « Dans cette espèce de corollaire, on entrevoit deux propriétés distinctes qui appartiennent à la façon donnée au charbon de terre : 1o une économie sur la matière même ; 2o une sorte de correctif aux vapeurs de houille.

    » Le premier effet résultant de cette impastation paraît sensible, puisque le feu n’a point une prise absolue sur le combustible soumis à son action ; l’argile ajoutée au charbon arrête la combustion, retient, tant qu’elle ne se consume pas, une portion de houille, de manière que cet amalgame, en ne résistant point trop au feu, y résiste assez pour que la houille ne s’en sépare pas avant d’être consumée : la destruction du charbon par le feu est ralentie en conséquence ; il s’en consomme nécessairement une moindre quantité dans un même espace de temps que si le charbon recevait à nu l’action de la flamme… Les rédacteurs de l’Encyclopédie ne font point difficulté d’avancer que ces pelotes donnent une chaleur plus durable et plus ardente que celle du charbon de terre seul.

    » Les Chinois ne trouvent pas seulement que leur moui, ou pelotes de houille, donne une chaleur beaucoup plus forte que le bois, et qui coûte infiniment moins, mais en outre ils y trouvent l’avantage de ménager leur bois, et ils prétendent encore par cet apprêt se garantir de l’incommodité de l’odeur.

    » Plusieurs physiciens sont du même sentiment. M. Zimmerman (Journal économique, avril 1751) donne cette préparation comme un moyen de brûler le charbon de terre sans désagrément et sans danger. M. Scheuchzer, dans son Voyage des Alpes, pense de même ; l’opinion des commissaires nommés par l’Académie des sciences est aussi positive sur ce point. » Du charbon de terre, par M. Morand, p. 1286.

  107. Voyez, dans l’ouvrage de M. Morand, le détail des procédés pour la façon des hochets, p. 355 et suiv. « Le feu de ces hochets est d’une fort longue durée, dit cet auteur ; il se conserve longtemps sans qu’on y touche : on ne le renouvelle que deux fois par jour, et trois fois lorsqu’il fait un grand froid. À Valenciennes, on fait des briquettes dans un moule de fer, en ovale, de cinq pouces et demi de long sur quatre pouces de large, mesure prise en dedans. L’argile que l’on emploie avec le charbon pour former ces briquettes est de deux sortes : l’une, qui est très commune dans les fosses, est le bleu marle ou marle à boulets, parce qu’on s’en sert pour faire les briquettes qu’on appelle boulets ; c’est une espèce d’argile calcaire qui tient à la langue et qui fait effervescence avec les acides. Une seconde terre, que l’on emploie aussi dans les briquettes, se tire des bords de l’Escaut, où elle est déposée dans le temps des grandes eaux : c’est un limon sableux, argileux, de couleur jaune obscure, et qui se manie comme une bonne argile. À Try, distant de Valenciennes d’une lieue, et à Monceau, qui est à deux lieues de cette ville, on emploie au chauffage la houille d’Anzin ; ou fait entrer dans les briquettes de la marle qui se trouve dans ces deux endroits. Ces marles sont des terres argileuses, calcaires, blanches comme de la craie, faisant effervescence avec les acides. Selon les ouvriers, les briquettes faites avec de la marle brûlent mieux que celles qui sont faites avec du limon, et il ne faut qu’un dixième de marle et neuf parties de charbon… On délaie une mesure d’argile dans l’eau, de manière à en faire une bouillie claire et coulante, que l’on verse au milieu d’un grand cercle de houille : si on met trop d’argile, les briquettes brûlent plus difficilement, et, si on en met en trop petite quantité, la houille ne peut faire corps avec l’argile, et les briquettes n’ont point de solidité. La proportion ordinaire est d’une partie de détrempe sur six de houille ; on mêle le tout ensemble de la même façon que l’on mêle le sable et la chaux pour faire du mortier ; lorsque cette masse a pris la consistance d’une matière un peu solide, l’ouvrier place à côté de lui un carreau de pierre, et fait avec une palette ce que les Liégeois font avec leurs mains ; et, à mesure qu’il fait les briquettes, il les arrange dans l’endroit où l’on veut les garder, de la même façon que l’on arrange les briques pour former une muraille. » Du charbon de terre, par M. Morand, p. 487 et suiv.
  108. M. de la Ville, de l’Académie de Lyon, cité par M. Morand, p. 1259.
  109. Comparaison du feu de houille et du feu de bois, etc., partie Ire, p. 186.
  110. Elle consiste à former en rond sur le terrain une couche de charbon cru, de douze à quinze pieds de diamètre, autour duquel il y a toujours un mélange de poussière de charbon et de cendres, des opérations qui ont précédé.

    Cette couche circulaire est arrangée de façon qu’elle n’a pas plus de sept à huit pouces d’épaisseur à ses extrémités, et un pied et demi au plus d’épaisseur dans son milieu ou centre : c’est là qu’on place quelques charbons allumés, qui, en peu de temps, portent le feu dans toute la charbonnière. Un ouvrier veille à cet embrasement, et avec une pelle de fer prend de la poussière qui est autour, et jette dans les parties où le feu est trop ardent la quantité suffisante pour empêcher que le charbon se consume, et point assez pour éteindre la flamme qui s’étend sur toute la surface… Le charbon réduit en coak est beaucoup plus léger qu’il n’était avant d’être grillé, il est aussi moins noir ; cependant il l’est plus que les coaks appelés cinders ; il ne se colle point en brûlant. Voyages métallurgiques, par M. Jars, troisième Mémoire, p. 273.

    Pour former des coaks, on fait une place ronde d’environ dix à douze pieds de diamètre, que l’on remplit avec de gros charbon, rangé de façon que l’air puisse circuler dans le tas, dont la forme est celle d’un cône d’environ cinq pieds de hauteur, depuis le sommet jusqu’à sa base. Le charbon ainsi rangé, on en place quelques-uns allumés dans la partie supérieure ; après quoi, on couvre le tout avec de la paille, sur laquelle on met de la poussière de charbon qui se trouve tout autour, de façon qu’il y en ait au moins un bon pouce d’épaisseur sur toute la surface.

    On a toujours plusieurs de ces fourneaux allumés à la fois ; deux ouvriers dirigent toute l’opération, l’un pendant le jour, l’autre pendant la nuit ; ils doivent avoir attention d’examiner de quel côté vient le vent, et de boucher les ouvertures lorsqu’il s’en forme de nuisibles à l’opération, ce qui contribuerait à la destruction des coaks. Idem, p. 236, douzième Mémoire.

  111. Quand on a mis dans le four à griller le quantité de charbon nécessaire, on y met le feu avec un peu de bois ou avec du charbon déjà allumé… Mais, pour l’ordinaire, on introduit le charbon lorsque le fourneau est encore chaud et presque rouge ; ainsi il s’allume de lui-même.

    On ferme ensuite la porte, et l’on met de la terre dans les jointures, seulement pour boucher les plus grandes ouvertures qui proviennent de la dégradation de la maçonnerie, car il faut toujours laisser un passage à l’air, sans lequel le charbon ne pourrait brûler. L’ouverture qui est au-dessus du fourneau, et qu’on peut appeler cheminée, est destinée pour la sortie de la fumée, et par conséquent pour l’évaporation du bitume ; l’embouchure de cette cheminée n’est pas toujours également ouverte. La science de l’ouvrier consiste à ménager le courant de la fumée, sans quoi il risquerait de consumer les cinders à mesure qu’ils se forment : la règle qu’on suit à cet égard, comme la plus sûre, est de n’ouvrir la cheminée qu’autant qu’il le faut pour que la fumée ne ressorte point par la porte : pour cela, on a une grande brique que l’on pousse plus ou moins sur l’ouverture, à mesure que l’évaporation avance, et que, par conséquent, le volume de la fumée diminue ; à la fin, on bouche presque entièrement l’ouverture de la cheminée.

    Cette opération dure trente à quarante heures ; mais communément on ne retire les cinders qu’au bout de quarante-huit heures : le charbon, réduit en cinders, forme dans le fourneau une couche d’une seule masse, remplie de fentes et de crevasses, disposées en rayons perpendiculaires au sol du fourneau, de toute l’épaisseur de la couche. On pourrait aussi les comparer à des briques placées de champ : quoique le tout fasse corps, il est aisé de le diviser pour le retirer du fourneau ; à cet effet, lorsque l’ouvrier a ouvert la porte, il met une barre de fer en travers devant l’ouverture, afin de supporter un rable de fer avec lequel il attire une certaine quantité de cinders hors du fourneau, sur lesquels un autre ouvrier jette un peu d’eau : ils prennent ensuite chacun une pelle de fer en forme de grille, afin que les cendres et les menus cinders puissent passer au travers : ils éloignent ainsi de l’embouchure du fourneau les cinders, qui achèvent de s’éteindre par le seul contact de l’air.

    Le fourneau n’est pas plus tôt vide qu’on y met de nouveau charbon nécessaire pour une seconde opération ; et, comme ce fourneau est encore très chaud et même rouge, le charbon s’y enflamme aussitôt, et le procédé se conduit comme ci-devant.

    On estime à un quart le déchet du charbon dans cette opération, c’est-à-dire le déchet du volume ; quant au poids, il est bien moindre.

    Les cendres qu’on retire du fourneau sont passées à la claie, sur une claie de fer, pour en séparer les petits morceaux de cinders, lesquels sont vendus séparément. Voyages métallurgiques, par M. Jars, dixième Mémoire, p. 209.

  112. Après avoir formé un plan horizontal sur le terrain, on arrange le charbon, morceau par morceau, pour en composer une pile d’une forme à peu près semblable à celle que l’on donne aux allumèles pour faire du charbon de bois, et de la contenue d’environ cinquante à soixante quintaux : il est nécessaire de ne point donner à ces charbonnières trop d’élévation, quoique dans le même diamètre ; l’inconvénient serait encore plus grand, si on avait placé indifféremment le charbon de toute grosseur.

    Une charbonnière construite de cette manière peut et doit avoir dix, douze et jusqu’à quinze pieds de diamètre, et deux pieds et demi au plus de hauteur dans le centre. Au sommet de la charbonnière on ménage une ouverture d’environ six à huit pouces de profondeur, destinée à recevoir le feu qu’on y introduit avec quelques charbons allumés quand la pile est arrangée ; alors on la recouvre, et on peut s’y prendre de diverses manières.

    La meilleure et la plus prompte, c’est d’employer de la paille et de la terre franche qui ne soit pas trop sèche : toute la surface de la charbonnière ce couvre de cette paille, mise assez serrée pour que l’épaisseur d’un bon pouce de terre et pas davantage, placé dessus, ne tombe pas entre les charbons, ce qui nuirait à l’action du feu. On peut suppléer au défaut de paille par des feuilles sèches, lorsqu’on est dans le cas de s’en procurer : j’ai aussi essayé de me servir de gazon ou mottes, mais il n’en a pas résulté un bon effet.

    Une autre méthode qui, attendu la cherté et la rareté de la paille, est mise en pratique aujourd’hui aux mines de Rive-de-Gier par les ouvriers que les intéressés aux mines de cuivre employaient à cette opération, avec un succès que j’ai éprouvé, est celle de recouvrir les charbonnières avec le charbon même ; cela se fait comme il suit :

    L’arrangement de la charbonnière étant achevé, on en recouvre la partie inférieure, depuis le sol du terrain jusqu’à la hauteur d’environ un pied, avec du menu charbon cru, tel qu’il vient de la carrière et des déblais qui se font dans le choix du gros charbon ; le restant de la surface est recouvert avec tout ce qui s’est séparé en très petits morceaux des coaks : par cette méthode on n’a pas besoin, comme pour les autres, de pratiquer des trous autour de la circonférence pour l’évaporation de la fumée ; les interstices qui se trouvent entre ces menus coaks y suppléent et font le même effet ; le feu agit également partout.

    Lorsque la charbonnière est recouverte jusqu’au sommet, l’ouvrier apporte, comme il a été dit, quelques charbons allumés qu’il jette dans l’ouverture, et achève d’en remplir la capacité avec d’autres charbons ; quand il juge que le feu a pris et que la charbonnière commence à fumer, il en recouvre le sommet, et conduit l’opération comme celle du charbon de bois, ayant soin d’empêcher que le feu ne passe par aucun endroit, pour que le charbon ne se consume pas ; ainsi du reste jusqu’à ce qu’il ne fume plus, ou du moins que la fumée en sorte claire, signe constant de la fin du désoufrage ; pour toute cette manœuvre, l’expérience des ouvriers est très nécessaire.

    Une telle charbonnière tient le feu quatre jours, et plusieurs heures de moins si l’on a recouvert avec de la paille et de la terre : lorsqu’il ne fume plus, on recouvre le tout avec de la poussière pour étouffer le feu, et on le laisse ainsi pendant douze ou quinze heures ; après ce temps, on retire les coaks, partie par partie, à l’aide des râteaux de fer, en séparant le menu qui sert à couvrir d’autres charbonnières.

    Lorsque les coaks sont refroidis, on les enferme dans un magasin bien sec : s’il s’y trouve quelques morceaux de charbon qui ne soient pas bien désoufrés, on les met à part pour les faire passer dans une nouvelle charbonnière ; on en a de cette manière plusieurs en feu, dont la manœuvre se succède.

    Trois ouvriers, ayant un emplacement assez grand, peuvent préparer dans une semaine trois cent cinquante, jusqu’à quatre cents quintaux de coaks. Les charbons de Rive-de-Gier perdent en désoufrage à Saint-Bel trente-cinq pour cent, de manière que cent livres de charbon cru sont réduites à soixante-cinq livres de braises ; ce fait a été vérifié plusieurs fois. Voyages métallurgiques, par M. Jars, quinzième Mémoire, p. 325.

  113. De quelque manière que le charbon de terre ait été torréfié, soit qu’il l’ait été à l’air libre, soit qu’il l’ait été dans des fosses comme à Newcastle, ou dans des fourneaux comme à Sultzbach, l’expérience ne lui a encore été avantageuse que pour les ouvrages qui se jettent en moule : dans les grandes opérations métallurgiques, ce charbon, si l’on veut suivre l’idée commune, n’est pas encore suffisamment désoufré ; les braises qu’il donne ne remplissent pas à beaucoup près le but qu’on se propose : le fer provenant des forges de Sultzbach, et qui, porté à la filière, se trouvait une fonte grise et fort douce, a été reconnu être le produit de plusieurs affinages ; en total, la fonte du fer qu’on obtient avec leur feu a toujours deux défauts considérables : on convient d’abord généralement que la qualité du fer est avilie, qu’il est cassant et hors d’état de rendre beaucoup de service. Dans la quantité de métal fondu au feu de charbon de terre, cru ou converti en braise, il se trouve toujours un déchet considérable ; dans une semaine on avait fondu à Lancashire, avec le seul charbon de bois, quinze ou seize tonnes de fer (la tonne pèse deux mille), et avec les houilles on n’en a eu que cinq ou six.

    Cet inconvénient se remarque également pour toutes les autres espèces de mines : un fourneau de réverbère anglais, chauffé avec le bois de hêtre, même avec des fagots, fait rendre à la mine de plomb dix pour cent de plus que lorsqu’on le chauffe avec le charbon de terre.

    Depuis plus de quarante ans on a commencé à vouloir l’employer, mais inutilement, pour la mine de cuivre : il y a vingt-huit ans qu’on avait encore voulu essayer en France, dans le travail d’une mine de cuivre, d’introduire l’usage du charbon de terre, tant pour le grillage que pour la fonte du minéral ; on le mettait sur du bois dans le grillage, et on en mêlait neuf parties avec une partie de charbon de bois dans le fourneau allemand pour la fonte : une portion de cuivre, traitée de cette manière, s’est trouvée détruite et a causé des pertes considérables qui ont obligé les entrepreneurs d’abandonner cette fabrication. Du charbon de terre, par M. Morand, p. 1186 et 1187. — Ces observations de M. Morand paraîtraient d’abord contredire ce que nous avons cité d’après M. Jars ; mais, comme ces dernières expériences ont été faites avec du charbon cru, et que les autres avaient été faites avec des charbons épurés en coaks, leurs résultats devaient être différents.

  114. Lettre de M. Faujas de Saint-Fond à M. le comte de Buffon, datée de Montélimar, 10 janvier 1786.
  115. Idem, ibidem.
  116. Extrait d’une lettre de M. de Morveau à M. le comte de Buffon, en date du 20 novembre 1779.
  117. Du charbon de terre et de ses mines, par M. Morand, p. 8 et 9.
  118. Idem, p. 7 et 8.
  119. Voyez la lettre de M. Faujas, citée ci-dessus.
  120. ÉPAISSEUR DES COUCHES DE TERRE DU PUITS DE CAUGHLEY-LANE SITUÉ À UNE LIEUE DE LA SEVERNE.
    Verges. Pouces.
    Sable ordinaire. 01 18
    Gravier ou sable plus gros. 02 24
    Argile rouge. 0» 27
    Pierre calcaire. 04 0»
    Marne bleue et rouge. 03 18
    Argile dure, bleuâtre, qui se durcit à la superficie. 0» 18
    Argile d’un bleu pâle ou gris de fer. 01 09
    Argile grise. 05 18
    Charbon sulfureux de mauvaise odeur. 0» 18
    Argile d’un gris brun. 03 24
    Rocher avec bitume brun mêlé de veines blanches. 06 0»
    Argile rouge fort dure. 06 0»
    Rocher noir et gris. 05 18
    Argile noire, rouge et bleue mêlée. 07 0»
    Rocher gris avec pierres de mine de fer dans les interstices. 13 0»
    Mauvais charbon. 0» 18
    Argile blanchâtre unie qui couvre le meilleur charbon. 01 12
    Le meilleur charbon (best-coal). 02 0»
    Rocher qui fait le mur de la veine de charbon. 0» 09
    Charbon dont on fait le coak pour fondre la mine de fer. 0» 27
    Argile blanche, couverte par le charbon. 02 0»
    Banc de glaise brune et noire où se trouve la mine de fer. 02 0»
    Pierre dure sous mine de fer. 0» 18
    Couche d’argile dure qui couvre la mine. 0» 28
    Charbon dur, luisant, mêlé de silex qui fait feu avec l’acier. 01 0»
    Total. 72 75
Notes de l’éditeur
  1. Les couches de charbon de terre qu’on trouve dans le sol n’ont probablement pas toutes la même origine. Les unes proviennent très certainement de plantes grandes et petites qui ont pourri dans le lieu même où elles avaient végété, comme se forment aujourd’hui les tourbières. D’autres proviennent d’arbres qui ont été entraînés par les fleuves et déposés à l’embouchure de ces derniers.
  2. Les bitumes sont des substances très complexes provenant de la décomposition de matières organiques très diverses ; ils contiennent principalement des carbures d’hydrogène et des produits oxydés et azotés.
  3. Buffon entend ici très probablement par le mot « brûler » le phénomène dans lequel le feu détruit ou du moins décompose en éléments de nature très simples les corps matériels. Ce qu’il dit plus loin du soufre indique bien que c’est ainsi qu’il faut entendre tout ce passage. Il est, du reste, presque inutile de dire que toute la partie chimique de son œuvre contient des erreurs considérables qu’il serait trop long et inutile de relever.
  4. Le gaz que Buffon nomme « acide aérien ou air fixe » est l’acide carbonique [Note de Wikisource : aujourd’hui plus communément appelé dioxyde de carbone] ; on ne peut manquer d’être frappé de la sérénité avec laquelle le grand naturaliste dit « aujourd’hui bien connu » d’un gaz dont on ignorait alors complètement la composition.
  5. L’air inflammable dont parle Buffon n’est pas l’hydrogène pur, alors tout à fait inconnu, mais l’hydrogène carboné des marais [Note de Wikisource : c’est-à-dire le méthane, dans la nomenclature actuelle] ; c’est le gaz qu’on trouve surtout dans les mines de houille et dont l’inflammation provoque les explosions.
  6. On n’a inventé que récemment les lampes de sûreté qui permettent aux mineurs de se mettre à l’abri de l’inflammation des gaz des mines et des accidents qui en sont la conséquence. Les lampes de sûreté sont des appareils d’éclairage à parois formées par un grillage très fin ; elles reposent sur ce double fait que les flammes ne traversent pas le grillage et que l’hydrogène carboné ne prend feu que par le contact avec une flamme ; la toile métallique en isolant la flamme du gaz prévient donc l’inflammation de ce dernier.