Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Introduction à l’histoire des minéraux/Partie expérimentale



PARTIE EXPÉRIMENTALE



Depuis vingt-cinq ans que j’ai jeté sur le papier mes idées sur la théorie de la terre et sur la nature des matières minérales dont le globe est principalement composé, j’ai eu la satisfaction de voir cette théorie confirmée par le témoignage unanime des navigateurs, et par de nouvelles observations que j’ai eu soin de recueillir ; il m’est aussi venu dans ce long espace de temps quelques pensées neuves dont j’ai cherché à constater la valeur et la réalité par des expériences ; de nouveaux faits acquis par ces expériences, des rapports plus ou moins éloignés, tirés de ces mêmes faits, des réflexions en conséquence, le tout lié à mon système général et dirigé par une vue constante vers les grands objets de la nature, voilà ce que je crois devoir présenter aujourd’hui à mes lecteurs, surtout à ceux qui, m’ayant honoré de leur suffrage, aiment assez l’histoire naturelle pour chercher avec moi les moyens de l’étendre et de l’approfondir.

Je commencerai par la partie expérimentale de mon travail, parce que c’est sur les résultats de mes expériences que j’ai fondé tous mes raisonnements, et que les idées, mêmes les plus conjecturales et qui pourraient paraître trop hasardées, ne laissent pas d’y tenir par des rapports qui seront plus ou moins sensibles à des yeux plus ou moins attentifs, plus ou moins exercés, mais qui n’échapperont pas à l’esprit de ceux qui savent évaluer la force des inductions et apprécier la valeur des analogies.

Et comme il s’est écoulé bien des années depuis que j’ai commencé de publier mon ouvrage sur l’histoire naturelle, et que le nombre des volumes s’est beaucoup augmenté, j’ai cru que, pour ne pas rendre mon livre trop à charge au public, je devais m’interdire la liberté d’en donner une nouvelle édition corrigée et augmentée : aussi dans le grand nombre de réimpressions qui se sont faites de cet ouvrage il n’y a pas eu un seul mot de changé. Pour ne pas rendre aujourd’hui toutes ces éditions superflues, j’ai pris le parti de mettre en deux ou trois volumes de supplément les corrections, additions, développements et explications que j’ai jugées nécessaires à l’intelligence des sujets que j’ai traités. Ces suppléments contiendront beaucoup de choses nouvelles et d’autres plus anciennes dont quelques-unes ont été imprimées soit dans les Mémoires de l’Académie des sciences, soit ailleurs ; je les ai divisés par parties relatives aux différents objets de l’histoire de la nature, et j’en ai formé plusieurs Mémoires qui peuvent être lus indépendamment les uns des autres, mais que j’ai seulement rapprochés selon l’ordre des matières.