Œuvres (Ferrandière)/Fables/Fable 160

Janet et Cotelle (Première partie : Fables — Seconde partie : Poésiesp. 171-172).

FABLE CLX.

LA COLOMBE ET LE RAMIER.


D’une colombe trop constante
Pour des ingrats échappés de son sein,
Jeune ramier railloit l’autre matin :
Laissez, lui disoit-il, cette mine dolente,
Ces longs soupirs, cette voix gémissante.
Si votre époux et vos enfans
Dont vous étiez jadis aimée,
Depuis trois mois vous ont abandonnée,
Si tout cela vous fuit et court les champs,
Faut-il que de regrets vous mouriez consumée ?
Je veux changer votre destin :
Écoutez mes conseils, bannissez le chagrin,
Allez de-çà, de-là, menez joyeuse vie.
Volage et sans liens, je suis toujours heureux ;
Imitez mon exemple enfin, ma chère amie :

De moi je fais ce que je veux,
J’aime ou je hais, selon ma fantaisie.
Ton sort pour moi, dit-elle, est peu digne d’envie ;
Car, malgré les tourmens qu’un bon cœur fait souffrir ;
Je rends grâces au ciel de ne pouvoir haïr.