Woodstock, ou Le Cavalier, Histoire de l’année 1651
Traduction par Albert Montémont.
Ménard (Œuvres de Walter Scott, volume 8p. 32-46).


CHAPITRE II.

DÉPOSSESSION.


Avance, vieillard, c’est maintenant à côté de ta fille que tu dois te placer : quand le temps a dompté l’orgueil superbe du chêne, le jeune rejeton peut encore soutenir les restes de l’arbre paternel.
Anonyme.


Quand le sermon fut fini, le prédicateur militaire s’essuya le front ; car, malgré le froid du temps, la véhémence de son discours et de ses gestes l’avait mis en nage. Il descendit alors de la chaire et dit quelques mots au caporal qui commandait le détachement ; celui-ci, répondant d’un air grave par un signe d’intelligence, rassembla ses hommes et les conduisit en bon ordre à leur quartier dans la ville.

Le prédicateur lui-même, comme s’il venait de commettre une action fort ordinaire, sortit de l’église et se promena dans les rues de Woodstock, comme un étranger qui voulait visiter la ville, sans paraître observer qu’il était aussi de son côté le but de la surveillance inquiète des habitants, dont les regards furtifs mais fréquents paraissaient le considérer comme un homme suspect et dangereux si on venait à le provoquer. Il n’y faisait nulle attention, et marchait avec cet air affecté que prenaient les fameux fanatiques de ce temps-là ; un pas compté et solennel, un œil sévère et en même temps scrutateur, comme celui d’un homme irrité des distractions que lui causent les futilités de ce monde, l’obligeant par leur présence à détacher pour un moment ses pensées des choses célestes. Ils redoutaient et méprisaient les plaisirs innocents de quelque genre qu’ils fussent, ils avaient en horreur une innocente gaîté. C’était pourtant une disposition d’esprit qui formait des hommes à de grandes et courageuses actions, puisque l’égoïsme, bien loin de les pousser à satisfaire leurs passions, n’entrait pour rien dans leur conduite. Quelques uns de ces enthousiastes, hypocrites sans doute, se servaient du manteau de la religion seulement pour couvrir leur ambition ; mais presque tous avaient un caractère vraiment religieux, et les vertus sévères du républicanisme. Le plus grand nombre, placés entre ces deux extrêmes, ressentaient jusqu’à un certain point le pouvoir de la religion, mais se conformaient à l’époque en montrant un zèle outré.

L’individu dont les prétentions à la sainteté, écrites comme elles l’étaient sur son front et dans sa démarche, ont donné lieu à la digression qui précède, parvint enfin à l’extrémité de la rue principale qui se termine au parc de Woodstock. Une porte crénelée, d’architecture gothique, défendait l’entrée de l’avenue. Quoique bâtie dans le style des différents siècles où l’on y avait fait quelques changements, elle était néanmoins d’un effet majestueux et imposant. Une large grille en barres de fer battu, ornée de fleurons et de dessins, et surmontée du malheureux chiffre de C. R., était alors dégradée non moins par la rouille que par la violence des hommes.

L’étranger s’arrêta comme incertain s’il devait entrer avec ou sans permission. Il apercevait à travers la grille une avenue bordée de chênes majestueux et qui, faisant un détour, semblait conduire dans les profondeurs de quelque vaste et antique forêt. Le guichet de la grande grille se trouvant par hasard ouvert, le soldat ne résista plus, le franchit, quoique en hésitant, comme un homme qui se glisse furtivement dans une enceinte dont il suppose que l’entrée peut être défendue. Du reste, ses manières montrèrent pour ces lieux plus de respect que sa profession et son caractère n’auraient pu lui en faire supposer. Il ralentit son pas mesuré et solennel, s’arrêta et regarda autour de lui.

Non loin de la porte, il vit s’élever du milieu des arbres deux antiques et vénérables tourelles, surmontées chacune d’une girouette d’un merveilleux travail, et resplendissantes des rayons d’un soleil d’automne. Elles indiquaient la position d’un ancien rendez-vous de chasse. La Loge, comme on l’appelait, qui avait parfois, du temps de Henri II, servi de résidence aux monarques anglais lorsqu’il leur plaisait de visiter les bois d’Oxford, qui étaient alors si giboyeux que, suivant le vieux Fuller[1], chasseurs et fauconniers n’étaient nulle part plus heureux ; la Loge était située au milieu d’un terrain uni, alors planté de sycomores, non loin de l’entrée de ce lieu magnifique où le spectateur s’arrête toujours malgré lui, pour considérer Blenheim, songer aux victoires de Marlborough et applaudir ou critiquer la lourde magnificence du style de Vanburgh[2].

Là aussi s’arrêta notre prédicateur militaire, mais avec d’autres pensées et d’autres intentions que d’admirer la scène qui l’environnait. Il ne fut pas long-temps à apercevoir deux personnes, un homme et une femme, qui marchaient lentement, et si occupés de leur conversation qu’ils ne levèrent pas les yeux pour voir qu’il y avait un étranger devant eux. Le soldat, profitant de leur distraction, et désirant surveiller leurs mouvements sans être vu, se glissa derrière un des gros arbres qui bordaient la route, et dont les branches tombant à terre empêchaient qu’il ne fût découvert, à moins qu’on ne vînt exprès l’y chercher.

Cependant le monsieur et la dame continuaient à s’avancer, dirigeant leur marche vers un banc rustique où brillaient encore les rayons du soleil, et adossé à l’arbre même derrière lequel s’était caché l’étranger.

L’homme était un vieillard qui semblait plus encore courbé par le chagrin et les infirmités que par le poids des ans. Il portait un manteau de deuil par dessus un habillement de couleur noire, de cette coupe pittoresque que Van Dyck a rendue immortelle. Mais, quoique l’habit fût beau, il avait été mis et il était porté avec une négligence qui prouvait que ce personnage n’avait pas l’esprit fort tranquille. Sa figure âgée, mais belle encore, était empreinte de cet air de noblesse qui distinguait son habillement et sa démarche. Ce qui frappait le plus dans tout son extérieur, c’était une longue barbe blanche qui descendait au dessous de sa poitrine sur son pourpoint à taillades, et contrastait singulièrement avec la couleur de ses vêtements.

La jeune dame qui donnait le bras à ce respectable vieillard, et semblait presque le soutenir, avait la forme légère d’une sylphide et une taille si délicate, une figure si belle, qu’il semblait que la terre où elle marchait ne fût pas digne de supporter une créature si aérienne. Mais toute beauté mortelle a aussi ses peines terrestres. Les yeux de cet être charmant montraient des traces de larmes ; ses couleurs devenaient plus vives à mesure qu’elle écoutait son vieux compagnon ; et il était évident, d’après ses regards tristes et langoureux, que la conversation était aussi pénible pour l’un que pour l’autre. Lorsqu’ils furent assis sur le banc, le soldat, qui était aux écoutes, put entendre distinctement les paroles du vieillard ; mais beaucoup moins bien les réponses de la jeune dame.

« C’est à n’y pas tenir, » dit le vieillard avec chaleur ; « il y aurait réellement de quoi faire d’un pauvre paralytique un brave soldat… Ou mes gens ont péri, ou ils m’ont abandonné dans ces temps malheureux… Je ne dois pas leur en vouloir : car que deviendraient-ils maintenant que je n’ai plus ni pain ni bière à leur donner ! Mais nous avons encore avec nous quelques gardes forestiers de la vieille race de Woodstock… aussi vieux que moi pour la plupart… Eh bien ! le vieux bois plie rarement à l’humidité… je me défendrai dans ce vieux château, et ce ne sera pas la première fois que je l’aurai fait, même contre une force dix fois plus imposante que celle dont nous entendons parler à présent. — Hélas ! mon cher père… » dit la Jeune dame, dont le ton semblait dire que ces projets de défense étaient tout-à-fait inutiles.

« Et pourquoi cet hélas ? » dit le vieillard avec dépit ; « est-ce parce que j’ai fermé ma porte à une quarantaine d’hypocrites et de buveurs de sang ? — Mais leurs maîtres peuvent facilement envoyer contre vous un régiment ou une armée, s’ils le veulent, répondit la jeune fille ; et à quoi servirait à présent votre défense, si ce n’est à les irriter davantage et les porter à vous faire plus de mal encore ? — Soit, Alice ; j’ai vécu : ma carrière a été plus longue que je ne le désirais et pouvais même l’espérer. J’ai survécu au plus cher et au plus digne des princes : pourquoi suis-je resté sur terre après le 30 janvier ? Le parricide de ce jour fatal était un ordre pour tous les loyaux serviteurs de Charles Stuart de venger sa mort ou de mourir eux-mêmes aussitôt que l’occasion se présenterait. — Ne parlez pas ainsi, mon cher père ; il ne convient pas à votre dignité et à votre mérite de renoncer à une vie qui peut encore être utile à votre roi et à votre pays. L’Angleterre n’aura pas long-temps à souffrir des tyrans que ces mauvais jours lui ont imposés. En attendant… Ces quelques mots ne parvinrent pas jusqu’à l’oreille du soldat. « Et surtout point de cette impatience qui ne fait qu’aggraver le mal. — L’aggraver ! » s’écria l’impatient vieillard ; « que peut-il arriver de pire ? Le mal n’a-t-il pas déjà atteint son plus haut période ? Ces coquins ne vont-ils pas nous chasser de notre seul abri… dévaster ce qui est encore intact des propriétés royales confiées à ma garde… changer le palais de nos princes en une caverne de brigands, et puis s’essuyer la bouche et rendre grâces à Dieu, comme s’ils avaient fait une bonne action ? — Tout espoir n’est pas encore perdu, lui répondit sa fille ; je crois que le roi est à l’abri de leurs poursuites… Et tout nous porte à croire que mon frère Albert est en sûreté. — Oui, Albert ! toujours Albert, » répondit le vieillard d’un ton de reproche. « Sans toutes tes prières, je serais allé moi-même à Worcester ; mais il a fallu que je restasse ici comme un vieux chien qu’on laisse en arrière au départ de la chasse : et qui sait quels services j’aurais pu rendre ? Les conseils d’un vieillard sont quelquefois utiles quand son bras ne peut plus rien. Mais Albert et vous avez voulu qu’il partît seul… qui peut dire maintenant ce qu’il est devenu ? — Non, non, mon père, ce n’est pas sans raison que nous pouvons espérer qu’Albert a survécu à ce jour fatal ; le jeune Abney l’a vu à un mille du champ de bataille.

— Le jeune Abney a menti, je pense, » dit le père avec la même humeur de contradiction ; « le jeune Abney est plus fort en paroles qu’en actions, surtout lorsque les têtes rondes le poursuivent. J’aimerais mieux que le cadavre d’Albert fût tombé entre Charles et Cromwel, que d’apprendre qu’il s’est sauvé vivant aussi vite que le jeune Abney. — Mon très cher père, » dit la jeune femme en sanglotant, « que puis-je donc vous dire pour vous consoler ? — Me consoler, dis-tu, ma fille ? c’est impossible… Une mort honorable et les ruines de Woodstock pour tombeau, voilà les seules consolations qu’il faut au vieil Henri Lee. Oui, par la mémoire de mon père ! je tiendrai bon dans la Loge contre ces rebelles brigands… — Soyez raisonnable, mon cher père, et soumettez-vous à ce que nous ne pouvons empêcher. Mon oncle Éverard… »

Là le vieillard irrité s’écria sans lui donner le temps de finir sa phrase : « Ton oncle Éverard, malheureuse !… Eh bien ! continue… qu’as-tu à dire de ton précieux et cher oncle Éverard ? — Rien, mon père, ce sujet de conversation peut vous déplaire. — Me déplaire, continua-t-il ; et quand bien même, serait-ce une raison pour que toi ou d’autres s’abstinssent d’en parler ? Qu’est-il arrivé depuis quelques années ?… Que peut-il arriver encore de tout ce qu’un astrologue peut prévoir, qui nous cause du plaisir ? — Le Destin, répondit-elle, réserve sans doute pour l’avenir la restauration de notre prince banni. — Il est trop tard pour moi, Alice ; s’il se trouve une page si blanche dans le livre du Destin, elle ne sera retournée que long-temps après mon dernier jour. Mais je vois que tu veux m’échapper… Bref, qu’as-tu à dire de ton oncle Éverard ? — Non, mon père, Dieu m’est témoin que je garderais plutôt le silence toute ma vie que de dire une chose qui, par le sens que vous lui prêteriez, ajouterait encore à votre indisposition. — À mon indisposition ! oh ! tu es un médecin aux lèvres mielleuses, et tu prodiguerais, j’en suis sûr, le baume, le miel et l’huile les plus doux pour me guérir… si l’on peut toutefois donner ce nom aux douleurs d’un vieillard qui a le cœur presque brisé… Encore une fois, qu’avais-tu à me dire de ton oncle Éverard ? »

Ces derniers mots, prononcés à haute voix et d’un ton sévère, firent qu’Alice Lee répondit à son père d’un ton tremblant et soumis :

« Je voulais seulement dire, mon père, que je suis persuadée que mon oncle Éverard, quand nous quitterons cet asile… — C’est-à-dire quand nous en serons chassés par des hypocrites tondus[3], par des vilains comme lui… Mais parle-moi de ton excellent oncle… Que fera-t-il ? Nous abandonnera-t-il deux fois par semaine les restes de son vénérable et économique ménage, les débris d’un chapon trois fois servi sur sa table, en nous prescrivant un jeûne rigoureux pour les cinq autres jours ? Nous permettra-t-il de reposer auprès de ses chevaux affamés, diminuant leur mince ration de paille pour que le mari de sa sœur… ah ! faut-il que j’aie donné ce nom à l’ange que j’ai perdu !… et que la fille de sa sœur ne couche pas sur la pierre ? ou nous enverra-t-il à chacun un noble d’or en nous avertissant de le faire durer long-temps parce que, dira-t-il, l’argent n’a jamais été si rare ? Enfin, qu’est-ce que votre oncle fera pour nous ?… il nous donnera sans doute la permission de mendier ? Ma foi, je le puis bien sans cela. — Vous lui faites injure, » répondit Alice avec une véhémence qu’elle n’avait pas encore déployée ; « et si seulement vous interrogiez votre cœur, vous reconnaîtriez… et je le dis avec respect… que votre bouche dit des choses que de sang-froid votre jugement désavouerait. Mon oncle Éverard n’est ni avare ni hypocrite ; il ne tient pas assez aux biens ce monde pour ne pas venir libéralement à notre secours, et il n’a pas épousé les opinions des fanatiques assez chaudement pour n’avoir plus de charité qu’envers les gens de sa secte. — Oui, oui, l’Église d’Angleterre est une secte pour lui, je n’en doute pas, et peut-être pour toi aussi, Alice, dit le chevalier. Que sont les Mugglemans, les Ranters, les Brownistes[4] ? des sectaires, voilà tout ; et ta phrase les met tous, sans en excepter Jack-Presbyter lui-même, sur une seule ligne, avec nos savants évêques et notre saint clergé ! Tel est le langage des temps où tu vis : et pourquoi ne parlerais-tu pas comme une des sages vierges et des sœurs psalmodiantes, puisque, si tu as pour père un vieux cavalier profane, tu es aussi la nièce de ton oncle Éverard ? — Si vous parlez ainsi, mon cher père, que puis-je vous répondre ? Écoutez-moi patiemment une seule minute, et je me serai acquittée de la commission de mon oncle. — Oh ! il y a donc une commission ! à coup sûr je m’en doutais dès le commencement… Oui, j’avais aussi quelque petite idée d’un ambassadeur. — Eh bien ! mon père, mon oncle Éverard désire que vous accueilliez bien les commissaires qui viennent ici s’emparer du parc et du domaine, ou du moins que vous tâchiez de n’y mettre ni obstacle ni opposition. La résistance, dit-il, même dans vos principes, ne ferait aucun bien, et fournirait un prétexte pour agir contre vous comme à l’égard du plus grand coupable, malheur qu’on peut aisément empêcher. Bien plus, il espère que, si vous suivez ses conseils, le comité pourra, grâce à son crédit, consentir à lever le séquestre mis sur vos biens, moyennant une légère amende ; voici l’avis de mon oncle. Maintenant que je vous l’ai communiqué, je n’ai plus besoin de lasser votre patience par d’autres arguments. — Et tu as grandement raison, Alice, » répondit sir Henri Lee avec un ton de colère mal déguisé ; « car, par la sainte Croix ! tu m’as rendu presque assez hérétique pour croire que tu n’es pas ma fille… Ah ! ma compagne chérie, qui es délivrée maintenant des soucis et des chagrins de ce pauvre monde, as-tu jamais pensé que la fille que tu portas dans ton sein deviendrait, comme la misérable femme de Job, tentatrice de son père à l’heure de l’affliction ? lui conseillerait de faire céder sa conscience à son intérêt, et de redemander en mendiant, des mains sanglantes de son maître, et peut-être des meurtriers de son fils, les misérables restes des domaines qu’on lui a volés ? malheureuse ! s’il me faut mendier, crois-tu que j’implorerai l’assistance de ceux qui m’ont réduit à cet état ? Non : je ne montrerai jamais ma barbe blanche, que je porte en signe de deuil depuis la mort de mon souverain, pour émouvoir la pitié de quelque fier dilapidateur qui fut peut-être un des parricides. Non. Si Henri Lee doit tendre la main, il la tendra à des sujets aussi loyaux que lui, et n’eussent-ils de reste qu’un demi-pain, ils ne refuseront pas de le partager avec lui. Quant à ma fille, elle peut agir comme elle l’entendra, demander asile à ses riches parents tête-rondes ; mais qu’elle n’appelle plus son père celui avec qui elle a refusé de partager une honnête indigence !… — Vous êtes injuste envers moi, mon père, » répondit la jeune fille d’une voix tremblante mais animée ; « cruellement injuste. Dieu le sait, le chemin que vous suivez est le mien, quoiqu’il conduise à la ruine et à la mendicité ; et tant que vous le suivrez, et que vous voudrez bien accepter un soutien si faible, mon bras vous soutiendra. — Tu me paies en paroles, fille, » répondit le vieux cavalier ; « tu me paies en paroles, comme dit le vieux William… Tu parles de me donner le bras, mais intérieurement tu brûles du désir de t’aller pendre à celui de Markham Éverard. — Mon père ! mon père ! » s’écria Alice d’un ton de désespoir : « qui peut avoir ainsi égaré votre jugement ordinairement si sain, et votre excellent cœur ?… Maudites soient les commotions civiles ! Non seulement elles détruisent les corps, mais encore elles pervertissent les âmes. L’homme brave, noble, généreux, devient suspect, vil et dur ! Que pouvez-vous me reprocher à l’égard de Markham Éverard ? l’ai je vu, lui ai-je parlé depuis que vous lui avez défendu ma société en termes moins doux…. je dirai la vérité… que n’exigeait la parenté qui nous unit ? Quoi ! j’irais sacrifier à l’amour de ce jeune homme mes derniers devoirs envers vous ? Apprenez que si j’étais coupable d’une faiblesse si criminelle, Markham Éverard serait le premier à me mépriser. »

Elle porta son mouchoir à ses yeux, mais elle ne put retenir ses sanglots ni déguiser la douleur qui les occasionnait. Le vieillard en fut touché.

« Je ne sais ce que je dois penser. Tu parais sincère, et tu fus toujours une bonne fille…. Comment as-tu laissé ce jeune rebelle pénétrer à mon insu dans ton cœur ? Peut-être est-ce un châtiment que j’avais mérité, moi qui croyais la loyauté de ma maison aussi pure que la blanche hermine, et pourtant voilà une tache, et sur le plus beau joyau…. ma très chère Alice. Mais ne pleure pas…. Nous avons assez d’autres chagrins. Où Shakspeare dit-il donc :

Gentille fillette, oubliez,
Oubliez ma pénible affaire ;
Foulez la coutume à vos pieds ;
Au bon Percy tâchez de plaire !

— Je suis contente, mon père, de vous entendre recommencer vos citations favorites. Nos petites querelles sont bientôt terminée ! quand Shakspeare se met de la partie. — Ses œuvres, après la Bible, étaient le fidèle compagnon de mon pauvre maître, dit sir Henri Lee… Je puis les nommer en même temps… Il y trouvait plus de consolation que dans tout autre ; et puisque j’ai gagné sa maladie, n’est-il pas naturel que je fasse usage de son remède ? Toutefois je ne prétends pas expliquer certains passages obscurs avec le talent de mon maître, car j’ai peu d’instruction, et ma science de campagnard se borne à savoir me battre et chasser. — Avez-vous vu Shakspeare, mon père ? — Jeune folle ! j’étais encore enfant quand il mourut… Tu me l’as entendu répéter au moins trente fois ; mais tu voudrais me détourner d’un sujet qui me tient au cœur. Soit : je ne suis pas aveugle, mais je veux bien fermer les yeux et me laisser conduire. J’ai connu Ben Johnson, et je pourrais te conter bien des anecdotes de nos réunions à la Sirène[5], où, si l’on y buvait beaucoup de vin, on faisait aussi beaucoup d’esprit. Nous ne restions pas simplement assis, occupés à nous lancer les uns aux autres la fumée de nos pipes, ou tournant le blanc de nos yeux comme l’anse des chopines. Le vieux Ben m’adopta comme un de ses fils ès-muses. Je vous ai montré, je crois, les vers qu’il m’adressa sous ce titre : « À mon fils bien-aimé le respectable sir Henri Lee de Ditchley, chevalier et baronnet ? — Je ne me les rappelle pas en ce moment, mon père. — J’ai peur que vous ne mentiez, fille, mais ce n’est rien…. Tu ne me feras pas déraisonner davantage quant à présent. Le mauvais esprit a, pour le moment, laissé Saül ; nous allons maintenant songer aux préparatifs nécessaires pour quitter Woodstock ou le défendre. — Mon très cher père, pouvez-vous nourrir encore le moindre espoir de tenir bon dans la place ? — Je ne sais… mais j’aurais pourtant bien du plaisir à les battre encore une fois, c’est certain… Et qui sait sur qui peut tomber la bénédiction du ciel ? Mais alors les pauvres diables qui me seconderaient dans une résistance si désespérée… Cette réflexion m’arrête, je l’avoue. — Oh ! puisse-t-elle vous arrêter, mon père, car il y a des soldats en ville et trois régiments à Oxford. — Ah ! pauvre Oxford ! » s’écria sir Henri, ce seul mot suffisant pour faire tourner son esprit indécis vers chaque nouveau sujet qui se présentait. « Siége de science et de loyauté ! cette grossière soldatesque ne convient guère à tes doctes salles et à tes poétiques bosquets ; mais ta lampe pure et brillante défiera le souffle impur d’un millier de rustres, soufflassent-ils comme Borée, et le buisson ardent ne sera pas consumé, même par le feu de cette persécution ! — En effet, mon père ; et il peut n’être pas inutile de vous rappeler que toute révolte de royalistes, dans ce moment de crise, rendrait vos ennemis encore plus furieux contre l’Université, qu’ils regardent comme un centre d’où part tout ce qui se fait en faveur du roi dans ce pays. — C’est vrai, fille, et le moindre motif serait, pour ces coquins, un prétexte plus que suffisant pour séquestrer les faibles débris que les guerres civiles ont laissés aux collèges. Ces considérations et le danger de mes propres vassaux… Bien ! tu m’as désarmé, ma fille. Je serai aussi patient, aussi tranquille qu’un martyr. — Fasse Dieu que vous teniez votre parole, mon père ! mais vous êtes toujours si ému à la vue d’un seul de ces hommes, que… — Voulez-vous faire de moi un enfant, Alice ? Quoi ! ne savez-vous pas que je puis regarder une vipère, un crapaud, et tout un nid de couleuvres sans autre émotion qu’un léger dégoût ? et quoiqu’une tête-ronde, surtout un habit rouge, soit à mon avis plus venimeux qu’une vipère, plus hideux qu’un crapaud, plus terrible que des couleuvres entrelacées ; cependant je sais si bien vaincre mon naturel que, si l’un d’eux paraissait à mes yeux en ce moment, tu verrais toi-même avec quelle civilité je l’accueillerais. »ï

À ces mots le prédicateur militaire, quittant sa cachette de feuillage et s’avançant un peu, se plaça tout-à-coup en face du vieux cavalier, qui tressaillit comme s’il eût cru que ses paroles avaient réellement évoqué un diable.

« Qui es-tu ? » dit enfin sir Henri d’une voix haute et d’un ton irrité, tandis que sa fille se pendait de frayeur à son bras, dans la crainte que les résolutions pacifiques de son père ne pussent résister au choc d’une apparition si imprévue.

« Je suis un de ces hommes, répondit le soldat, qui ne craignent point et ne rougissent pas de s’appeler de pauvres journaliers dans le grand ouvrage de l’Angleterre… Hum !… Oui, je suis un simple et sincère défenseur de la bonne vieille cause… — Et que diable cherchez-vous ici ? » demanda le vieux chevalier avec fierté.

— La bienvenue due au maître-d’hôtel des lords commissaires, répondit le soldat. — Tu seras aussi bienvenu que du sel dans des yeux malades. Mais qui sont tes commissaires ?

Le soldat déroula, sans trop de façon, un papier que sir Henri prit soigneusement entre le pouce et l’index, comme si c’eût été une lettre venant de pays empestés, et le tint à telle distance de ses yeux qu’il était nécessaire pour qu’il le pût lire, mais pas une ligne plus près. Il le lut tout haut, et à mesure qu’il prononçait le nom d’un des commissaires, il y ajoutait un court commentaire adressé à Alice, il est vrai, mais d’un ton qui montrait qu’il ne s’inquiétait guère que le soldat l’entendît.

« Desborough… le laboureur Desborough… le rustre le plus rampant qui soit en Angleterre… un drôle qui ferait bien mieux de rester chez lui, comme un ancien Scythe, à l’abri sous son chariot… Au diable ! Harrisson… buveur de sang, fanatique enragé, qui lit la Bible pour se procurer une excuse à chaque meurtre qu’il commet… Au diable aussi ! Bletson… vrai républicain bleu, membre du club Rota d’Harrisson[6], avec sa tête pleine de projets de réforme pour le gouvernement, dont le but le plus certain est un bouleversement !… Un drôle qui abandonne les statuts et les lois de la vieille Angleterre, pour pratiquer ceux de Rome et de la Grèce… voit l’aréopage dans la salle de Westminster, et prend le vieux Noll pour un consul romain… Bah ! ce sera plutôt quelque jour un dictateur parmi eux. En voilà assez ; au diable Bletson aussi ! — Ami, dit le soldat, je désirerais me comporter civilement envers vous ; mais mon devoir me défend de souffrir qu’on parle des saints hommes qui m’ont pris à leur service, d’une manière si irrespectueuse et si inconvenante. Et quoique je sache que vous autres malintentionnés, croyez avoir le droit d’envoyer au diable tous ceux qui vous déplaisent, il n’est pas convenable, je pense, de le faire à l’égard de gens qui ont de meilleures espérances dans l’esprit, et à la bouche de meilleures paroles que vous n’en avez. — Tu n’es qu’un vilain hypocrite, répliqua le chevalier, et pourtant tu as raison d’une manière, car il est bien inutile de maudire des hommes qui sont déjà damnés et noirs comme la fumée de l’enfer. — Cessez, je vous prie, continua le soldat ; et si ce n’est par conscience, que ce soit au moins par égard. D’affreux jurements sont déplacés dans la bouche d’un grison. — Oui, en effet, fût-ce le diable même qui l’eût dit, répliqua le chevalier ; et je remercie le ciel de pouvoir suivre un bon conseil, quoique donné par le vieux Nick. Mais, l’ami, quant à vos commissaires, portez-leur ce message de vive voix : Que sir Henri Lee est gardien du parc de Woodstock, avec droit de grande et petite chasse dans les bois et taillis, droit aussi étendu que celui qu’ils ont eux-mêmes sur leurs domaines, c’est-à-dire s’ils possèdent des biens autres que ceux qu’ils ont acquis en dépouillant d’honnêtes seigneurs. Pourtant il abandonnera la place à ceux qui ont érigé leur volonté en droit, et n’exposera pas la vie de bons et fidèles vassaux quand les chances sont contre eux ; et il proteste que, s’il se rend ainsi, ce n’est pas qu’il reconnaisse les pouvoirs de ceux qui s’instituent commissaires, ni qu’il redoute pour sa part leur force, mais seulement pour éviter de répandre le sang anglais qui coule déjà depuis si long-temps. — À la bonne heure, » répliqua le mandataire des commissaires ; « en conséquence, veuillez venir avec moi à la Loge pour remettre la vaisselle, les ornements d’or et d’argent qui sont la propriété du Pharaon égyptien qui les a confiés à votre garde. — Quelle vaisselle, » s’écria le fier et vieux chevalier ; « et appartenant à qui ? Chien d’anabaptiste, parle plus respectueusement du martyr, du moins en ma présence, ou tu me forceras à me souiller en touchant ton misérable corps de manière à te le rappeler… » Puis repoussant sa fille qui le tenait par le bras droit, le vieillard porta la main à sa rapière.

Son antagoniste, au contraire, conserva un imperturbable sang-froid ; et agitant la main pour donner plus de force à ses paroles, il dit avec un calme qui enflamma plus encore la colère de sir Henri : « Allons, mon bon ami, restez tranquille, je vous prie ; point de tapage… Il sied mal à des cheveux gris et à des bras débiles de crier et de s’emporter comme un ivrogne. Ne me forcez pas à dégainer pour ma propre défense, écoutez plutôt la voix de la raison. Ne sais-tu pas que le Seigneur a décidé cette grande dissension entre nous et les nôtres contre toi et les tiens ? Ainsi démets-toi paisiblement de ta charge de maître d’hôtel, et livre-moi les biens de l’Homme, Charles Stuart. — La patience est un bon bidet, mais elle est souvent rétive, » dit le chevalier, incapable de maîtriser plus long-temps sa colère : détachant la rapière qu’il portait à son côté, il en appliqua un bon coup au soldat ; puis la dégainant aussitôt, jetant le fourreau par dessus les arbres, il se mit en devoir de se défendre, la pointe de son épée à un demi-pouce du corps de l’envoyé. Celui-ci recula promptement, se débarrassa de son manteau, et tirant sa longue rapière, il se mit en garde. Le cliquetis des armes retentit vivement, pendant qu’Alice, dans sa frayeur, appelait à grands cris du secours. Mais le combat ne fut pas long ; le vieux cavalier avait attaqué un homme aussi habile que lui dans le maniement des armes, plus peut-être, et possédant toute la vigueur et l’agilité dont les années avaient privé sir Henri, ainsi que le calme que son adversaire avait perdu dans son emportement. Ils avaient à peine échangé trois passes que l’épée du chevalier sauta en l’air, comme pour aller rejoindre le fourreau ; et, rouge de honte et de colère, sir Henri resta désarmé à la merci de son adversaire. Le républicain ne parut pas disposé à faire un mauvais usage de son avantage ; et, pendant le combat comme après, il conserva constamment cette impassibilité dure et sévère qui régnait sur sa physionomie… Un combat à vie et à mort lui semblait une chose aussi familière et aussi peu à craindre qu’un assaut ordinaire avec des fleurets.

« Tu es en mon pouvoir, dit-il ; et par la loi des armes, je pourrais te frapper sous la cinquième côte, comme Asahel fut frappé de mort par Abner, fils de Nun, un jour qu’il suivait la chasse sur la montagne d’Ammah, située en avant de Giah, sur le chemin du désert de Gibéon. Mais loin de moi la pensée de répandre les dernières gouttes de ton sang : pourtant tu es le captif de mon épée et de ma lance ; mais comme tu peux encore sortir de ce mauvais pas et rentrer dans la bonne voie, si le Seigneur avance pour toi le moment du repentir et de la réforme, pourquoi abrégerais-je tes jours, moi pauvre pécheur mortel qui ne suis, à proprement parler, qu’un ver comme toi ? »

Sir Henri Lee était encore plus confus, et ne pouvait répondre, quand survint un quatrième personnage attiré par les cris d’Alice. C’était Jocelin Joliffe, un des sous-gardiens du parc, qui, voyant où en étaient les choses, brandit son gourdin qui ne le quittait jamais, et lui ayant fait décrire un huit en l’air par un moulinet rapide, l’eût déchargé par vengeance sur la tête du maître d’hôtel, si sir Henri ne l’eût empêché.

« Il nous faut maintenant porter les bâts, Jocelin ; le temps de les mettre est passé. Il est inutile de chercher à lutter contre une montagne… le diable a tourné la broche et rendu nos esclaves nos maîtres. »

En ce moment un autre auxiliaire, sorti du taillis, accourut au secours du chevalier. C’était le gros chien-loup, avec la force du mâtin, avec la forme et presque l’agilité d’un lévrier, dont nous avons déjà parlé. Bévis était le plus noble des animaux de son espèce qui aient jamais abattu un cerf. Son poil était de la couleur de celui d’un lion, son museau noir ainsi que ses pattes, bordées toutes quatre d’une raie blanche au dessus de la corne. Il n’était pas moins docile que fort et courageux. À l’instant où il allait s’élancer sur le soldat, ces mots : « Paix, Bévis ! » prononcés par sir Henri, changèrent le lion en agneau, et au lieu de terrasser le soldat, il tourna autour de lui, le sentit à plusieurs reprises, comme s’il eût mis en jeu toute sa sagacité pour découvrir qui était cet étranger que, malgré son apparence si suspecte, on lui enjoignait d’épargner. Il fut probablement satisfait, car il laissa ses démonstrations soupçonneuses et menaçantes, baissa les oreilles, rabattit son poil, et remua la queue.

Sir Henri, qui avait un grand respect pour la sagacité de son favori, dit bas à Alice : « Bévis est de ton avis ; il conseille la soumission : c’est indubitablement la volonté de Dieu, qui punit l’orgueil, qui fut toujours le défaut de notre maison… Ami, » continua-t-il en s’adressant au soldat, « tu viens de rendre complète une leçon que dix années d’infortunes continuelles n’avaient encore pu me donner. Tu m’as clairement démontré la folie qu’il y a de croire qu’une bonne cause peut donner de la force à un faible bras. Que Dieu me le pardonne ! mais il vaudrait mieux devenir infidèle, et penser que les bénédictions du ciel sont toujours pour les plus longues épées. Mais il n’en sera pas toujours ainsi : Dieu connaît son temps… Ramasse-moi mon Tolédo, Jocelin, il est là par terre ; quant au fourreau, cherche-le, il est accroché à une branche… Ne tirez pas mon manteau, Alice, n’ayez pas l’air si épouvantée ; désormais je ne serai plus aussi prompt à tirer l’épée, je te le promets… Quant à toi, bon drôle, je te remercie, et ferai place à tes maîtres sans plus de disputes ou de cérémonie. Jocelin Joliffe, qui approche plus de ton rang que moi, te livrera la Loge et tout le mobilier. Ne prends note de rien, Joliffe… remets-leur tout. Pour moi, je n’en repasserai jamais le seuil… Mais où passer la nuit ? Je ne voudrais gêner personne à Woodstock… Hein… oui… c’est cela. Alice et moi, Jocelin, nous allons nous rendre à ta hutte, près la fontaine de Rosemonde ; nous te demanderons l’hospitalité pour une nuit ; nous serons les bienvenus, n’est-ce pas ?… Comment donc ?… un front sourcilleux ? »

À coup sûr, Jocelin avait l’air embarrassé ; jetant d’abord un regard sur Alice, puis fixant le ciel et rabaissant les yeux vers la terre, il les tourna vers les quatre points de l’horizon, et murmura enfin : « Certainement… sans doute… mais je voudrais auparavant y courir pour mettre la maison en ordre. — Elle sera assez en ordre pour des gens qui bientôt, peut-être, seront forcés de se contenter de paille fraîche dans un grenier, dit le chevalier ; mais s’il te répugne de loger des personnes suspectes et malveillantes, comme on dit, n’aie pas honte de le dire, brave homme. Il est vrai que je t’ai pris à mon service quand tu n’étais qu’un Robin en guenilles, que je t’ai fait gardien, etc. Eh bien, quoi ! le marin ne pense au vent que tant qu’il lui est favorable… de meilleures gens que toi s’en sont allés avec la marée, pourquoi un pauvre diable comme toi ne le ferait-il pas ? — Que Dieu pardonne à Votre Honneur de me juger si défavorablement, dit Joliffe. Ma chaumière est à vous telle qu’elle est, et si c’était un palais il en serait de même. Je le souhaiterais pour l’amour de Votre Honneur et de mistress Alice… Seulement, je voudrais que vous me permissiez de prendre les devants, en cas qu’il se trouvât des voisins… ou.. ou… pour y mettre un peu d’ordre, pour mistress Alice et Votre Honneur… pour donner un air propre et décent. — Ce n’est pas nécessaire, » dit le chevalier, tandis qu’Alice se donnait une peine infinie pour cacher son trouble ; « si tes meubles ne sont pas propres, ils le sont assez pour un chevalier battu… Si tout est en désordre, ma foi, c’est comme partout, comme dans le reste du monde. Va t’en avec cet homme… Comment te nommes-tu, l’ami ? — Suivant la chair, mon nom est Joseph Tomkins, répondit le maître d’hôtel. Les hommes m’appellent honnête Joé et fidèle Tomkins. — Si tu as mérité ces noms, vu le métier que tu fais, tu es alors un véritable joyau ; sinon, n’en rougis pas, Joseph, car si tu n’es pas honnête dans le fond, tu n’en as que meilleure chance pour le paraître… Il y a long-temps que le nom et la chose ont pris des routes différentes. Adieu !… adieu, beau Woodstock ! »

À ces mots, le vieux chevalier se détourna ; et passant son bras dans celui de sa fille, ils s’enfoncèrent dans l’épaisseur de la forêt dans la même attitude que nous les avons précédemment montrés au lecteur.


  1. Auteur d’une vie des saints anglais. a. m.
  2. Auteur comique, lequel fut l’architecte de ce château. a. m.
  3. Allusion à la mode qu’avaient adoptée les républicains de se couper les cheveux très court, ce qui leur fit donner le sobriquet de têtes-rondes. a. m.
  4. Les Mugglemans ou Muggletons, partisans du sectaire Muggleton, tailleur fanatique, lequel dispensait ses coreligionnaires de toute règle de conduite ; les Ranters, partisans de Ranter, qui excitaient de même au désordre moral ; les Brownistes, partisans du sectaire Brown, qui professait des idées analogues. Tous ces sectaires approuvaient la polygamie, ou du moins toléraient le changement fréquent de femme ou de mari. a. m.
  5. Taverne de Londres, lieu de rendez-vous des poètes d’alors, comme le café Procope à Paris, du temps de Voltaire et de Piron. a. m.
  6. Allusion au tribunal romain de la rote, composé de douze prêtres, pris dans les quatre nations d’Italie, de France, d’Espagne et d’Allemagne. a. m.