Waverley/Chapitre LXIII

Waverley ou Il y a soixante ans
Traduction par Albert Montémont.
Ménard (Œuvres de Walter Scott, volume 5p. 447-455).


CHAPITRE LXIII.

DÉSOLATION.


Waverley voyageant en poste, à franc étrier, selon l’usage de cette époque, atteignit les frontières d’Écosse sans autres aventures que deux ou trois questions sur son nom, auxquelles le talisman de son passe-port satisfit complètement. Ce fut là qu’il apprit des nouvelles de la bataille décisive de Culloden[1]. Il s’y attendait depuis long-temps, quoique le succès de Falkirk eût jeté quelque éclat sur les armes du Chevalier. Ce triste événement l’affecta profondément. Ce prince si généreux, si aimable, si brave, était alors fugitif, et sa tête mise à prix ; ses partisans, si courageux si enthousiastes, si dévoués, étaient tués, emprisonnés ou exilés. Où était maintenant le fier et exalté Fergus, si toutefois il avait survécu à l’affaire de Clifton ? Qu’était devenu le bon, l’honnête baron de Bradwardine, dont les ridicules même semblaient ne faire que mieux ressortir son désintéressement, sa bonté candide et son courage à toute épreuve ? Et Rose, et Flora qui s’appuyaient sur ces colonnes maintenant renversées, où étaient-elles ? dans quelle malheureuse position ne les avait point jetées la perte de leurs protecteurs naturels ? Il songeait à Flora avec l’affection d’un frère pour sa sœur ; mais il éprouvait pour Rose un sentiment plus tendre et plus vif. Il était peut-être destiné à remplacer les appuis qu’elles avaient perdus. Agité par ces pensées, il hâta encore son voyage.

Arrivé à Édimbourg, où ses recherches devaient nécessairement commencer, il sentit toute la difficulté de sa position. Un grand nombre des habitants de cette ville l’avaient vu, l’avaient connu sous le nom d’Édouard Waverley ; comment pourrait-il donc se prévaloir d’un passe-port qui portait celui de Francis Stanley ? Cependant il ne pouvait se dispenser d’attendre un jour ou deux une lettre du colonel Talbot, et de lui laisser son adresse, sous son faux nom, à un endroit dont ils étaient convenus. Dans cette dernière intention, il se retira dans des rues sombres et de lui bien connues, évitant avec soin tous les regards : mais ce fut en vain. Une des premières personnes qu’il rencontra le reconnut : c’était mistris Flockhart, la joyeuse hôtesse de Fergus Mac-Ivor.

« Que Dieu vous conduise, monsieur Waverley, est-ce vous, Oh ! n’ayez pas peur de moi. Je suis incapable de trahir un gentilhomme dans la position où vous êtes… Le bonheur n’a qu’un jour, Hélas !… que les choses sont changées ! que le colonel Mac-Ivor et vous, vous étiez joyeux dans notre maison ! » Et la bonne veuve répandit quelques pleurs amers. Comme il n’était pas possible de se cacher de mistriss Flockhart, Waverley la reconnut de bonne grâce et lui avoua le danger de sa situation présente. « Voilà qu’il fait déjà nuit, monsieur, vous allez venir chez nous prendre une tasse de thé, et si vous voulez coucher dans la petite chambre, je prendrai soin que vous n’y soyez point troublé, et personne ne vous reconnaîtra. Car Kate et Matty[2], mes deux servantes, sont parties avec deux dragons du régiment d’Hawley, et j’en ai deux nouvelles à leur place. »

Waverley accepta son invitation, et retint son logement pour une nuit ou deux, persuadé qu’il serait plus en sûreté dans la maison de cette honnête créature que partout ailleurs. Quand il entra dans le parloir, son cœur se gonfla en voyant le bonnet de Fergus, avec la cocarde blanche, suspendu à côté du petit miroir.

Mistriss Flockhart remarqua la direction des regards de Waverley : Oui, dit-elle en soupirant, le pauvre colonel en avait acheté un neuf, la veille du jour où ils partirent. Je ne veux pas laisser gâter celui-ci : je le brosse tous les jours moi-même ; quand je le regarde, je crois encore l’entendre crier à Callum de lui apporter son bonnet, comme il avait coutume de faire quand il allait sortir… C’est bien triste… Les voisins m’appellent jacobite… ; mais qu’ils disent ce qu’ils voudront…, je suis sûre que ce n’est point pour cela… Mais c’était le plus aimable, le meilleur gentilhomme qui fut jamais, et le mieux fait… Ah ! savez-vous, monsieur, quand il sera mis en jugement ? » — « En jugement ! bon Dieu ! Mais où est-il donc ? » — « Oh ! au nom du ciel ! ne le savez-vous pas ? Le pauvre Dugald Mahoni vint ici il y a quelque temps, avec un bras de moins et une grande entaille à la tête… Vous vous rappelez Dugald ; il portait une hache sur l’épaule… Il vint donc ici, comme je vous le disais, me demander quelque chose à manger. Eh bien il nous dit que le chef, comme ils l’appelaient (moi je ne le nommais que le colonel), et l’enseigne Maccombich, dont vous vous souvenez bien, avait été pris quelque part, du côté de la frontière d’Angleterre, dans une nuit si obscure, que ses soldats ne s’en étaient aperçus que longtemps après avoir quitté le champ de bataille, et qu’ils étaient revenus le chercher, mais inutilement. Il dit aussi que Callum Beg (c’était un méchant petit vaurien) et Votre Honneur avaient été tués la même nuit, dans la mêlée, avec beaucoup d’autres braves gens. Mais il jurait, en parlant du colonel, qu’on n’avait jamais vu son pareil. Maintenant le bruit court que le colonel sera mis en jugement et exécuté avec ceux qui ont été prisa Carlisle. » — « Et sa sœur ? » — « Oui, qu’on appelait lady Flora. Elle est allée le joindre à Carlisle, et demeure chez quelque grand papiste de cette ville, pour être près de son frère. »

« Et, continua Édouard, l’autre jeune dame ? » — « Quelle autre ? Je ne connais ici qu’une sœur au colonel. »

« Je parle de miss Bradwardine, dit Édouard. »

« Ah, oui ! la fille du laird, répondit l’hôtesse ; c’était une bien bonne personne, la pauvre créature, mais bien moins imposante que lady Flora. » — « Où est-elle, au nom du ciel ? » — « Que sais-je où ils sont tous maintenant ! Les pauvres gens, ils sont tous prisonniers, à cause de leurs cocardes blanches et de leurs roses blanches. Mais elle est allée rejoindre son père dans le Perthshire, quand les troupes du gouvernement sont revenues à Édimbourg. Il y avait quelques jolis garçons dans ces troupes. Un major Whacker était logé chez moi, un gentilhomme très-honnête. Mais, monsieur Waverley, il n’avait pas si bonne tournure que le pauvre colonel. » — « Savez-vous ce qu’est devenu le père de miss Bradwardine ? » — « Le vieux laird ? non, personne ne le sait : mais on sait qu’il s’est vaillamment battu à cette bataille, à Inverness[3]. Duncan Clanck le ferblantier dit que les soldats du gouvernement sont enragés contre lui, parce qu’il est sorti deux fois[4] ; et en vérité il était averti. Mais il n’y a rien de fou comme un vieux fou. Le pauvre colonel n’était encore sorti qu’une fois. »

Voilà tout ce que Waverley put tirer de mistriss Flockhart touchant les anciens hôtes et les connaissances de cette bonne dame. C’en fut assez pour le déterminer à partir sans retard pour Tully-Veolan, où il pensait, d’après ce qu’il venait d’entendre, qu’il trouverait Rose, ou au moins qu’il apprendrait de ses nouvelles. Il laissa une lettre pour le colonel Talbot, à l’endroit convenu, signée de son nom supposé, dans laquelle il lui donnait son adresse au bureau de poste le plus voisin de la résidence du baron.

D’Édimbourg à Perth il prit des chevaux de poste. Son intention était de faire le reste du chemin à pied : mode de voyager qu’il affectionnait particulièrement, et qui avait l’avantage de lui permettre de s’écarter du grand chemin quand il voyait des détachements de troupes à distance. La campagne qu’il venait de faire avait considérablement renforcé sa constitution, et augmenté son aptitude à supporter la fatigue. Il envoya son bagage devant lui, par une occasion qui se présenta.

À mesure qu’il avançait vers le nord, les traces de la guerre devenaient plus visibles. Des chariots brisés, des chevaux morts, des chaumières découvertes, des arbres abattus pour faire des palissades, des ponts détruits, ou seulement réparés en partie ; tout indiquait les mouvements d’armées ennemies. Dans les endroits où les paysans passaient pour attachés à la cause des Stuarts, leurs maisons étaient démantelées ou ouvertes ; le cours des travaux qui font comme la parure de la campagne, était interrompu : on voyait les habitants errer ça et là, la crainte, le chagrin, le désespoir sur la figure.

Le jour baissait quand il approcha du village de Tully-Veolan avec une émotion et des sentiments bien différents de ceux qu’il avait éprouvés la première fois qu’il y était arrivé. Alors la vie lui était si nouvelle, qu’une journée sombre ou pluvieuse était l’un des plus grands malheurs que son imagination pût concevoir ; il lui semblait que son temps ne devait être employé qu’à des études instructives ou amusantes, ou aux distractions de la société, et à des parties de plaisir avec de jeunes amis. Maintenant, qu’il était changé ! Quelques mois avaient suffi pour dissiper ces douces illusions ; mais aussi combien son caractère avait gagné en solidité, en élévation ! l’adversité et les pertes sont des maîtres sévères, mais au moyen desquels on s’instruit vite. « Moins gai, mais plus sage, » il trouvait dans le sentiment de ses forces et de sa dignité d’homme, un dédommagement aux rêves brillants que l’expérience avait si promptement fait évanouir.

En approchant du village, il s’aperçut avec étonnement et inquiétude qu’un détachement de soldats campait tout près ; et, ce qui était pire, qu’il semblait là à poste fixe. C’est ce qu’il conjectura d’après quelques tentes qu’il distinguait sur ce qu’on appelait la place commune. Pour échapper au danger d’être arrêté et questionné dans un lieu où il ne pouvait manquer d’être reconnu, il fit un long détour, afin d’éviter le village, et d’arriver à la porte de l’avenue par un sentier qu’il connaissait bien. Il vit d’un coup d’œil qu’il était survenu d’étranges changements. Une moitié de la porte était toute brisée, et les débris, coupés comme du bois de chauffage, étaient mis en pile, prêts à être enlevés. L’autre battant tenait encore, mais inutilement, à ses gonds ébranlés ; les créneaux au-dessus de la porte étaient abattus et renversés, et les ours sculptés, qui, disait-on, montaient la garde à l’entrée du château depuis des siècles, arrachés de leurs postes, gisaient au milieu des décombres. L’avenue était horriblement ravagée. Plusieurs grands arbres, qu’on avait coupés, barraient le chemin ; les bestiaux des paysans, et les sabots plus lourds des chevaux de dragons, avaient changé en une boue noire la pelouse verdoyante que Waverley jadis avait tant admirée.

En pénétrant dans la cour, Édouard vit se réaliser toutes les craintes qu’il avait conçues. La maison avait été saccagée par les troupes du roi qui, ne cherchant qu’à mal faire, avaient essayé d’y mettre le feu. Et quoique, de certains côtés, l’épaisseur des murailles eût résisté à l’incendie, les écuries et les hangars avaient été dévorés par les flammes. Les tours et les donjons du bâtiment principal étaient noirs de fumée ; les pavés de la cour fracassés ou déplacés ; les portes arrachées ou tenant encore à un gond ; les fenêtres brisées, démontées ; enfin la cour jonchée de meubles qu’on avait pris plaisir à briser. Ces vieux écussons auxquels le baron, dans l’orgueil de son cœur, avait attaché tant d’importance et de vénération, avaient été souillés avec un soin extrême. La fontaine était démolie, et l’eau qui l’alimentait coulait au travers de la cour. Le bassin de pierre semblait servir d’abreuvoir aux bestiaux, d’après la manière dont il était disposé. Toute la famille des ours, grands et petits, avait été aussi rigoureusement traitée que ceux de l’arène, et un ou deux portraits de famille que les soldats semblaient avoir pris pour boucliers traînaient en lambeaux dans la boue. Ce fut avec, un grand serrement de cœur, comme on peut se l’imaginer, que Waverley contempla cette scène de désolation dans un château si respecté. Ses craintes sur le sort des propriétaires, son inquiétude pour savoir ce qu’ils étaient devenus, augmentaient à chaque pas. Quand il entra sur la terrasse, ce fut un spectacle encore plus affligeant. La balustrade était renversée, les murs démolis, les plates-bandes couvertes d’herbes, les arbres à fruits coupés et arrachés : dans un coin de ce jardin à l’ancienne mode croissaient deux immenses châtaigniers dont la hauteur faisait l’orgueil du baron ; trop indolents peut-être pour les couper, les misérables, guidés par le génie du mal, les avaient minés, et rempli les trous avec force poudre à canon. Un fut mis en pièces par l’explosion, et ses débris mutilés étaient épars à l’entour, encombrant le lieu qu’il avait si long-temps ombragé. L’autre mine ne réussit qu’à moitié : un quart du tronc était détaché de l’arbre, qui, déparé et mutilé d’un côté, étendait encore de l’autre ses rameaux vastes et intacts[5].

Parmi toutes ces traces de ravage, il se trouvait des objets qui affligèrent plus particulièrement Waverley. Contemplant la façade du château ainsi ruiné, dévasté, ses yeux cherchèrent naturellement le petit balcon qui communiquait à la chambre de Rose. À son troisième, ou plutôt à son cinquième étage, il l’eut bientôt trouvé, car au-dessous gisaient les pots de fleurs et les arbrisseaux dont elle était fière de l’orner, et qu’on avait aussi renversés. Au milieu de ces débris étaient quelques-uns de ses livres, et parmi ces livres Waverley en reconnut un des siens, une petite édition de l’Arioste : il le ramassa comme un trésor, quoique abîmé par le vent et la pluie.

Pendant que, plongé dans les tristes réflexions que cette scène faisait naître, il promenait ses regards autour de lui, cherchant quelqu’un qui pût lui apprendre le sort des propriétaires, il entendit dans l’intérieur du bâtiment, une voix qui chantait, sur un air bien connu, une vieille romance écossaise :


Ils fondirent sur nous dans une nuit obscure,
Et, brisant mon enclos, séjour hospitalier,
Mirent à mort mon chevalier.
À cette sinistre aventure,
Mes serviteurs, fuyant d’un pas précipité,
Nous laissèrent, hélas ! à toute extrémité.
La lune luit, le soleil brille ;
Mais dans ses yeux plus de feu ne pétille :
Il dort du sommeil du Léthé.


« Hélas ! se dit Édouard, est-ce toi ? Pauvre infortuné sans appui, restes-tu seul en ces lieux, à gémir, à pleurer, à faire retentir de tes chants sauvages et confus ces voûtes qui font protégé ? » Il appela alors, d’abord bas, ensuite plus haut : « Davie ! Davie Gellatley ! »

Le pauvre fou se montra à travers les ruines d’un cabinet de verdure qui terminait jadis ce qu’on appelait la terrasse ; mais, à la première vue d’un étranger, il disparut comme épouvanté. Waverley, se rappelant ses habitudes, se mit à siffler un air qu’il aimait, un air que Davie prenait grand plaisir à entendre, et qu’il lui avait appris. La musique de notre héros ne ressemblait pas plus à celle de Blondel que Davie ne ressemblait à Cœur-de-Lion ; mais elle produisit le même effet : il se fit reconnaître. Davie sortit de sa cachette, mais timidement, tandis que Waverley, dans la crainte de l’effrayer, fit tous les signes d’amitié imaginables. « C’est son ombre ! » dit Davie ; mais, en approchant davantage, il parut reconnaître une de ses connaissances de ce monde. Le pauvre insensé semblait lui-même l’ombre de ce qu’il avait été. L’habillement particulier qu’il portait en des jours plus heureux, au lieu de sa recherche bizarre, n’était plus que des lambeaux dont les trous étaient grossièrement rapetassés avec force morceaux de tapisseries, de rideaux et de toiles de tableaux. Sa figure avait perdu aussi son air de calme et d’insouciance ; ses yeux étaient creux, tous ses membres maigres, décharnés, secs à faire pitié. Après avoir hésité long-temps, il s’approcha enfin de Waverley avec quelque confiance, le regarda tristement en face, et dit : « Tous morts et partis ! tous morts et partis ! »

« Et qui est mort ? » demanda Waverley, oubliant que Davie ne pourrait faire une réponse sensée. — « Le baron, et le bailli et Saunders Saunderson, et lady Rose, qui chantait si doux : tous morts et partis ! tous morts et partis !


Mais suivez-moi quand, durant le repos,
Le ver luisant éclaire cet enclos ;
Je vais vous dire où chaque mort sommeille
Du sommeil éternel,
Tandis que le zéphir s’éveille,
Et que l’astre argenté luit sur le front du ciel.
Suivez-moi ; c’est un brave
Celui qui la nuit, sans entrave,
Foule l’enclos où dort ce qui fut un mortel. »


Après ce couplet, qu’il chanta d’un ton vif et rapide, il fit signe à Waverley de le suivre, et, marchant à grands pas, il se dirigea vers le fond du jardin, suivant le cours du ruisseau qui, on peut s’en souvenir, le terminait à l’est. Édouard, qui frissonna malgré lui en entendant ces mots, suivit son guide dans l’espoir de recueillir des renseignements. Comme la maison était déserte, il ne pouvait s’attendre à rencontrer au milieu des ruines un interlocuteur plus sensé.

Davie, toujours courant, parvint bientôt à l’extrémité du jardin, et grimpa sur le mur à demi ruiné qui le séparait jadis du vallon boisé où s’élevait la tour de Tully-Veolan. Il sauta dans le lit du ruisseau, et, suivi de Waverley, il continua sa marche aussi rapidement ; tantôt franchissant des masses de rochers, tantôt les évitant par un long détour, ils passèrent au-dessous des ruines du château. Waverley avait peine à suivre son guide ; car la nuit était arrivée. Après avoir descendu le ruisseau un peu plus bas, il le perdit totalement de vue ; mais il se dirigea plus sûrement vers une petite lumière qui brillait à travers le taillis et les buissons. Il parcourut en quelques minutes un sentier difficile, et arriva enfin, guidé par la lumière, à la porte d’une misérable cabane. De terribles aboiements de chiens retentirent d’abord, mais ils cessèrent quand il fut plus près. Une voix parla en dedans, et il crut prudent d’écouter avant d’approcher davantage.

« Qui m’amènes-tu là, vilain imbécile que tu es ? » dit une vieille femme qui semblait indignée. Il entendit Davie Gellatley, pour toute réponse, siffler un morceau de l’air qu’il lui avait chanté pour se rappeler aux souvenirs du malheureux, et dès lors il n’hésita plus à frapper à la porte. Un terrible silence régna aussitôt dans la cabane, sauf le grognement des chiens. Puis, il entendit la maîtresse de la hutte s’approcher de la porte, non pas sans doute pour ouvrir le loquet, mais pour tirer un verrou. Waverley la prévint, et ouvrit lui-même.

Il se trouva en face d’une vieille femme en guenilles qui s’écria :

« Que venez-vous chercher chez les gens à pareille heure ? » D’un côté, deux grands chiens de chasse menaçants et presque épuisés calmèrent leur fureur à sa vue, et parurent le reconnaître. De l’autre, à demi caché par la porte ouverte, mais ne semblant garder qu’à regret l’incognito, un pistolet armé d’une main, et l’autre prête à en tirer un second de sa ceinture, se tenait un homme grand, sec et décharné, avec un vieil uniforme, et une barbe de trois semaines.

C’était le baron de Bradwardine. Il est inutile d’ajouter que, posant les armes, il vint cordialement embrasser Waverley.


  1. Elle fut livrée en avril 1746, et termina l’expédition du dernier des Stuarts. a. m.
  2. Abréviations de Katerina et Marguarita. a. m.
  3. Culloden, où fut livrée la bataille, est dans le comté d’Inverness. a. m.
  4. Out twice, dit le texte. On employait le mot out en Écosse pour dire d’une manière détournée qu’on avait pris les armes en 1745. a. m.
  5. Deux châtaigniers qui s’élevaient dans le château d’Invergarry, forteresse de Mac-Donald de Glenarry, furent détruits, l’un entièrement, l’autre en partie, par un acte semblable de vengeance furieuse et insensée.