PLANCHE VIII.

Masse détachée de la pyramide de Cholula.



Le monument de Cholula est tellement couvert de végétation, qu’il est très-difficile d’examiner la structure des grandes assises. Les historiens espagnols du seizième siècle, dont plusieurs ont visité le Mexique du temps de Montezuma, ou peu d’années après sa mort, rapportent que tout l’édifice est construit en briques. En parcourant, à la bibliothèque du Vatican, à Rome, le manuscrit du père Pedro de los Rios[1], j’ai trouvé, comme je l’ai indiqué plus haut, que les habitans de Cholula croyoient, d’après une ancienne tradition ; que les briques qui ont servi pour le téocalli avoient été faites dans la province de Tlalmanalco, au pied de la montagne Cocotl, et que des prisonniers avoient été rangés en file de manière à se passer les briques de main en main, sur une distance de plusieurs lieues, de Cocotl à Cholula. Cette tradition, qui rappelle ce que les contes arabes ont de plus fabuleux, se retrouve chez les Péruviens : ceux du plateau de Cuzco, qui se regardent comme les habitans d’un lieu saint, assurent que, lorsque l’inca Tupac Yupanqui s’empara du royaume de Quito (Quitu), il y fit transporter d’immenses pierres de taille tirées des carrières voisines de Cuzco, pour construire des temples du soleil dans les pays récemment conquis.

J’ai pu reconnaître la structure intérieure de la pyramide de Chiolula, en deux endroits différens ; savoir, près du sommet, à la face opposée au volcan Popocatepetl, et du côté du nord, où la première assise est traversée par le nouveau chemin qui conduit de Puebla à Mexico. C’est en creusant ce chemin que l’extrémité de l’assise a été détachée du reste de la masse. La huitième Planche représente cette partie détachée : on y reconnoît des couches de briques qui alternent avec des couches d’argile. Les briques ont généralement huit centimètres de hauteur sur quarante de longueur : il m’a paru qu’elles n’étoienl pas cuites, mais seulement séchées au soleil ; il se peut cependant aussi qu’elles aient subi une légère cuisson, et que l’humidité de l’air les ait rendues friables. Peut-être que les couches d’argile qui séparent celles des briques ne se trouvent pas, dans l’intérieur de la pyramide, dans les parties qui soutiennent le poids énorme de la masse entière. M. Zoega[2] avoit supposé, mais à tort, que le téocalli de Cholula étoit un vrai (χώμα), un monceau de terre enduit extérieurement d’une couche de briques : déjà Gemelli, que Robertson et d’autres historiens du premier ordre accusent d’inexactitude bien plus qu’il ne le mérite, désignent cet édifice sous le nom d’une pyramide de terre[3].

La construction du téocalli, comme nous l’avons observé plus haut, rappelle les monumens les plus anciens auxquels remonte l’histoire de la civilisation de notre espèce. Le temple de Jupiter Bélus, que la mythologie des Hindoux paroît désigner par le nom de Bali[4], les pyramides de Méïdoùm et Dahchoùr, et plusieurs du groupe de Sakharah en Égypte, n’étoilent aussi que d’immenses monceaux de briques, dont les restes se sont conservés jusqu’à nos jours pendant un espace de trente siècles.

  1. Cod. Vat. anonym., n. 3738, fol. 10.
  2. De Obeliscis, p. 380.
  3. Giro del Mondo, Tom. VI, p. 135.
  4. Fra Paolino di S. Bartholomeo, Viaggio alle Indie Orientali, p. 241.