Victor Devaux & Cie (p. 278-292).
ONZIÈME LETTRE.
À
un Père de la Compagnie de Jésus, .
Séparateur


Sainte-Marie des montagnes Rocheuses,
le 31 décembre 1841.


Mon révérend Père,

Après vous avoir donné la relation de ma course du mois dernier, et les observations que j’y ai recueillies, il me reste encore à vous faire l’exposé de ce qui s’est passé chez les Têtes-plates pendant mon absence, et depuis mon retour jusqu’aujourd’hui, dernier jour de l’an. Les détails dans lesquels je vais entrer sur la situation de notre réduction naissante, sous le rapport tant matériel que spirituel, vous feront voir que les Pères Point et Mengarini ne sont pas restés oisifs, et que les résultats obtenus viennent à l’appui de ce que j’ai avancé dans mes lettres précédentes.

Le plan de notre réduction étant définitivement arrêté, il s’agissait d’en venir, avant l’hiver, à un commencement d’exécution. Ce qui pressait le plus, c’était d’établir une clôture qui renfermât le terrain destiné au presbytère et à la ferme, et un bâtiment pouvant servir d’église provisoire. On se mit à l’œuvre de si bon cœur, que, dans l’espace d’un mois, tout fut achevé : les Têtes-plates eurent bientôt coupé dans les forêts deux à trois mille pieux, dont ils firent la clôture ; et pendant ce temps nos bons frères et les trois charpentiers que nous avions amenés avec nous construisirent, à l’aide de la hache, de la scie et de la tarière, une chapelle avec fronton, colonnade et galerie, balustrades, stalles, chœur, etc. On put y réunir, le jour de saint Martin, 11 novembre, tous les catéchumènes, et continuer à les instruire jusqu’au 3 décembre, date fixée pour le baptême.

Entre ces deux époques, il y eut tous les jours une instruction particulière, vers les huit heures du soir, pour les personnes mariées ou en âge de l’être ; elle durait ordinairement environ cinq quarts d’heure. Le recueillement de ces bons sauvages, toujours avides d’entendre la parole de Dieu, se faisait surtout remarquer alors, dans le silence de la nuit,

et en l’absence des petits enfants gardés à la loge par leurs frères et sœurs d’un âge plus avancé. Le bon Dieu exauça si bien leurs désirs, que le jour de saint François-Xavier, les Pères eurent la consolation de baptiser deux cent deux adultes.

Tant d’âmes ne purent être arrachées au démon sans exciter sa rage ; aussi en ressentit-on les effets à Sainte-Marie. Symptômes de défiance et d’autres tentations chez les mieux intentionnés ; maladie de l’interprète, du sacristain, du préfet de l’église, lorsque leur concours semblait le plus urgent ; les orgues brisées involontairement par les sauvages, au moment même où l’on devait en faire un si bon usage ; un ouragan, la veille du baptême, le même qui avait renversé ma loge dans la prairie aux chevaux ; des arbres déracinés dans la forêt, trois loges emportées par le vent, l’église ébranlée jusque dans ses fondements et ses fenêtres enfoncées : tout semblait conjuré contre la belle cérémonie du baptême ; mais, le jour arrivé, les nuages disparurent, et le ciel devint serein.

Les Pères s’étaient proposé de faire les mariages le jour même du baptême : mais l’administration de ce premier sacrement s’étant prolongée beaucoup plus longtemps qu’ils ne l’avaient cru, à cause de tout ce qu’il fallait dire ou entendre par interprète, ils furent obligés de remettre les mariages au lendemain, abandonnant à Dieu et à la piété des nouveaux chrétiens la garde de leur innocence baptismale.

Comme aucun des anciens missionnaires n’a rien laissé par écrit sur la conduite à tenir dans les mariages, il sera peut-être utile de rapporter ici celle que nous avons tenue et établie, afin qu’elle soit redressée, si elle n’avait pas été ce qu’elle aurait dû être.

1o Nous sommes partis du principe que, généralement parlant, il n’y a point de mariages valides chez les sauvages de ces contrées. La raison en est qu’on n’en trouve pas un, même parmi les meilleurs, qui, après le mariage contracté à la façon du pays, ne se croie le droit de renvoyer sa première femme quand il le juge à propos, et d’en prendre une autre ; plusieurs même se croient en droit d’en avoir plus d’une à la fois. Il est vrai qu’en se mariant ils se promettent parfois qu’ils ne se sépareront qu’à la mort, ou qu’ils ne se marieront jamais à d’autres ; mais quel homme et quelle femme, avant de se lier mutuellement, n’en ont souvent pas dit autant ? Peut-on inférer de là que le contrat soit valide, quand il est universellement reçu qu’après de telles promesses on ne reste pas moins libre défaire ce qu’on veut si l’on se dégoûte l’un de l’autre ? Nous sommes donc convenus sur le principe que, parmi eux, jusqu’à présent, il n’y a pas eu de mariage, parce qu’ils n’en ont jamais bien connu l’essence et l’obligation. Ne pas supposer cela, serait s’engager dans un labyrinthe dont il serait bien difficile de sortir. C’était, si je ne me trompe, la conduite de saint François-Xavier dans les Indes, car il est dit, dans sa vie, qu’il louait devant les maris celle de leurs femmes qu’il croyait devoir leur être plus chère, afin qu’ils s’en tinssent plus facilement à une seule.

2o Supposant ensuite que dans l’usage du mariage il n’y avait eu que des fautes matérielles, on n’a parlé de la nécessité de la réhabilitation que pour le temps qui suivrait le baptême. Après qu’on eut donc pris les informations nécessaires pour reconnaître les degrés de parenté et en donner la dispense, on célébra la cérémonie des mariages le lendemain du baptême ; elle contribua beaucoup à donner à la peuplade une haute idée de notre sainte Religion. Les vingt-quatre mariages contractés en ce jour offraient ce mélange de simplicité, de respectueuse affection et de joie profonde, qui sont les sûrs indices d’une bonne conscience. Il y avait parmi les couples des vieillards des deux sexes ; leur présence à l’église pour un tel acte, et qui prêterait peut-être à rire en Europe, ne rendait la cérémonie que plus respectable aux yeux de l’assemblée. C’est que chez les Têtes-plates tout ce qui touche à la religion est sacré ; malheur à celui qui se permettrait la moindre plaisanterie sur ce sujet. Chacun sortit de la chapelle, le cœur rempli de ces doux sentiments qui, épurés par la grâce, font le charme de la vie, et surtout de la société conjugale.

La seule chose qui parut étrange à nos Indiens, c’est qu’il fallut prendre les noms des témoins. Mais lorsqu’on leur eut dit que l’Église l’ordonnait ainsi pour donner plus de poids et de dignité au contrat de mariage, ils n’y virent plus rien que de raisonnable, et c’était à qui servirait de témoin pour les autres. Le même étonnement s’était manifesté dans le baptême au sujet des parrains. L’interprète avait rendu le mot de parrain, qui n’est pas de leur langue, par celui de second père. Les pauvres sauvages, ne sachant pas ce que signifiait ce titre, ni quelles obligations il pouvait entraîner, ne se prêtaient volontiers ni à se choisir un parrain, ni à l’être pour un autre. Quand on se fut bien entendu, les difficultés s’aplanirent d’autant plus facilement, que, pour ne pas multiplier les affinités spirituelles, on donna seulement un parrain aux hommes et une marraine aux femmes, et que, quant aux obligations attachées à ce titre, les Robes-noires promirent de se charger de la plus grande partie du fardeau. Pour les premiers baptêmes, le choix des parrains était fort limité, puisqu’il n’y avait encore que treize chrétiens adultes ; mais la section des personnes les plus âgées ayant été baptisée avant les autres, ces nouveaux chrétiens, sans quitter le cierge, symbole de leur foi, furent choisis pour la seconde série et ainsi de suite jusqu’à la fin.

Venons aux détails des cérémonies. La veille du baptême, les Pères n’avaient plus réuni la peuplade depuis le matin, à cause des préparatifs à faire pour l’ornement de la chapelle, et d’une indisposition du P. Mengarini. Le soir, il y eut réunion ; mais quel fut l’étonnement de ce bon peuple en voyant la décoration de la chapelle ! Quelques jours auparavant, on avait chargé les femmes, les filles et les enfants de faire le plus grand nombre possible de nattes de jonc ou d’autres tissus : toutes avaient concouru à cette bonne œuvre, en sorte qu’on en eut assez pour couvrir tout le terrain, tapisser le plafond et les murailles, faire des corniches et des lambris, etc. Ces nattes ornées de festons de verdure, de jolies draperies autour de l’autel, un ciel où se trouvait le saint Nom de Jésus, le tableau de la Sainte Vierge au-dessus du tabernacle, la porte du tabernacle représentant le sacré Cœur de Jésus, les images des stations du chemin de la croix enchâssées dans des cadres rouges, la lumière des flambeaux, le silence de la nuit, l’approche d’un grand jour, le calme du soir après un terrible ouragan : tout cela avec la grâce de Dieu disposa si bien les cœurs et les esprits, que je ne crois pas qu’il fût possible de voir sur la terre une assemblée d’hommes plus semblable à la compagnie des élus. C’est là le beau bouquet qu’il fut permis aux Pères d’offrir le lendemain à saint François-Xavier. Ce jour, on passa quatorze heures et demie à l’église : depuis huit heures du matin jusqu’à dix heures et demie du soir, il n’y eut qu’un intervalle d’une heure et demie pour le repas. Voici l’ordre suivi : d’abord on baptisa les chefs et les hommes mariés, qui servirent ensuite de parrains aux jeunes gens et aux petits garçons. Vinrent ensuite les femmes mariées qui conservaient leurs maris, puis les veuves et les femmes délaissées ; enfin les jeunes personnes et les petites filles.

Qu’il était consolant d’entendre ces bons sauvages répondre avec intelligence à toutes les questions qui leur étaient adressées, réciter leurs prières avec un redoublement de ferveur au moment où on les baptisait, et se retirer ensuite à leurs places tenant à la main le flambeau allumé, symbole de leur ardente charité !

Je ne parlerai pas de leur exactitude à se rendre aux instructions, de leur avidité de la parole divine, du profit sensible que la peuplade en retira : tout cela est ordinaire dans le cours d’une mission ; mais ce qui ne se voit que rarement, ce sont les sacrifices héroïques qui ont été faits. Plusieurs avaient deux femmes ; ils ont gardé celle qui avait le plus d’enfants et renvoyé l’autre avec tous les égards possibles. Un soir, l’un d’eux vint trouver le Père dans la loge qui était en ce moment remplie de sauvages ; là, sans respect humain, il exposa sa situation, demanda conseil, et fit à l’instant ce qu’on lui conseilla : il renvoya la plus jeune de deux femmes qu’il avait eues, lui donnant ce qu’il aurait souhaité qu’un autre en pareille circonstance eût donné à sa sœur ; puis il se remit avec la plus âgée, qu’il avait quittée. À la fin d’une instruction, une jeune femme demanda à parler, et déclara publiquement qu’elle désirait ardemment de recevoir le baptême, mais que jusqu’alors elle avait été si méchante, qu’elle n’osait pas le demander. Tous auraient voulu faire leur confession en public. Un grand nombre de jeunes mères, mariées à la façon des sauvages, et abandonnées de leurs maris qui n’étaient pas des Têtes-plates, y renoncèrent à jamais de tout leur cœur, pour avoir le bonheur d’être baptisées. Voici comment s’y prit une femme déjà âgée pour déterminer son mari qui balançait encore. « Je vous aime bien, lui dit-elle, je sais que vous m’aimez aussi, mais vous aimez l’autre autant que moi. Je suis vieille, elle est jeune, eh bien, laissez-moi avec mes enfants, restez avec elle ; par ce moyen nous plairons tous au bon Dieu, et nous pourrons tous être baptisés. » On sera encore plus étonné de les entendre parler ainsi, quand on saura que primitivement, loin de songer à faire mal en prenant deux femmes, ces pauvres Têtes-plates avaient cru bien faire, quelque méchant leur ayant fait accroire que la chose était méritoire devant le Grand-Esprit.

Voici le règlement ordinaire que nous suivons dans la réduction. Lorsque l’Angélus sonne, les Indiens se lèvent ; une demi-heure après, on dit en commun les prières du matin ; tous assistent à la messe et à l’instruction. Vers le coucher du soleil, on dit de même les prières du soir, puis on fait une seconde instruction d’environ cinq quarts d’heure. À deux heures après midi, catéchisme obligatoire pour les enfants, libre pour les grandes personnes. Les enfants sont partagés en deux sections : la première comprend ceux qui savent déjà leurs prières, la seconde les commençants. Un des Pères fait tous les matins la visite des malades pour leur procurer des remèdes ou les consoler, selon le besoin.

Nous avons adopté le système d’enseignement et de récompense en usage dans les écoles des Frères de la doctrine chrétienne. Pendant le catéchisme, qui dure environ une heure, il y a récitation, explication et chant de cantiques. Chaque jour, pour chaque réponse exacte, on donne de bonnes notes, en plus ou moins grand nombre, selon la difficulté de la question proposée. L expérience a prouvé que ces notes, données sur-le-champ, sont moins embarrassantes lorsqu’on les donne de la main à la main que lorsqu’on les inscrit sur un tableau ; cela prend moins de temps, intéresse davantage les enfants et les rend plus attentifs et plus soigneux. Elles servent en même temps de certificat de présence au catéchisme, et de marque d’intelligence et de bonne volonté, que les parents sont bien aises de les voir exhiber à leur retour. Aussi ces bons parents, afin de rendre leurs enfants capables de mieux répondre le lendemain, et en partie pour s’instruire eux-mêmes plus à fond, leur font-ils répéter chez eux tout ce qu’ils ont entendu au catéchisme. Le désir de voir les enfants s’y distinguer y a attiré presque toute la peuplade : aucun des chefs qui ont des enfants n’y a manqué, et il n’y a pas moins d’émulation parmi les parents que parmi les enfants.

Ce qui surtout a donné de la valeur aux bonnes notes, c’est l’exactitude et la justice reconnue avec laquelle on récompense ceux qui répondent bien. Les bonnes notes de la semaine sont récompensées le dimanche par des croix, des médailles ou des rubans distribués publiquement à ceux des enfants qui en ont obtenu le plus grand nombre ; ils en restent décorés toute la semaine suivante. Le premier dimanche de chaque mois, on distribue, à ceux qui ont obtenu le plus de bonnes notes dans le cours du mois, quelques médailles ou images qui deviennent leur propriété. Ces images, conservées avec soin, sont de puissants stimulants, non-seulement pour faire apprendre le catéchisme, mais encore pour exciter à la piété ; on en conçoit la raison : ce sont des monuments de victoire, des exemples de vertu, des exhortations à la piété, des modèles de perfection. Ce qui leur donne un plus grand prix encore, c’est leur rareté, ce sont les efforts qu’il faut faire pour les mériter. Comme l’amour du travail est surtout ce qu’il faut inspirer aux sauvages qui sont naturellement portés à la paresse, on a jugé à propos de les récompenser des petits ouvrages qu’ils sont capables de faire, comme on récompense le catéchisme.

Pour maintenir le bon ordre et favoriser l’émulation, les enfants du catéchisme sont divisés en sept ou huit bandes de six chacune ; les garçons d’un côté, les filles de l’autre. À la tête de chaque bande, il y a un chef chargé d’aider les autres à apprendre et à retenir la lettre du catéchisme. Afin que tous puissent nourrir l’espoir de mériter une récompense à la fin de la semaine ou du mois, on les a partagés de manière que les concurrents, au nombre de cinq ou six dans chaque bande, soient de force à peu près égale.

Cependant le P. Point, qui devait accompagner à la grande chasse, immédiatement après les fêtes de Noël, les camps réunis des Têtes-plates, des Pends-d’oreilles et des Nez-percés, se disposa à sa nouvelle campagne par une retraite de huit jours. Pour moi, dès le lendemain de mon retour du fort Colville, je me remis à l’œuvre. Trente-quatre couples, de Têtes-plates avaient voulu attendre mon retour pour recevoir le baptême et régulariser leurs mariages ; les Nez-percés, encore plus en retard, n’avaient pas même présenté leurs enfants au baptême, et l’on avait admis dans le camp un vieux chef Pied-noir avec sa petite famille, cinq personnes en tout : ils montraient tous le plus grand désir d’être instruits dans la foi chrétienne. Je me mis donc à leur donner trois instructions par jour, outre les catéchismes que leur faisaient les autres Pères. Ils en profitèrent si bien avec la grâce de Dieu, que je pus admettre aux fonts baptismaux, le jour de Noël, cent quinze Têtes-plates avec trois de leurs chefs, trente Nez-percés avec leur chef, et le chef Pied-noir avec sa famille. Ce jour je célébrai la messe à sept heures du matin ; à cinq heures après midi, je me trouvais encore dans la chapelle. Je ne puis vous exprimer les consolations que j’éprouvais dans ces heureux moments : rien de plus édifiant que le maintien et la dévotion de ces bons sauvages. Le lendemain, je chantai une messe solennelle en action de grâces pour les insignes faveurs dont le Seigneur avait daigné combler son peuple. Six à sept cents nouveaux chrétiens, en y comprenant les petits enfants, réunis dans une pauvre chapelle couverte de joncs, au milieu d’un désert où peu auparavant le nom du vrai Dieu était à peine connu ; y offrant à leur Créateur leurs cœurs régénérés dans les saintes eaux du baptême, et protestant de persévérer jusqu’à la mort dans son saint service : c’était là sans doute une offrande des plus agréables à Dieu, et qui, nous l’espérons, attirera la rosée céleste sur les Têtes-plates et sur les nations voisines.

Le 29, les gens du camp principal, accompagnés du P. Point, nous quittèrent pour la grande chasse des buffles : réunis aux Pends-d’oreilles, qui les attendaient à deux journées de marche d’ici, ils seront au delà de deux cents loges. Je suis rempli d’espoir dans l’attente des nouveaux succès par lesquels le Seigneur daignera, je l’espère, récompenser le zèle de ses serviteurs. Dans l’entre-temps, nous nous occupons, le P. Mengarini et moi, à traduire le catéchisme en langue tête-plate, et à préparer à la première communion environ cent cinquante personnes restées à Sainte-Marie. Nos bons frères et nos charpentiers continuent à entourer tout le terrain de la réduction d’une forte palissade munie de deux bastions. Cet ouvrage est d’une nécessité absolue pour nous mettre à l’abri des incursions furtives des Pieds-noirs, dont nous attendons de jour à autre une visite. Notre confiance en Dieu sera toujours notre bouclier : nous prenons les précautions que dicte la prudence, et nous demeurons sans crainte à notre poste. Un jeune Simpoil vient d’arriver à notre camp : voici ses paroles mot pour mot : « Je suis Simpoil, ma nation fait pitié ! Elle m’envoie pour écouter vos paroles, et apprendre la prière que vous annoncez aux Têtes-plates. Les Simpoils désirent aussi la connaître et imiter leur exemple. » Ce brave jeune homme va passer l’hiver avec nous, et retournera au printemps prochain parmi ses frères, pour y jeter la semence de l’Évangile.

Toute la nation Tête-plate convertie, quatre cents Kalispels déjà baptisés, ainsi que quatre-vingts Nez-percés, plusieurs Cœurs-d’alêne, Kootenays et Pieds-noirs ; les Serpents, les Simpoils, les Chaudières et une foule d’autres peuplades qui nous tendent les bras ; le gouverneur du fort Vancouver et le Révérend M. Blanchet qui demandent avec les plus vives instances que nous venions former un établissement dans cette contrée ; en un mot, tout un vaste pays qui n’attend que l’arrivée des véritables ministres de Dieu, pour se ranger sous l’étendard de la croix de Jésus-Christ, voilà, mon Révérend Père, le bouquet que nous vous offrons à la fin de 1841 !

C’est au pied du crucifix que vous cherchez les moyens de pourvoir au bien spirituel des âmes confiées à vos enfants. Notre nombre est bien loin de suffire aux besoins pressants et actuels des peuples qui nous appellent à leur secours. La propagande protestante est active et aux aguets. Envoyez-nous donc au plus tôt des auxiliaires, des Pères et des frères, et des milliers d’âmes vous béniront devant le trône de Dieu pendant toute 1 éternité !

J’ai l’honneur d’être,

Mon révérend Père,
Votre très-humble et très-obéissant
serviteur en J. C.
P. J. De Smet, S. J.