Voyage par le Cap de Bonne-Espérance à Batavia, à Bantam et au Bengale, en 1768, 69, 70 et 71.djvu/IV/III

CHAPITRE III.

Animaux du Cap.



Les chevaux du Cap sont plus petits que ceux d’Europe, mais infatigables à la course. Il y en a qui sont assez faciles à monter, mais la plupart sont rétifs et hargneux.

Pour la charrue et les voitures de charge on se sert d’attelages de trois jusqu’à dix paires de bœufs et davantage même, que le conducteur, qui est ordinairement un Hottentot, gouverne par le moyen d’un long fouet.

Les vaches ne donnent pas ici autant de lait qu’en Hollande, et ce lait est peu recherché, parce qu’on prétend qu’il échauffe beaucoup. Ces vaches sont aussi plus petites que celles d’Europe.

On trouve au Cap une grande quantité de moutons, qui sont plus forts que ceux d’Europe et dont la chair est bien meilleure. Leur queue, qui n’est qu’une pelotte de graisse, pèse jusqu’à cinq livres et même plus. Ils n’ont point de laine, mais une espèce de poil assez rude. On y éduque aussi des moutons d’Europe, dont la race se multiplie assez, mais pas autant néanmoins que celle du pays.

Les animaux sauvages de cette contrée sont le lion, le tigre, le léopard, le buffle et le singe : ils se tiennent aujourd’hui fort éloignés du Cap, où on ne les voit que rarement. Le loup est le seul animal sauvage qui s’y montre de tems à autre, mais cela seulement pendant la nuit.

On prend quelquefois des zèbres, qu’on conduit vivans au Cap ; mais quoiqu’apprivoisés, ils ne perdent pas leur naturel farouche, et ne peuvent souffrir aucun autre animal avec eux, sans le mordre et lui lâcher des ruades.

Il y a aussi des autruches, dont les œufs se paient deux ou trois sols la pièce. On en prend pour le voyage ; ils sont excellens dans la pâtisserie. Un de ces œufs fournit autant que vingt œufs de poule.

On trouve par fois des hippopotames dans les rivières. Je n’en ai pas vu de vivant ; mais j’ai mangé de la chair d’un de ces animaux, qui, à ce que me dit le gouverneur, avoit pesé plus de deux mille livres. Je l’ai trouvée fort bonne ; la graisse sur-tout est d’un goût agréable, et ne cause jamais d’aigreurs. Quand on ignore que c’est de la chair d’hippopotame qu’on mange, on la prendroit pour de l’excellente viande de bœuf.

Il ne manque point de gibier ici, tels que lièvres, bécasses, chamois, etc. Ces derniers sont délicieux à manger, et sont regardés comme la meilleure venaison de ce pays.

La mer fournit en abondance toute sorte de poissons aux habitans du Cap, parmi lesquels il y en a de fort bons.

En nous rendant de l’île Robben sur la rade du Cap, nous rencontrâmes un grand poisson qui flottoit sur le dos, et dont le ventre s’élevoit à cinq pieds ou environ au-dessus de l’eau. Il nous parut avoir au moins vingt pieds de long. Les circonstances ne me permirent pas d’y envoyer une chaloupe, quoiqu’il ne fut éloigné qu’à environ deux cents pieds du vaisseau ; sans quoi j’aurois cherché à m’en rendre maître.

Le pays fourmille de toutes les espèces d’insectes qu’on trouve dans les contrées chaudes. Les habitans sont fort tourmentés sur-tout par les mouches qui sont ici en quantités incroyables. Dans ce qu’on appelle la vallée aux Roseaux (Riet-vallei), j’ai vu des sauterelles de toutes les couleurs qui avoient plus de quatre pouces de long sur un pouce de diamètre. Il y a aussi des scorpions, des araignées, des cloportes) mais il est rare qu’on en soit piqué.

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