Voyage par le Cap de Bonne-Espérance à Batavia, à Bantam et au Bengale, en 1768, 69, 70 et 71.djvu/II/III

CHAPITRE III.

Batavia.



La beauté de la ville de Batavia, son immense commerce, et la fertilité de son terroir, lui ont mérité la dénomination de reine de l’Orient. Elle est située dans le royaume de Jaccatra, sur la rivière du même nom, qui la traverse et la sépare en deux parties, à peu de distance de la mer qui la borne au nord. Du côté opposé, c’est-à-dire, au sud, le terrain monte insensiblement, jusqu’à ce qu’on soit arrivé à de hautes montagnes, qui se trouvent à quinze ou seize milles dans l’intérieur des terres. Une de ces montagnes, remarquable par sa grande élévation, est connue sous le nom de Montagne-Bleue (Blaauwen-Berg).

Les événemens singuliers qui ont donné naissance à cette ville sont trop connus pour en parler ici ; on en trouve les détails dans Valentyn, qui en rapporte jusqu’aux moindres circonstances. Je me bornerai à indiquer les changemens qu’elle a éprouvés depuis le tems de cet écrivain.

La ville de Batavia a la figure d’un carré long, dont les côtés les plus courts regardent le nord et le sud, et les plus longs l’est et l’ouest[1].

La ville est partagée, comme nous l’avons dit, en deux parties par la rivière de Jaccatra, qui coule du sud au nord ; elle est couverte par trois ponts, dont un au haut de la ville, un autre au bas, à peu de distance du château, et le troisième au milieu. Près de ce dernier pont, il y a une grande redoute carrée avec quelques pièces de canon qui commandent les deux côtés de la rivière.

La largeur de la rivière, dans l’enceinte de la ville, est d’environ dix à douze toises rhynlandiques ; elle passe devant le château et le chantier d’équipement pour les vaisseaux, et se jette ensuite hors de la ville dans la mer. Des deux côtés sont de grandes jetées en pilotage et maçonnerie de la longueur d’environ deux cents trente toises, à compter du canal de la ville. La jetée de l’est a été renouvellée en grande partie il y a quelques années ; cela a coûté à la Compagnie en pilotage seul 36,218 rixdalers, et 36,320 rixdalers en maçonnerie ; par conséquent pour le tout 174,091 florins 4 sols, en comptant le rixdaler à 48 sols de Hollande.

À l’extrémité de la jetée occidentale, il y a un ouvrage à cornes, communément appelé le Château-d’Eau (Water-Kasteel), lequel a été construit à grands frais par la Compagnie du tems du gouverneur Imhoff. Comme l’eau y étoit fort profonde, il a fallu faire couler bas plusieurs bâtimens, pour établir de bons fondemens. Ce fort est garni de canons de gros calibre, et de quelques barraques pour la garnison. On ne peut y arriver que par la jetée de l’ouest. Il commence à tomber de vétusté, et les murailles s’affaissent déjà en plusieurs endroits.

Ce fort a certainement été établi dans cet endroit pour protéger la rade et empêcher l’entrée de la rivière ; mais il n’est aujourd’hui d’aucune utilité pour ces deux objets, vu que le mouillage des vaisseaux se trouve actuellement si éloigné par î’aterrissement considérable des bancs qui barrent la rivière que les canons du fort ne peuvent plus les atteindre, ou du moins ne leur causeroient que fort peu de dommage. Quant à la défense de l’embouchure de la rivière, elle est peu nécessaire par l’aterrissement journalier de la barre, qui ne permet point aux bâtimens qui tirent beaucoup d’eau de la franchir. D’ailleurs ce ne seroit certainement pas de ce côté-là que l’ennemi chercheroit à attaquer la ville ; il préférerait plutôt une grève ferme, telle qu’on la trouve sur la côte au-dessus d’Ansiol.

La barre dont nous avons parlé plus haut se trouve exactement en travers de l’embouchure de la rivière, et s’étend fort loin à l’ouest, ainsi qu’un peu à l’est ; de sorte que les champangs, les tanjepours et autres bâtimens fort chargés, sont obligés, pour entrer dans la rivière, de faire un détour et de raser de fort près la jetée de l’est, entre cette même jetée et la barre en question. Cette barre s’accroît chaque jour davantage ; ce qui force les vaisseaux à se tenir de plus en plus éloignés de la ville. À l’ouest, elle se trouve déjà en quelques endroits à fleur d’eau, pendant le jussant.

En face de l’embouchure de la rivière, à environ trente-cinq à quarante toises de l’endroit le plus élevé de la barre, il n’y a, à la basse marée, guère plus d’un pied et demi à deux pieds d’eau ; de manière qu’alors on ne peut même pas la franchir avec une chaloupe ordinaire ; l’on est donc forcé de l’arrondir à l’est. Lorsqu’il souffle de la mer un vent frais, l’eau est fort agitée et fort mauvaise sur la barre ; il se passe même rarement de mauvaise mousson sans qu’il y périsse quelques bâtimens.

Cette barre doit son origine à un grand tremblement de terre qui se fit sentir à Java vers la fin du dernier siècle, par lequel la rivière de Jaccatra fut en partie bouchée ; mais le plus grand aterrissement a lieu depuis l’année 1730 ; et il est à craindre qu’il ne rende avec le tems la rivière absolument impraticable.

Le château de Batavia, qui forme la partie la plus septentrionale du quartier oriental de la ville, est un édifice carré flanqué de quatre bastions, qui sont unies entre elles par de hautes courtines, excepté du côté du sud, où la courtine a été détruite du tems du général Imhoff. Les murailles et les bastions sont construites en pierres à la hauteur d’environ vingt pieds. Tout autour règne un fossé sec, sur lequel il y a un pont-levis du côté du midi. En deça de ce fossé et les bâtimens est une grande esplanade. Au milieu des bâtimens, qui sont tournés vers la ville, il y a une grande porte ; ensuite une large allée, contenant des magasins, va aboutir à une autre esplanade du côté du nord, entre les bâtimens et les remparts. Ce terrain est entièrement destiné à l’usage de la Compagnie.

Le gouvernement, qui forme le côté gauche des bâtimens vers le sud, contient plusieurs appartemens fort commodes ; cependant il n’est point habité actuellement. Il y a une grande salle dans laquelle le conseil des Indes se rassemble ordinairement deux fois par semaine : on y voit les portraits de tous les gouverneurs qui ont résidé ici depuis la formation de la Compagnie. Près de là est une chapelle, et plus avant un corps de garde pour les dragons.

Au-delà du pont du château est une grande plaine garnie de beaux tamarins, qui y jetent un agréable ombrage. Du côté de la ville, on arrive aussi par un pont et par une grande porte d’une bonne construction, surmontée d’une petite tour octogone, dans laquelle il y a un horloge qui est le seul qui soit à Batavia. Cette porte, bâtie du tems de M. Imhoff, fait un des ornemens de la ville.

Après avoir passé cette porte, on trouve à gauche un grand bâtiment avec une espèce de péristyle en forme de longue galerie : c’est le corps de garde des grenadiers.

À l’ouest de la plaine est l’arsenal de la Compagnie, et à côté un magasin de munitions ; le derrière de ces deux bâtimens donne sur la rivière, ce qui facilite le débarquement des denrées : commodité dont jouissent assez généralement tous les magasins et entrepôts de la Compagnie à Batavia.

De l’autre côté est placé le magasin à fer ; et là se trouve aussi l’emplacement où l’on exécute les criminels. C’est un carré élevé où sont plantés quelques poteaux et une potence. Par derrière est une maison où se tiennent les conseillers de justice, qui doivent présider à l’exécution des sentences. Cette plaine est couverte d’un grand nombre de canons démontés et de munitions de guerre.

La ville même est entourée de murailles en pierre, avec vingt-deux bastions garnies de canons. Les fossés, qui sont fort larges, manquent rarement d’eau, laquelle y vient de la rivière. On entre dans la ville par cinq portes. Près de celle du nord, à l’ouest de la rivière, et en face du château, est le chantier des équipemens ; à peu de distance de là sont les magasins des munitions pour la marine, ainsi que les atteliers des charpentiers, tonneliers, voiliers, forgerons et autres ouvriers employés à la construction des vaisseaux.

Dans la partie sud-est de la ville, attenant les remparts, est le quartier des ouvriers destinés aux travaux de Compagnie, tels que maçons, charpentiers, couvreurs, chaudronniers, etc., qui travaillent ici journellement sous l’inspection d’un maître de leur métier, lequel, à son tour, rend compte de tout ce qui se passe, au chef du quartier. Outre un grand nombre d’Européens qu’occupent ces travaux, il y a au moins mille esclaves qui appartiennent à ce quartier ; ce qui occasionne des dépenses incroyables à la Compagnie, dont des membres particuliers du gouvernement recueillent les plus grands avantages.

La ville renferme trois églises protestantes, dans lesquelles on officie en hollandois, en portuguais et en langue malaise. Il y a une quatrième église hors de la ville, qu’on appelle l’église portuguaise extérieure. Le gouverneur Imhoff a de plus fait bâtir dans la ville, à peu de distance du château, une église luthérienne. Je ne dirai rien de la maison-de-ville et des autres édifices publics, dont Valentyn a parlé fort au long.

En général, les maisons de Batavia sont bâties fort légèrement en briques, blanchies en dehors avec de la chaux ; elles ont toutes des croisées à l’angloise. L’intérieur et la disposition des appartemens offrent la plus grande uniformité.

En entrant on trouve d’abord une allée étroite, avec une chambre sur le côté ; après quoi suit une autre longue pièce qui reçoit le jour d’une cour intérieure, laquelle y projette et la rend par conséquent fort irrégulière. Cette pièce, qu’on appelle la galerie, sert de salle à manger et de demeure ordinaire à la famille : ces chambres sont pavées de grandes pierres carrées d’un rouge foncé. On n’y trouve aucune tenture, mais les murs sont bien blanchis. L’ameublement consiste en quelques fauteuils, deux ou trois canapés et plusieurs miroirs, dont les Européens de Batavia sont fort curieux. Le long de cette galerie sont placés des lustres et de lampes, qu’on allume tous les soirs. Au bout de la galerie est un escalier qui conduit aux appartemens du haut. Quand on a monté six ou sept marches on trouve une pièce placée au-dessus de la cave ; c’est une espèce de serre pour les provisions de bouche. Les appartemens du haut ressemblent à ceux du rez-de-chaussée, et tous sont fort peu garnis de meubles ; il n’y a que ce qui est absolument nécessaire aux besoins journaliers d’un ménage. Derrière la longue galerie sont les demeures des esclaves et la cuisine. Il y a peu de maisons qui aient un jardin ; et plusieurs ont des fenêtres garnies de rotin entrelacé, au lieu de carreaux de verre, pour jouir de plus de fraîcheur.

Ce que je viens de dire ne regarde que les maisons des Européens, qui, à la vérité, font le plus grand nombre. Le peu de Chinois, qui demeurent encore dans la ville, ont des habitations peu considérables et fort irrégulières. La plupart sont logés dans les fauxbourgs du sud et de l’ouest, auxquels on donne le nom de campons chinois. Avant la révolte, ils avoient leur quartier dans le centre de la ville, à l’ouest de la grande rivière ; mais lorsque toutes les maisons eurent été réduites en cendres, on fit de leur emplacement un bazar ou marché, où l’on étale v tous les jours différentes espèces de commestibles.

La taxe sur les maisons est d’un demi mois du loyer par an. Cette taxe est employée au nétoyement des canaux, à l’entretien de la maison de ville et des autres édifices publics. On ne prend point les maisons à l’année, mais au mois. Une bonne maison, bien située, est louée vingt à vingt cinq rixdalers par mois. Les églises sont entretenues du produit d’une taxe sur les enterremens.

Il y a quelques années qu’on a formé à Batavia une banque de commerce, laquelle est unie au mont-de-piété. Cette banque est conduite par un directeur, qui est ordinairement un conseiller des Indes, deux commissaires, un caissier et un teneur de livres. Le capital de cette banque est estimée entre les deux et trois millions de rixdalers. On donne cinq rixdalers pour y être admis, et l’on reçoit des billets de banque timbrés pour récépissés de la somme qu’on y dépose.

Les fauxbourgs de Batavia sont fort grands, fort amusans et extrêmement peuplés d’Européens et de nations indiennes ; mais c’est le quartier des Chinois qui présente le plus d’agrémens : il ressemble à une petite ville percée de plusieurs rues, mais les maisons en sont toutes misérables. Il est rempli de boutiques où l’on trouve toute sorte de marchandises, tant celles que les Chinois fabriquent eux-mêmes, que celles qu’ils reçoivent tous les ans de la Chine, ou qu’ils achètent des Européens qui en arrivent. On ne peut déterminer exactement le nombre des Chinois qui habitent Batavia et sEs environs ; mais il doit être considérable, puisque la Compagnie perçoit d’eux plus de quarante mille rixdalers de capitation par an ;

Tout Chinois qui professe un état quelconque qui suffit pour le faire vivre, paie un demi ducaton de capitation par mois : les femmes, les enfans et ceux qui ne font aucun commerce sont exempts de cette taxe.Ils sont gouvernés par un chef de leur nation, qu’on appelle le capitaine chinois (capitein chinees). Il demeure dans la ville et a sous ses ordres six lieutenans qui ont chacun leur district. Le premier ou second jour de chaque mois, on hisse devant la porte de ce capitaine un pavillon, destiné à avertir les Chinois de venir payer chez lui leur capitation.

Ces Chinois sont, comme nos Juifs d’Europe, fort adroits dans le commerce tant en gros qu’en détail, et, comme eux, sont ardens à faire quelque bénéfice ; aussi pour la moindre bagatelle fait-on parcourir à un Chinois plusieurs fois toute la ville de Batavia ; mais on ne peut être trop attentif à leur conduite quand on traite avec eux. Ils sont d’une moyenne stature et, en général, assez replets ; leur tein n’est pas aussi brun que celui des Javans ; ils ont la tête rasée, si ce n’est sur le sommet du crâne où ils laissent croître une touffe de cheveux, qu’ils tressent avec un ruban qui leur pend sur le dos. Leur vêtement consiste en une longue robe de nankin ou de quelque légère étoffe de soie ; sous cette robe, qui a d’amples manches, ils portent une longue culotte de la même étoffe, qui couvre entièrement leurs jambes.

Dans chaque maison on trouve, dans un endroit ou l’autre, l’image d’un de leurs joosjes ou idoles, peint sur du papier chinois, devant laquelle brûle constamment une ou plusieurs lampes, ainsi qu’une espèce d’encens fait en forme de petits cierges minces. Cette idole est généralement représentée sous la figure d’un vieillard, dont la tête est couverte d’un bonnet carré ; sa femme est assise à côté de lui.

À une lieue de Batavia, un peu au-delà du fort d’Ansjol, est un temple chinois placé dans un bosquet de cocotiers, sur le bord d’un ruisseau, où l’on jouit d’un aspect fort agréable. C’est un bâtiment d’environ vingt-quatre pieds de long sur douze à treize pieds de large. On entre d’abord par une barrière dans une petite plaine ; ensuite on arrive dans une galerie, derrière laquelle est le sanctuaire. Au milieu tout à l’entrée il y a un grand autel sur lequel brûle jour et nuit une grande quantité de cierges rouges. On y voit la figure d’un lion, qui est fortement dorée ; derrière l’autel sont placées dans une niche les figures d’un vieillard et d’une vieille femme, toutes deux la tête chargée d’une couronne. Ces figures, qui ont environ deux pieds de haut, représentent leur joosje, qu’ils regardent comme un esprit mal-faisant, et qu’ils prient sans cesse pour qu’il ne leur soit pas nuisible. Dans leurs adorations ils se jettent par terre devant l’idole, et frappent le pavé de leur front en signe de respect et de vénération.

Ils ne manquent point de consulter cette idole toutes les fois qu’ils ont quelque entreprise de conséquence à faire. Ils se servent pour cela de deux petits morceaux de bois oblongs, dont un des côtés est plat et l’autre rond. Ils posent ces deux morceaux de bois l’un contre l’autre du côté où ils sont plats, et les laissent ainsi tomber à terre. C’est d’après la manière dont ces morceaux se trouvent alors avec l’un ou l’autre côté en l’air qu’ils jugent si leur prière a été reçue favorablement, et si leur entreprise doit réussir ou non. Si la prédiction est favorable, ils offrent un cierge à l’idole, que le bonze qui désert le temple leur vend à cet effet.

J’ai vu dans le temple dont il a été parlé plus haut, un Chinois qui fit tomber à terre vingt fois au moins ces morceaux de bois avant qu’il eut obtenu un heureux succès. Pendant cette opération il secouoit souvent la tête en signe de mécontentement ; puis il se jetoit de tems en tems sur le pavé, qu’il frappoit rudement de son front, jusqu’à ce qu’il eut enfin reçu une réponse satisfaisante, ce qui parut le réjouir beaucoup ; après quoi il alluma un gros cierge sur l’autel de l’idole.

Outre ce temple, les Chinois en ont encore plusieurs autres que le gouvernement tolère. Il doit paroître singulier qu’on permette ici cette abominable idolâtrie, tandis qu’on y défend l’exercice de la religion catholique romaine avec la plus grande rigueur.

Les Chinois sont d’un caractère fort voluptueux, on les accuse même du crime horrible de bestialité ; ils aiment sur-tout beaucoup les cochons, dont ils ont toujours un certain nombre dans leurs maisons pour leur amusement.

Leurs tombeaux, pour lesquels ils dépensent beaucoup d’argent, sont construits en partie sous terre et en partie au-dessus du sol. Ils sont voûtés par le haut. L’entrée, en forme de porte, se ferme avec une grande pierre, sur laquelle sont sculptées des lettres chinoises. On trouve beaucoup de ces tombeaux à une demi-lieue de batavia, sur la route de Jaccatra.

Ils vont de tems en tems visiter les sépultures de leurs parens et de leurs amis, qu’ils jonchent alors de différentes fleurs odorantes, et laissent à leur départ, à l’entrée de ces tombeaux, quelques petits morceaux de soie ou de toile, en forme d’offrande. Ils y placent aussi quelquefois du riz bouilli et d’autres commestibles, qui se trouvent bientôt enlevés pendant la nuit.

Les environs de Batavia sont fort agréables, et généralement coupés par de petites rivières, dont on se sert pour inonder les champs de riz, quand cela est nécessaire pour leur fertilité.

Le chemin qui conduit de Batavia à Ansjol, et de-là à la mer, est bordé par une petite rivière qui coule lentement et offre l’image des canaux de Hollande. Des deux côtés sont des jardins qui commencent à se trouver en fort mauvais état, excepté seulement un ou deux qui appartiennent au directeur-général de la Compagnie.

Au bout de ce chemin, à peu de distance de la grève, est un banc d’huitres près duquel on a bâti une maison où les Européens vont s’amuser souvent à manger de ce testacées.

Le second chemin, appelé Manga-Doa, à cause qu’il étoit ci-devant garni de deux rangs de manguiers, court un peu plus au sud que le premier, et s’avance davantage dans les terres. Ce chemin est de même bordé de plusieurs jardins, mais qui ne sont pas, à beaucoup près, aussi beaux que ceux qu’on rencontre le long du chemin de Jaccatra ; car ici on voit tout ce qu’on peut imaginer de plus magnifique en bâtimens. La plupart de ces maisons de plaisance sont placées sur le bord du chemin, lequel a dix à douze toises de large, et qui est bien garni d’arbres. Par derrière la vue domine sur la rivière de Jaccatra. Je ne me rappelle pas d’avoir jamais vu de route plus agréable : tous ceux qui arrivent pour la première fois à Batavia sont surpris de trouver un aspect aussi admirable dans un pays dont on ne se forme pas une trop grande idée en Europe.

Ce chemin aboutit à un petit fort nommé Jaccatra, situé à un demi-mille de Batavia ; de-là un autre chemin conduit à Wel-te-Vreden, maison de plaisance du gouverneur-général, et il s’étend ensuite plus avant dans les terres, sous le nom de Gounong-Sari.

Le quatrième chemin est celui de Molenvliet, ainsi nommé à cause qu’on a conduit par-là une partie de la rivière de Jaccatra, pour faire aller un moulin à poudre placé à un demi-quart de lieue de Batavia. Ce chemin, bordé par la rivière pendant une lieue de marche en ligne droite, est garni des deux côtés de jolis jardins et de belles maisons. Ensuite il conduit à Tanabang, où se tient tous les samedis un grand marché de commestibles, qu’on y apporte de l’intérieur des terres.

Le cinquième chemin traverse le campon des Chinois, et sert à se rendre au fort d’Ankée, également le long d’une rivière et orné de chaque côté de beaux jardins. Aucune de ces routes n’est pavée, non plus que la ville ; mais le terrain est d’une argile dure, qu’on entretient avec soin. Il y a seulement le long des maisons de la ville des trottoirs de pierre, de trois à quatre pieds de large.

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  1. Voyez le plan de Batavia que nous donnons à la fin de ce volume planche I.