Monnoyer (p. 134-139).

Simples.

Avant que la médecine ne devînt un objet de spéculation et une source intarissable de systèmes plus ou moins bizarres, l’homme cherchait dans la nature des remèdes à ses maux, sans raisonner sur leurs causes. L’expérience préconisait certaines plantes ; le père les montrait à son fils, en lui en indiquant les propriétés sans chercher à lui en expliquer le mode d’action. Chacun était son médecin à soi-même et la doctrine des simples fut la seule médecine qu’on connût dans les premiers âges du monde ; telle est encore celle d’une infinité de peuplades, dans les deux hémisphères, qui, moins civilisées que nous, sont pourtant plus soumises aux lois de la tempérance, et par là exemptes de cette foule de maladies qui nous assiègent. Les premiers habitants de la Guadeloupe, et en général des Antilles, avaient aussi leurs simples dont la connaissance et l’usage se sont perpétués jusqu’à nos jours chez les nègres et chez beaucoup de blancs. J’indiquerai celles dont on se sert le plus ordinairement.

L’herbe grasse, herbacée très-rafraîchissante. On la prend en infusion pour le rhume. Je me suis aperçu plusieurs fois que, dans certains cas, elle favorise la sécrétion de l’urine.

La raquette commune, plante éminemment mucilagineuse, émolliente et rafraîchissante. On s’en sert en décoction, principalement pour bains et pour lavements ; bien différente de celle dont j’ai parlé, elle est armée de longs aiguillon ; son fruit, verdâtre à l’extérieur, est d’un rouge éclatant à l’intérieur, et rempli de petites graines blanches très-dures, ayant la forme de cœurs. Avec le jus de ce fruit, qui n’est que médiocrement bon, les enfants blancs et les gens de couleur colorent leurs vêtements pour se déguiser aux jours gras ; cette couleur ne tient pas : un simple savonnage suffit pour la faire disparaître ; exposée au soleil et même à l’air, elle se ternit promptement.

Le thé du pays. C’est de cette plante qu’on fait le plus fréquemment usage. On en prend les feuilles en infusion dans les indigestions ; elles font, dit-on, couler la bile ; on les prend contre la fièvre ; mêlées avec l’orange sure, elles font la fonction d’un léger purgatif.

Le petit baume, plante d’une très-agréable odeur ; on en prend les feuilles en infusion, dans le cas d’une indigestion, et contre la migraine.

La menthe, plante odoriférante, ayant les mêmes propriétés que la précédente.

Le chiendent, herbacée rafraîchissante. On la prend en infusion.

Eglisse. On se sert de ses feuilles en infusion ou en décoction contre le rhume.

Le melongène bâtard, qui ne ressemble au melongène que par la forme de ses feuilles. L’infusion à froid de ses racines broyées est rafraîchissante.

Le roucou. Ses feuilles, pilées avec de l’eau et du rhum, se donnent comme antidote aux animaux empoisonnés.

La pistache, plante qui croît sur le bord des eaux, toute différente du pistachier qui porte des amandes. On se sert de sa racine, en décoction ou en macération, contre le ténesme.

Le corossol. L’infusion de ses feuilles se prend dans certaines affections nerveuses très-ordinaires chez les femmes créoles, et qu’elles nomment vapeurs.

La citronnelle. Ses feuilles se donnent en infusion comme sudorifiques ; la racine est un poison actif.

Le semen-contra. Son infusion se prend comme vermifuge.

Le pois à gratter. On prend dans du gros sirop le poil qui recouvre le pois, ainsi que l’infusion des feuilles de cette plante, comme vermifuges.

L’herbe à pic. Ses feuilles se prennent en infusion comme vermifuges et fébrifuges.

Le chardon bénit, ou herbe à fer. L’infusion de ses feuilles et de sa tige se donne comme fébrifuge et sudorifique.

Le balai doux. La décoction de sa racine, mêlée, à parties égales, avec du rhum, du jus de citron et du gros sirop, se donne contre les faiblesses d’estomac et les coliques.

Le coachi. L’infusion de son bois dans du rhum et de l’eau se donne comme vermifuge et pour exciter l’appétit ; elle est très-amère.

L’herbe à blé. Le jus de ses feuilles se prend quand on a fait une chute et qu’on craint qu’il ne se forme quelque abcès à l’intérieur.

Le médecinier blanc. Ses bourgeons se prennent en infusion comme fébrifuges.

La baraguette. On se sert de l’infusion de sa fleur comme fébrifuge.

L’avocatier. On se sert de ses feuilles en infusion dans les indigestions ; on s’en sert aussi dans les chutes comme vulnéraire.

L’orange sure. On la prend cuite avec du gros sirop pour se rafraîchir et se préparer à une purgation, ou contre la fièvre ; avec du sucre contre le ténesme et la dyssenterie ; avec du miel et du vin blanc pour activer ou faire reparaître les évacuations qui suivent l’accouchement.

Le lait de coco. Il se donne avec succès contre le scorbut.

Le sapotiller. On en prend les graines en émulsion édulcorée pour exciter la sécrétion de l’urine ; on applique en même temps le marc sur le bas-ventre.

Le sou-marqué. Cet arbrisseau doit probablement son nom à la forme de ses feuilles qui sont petites et rondes. On s’en sert en bain contre la galle ; la décoction de sa racine se prend contre les maux d’estomac.

Le collant, arbrisseau de quatre à cinq pieds de hauteur, bien célèbre par l’usage fréquent qu’on en fait. Ses feuilles, pilées avec du sel et du vinaigre, s’appliquent avec succès sur la peau pour la vésicatorier ; la peau est levée au bout d’une demi-heure ; on a recours à ce moyen dans le cas où il faut ranimer fortement et promptement la sensibilité ; Les médecins eux-mêmes l’emploient très-souvent.

La plupart de ces simples se trouvent dans les halliers et sur le bord des torrents.