Monnoyer (p. 118-133).

Jardins, arbres et arbustes fruitiers, légumes.

On s’imaginerait que sur un sol si fécond et sous un climat si favorable à la végétation, les jardins dussent être et plus riches et mieux soignés, pour ainsi dire, qu’en Europe ; il semblerait que le créole, à qui un soleil trop ardent interdit de longues promenades, dût fixer auprès de lui les agréments de la belle nature, l’ombre, les ruisseaux et les fleurs ? eh bien ! rien de plus rare dans la colonie qu’un jardin ; excepté celui du Gouvernement, je n’en ai vu qu’un, situé près de la Basse-Terre, qui pût mériter ce nom ; encore était-il loin d’égaler les nôtres. Il avait été formé par M. Bellosse, médecin français fixé dans cette colonie. Rien cependant ne manquerait à l’habitant de la Guadeloupe pour rivaliser avec les Anglais mêmes sous ce rapport ; la situation toujours pittoresque de sa demeure, prêterait singulièrement à la beauté des jardins, des plantes de toute espèce qui se font admirer ou par l’élégance de leur forme ou par l’épaisseur et l’éclat de leur feuillage, tels le cocotier, le dattier, le palmier, le tamarin, le manguier, le raisin d’Otaïti ou grappe de Cythère, la baraguette et une foule d’autres. Les fleurs européennes qui croissent avec tant de succès sous ce ciel propice, le rosier, l’œillet, l’héliotrope, la renoncule, le jasmin, le lilas, la violette, etc, etc ; la facilité de dériver des ruisseaux et de former des cascades et des bassins, tout concourrait admirablement à produire des chefs-d’œuvre dans ce genre. Mais le créole néglige ce précieux avantage ; il aime mieux endormir sa molle oisiveté sur un canapé pendant la vive chaleur du jour, que d’aller rêver à l’ombre des arbres, sur les rives fleuries d’un ruisseau qui susurre. Il n’y a près des habitations que de petits potagers ouverts de toutes parts, moins bien soignés que ceux de nos paysans, et où l’on ne trouve que quelques légumes et toujours du piment. Au Matouba, quartier situé dans les hauteurs, au pied de hautes montagnes, on voit pourtant quelques potagers moins négligés, mieux fournis, où l’on cultive même quelques légumes recherchés, tels que l’artichaut, l’asperge, le salsifis, d’où sortent même, quoiqu’en très-petite quantité, quelques fruits européens, des fraises, des cassis, des framboises, des pommes.

On ne cultive pas les arbres fruitiers, on n’a même pas toujours soin d’en faire planter dans le voisinage de son habitation. Si l’on en excepte le cocotier, le dattier, le palmier, l’oranger, on les laisse croître là où le hasard les a semés, et c’est souvent fort loin qu’il faut les aller chercher, dans les champs, dans les halliers et sur le bord des rivières.

Les espèces que j’ai remarquées, et qui sont à peu près les seules, sont les suivantes :

L’acajou. J’ai déjà fait remarquer qu’il est différent de l’acajou à meuble ; il est moins gros, moins bien conformé ; son fruit, de la grosseur d’une poire de Colmar, porte sa graine à l’extérieur de l’une de ses extrémités ; il est très-coriace ; on ne fait que le sucer, et le suc qu’on en exprime est âcre et très-astringent ; mêlé avec égale quantité de rhum, il forme une liqueur qu’on donne avec le plus grand succès dans le ténesme et la dyssenterie. La coque de sa graine, qu’on appelle noix, contient un suc épais, extrêmement corrosif, qui brûle et désorganise la peau. L’intérieur se mange avec plaisir, ou cru ou rôti. On en fait des bonbons en les faisant bouillir dans du sirop.

Le grenadier, l’oranger, le citronnier, la bergamote, le cerisier commun, le cerisier musqué ; le fruit de ce dernier développe sur le palais un goût de musc très-prononcé. Le pommier malacca, le pommier cannelle ; son fruit est sucré, fondant, délicieux, ce n’est pas le cinnamome. L’icaque, la graine que son fruit renferme est très-grosse, et la pulpe qui le revêt est très-peu abondante et n’a aucun goût prononcé. L’ananas, le dattier, le pommier de Cythère, le papayer, la raquette des bois ; son fruit, bien supérieur à celui de la raquette commune, est d’un beau rouge cramoisi à l’extérieur, grisâtre à l’intérieur et rempli de petits grains noirs luisants ; il est d’un goût légèrement acidulé et approchant de la fraise des bois. Le limon, le chadeck, la barbadine, le pommier rose ; en mangeant son fruit, on croirait manger des pétales de roses de Hollande. Le caïmitier, le cachiman, le châtaignier de Malabar, le pekely-nax, rare, la noix en est excellente. Le corossol, le fruit en est très-gros, il contient beaucoup de graines brunes, aplaties et de forme ovale ; la chair en est très-blanche, coriace, contient un suc délicieux et très-rafraîchissant ; il serait même dangereux, dit-on, d’en manger quand on a chaud ; les feuilles de cet arbre, qui n’est pas fort haut, se prennent en infusion théiforme dans certaines affections nerveuses ; avec l’écorce des jeunes branches, on fait d’assez bonnes cordes. La pomme de liane est, comme la barbadine, une liane qui produit un fruit exquis ; ce fruit est rempli d’une pulpe molle et comme visqueuse qui est autant appréciée de l’étranger que du créole ; on se sert de ses feuilles en infusion comme vermifuges. Le raisin court, cet arbrisseau croît sur le bord des ravines, il produit de petites fleurs disposées en grappes ; ces fleurs ont trois pétales blancs qui s’épaississent, se remplissent d’un suc légèrement acide, d’un goût semblable à celui du raisin ; au milieu de ces trois pétales est une jolie petite graine d’un brun très-foncé, d’un beau poli, présentant trois angles, et d’une forme assez semblable à celle du sarrasin ; on en fait des colliers.

L’abricotier. Cet arbre est très-commun sur les habitations ; son fruit est recouvert d’une peau très-épaisse, ligneuse, et qui acquiert, en se desséchant, la dureté du bois ; l’intérieur est jaune, sec, d’un goût passablement bon ; c’est surtout en confiture qu’on le mange plus volontiers ; les graines varient dans leur nombre, leur forme et leur grosseur ; leur forme est très-irrégulière et difficile à décrire ; leur nombre est de trois, de quatre ou de cinq dans le même fruit ; leur volume moyen peut égaler celui d’un œuf de poule ; les feuilles de cet arbre sont grandes, d’un beau vert jaunâtre, luisantes, remplies de glandes transparentes, ayant très-peu d’humidité ; leurs nervures sont très-prononcées. Il n’est peut-être pas de végétaux dont les feuilles, examinées en détail, soient plus belles.

L’avocatier. Son fruit, doux et fondant, est excellent, mais, pris en grande quantité, il donne, dit-on, le ténesme. On prend efficacement une infusion de ses feuilles dans le cas d’une indigestion.

Le manguier. C’est un des plus beaux arbres fruitiers des Antilles ; ses feuilles, très-allongées, d’un beau vert luisant, extrêmement multipliées, forment un ombrage délicieux ; j’ai vu des feuilles de manguier qui avaient au moins vingt pouces de longueur sur trois de largeur ; son fruit, qu’on appelle mangot, est un des meilleurs qu’on puisse manger sous ce ciel brûlant ; il y en a plusieurs espèces, la plus estimée, et en effet la plus délicate, est la mangotine.

Le goyavier. Rien de plus commun, on le trouve partout ; son fruit, plein de petites graines blanches très-dures, est acide et d’un goût agréable. On en fait une gelée ferme et bien supérieure, à mon sens, à notre gelée de groseilles, surtout quand on en mêle le jus à celui de la barbadine ou du corossol ; on les mange aussi confites dans du sirop. La goyave de Cayenne est bien plus délicate, plus douce et plus estimée conséquemment que celle du pays ; elle est presque aussi commune ; on les distingue facilement, en ce que la goyave de Cayenne est plus grosse et d’un rose beaucoup plus foncé à l’intérieur que celle de la Guadeloupe.

Le raisin de bord de mer. Le fruit est agréable au goût, les fouilles sont très-grandes.

Le tamarinier. Bel arbre dont le feuillage épais donne beaucoup d’ombre et dont le fruit, très-acide, s’emploie avec succès dans le ténesme ; on en fait une limonade très-rafraîchissante.

La grappe de Cythère ou raisin d’Otaïti. Son fruit est en grappe ; il est on ne peut plus acide ; on en fait d’excellentes confitures.

Le sapotiller. Ce bel arbre porte un des meilleurs fruits des Antilles, mais le sol semble influer sur la qualité de ce fruit ; dans certains terrains, il est plus petit, moins sucré que dans d’autres ; Marie-Galante passe pour produire les plus belles et les meilleures sapotilles des Antilles, comme Antigues à la réputation de fournir les meilleures oranges.

Le cocotier. Cet arbre si justement vanté n’offre qu’un tronc sans rameaux, très-haut, très-droit, et si uni, que pour pouvoir monter à son sommet, on est obligé d’y enfoncer des clous de distance en distance ; du haut de cette tige unique s’élèvent et retombent en superbes panaches, de belles feuilles composées dont la longueur varie de dix à quinze pieds et dont l’admirable poli réfléchit en cent façons les rayons du soleil ; le nombre de ces feuilles n’est pas fixe, mais il est toujours entre trente et quarante ; c’est aussi au sommet de cette tige et à la base des fouilles que se développe le fruit ; la fleur est enfermée dans une enveloppe ligneuse de deux à trois pieds de longueur. Quand le vœu de la nature est satisfait, quand les petits cocos sont formés, cette enveloppe se fend, s’ouvre et finit par tomber quand elle n’est plus nécessaire. Chaque coco tient à l’arbre par un ligament très-fort ; le même pied peut produire de cent à cent cinquante cocos dans l’année et offre en même temps des fleurs naissantes, des fleurs épanouies, des fruits enfin de diverses grosseurs et à différents états de maturité. Quand le coco est mur, il se détache du ligament qui le suspend et tombe à terre.

Ce fruit est revêtu d’une enveloppe filamenteuse, très-solide et très-épaisse, dont on se sert pour nettoyer, en frottant, avec du sable et de l’eau, le plancher des appartements, les tables de cuisine, etc.

Dépouillé de cette enveloppe, le coco, comme tout le monde le sait, est susceptible du plus beau poli, mais tout le monde ne sait pas comment on lui fait contracter la couleur noire qu’il a ordinairement quand il est travaillé (car sa couleur naturelle est brunâtre) : c’est en le laissant séjourner pendant quinze ou vingt jours dans une sorte de vase telle que serait celle d’un marécage, et en les frottant d’huile d’olive ou de ricin. Le coco renferme une noix dont l’intérieur est rempli d’un liquide excellent, très-rafraîchissant, qu’on appelle lait. On remarque sur l’extrémité arrondie du coco, trois petits trous circulaires, bouchés par une pellicule assez mince ; c’est par ces trous qu’on fait sortir le lait, et chaque coco en donne ordinairement deux verres. Pour en avoir la noix, on brise ou on scie le coco et on la détache de ses parois. En se desséchant, la noix se détache d’elle-même, et on l’entend rouler en agitant le coco. En sciant celui-ci par le milieu et avec précaution, on a la noix tout entière Quand le coco n’a encore atteint qu’une moyenne maturité, la noix n’a guère que la consistance d’une crème épaisse, et c’est alors qu’elle est à son maximum de bonté, c’est ce qu’on appelle coco à la cuillère, parce que ordinairement une cuillère suffit pour la détacher.

Avec la noix portée à son maximum de maturité, on fait des pâtés délicieux, et pour cela, on la râpe, on la mêle avec du sirop, on l’enveloppe de pâte et on fait cuire ce gâteau ; on en fait encore des confitures en la râpant et la faisant cuire avec de la cannelle en poudre dans du sirop ; on en fait enfin une espèce de farine, et voici comment : on la râpe de même, on la mêle avec du sucre blanc pulvérisé, on met ce mélange sur le feu, dans un vase quelconque, on remue continuellement avec une spatule jusqu’à ce qu’il prenne une couleur jaune foncé, c’est-à-dire qu’il soit suffisamment cuit ; rien n’est bon autant que cette farine.

Voilà tout le parti qu’on sait tirer, dans les Antilles, de cet arbre précieux, tandis qu’aux Indes orientales, l’industrie en a fait une source de richesses ; du lait, en le soumettant à diverses préparations, on en fait du vin et des liqueurs ; l’enveloppe des fleurs et des cocos sert à faire de la toile à voile et des cordages ; avec le bois, enfin, qui est incorruptible, et qui a presque la dureté du fer, on en fait des bateaux ; en sorte qu’il n’est pas rare de voir voguer sur l’océan Indien de petits navires dont toutes les pièces, la cargaison même, ont pour commune origine le cocotier.

De tous les arbres fruitiers, celui-ci est le seul qu’on soit forcé, à la Guadeloupe, de cultiver dans sa jeunesse ; car il n’en est pas du cocotier comme des autres espèces dont nous avons parlé ; la graine de ceux-ci n’étant propre à rien, au moins dans l’opinion des créoles, on la jette, et ces divers végétaux se trouvent multipliés sans peine et sans soin. On va manger des mangots, des oranges sur le bord d’une rivière ; si les graines ne se trouvent entraînées par les eaux, dans quelques années on verra là de jeunes manguiers, de jeunes orangers. Un nègre, en traversant une pièce de terre, un hallier, en parcourant un bois, laisse tomber à terre les graines d’un fruit qu’il mange…… dans ce champ, dans ce hallier, dans ce bois, on ira un jour cueillir des fruits semblables, et c’est à ce hasard que la plupart des arbres fruitiers doivent la place qu’ils occupent. Mais on n’a des cocotiers que pour le plaisir d’en manger les cocos, et comme le coco est la graine d’où sort ce bel arbre, on est donc obligé de la semer exprès, d’en favoriser le développement, de cultiver la jeune plante, et c’est l’objet des soins de quelques personnes qui en font une sorte de commerce. L’habitant qui achète de jeunes cocotiers les fait ordinairement planter auprès de son habitation, pour être plus à portée de leur faire donner des soins et en même temps pour être plus sûr d’en récolter les fruits.

On ne confie pas tout de suite cette graine à la terre. Quand elle est bien mûre, on la met, durant une quinzaine de jours, dans un lieu humide ; ensuite, on coupe le bout arrondi de l’enveloppe, pour mettre à découvert les trois trous du coco, dont j’ai parlé plus haut ; on le laisse ainsi préparé dans ce même lieu humide, qui est ordinairement le bord d’un ruisseau, pendant un an ou à peu près. Alors on voit sortir par les trous autant de tiges qui se réunissent, et ce n’est encore que cinq ou six mois après qu’on le met en terre.

On creuse à cet effet un trou circulaire, d’un diamètre un peu plus grand que celui du coco, et d’un pied environ de profondeur ; dans le fond de ce trou, on met du sel marin pour activer la végétation de cette plante naissante, qu’on place de manière que la base des tiges réunies réponde à la superficie de la terre. Les racines sortent par les sutures qu’on remarque sur le coco dépouillé de son enveloppe, et se plongent dans le sol. On a soin de sarcler et d’arroser ce jeune cocotier jusqu’à ce qu’il ait atteint une certaine force. On prétend que quand on l’arrose avec de l’eau de mer, il se développe avec beaucoup plus d’énergie et qu’il peut produire à cinq ou six ans ; tandis qu’en négligeant ce moyen, il ne rapporte ordinairement qu’à sept ou huit ans.

Le coco de la Guadeloupe est d’une moyenne grosseur ; plus petit que le coco des Maldives, il a bien deux fois le volume de celui de Saint-Barthélémy. Le petit coco qui sert de parure aux dames, n’est point le fruit du cocotier dont je viens de parler, c’est probablement une variété, et cette variété, si elle se trouve à la Guadeloupe, y est fort rare ; je ne l’y ai point vue.

Le palmier ou palmiste. Comme le cocotier, ce bel arbre n’a qu’une tige toute nue, surmontée par des feuilles composées qui retombent aussi en panaches. On ne le distingue de loin du cocotier qu’en ce que ses feuilles, plus courtes, se courbent moins, et que du centre de ces mêmes feuilles s’élève une longue flèche qui semble appeler la foudre. Il ne porte point de fruits ; mais parce qu’il fournit aussi quelque chose à la table des créoles, j’ai cru devoir en parler plutôt ici qu’ailleurs. Sa fleur composée, très-nombreuse, est, comme celle du cocotier, renfermée dans une enveloppe ligneuse, très-forte, qui se fend et tombe de même. Ces fleurs blanches, épanouies, font sur l’arbre un effet magnifique y elles sont très-longues. Cette fleur, avant d’être ouverte, est très-tendre, on la mange en salade. J’en ai apporté une que je n’ai desséchée qu’avec beaucoup de peine. Ce qu’on appelle chou-palmiste, c’est le bourgeon de la tige qui se développe au sommet. Il offre des feuilles épaisses, roulées, comme celles du chou, les unes sur les autres. On le mange à différentes sauces. Ce mets, que le créole estime tant, ne m’a pas paru excellent. C’est quand on abat le palmier qu’on en enlève le chou ; mais alors on y cherche autre chose, des vers. L’intérieur de son tronc est tout spongieux et filamenteux ; le bois est à la circonférence, et n’a environ que trois ou quatre pouces d’épaisseur. Cette plante est monocotylédone. Son bois, éminemment incorruptible, est très-compacte, très-dur et d’un tissu extrêmement serré ; dans l’intérieur, il s’engendre et se développe une espèce de ver blanc de deux pouces à doux pouces et demi de longueur, et d’environ deux pouces de circonférence ; sa tête est brune, petite et armée de pinces ; il se fait, avec des filaments, un petit nid cylindrique ouvert par les deux extrémités, où il se loge ; il entre probablement par une de ces extrémités et sort par l’autre, car il ne pourrait pas s’y retourner, tant cette espèce de cylindre creux est étroit. On m’apporta un jour un de ces vers dans son nid ; je voulus le faire sortir en le poussant avec le bout du doigt, je me rappelle qu’il me pinça assez fort ; pour le conserver, je le mis dans une fiole remplie de rhum, il y vécut plus d’une heure. Ce ver, qu’on appelle ver palmiste, est très-recherché des gastronomes insulaires. Pour se le procurer quand l’arbre est abattu, on pratique de distance en distance des trous par le moyen desquels on le prend dans l’intérieur. On en trouve souvent dans le même tronc une grande quantité. Il est probable que l’insecte qui pond l’œuf d’où sort ce ver, l’introduit par une piqûre faite au bourgeon.

La Guadeloupe abonde en excellents légumes. Les meilleures espèces sont : la patate douce, le malanga, le madère, le camanioc, le topinambour du pays, l’igname, cette racine devient souvent très-grosse, j’en ai mesuré une qui avait deux pieds sept pouces de longueur, et dix pouces huit lignes de diamètre dans son plus grand renflement. Cette racine varie dans sa couleur, on en voit de blanches, de jaunes, de violettes ; on trouve l’igname dans les grands bois, mais celle-ci est bien moins recherchée que celle qu’on cultive ; elle a beaucoup d’amertume ; on l’appelle igname marronne. La patte à cheval, c’est une espèce beaucoup plus petite et beaucoup plus délicate. La couche, le toloman, le dictame, ces deux dernières racines ne sont cultivées que depuis peu d’années à la Guadeloupe ; on en extrait, comme de la pomme de terre, une fécule bien vantée pour son goût et ses propriétés médicales ; elle est d’ailleurs très-nourrissante. Le melongène, le petit concombre du pays, le gombeau, le gigiri, le coachi, la crystophine, le mosambé, la feuille de cette dernière plante, pilée avec du vinaigre, acquiert la propriété, de vésicatorier la peau. Diverses espèces de pois, entre lesquelles se fait remarquer le pois d’angole, très-sain et très-délicat ; la plante qui le produit est un arbrisseau. Tous ces légumes croissent dans les champs, plus ou moins loin des habitations.

Dans les potagers, on voit la carotte, le navet, le poireau, la pomme de terre, le chou-pomme, l’asperge, le salsifis, l’artichaut, le céleri, la laitue, la chicorée ; mais toutes ces plantes dégénèrent singulièrement sous ce climat, non omnis fert omnia tellus.