Monnoyer (p. 49-51).

Culture.

Je ne parlerai ici de la culture que sous le rapport de l’étendue des terres cultivées ; je parlerai ailleurs des plantes qui en font l’objet, et je donnerai une idée des établissements destinés à leurs diverses préparations.

Les terres sont mesurées par carrés, et le carré contient, si je ne me trompe, cent toises de côté.

Le tableau suivant peut à cet égard satisfaire la curiosité.

CARRÉS DE TERRE PLANTÉS.
En canne à sucre à la Guadeloupe proprement dite 6,149
à la Grande-Terre 9,888
En cafiers à la Guadeloupe 2,145
à la Grande-Terre 2,576
En coton à la Guadeloupe 368
à la Grande-Terre 2,295
En cacao à la Guadeloupe 51
à la Grande-Terre 9
En vivres à la Guadeloupe 938
à la Grande-Terre 1,298
En manioc à la Guadeloupe 1,536
à la Grande-Terre 2,046
En savanes à la Guadeloupe 5,986
à la Grande-Terre 7,989
Total des terres cultivées 43,274

On compte à la Guadeloupe proprement dite 143 manufactures à sucre et 243 à la Grande-Terre ; dans cette dernière, on ne voit que des moulins à vent ou à bêtes ; dans la première, tous les moulins marchent par l’eau ; mais si l’eau manque à la Grande-Terre, on y a un avantage qu’on n’a pas à la Guadeloupe, c’est que presque partout on peut se servir de la charrue pour labourer la terre, en sorte que toutes choses d’ailleurs égales, il faut à la Grande-Terre beaucoup moins d’esclaves qu’à la Guadeloupe, où l’on est obligé de faire labourer à la houe.

La Guadeloupe a 52 manufactures à café, 63 à coton, 8 à cacao, et 95 à vivres.

La Grande-Terre en a 333 à café, 205 à coton, 8 à cacao, 93 à vivres.

Sur les habitations à vivres, on ne cultive que des légumes, des fruits et des racines de toute espèce ; on y élève des vaches pour en vendre le lait. Quoique les pâturages soient très-abondants, les vaches ne donnent du lait qu’en très-petite quantité, et ce lait ne fournit que très-peu de crème ; aussi ne fait-on pas de beurre ; ce sont ces habitations qui approvisionnent les marchés ; les autres habitants ne font sur leurs terres que les vivres nécessaires pour leur maison.

Tout le monde n’est pas riche ; mais, par un sot et vain orgueil, tout le monde veut le paraître ; et, à la Guadeloupe comme partout ailleurs, tel qui n’a que le nécessaire veut rivaliser de luxe avec tel autre que l’aveugle fortune a comblé de ses dons ; le goût du luxe et d’une brillante toilette tourmente principalement les femmes ; or, pour le satisfaire, voici comment s’y prennent la plupart de celles qui n’ont que bien juste de quoi fournir aux dépenses de leur maison ; dès l’aube du jour, elles envoient sur les chemins une domestique de confiance acheter, des nègres qui descendent des habitations, une certaine quantité de vivres qu’elles ont, par ce moyen, au-dessous du cours ; cette domestique va de là s’établir sur la place du marché, et, en détaillant ces vivres, fait un bénéfice quelconque ; et c’est ce bénéfice qui procure à madame ou à mademoiselle cette ceinture, ce fichu d’un nouveau genre, cette robe d’un goût tout moderne, etc. ; c’est ce bénéfice qui rafraîchit les plumes ou les fleurs de ce beau chapeau de paille fine d’Italie qui orne si gracieusement sa tête et la protège contre les ardeurs d’un soleil des plus ardents, qui ne respecte rien.